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GEORGE MACIUNAS, UNE REVOLUTION FURTIVE

GEORGE MACIUNAS, UNE REVOLUTION FURTIVE
  • Éditeur : LES PRESSES DU REEL
  • Année : 2009
  • Les vocalises à ressorts de Yoko Ono ne doivent pas nous faire oublier que la toute jeune tokyoïte se rêva cantatrice avant que de connaître John Cage qui l’initia en 1958 à la musique expérimentale. Elle était alors l’épouse de Toshi Ichiyanagi, infortuné compositeur d’avant-garde dont le nom scintillait dans le ciel pas uniment obscur de Fluxus.

    En effet, obscur n’est pas le mot qu’il convient de fixer sur un ciel irradié par Marcel Duchamp, l’aveuglant luminaire qui éclaire Fluxus, c’est-à-dire John Cage, c’est-à-dire Nam June Paik, c’est-à-dire Ben Vautier, c’est-à-dire Robert Filliou, c’est-à-dire Yoko Ono. Car Fluxus, c’est Yoko Ono et, jusqu’au 20 septembre, une exposition mahousse, marrante et de surcroît magnanime envers ceux qui ignorent tout de ce mouvement néo-dada survenu en 1952 et qui aurait calanché en 1978 avec la mort de George Maciunas, son militant le plus actif. Une exposition constellée d’objets gaguesques, de phrases explosives, d’images volcaniques et marquée, vous commenciez à vous en douter, par la présence de Yoko Ono. Une présence à la fois modeste et hautaine que résume ceci : une carte trouée au centre afin que l’on puisse voir le ciel.

    D’un coup, je vous sens moqueur. Fluxus serait donc cela. Pas grand chose, arguez vous in petto en émettant un pfuitt. Vous n’avez pas complètement tort. Pour Addi Koepke, « Fluxus peut être n’importe quoi » mais ce n’importe quoi est à prendre au sérieux pour peu que l’humour soit une valeur indémaillable. « La fête est permanente », lit-on ici ; « la vérité est subversive », assène-t-on là. Moquerie réactivée à la suite de Francis Picabia, flèches contre les guerriers (éternellement insubmersibles), Fluxus suspend la domination de l’artefact marchand encadré ou sur socle et propose l’Événement plus connu aujourd’hui sous le nom de Happening.

    Ainsi Yoko Ono et le bagism (spectacle d’un couple empaqueté), Yoko Ono et le Bed-In (avec John Lennon, il y a tout juste quarante ans, au nom de la paix !), Yoko Ono et Cut Piece (elle est révélée dans son absolue nudité à coups de ciseaux, à coups de coupures dans la posture de la femme japonaise totalement soumise). Ainsi découvre-t-on Fluxus en déshabillant Yoko Ono si souvent caricaturée comme la sorcière qui aurait tué les Beatles.

    Écoutons plutôt son dernier album et l’on saisira, à condition de tendre l’oreille du côté de Fluxus (autrement dit John Cage, La Monte Young, Toshi Ichiyanagi) que le son et la lettre torsadent des signes mêlés d’humour et de choses aussi sérieuses que l’inessouflable désir de paix. Ou plutôt laissons-nous surprendre par Between My Head And The Sky (Chimera Music/La Baleine) opus supérieurement majeur de la grande vocaliste dont l’art s’entend dans la fin des Beatles et les débuts de John Lennon. Notons l’évolution électropop signée Keigo Oyamada alias Cornelius (ingénieur genius) et remarquons que le Plastic Ono Band vient de renaître, quatre décennies après sa consécration par Eric Clapton, Keith Moon, Klaus Voorman et Ornette Coleman. Sans doute la plus grande chose réalisée par la fluxusoïde depuis Yoko Ono/Plastic Ono Band (décembre 1970).
    Et puis lisons (le livre se glisse dans la poche et ne sort plus de la tête) la monographie de Bertrand Clavez sur George Maciunas, véritable révélateur de Fluxus, cette nébuleuse indiquant l’art, cette route pour mieux être en attendant le néant.

    GEORGE MACIUNAS, UNE RÉVOLUTION FURTIVE, Bertrand Clavez, Éditions Les Presses du Réel, 191 p., 9 €

    in LE MAGAZINE DES LIVRES n°19, chronique "Lire la musique".

LES PRESSES DU REEL

Publié dans BOOKCROSSING | Lien permanent