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Arthur ne peut pas s’endormir. La Lune attire son regard vers la fenêtre de sa chambre. Au milieu du jardin, un tourne-disque monumental dresse son pavillon vers le ciel. L’étrange objet n’est pas si effrayant. Le garçon s’en approche et découvre la présence d’un petit personnage. Le Sélénite aimable lui raconte son aventure. Son vaisseau est tombé en panne alors qu’il faisait des loopings dans l’espace. Et il a atterri dans le terrain de jeu d’Arthur. Le moyen de le faire repartir est très inattendu. L’engin ne carbure pas à l’essence mais à la musique. Le tourne-disque passe des airs qu’Arthur devra simplement fredonner. Suivent neuf historiettes qui auraient pu sortir des chapeaux de Tim Burton, de Jean Tardieu ou encore d’Edward Lear. Neuf chansons hypnotiques (tout de même, il faut bien retourner se coucher !) tournées par les voix d’Arnaud Le Gouëfflec et d’ooTiSkulf, les guitares de John Trap et les instruments-jouets de Chapi Chapo. Une draperie sonore entremêlant dragons miniatures, dinosaures, monstres en papier mâché et une fille qui court plus vite que les garçons. Le charme opère. Musique de haute envolée et paroles finement jardinées composent ce beau livre (avec CD) illustré par Laurent Richard et destiné aux enfants rêveurs (à partir de 3 ans) pour qu’ils ne s’endorment plus sur des berceuses décérébrantes. Guy Darol
CHANSONS TOMBÉES DE LA LUNE, Arnaud Le Gouëfflec, Chapi Chapo, John Trap, Laurent Richard, Éditions L’Église de la Petite Folie , 36 p., 14 €
A moins que vous ne possédiez les 81 premiers numéros de Rock & Folk, ce livre est un compagnon nécessaire. Philippe Paringaux qui en fut le rédacteur en chef y composa, entre 1968 et 1973, de véritables fresques qui ne devaient rien à la musicologie car elles étaient instruites par une écoute et un regard sensibles. Ses modèles d'écriture, il les avait trouvés dans Jazz Magazine et principalement en lisant Alain Gerber. Il inventera une nouvelle langue pour évoquer Frank Zappa, Miles Davis, le Festival de Bath, les Beatles, Moondog ou encore Otis Redding, celui par lequel il entrera en littérature. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Philippe Paringaux est un lecteur passionné et son bagage considérable devait transporter toutes les fines plumes du XIXème siècle. C'est un constat que l'on fait en suivant le fil de ses phrases qui s'origine dans une bibliothèque. Jacques Colin qui lui succédera dans les années 1980 rappelle la puissante impression qu'avait produit sur lui Rose Poussière de Jean-Jacques Schuhl et Femina Marquez de Valery Larbaud. Ses Bricoles qui ne tenaient guère compte de l'actualité musicale témoignent de son intention : Philippe Paringaux se vivait d'abord comme un écrivain. Rock & Folk était son scriptorium. Guy Darol
Pour célébrer dignement le centenaire de la disparition de Bram Stoker (Clontarf, 8 novembre 1847 - Londres, 21 avril 1912), il faut un hymne bleu, autrement dit saignant. Exact au rendez-vous de ce (faux-) départ, John Zorn a composé une BO. Le plus bel hommage rendu à l'auteur de Dracula (dix ans de cuisine !) dont Murnau fit l'expressionnant Nosferatu. Voici le son de John Zorn sur le sang des morsures du vampire. Après son grand hymne à René Daumal, John Zorn nous fend le coeur avec Nosferatu.
Rob Burger (piano, orgue), Bill Laswell (basse), Kevin Norton (batterie, percussions, vibraphone), John Zorn (compositions, saxophone alto).
Enregistré en juin 2011 à New York (EastSideSound)
Mais oui, amis de la continuité conceptuelle, un rebondissement sur le trampoline Frank Zappa aura lieu le vendredi 8 avril 2011, dès 18h30. Conférence, concert, exposition. Ce sera à Saint-Brieuc à La Citrouille, nouvelle et audacieuse scène costarmoricaine. Certes, il faut être breton ... ou voyageur. Pléonasme, n'est-ce pas ? A très tout de suite, Guy Darol
Soundtrax de Fred Pallem est une collection de vignettes sonores sentimentales. Vignettes qui renvoient au cinéma des amourettes bleu ciel et des rixes sans risque. Quant au son, il est l'écho de mes émois filmiques. Deux toiles me restent en mémoire et le mot mémoire est faiblard. Les Aventuriers de Robert Enrico et Un Singe en hiver de Henri Verneuil. Deux écrans implantés à vie. Pour mieux vivre ? On voudrait le croire. Deux émotions accompagnées car dans ce genre d'affaire l'accompagnement est premier. Un ami, une amie, un cousin, une cousine, un frère, une soeur. Pour ma part, c'était Le père. Notez la majuscule au déterminant. le père était invariable en divertissement. Chaque dimanche se lisait dans France Soir, le journal à l'odeur de fête. Une odeur puissante de départ. Le père y déchiffrait les chevaux gagnant du PMU et le beau film qu'il fallait voir. En ce temps, celui des années 1960, le film avait pour vocation d'être beau, toujours beau.
C'est un temps où Walt Disney est accessoire. Le père ne se soucie guère de mon imaginaire. Il le confectionne selon son gré. Sans se soucier de la portée des images et de l'onde sonore. Nous allons où ses goûts le mènent.
Soundtrax de Fred Pallem est un film pour les oreilles, principalement une Sonate de Vinteuil pavée de madeleines. On y entend François de Roubaix, Michel Magne, Vladimir Cosma mais ce ne sont pas exactement François de Roubaix, Michel Magne, Vladimir Cosma. C'est autre chose puisé dans l'émotion, dans le souvenir. Comme une anamorphose, une transmutation, du transréel.
Car Soundtrax de Fred Pallem transporte. Mais alors ce disque ne parlerait qu'aux vieux cons ? Je n'ai pas dit qu'il était une translation de François de Roubaix, de Michel Magne, de Vladimir Cosma ; une symétrie sonore des salles que je fréquentais : le Dejazet, le Lux-Bastille, le Saint-Paul.Soundtraxest une évocation. C'est la construction transréelle d'un film à naître, une BO dont les images sont dans la tête, une tête d'enfant. Guy Darol
Les temps sont au folk sobre. L'ivresse manque au folk sobre. La chanson française s'épand à la une mais Duchamp n'est pas souvent là. La langue se mouille peu. Il lui manque peut-être l'ivresse que procure l'allure poétique, les sauts et gambades exercés au manège de la littérature.
Arlt est deux (Eloïse Decazes et Sing Sing), voix de poitrine et voix de tête, avec haut contraste. Le clair et l'obscur fusionnant dans une veine qui n'ignore ni Serge Gainsbourg ni Brigitte Fontaine, ni Pascal Comelade ni Josephine Foster, ni Joseph Delteil ni Emily Dickinson.
La Langue serait donc une absence de ni ... ni, une présence de mémoire, un avec ... avec, un album écrit (pas conceptualisé, le vilain mot !) avec le goût des mots et des sons, avec la joie d'unir les possibles de Ghérasim Luca ("le vide vidé de son vide c'est le plein") et de Moondog exhaussant canon et contrepoint comme on transforme la pop en or, le minimalisme en magnum maximum.
Foin du réalisme semainier, Arlt réintroduit le lyrisme et les jeux de langue. Le duo fait sonner les mots et donne aux maux une résonance particulière. La douleur n'est jamais absente. La métaphysique est omniprésente. Arlt ne fait pas dans la description du décor. On descend au fond de l'Etre en accrochant la ficelle des lettres. C'est un jeu. Ce n'est pas un jeu. Dada est là, à la folie, passionnément, beaucoup, un peu, pas du tout.
Il y a du Michaux dans Arlt puisque Arlt est à Roberto ce que Michaux est à la création du monde tel qu'il est mais hélas tel qu'on rechigne à le voir.
On ne rechigne pas à entendre Arlt qui dans La Langue fait rutiler l'or folk, un or mat, à la manière de Simon Finn ou des trouvailles d'Areski-Fontaine-Higelin. Encore que ces comparaisons soient bien peu raisonnables. La Langue est si neuve à nos oreilles, si émouvante lorsqu'elle remue rétrospectivement notre coeur d'enfant.
On dira ce qu'on veut de La Langue. On dira qu'elle s'agite dans la vague folk de la chanson française des temps actuels, on dira qu'elle est belle, qu'elle est belle cette langue que noue La Langue à nos doigts qui veulent claquer, à nos pieds qui veulent frapper le sol tandis que nos coeurs battent des chamades d'aujourd'hui, c'est-à-dire d'autrefois.
On ne dira pas que c'est une petite musique sans importance, une farandole de ritournelles très éphémères. On ne dira pas ça, cette légèreté contristerait ma joyeuse humeur.
Je suis sous le charme des échos, des concaténations, allitérations, loops vocaux ; sous le charme des enchaînements précis comme eau de source et cascatelles, sous le charme de l'unisson des voix et du sobre jeu de guitare, des claquements, des effets de glissando, de pluies de notes qui viennent de loin, de Syd Barrett on dirait parfois, de David Crosby on dirait aussi. Sous le charme d'un récit en onze chansons, un disque comme une sphère, une harmonie de sphères si exactement rondes. Elles roulent continuellement dans ma tête. Elles se choquent dans ma tête quand je dors.
Ne manquez pas cet événement qui aura lieu le 15 novembre chez votre disquaire. Tenez vous prêt - sans doute vaut-il mieux être un peu préparé. La Langue est proposé par Almost Musique, label et agence de promotion indépendante.
Arlt est deux mais en compagnie de Mocke (guitariste de Holden) et de Bertrand Belin.
Batteur dans l'orchestre d'Harry Roy puis bandleader de The Kirchin Band, le britannique admiré de Billy Eckstine et de Sarah Vaughan change de cap au début des années 1960.
Il est le premier à combiner des sons de cordes et de vents avec chants d'oiseaux et bruits de la rue.
Il est le premier à composer des scores pour films imaginaires.
Basil Kirchin (1927-2005) étire une flexueuse pâte sonore qui constitue la base d'inspiration deBrian Eno.
Pionnier de la cinématique et de l'ambient music, Basil Kirchin est à (re)découvrir sans attendre.
Particles,publié grâce à l'opiniâtreté deTrunk Records, est une envoûtante collection de papillons sonores.
Il y a (si) longtemps, je traînais mes guêtres versicolores dans lesdancehalldu Wiltshire. Un soir de juillet 1971, je découvrisUriah Heep(un nom qui m'était familier étant donnéCharles Dickens, sonDavid Copperfieldfut ma première lecture vraiment sérieuse). Le quintet se tenait serré sur la scène étroite. Comme toujours mes yeux allaient au jeu de baguettes mais cette fois, l'attention rippait, fascinée par le meuble sur lequel moulinaitKen Hensley, claviériste aux cheveux singulièrement longs. Le climat allait de pair avec celui deIan Anderson, des radicelles menaient àHawkwind. Le concert terminé, je décidai de m'approcher au plus près de Ken Hensley. La salle s'était vidée. Ses camarades deline-upavaient plié bagage. Je restai seul avec le démonstrateur d'orgue Hammond. Ken me donnait une première leçon. Il se fit très tard. Nous descendîmespedibus cum jambisles hauteurs deSalisburyvers cette roulotte qui était sa demeure éphémère dans un terrain vague. Nous bûmes. Nous conversâmes. Au sujet deMountain, le groupe deLeslie Westet deFelix Papparladidont j'ignorais l'existence. On parlait mais sans pouvoir entendre la moindre note deMountain Climbing !, l'album dont Ken me faisait admirer la pochette. Dans sa roulotte où l'électricité arrivait, il n'y avait pas de tourne-disques. Le lendemain fut rapidement là et je promis à Ken de lui en rapporter un le soir-même.
Ken Hensley
Lorsque le soir tomba, j'étais à l'entrée de la roulotte les bras chargés. J'avais traversé toute la ville muni d'un tourne-disques et de son conséquent haut-parleur. Sans ressentir la moindre fatigue. D'un calme considérable, le très chevelu Ken m'ouvrit sa porte et m'invita à déguster quelques bières dans son décor de Professeur Merveille. Il ne possédait qu'un seul disque. Nous l'écoutâmes toute la nuit. Le lendemain Ken était parti.
En lisant l'ouvrage queChristian Eudelinevient de consacrer auHard Rock, je retrouve (ce qui est bon signe) la trace de Uriah Heep et plusieurs visages sur la photo s'animent. En me regardant dans la glace, aurais-je la surprise de constater que mes cheveux sont les plus longs du monde ? A la vérité, j'avais depuis longtemps oublié ce combo (mais jamais Ken, inoubliable et comme détaché de l'aventure, toujours actuelle, de Uriah Heep) et c'est l'une des raisons qui me poussent à dire tout le bien que je pense du livre de Christian Eudeline. Lequel fait revivre pareillementNazareth, Styx, Boston, Ganafoul(émouvant retour en arrière perso) tout en insistant, évidemment, sur les longues figures du style : The Kinks, MC5, Led Zeppelin, Deep Purple, Alice Cooper, AC/DC, Iron Maiden, Van Halen, Rammstein, Trustet bien d'autres. Précis. Concis. Nourri. Guy Darol
A 91 ans,Irving Fieldsne cesse d'ébahir. Ce fusionniste des musiques juives et latines dès les années 1950 vient de publier, sur le label Tzadik, un sublime recueil nostalgia au titre clair :My Yiddische Mama's Favorites. Pêle-mêle de mambos, de rumbas et de pièces solo, l'album rassemble d'énormes classiques et notammentHava Nagila.
Accompagné du percussionnisteRoberto Rodriguezavec lequel il réalisa l'époustouflantOy Vey...Olé!!!, Irving Fields est ici rejoint parGreg Cohenà la basse.
"You are never alone when you're alone with music",Irving Fields.
Et je ne résiste pas au passage à l'envie de dire (et de redire, après mon article dans le numéro en cours deJazz Magazine)mon émoi au sujet deConfidentiel Klezmer, l'album piano solo deDenis Cuniot, lequel signa naguère la musique d'En remontant la rue Vilin, le film deRobert Bober. Sa proximité avec l'univers deCyrille Fleischmanet particulièrementRendez-vous au métro Saint-Paul(éditions Le Dilettante, 1992), ouvrage qu'il adapta pour la scène, m'évoque celui (assez voisin) d'Henri Raczymowqui vient de publierDix jours "polonais"(éditions Gallimard), récit d'un voyage dans le temps qui précéda l'auteur deReliques, expédition nécessaire pour faire converger toutes les sources.
Bien que revendiquant l’héritage d’Ella Fitzgeraldet deCathy Berberian(répertoireBerio),Lauren Newtonqui fut récemment complice deJoëlle Léandreet l’invitée d’Anthony BraxtonsurComposition 192, le voletGhost Trance Musicdu foisonnant compositeur, me semble ressortir plus exactement à la ligne Dada.Soundsongs, avec 16 pièces chantées à voix nue, en est la preuve formelle. Par ailleurs, cet album fourmillant de glossolalies aurait atteint au cœurAntonin Artaud. Mais ce recueil de performance vocale est surtout une action dadaïste maîtrisée qui rejoint les poèmes phonétiques deRaoul Hausmannou les « chants nègres » deRichard Huelsenbecket deHugo Ball. Jamais les cordes vocales n’ont été à ce point vibrées, tendues jusqu’à la limite et jamais une voix n’a produit autant de cris stridents, de monèmes hachés, de sons expulsés, crachés, slammés. Et jamais une voix si extraordinairement perçante, éclatante comme la charge impétueuse d’une horde déterminée à mort, n’a su si magistralement passé de la plainte à la susurration du plaisir zazen. Enfin, cet album n’est pas qu’un exercice incroyable de plasticité vocale, il est, au-delà de toute virtuosité, le monument qu’il convient de visiter pour évaluer ce qu’est véritablement une chanteuse habitée.Guy Darol