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A 91 ans,Irving Fieldsne cesse d'ébahir. Ce fusionniste des musiques juives et latines dès les années 1950 vient de publier, sur le label Tzadik, un sublime recueil nostalgia au titre clair :My Yiddische Mama's Favorites. Pêle-mêle de mambos, de rumbas et de pièces solo, l'album rassemble d'énormes classiques et notammentHava Nagila.
Accompagné du percussionnisteRoberto Rodriguezavec lequel il réalisa l'époustouflantOy Vey...Olé!!!, Irving Fields est ici rejoint parGreg Cohenà la basse.
"You are never alone when you're alone with music",Irving Fields.
Et je ne résiste pas au passage à l'envie de dire (et de redire, après mon article dans le numéro en cours deJazz Magazine)mon émoi au sujet deConfidentiel Klezmer, l'album piano solo deDenis Cuniot, lequel signa naguère la musique d'En remontant la rue Vilin, le film deRobert Bober. Sa proximité avec l'univers deCyrille Fleischmanet particulièrementRendez-vous au métro Saint-Paul(éditions Le Dilettante, 1992), ouvrage qu'il adapta pour la scène, m'évoque celui (assez voisin) d'Henri Raczymowqui vient de publierDix jours "polonais"(éditions Gallimard), récit d'un voyage dans le temps qui précéda l'auteur deReliques, expédition nécessaire pour faire converger toutes les sources.
DansLes spectacles populaires et les artistes de rues, ce tableau du vieux Paris composé parVictor Fournel(E. Dentu, 1863), défilent Sots et Enfants sans souci, arracheurs de dents et farceurs de la rue, également Turlupin, Bobèche, Galimafré, Bobino, Gringalet, Goguelu, Jean Farine, toutes ces figures pour quelques-unes substantivées.
En nous faisant visiter certains laboratoires de chimie spagyrique où se préparent l'or potable et l'élixir de longue vie,Victor Fourneldécrit au détour d'intéressants instruments.
Les amateurs de lutherie insolite apprendront par exemple qu'un certain sieurRaisin, organiste de Troyes, mit au point, en 1661, "une épinette à trois claviers, dont l'un paraissait répéter tout seul les airs que l'on jouait sur les deux autres."
En 1947, paraissait Portraits de famille, un recueil de souvenirs de Léon-Paul Fargue. Serti de photographies et emmené par l'une des plus belles plumes de la littérature, l'ouvrage rassemble des souvenirs qui animent les figures de Verlaine, Mallarmé, Max Jacob, Valéry Larbaud, Colette, aussi Ricardo Vinès.
Ce livre est dans ma bibliothèque depuis jolie lurette et c'est en préparant un entretien avec Pascal Comelade qu'il me devint soudainement précieux.
Féru de culture catalane, Pascal Comelade a une passion pour Ricardo Vinès, mort le 29 avril 1943.
Voici ce que Léon-Paul Fargue en écrit :
"De 1900 à 1939, c'est-à-dire tout le long de ce demi-siècle qui s'est achevé avant d'avoir la cinquantaine, et particulièrement pendant ce répit d'entre les guerres, où l'on pouvait se consacrer librement à l'art de son choix, la politique n'ayant pas encore fait craquer les coutures, Vinès a fait parler de lui par toutes les bouches du monde, et certainement essayé les meilleurs claviers de l'univers des touches. Il a été, pendant cette époque incomparable, le véritable révélateur de la musique la plus moderne et de celle qui l'avait influencée, de Chabrier à Debussy, de Ravel à Satie, de Poulenc à Mompou, de Borodine et de Balakirew à Albeniz ou à Turina. Il se transportait d'une maison amie dans une autre avec son sourire affectueux, sa moustache, ses doigts mystérieux, sa bonhomie de bonne origine. Nous le feuilletions comme un album et il nous enchantait d'images sonores. Tous mes réservoirs d'émotion frémissent encore de ses passages précis et tendres."
Premier numéro de la collection desCahiers de la Fondation Dubuffet- collection consacrée aux archives de la Fondation, riche en documents inédits - cet ouvrage retrace les "expériences musicales" deJean Dubuffet. Le corps principal de l'ouvrage,Une anthologie en trois temps(175 pages) - trois chapitres abondamment illustrés - est un choix de textes, lettres, documents, présentés par Sophie Duplaix (commissaire de l'exposition présentée parallèlement à la Fondation) permettant de saisir le contexte et les enjeux des créations musicales de Jean Dubuffet. Un disque compact audio est offert avec l'ouvrage - sept enregistrements inédits de Jean Dubuffet - choix commenté par le musicologue allemand, Andreas Wagner, dans le chapitre "Un choix d'inédits". L'ouvrage est complété par un répertoire complet des bandes originales conservées à la Fondation Dubuffet, une discographie, une bibliographie sélective et une courte biographie de l'artiste. Incontournable !
Bien que revendiquant l’héritage d’Ella Fitzgeraldet deCathy Berberian(répertoireBerio),Lauren Newtonqui fut récemment complice deJoëlle Léandreet l’invitée d’Anthony BraxtonsurComposition 192, le voletGhost Trance Musicdu foisonnant compositeur, me semble ressortir plus exactement à la ligne Dada.Soundsongs, avec 16 pièces chantées à voix nue, en est la preuve formelle. Par ailleurs, cet album fourmillant de glossolalies aurait atteint au cœurAntonin Artaud. Mais ce recueil de performance vocale est surtout une action dadaïste maîtrisée qui rejoint les poèmes phonétiques deRaoul Hausmannou les « chants nègres » deRichard Huelsenbecket deHugo Ball. Jamais les cordes vocales n’ont été à ce point vibrées, tendues jusqu’à la limite et jamais une voix n’a produit autant de cris stridents, de monèmes hachés, de sons expulsés, crachés, slammés. Et jamais une voix si extraordinairement perçante, éclatante comme la charge impétueuse d’une horde déterminée à mort, n’a su si magistralement passé de la plainte à la susurration du plaisir zazen. Enfin, cet album n’est pas qu’un exercice incroyable de plasticité vocale, il est, au-delà de toute virtuosité, le monument qu’il convient de visiter pour évaluer ce qu’est véritablement une chanteuse habitée.Guy Darol
Produit par Norman Smith aka Hurricane Smith (que j’ai vu chanter « Don’t Let It Die »,son hit planétaire, dans un club de Salisbuy, UK),The Piper At The Gates Of Dawn(mai 1967) fut le grand œuvre de Syd Barrett, soleil noir des musiques lysergiques. Longtemps, cet album composa un cristal. Car je pouvais, à travers lui, perfectionner des dérives qui ne mènent nulle part.
En dévorant, l’an passé, l’excellente biographie de Tim Willis consacrée au cofondateur le plus authentique de Pink Floyd, je crus qu’il y aurait une suite àOpel, le disque de miscellanées publié en 1988. On pouvait espérer un dernier éclat. La lecture des articles de Nick Kent (Libérationdu mercredi 12 juillet) et de Sylvain Siclier (Le Mondedu jeudi 13 juillet) mettent fin à toute créance. Syd Barrett s’est éclipsé vers d’autres nuées, emportant avec lui le savoir alchimique qui n’opère qu’une fois. Barrett barré, Pink Floyd n’est définitivement plus.
« Lone in the clouds all blue
Lying on an eiderdown, yippee
You can’t see me but can you »
(Flaming)
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Syd Barrett, Le génie perdu de Pink Floyd, Tim Willis. Préface de Michka Assayas. Traduction de l'anglais par Marina Dick et Jean-Michel Espitallier. Le Castor Astral éditeur, 19 euros.
Legs McNeil & Gillian McCain Please Kill Me L’histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs (Allia)
626 pages – 25 €
La diffusion du motpunkest généralement attribuée à Legs McNeil qui participa à l’aventure du magazinePunkcréé en 1975. Toutefois, il faut savoir que l’infamant vocable désignant une sous-merde apparaît en 1948 dansLe Fils du désertde John Ford, devient insistant dansL’Homme au bras d’ord’Otto Preminger (1955) avant de se répandre dans la prose de Frank Zappa surWe’re Only In It For The Money(1967).Please Kill meest le récit palpitant du mouvement punk américain raconté par ses protagonistes. Legs McNeil et Gillian McCain qui fit connaître Patti Smith ont réalisé ce tour de force consistant à assembler en un roman vrai des centaines d’heures d’entretiens. L’histoire débute avec La Monte Young qui assure avoir été le premier à fracasser un instrument. À la fin, nous sommes à Ibiza, sur le bord d’une route où gisent un vélo et le corps boursouflé de Nico. L’un des fils rouges de cette aventure faite de paillettes et de désespérances, de cris, de coups, de drogues et de sexe. Défilent tour à tour, en une procession baroque et émouvante, les personnages qui ont donné vie au Velvet Underground, aux Stooges, aux New York Dolls, aux Heartbreakers de Johnny Thunders, aux Ramones. Bien d’autres encore, méconnus et notoires, formant la trame d’une épopée qui continue de fourbir ses armes.Guy Darol
La 20e édition du Festival des Musiques Innovatrices aura lieu les 11, 12 et 13 juin prochains à Saint-Etienne et Firminy (42).
Notez la présence de FAUST, de KEIJI HAINO, du groupe psyché-folk suédois LISA o PIU, des Australiens THENECKS, du pianiste STEPHAN OLIVA pour un programme consacré aux musiques de BERNARD HERRMANN, d'une performance à treize proposée par le collectif Plusmoins au Site le Corbusier à Firminy, des Canadiens SIMON FINN et ANTOINE BERTHIAUME ...
Renseignements / réservations : ornitoto@free.fr ou par téléphone au 04 77 01 09 31.
Herb Cohen, le manager de Frank Zappa, actif dès le premier album des Mothers Of Invention, co-créateur avec Zappa des labels Straight (Alice Cooper, Captain Beefheart, Lord Buckley, Jeff Simmons, Tim Buckley, GTOs ...) et DiscReet Records (Kathy Dalton, Tim Buckley, Ted Nugent, Growl, Brenda Patterson...) vient de lâcher définitivement l'affaire à l'âge de 77 ans. Il est décédé le mardi 16 mars dans sa propriété de la Napa Valley en Californie. Herb Cohen était né le 30 décembre 1932.
Il avait également travaillé avec Screamin' Jay Hawkins, Lenny Bruce, Theodore Bikel, George Duke et Tom Waits.
N'est pas fée qui veut. Il faut un corps aux racines profondes dans le pays gelé. Il importe d'avoir vu avec les yeux du dedans ce que les sceptiques renvoient à la berlue. Qui se sert aujourd'hui de cette optique interne ? Les voyants font leur marché le samedi. Ils remplissent leurs paniers de pendules, de pyramides et de croix primordiales. Ce petit matériel suffit aux clients de l'avenir en rose. Ainsi équipé, il leur semble que les mediums y voient plus clair. Et pourtant, l'invisible existe. Il est cadastré en Islande et produit d'authentiques miracles, des êtres que l'on peut entendre et toucher. Ceux de Reykjavik le savent. Certains l'ont vu grandir. Quelques-uns (environ 5 000) ont capté la voix menue sur une galette spécialement gravée pour convaincre les incrédules. L'objet portait un mot de cinq lettres, comme un nom elfique, Björk. La petite n'avait que 11 ans mais déjà, elle savait manier le piano et la flûte. Surtout, elle possédait un grain de voix semblable à un cristal. Les chansons des Beatles ou de Stevie Wonder sortaient de sa bouche comme des nuances de prisme. Elle avait, assure-t-on, découvert Stockhausen, Debussy et Mahler à l'âge de 5 ans. On dit aussi qu'elle avait beaucoup écouté Janis Joplin, Eric Clapton, Jimi Hendrix au milieu des volutes de la communauté hippie où sa mère s'était réfugiée.
Dans ce royaume, les frontières sont évanescentes. Celles qui résistent sont durement éprouvées. Björk agite l'oriflamme brut de rock. Sa voix se fait aiguë pour redorer l'art des bruits. Elle intègre Spit and Snot, Exodus, formations de combat punk. Au sein de Tappi Tikarrass, elle fusionne funk et jazz. Son corps de fée indique 16 ans sur l'échelle du Grand Temps. Avant de rejoindre Kukl/Sykurmolarnir/The Sugarcubes, elle cisèle sur son bras gauche un compas de marine, direction pour ne pas se perdre. Cette rune de divination signe son appartenance à l'alphabet des origines. Les runes de l'alphabet nordique ont vertu magique. Les racines indo-européennes du mot signifient mystère ou parler en secret. Björk qui a enregistré « Gling-Gló », en 1990, album nourri de be-bop et chanté dans sa langue maternelle a désormais une voix. Tessiture susceptible de pulvériser l'homogénéité du cristal. Le timbre se souvient d'Ella Fitzgerald et de Nana Mouskouri que sa grand-mère lui fit connaître. Mais autre chose domine, à la ressemblance du murmure étouffant le cri, comme un hurlement voilé. À l'exemple de ses homologues islandais du groupe Sigur Rós, elle puise dans la tradition des rímur, ces ballades chantées à voix croisées dont la tradition remonte aux Eddas et à la poésie scaldique.
Rímur, Stockhausen, Mahler (surtout les Kindertotenlieder), Ella, Janis, voilà ce qui parle en secret dans le chaudron de sa voix elfique. Savant pêle-mêle où sans cesse se combinent profane et sacré. Fusion qui nie la décrépitude des symboles, le principe aristotélicien de non-contradiction. Björk est ailleurs, et son territoire aux contours superbement flous nous est livré dès « Debut » (1993), album qui transforme son art en satori. Nouvel éclat avec « Post » (1995) enregistré avec Graham Massay de 808 State et produit par Howie B., l'alchimiste électro qui a associé son nom à Massive Attack, Soul II Soul et U2. Cette publication que l'on aurait pu qualifier d'anthume précède le chaos. En 1996, Björk marave une journaliste sur l'aéroport de Bangkok avant d'être visée, dans sa thébaïde londonienne, par un colis piégé à l'acide sulfurique. L'expéditeur, un fan dangereusement énamouré, se donnera la mort en écoutant I Miss You, neuvième titre de « Post ». Femme fée devenue mère et idole, elle émigre en Espagne pour se mettre à l'abri. C'est là qu'elle donne naissance à l'épisode le plus tranchant de sa discographie. « Homogenic » qui synthétise, selon elle, l'alliance du rythme et de la voix, est l'œuvre de la reconstruction. L'édifice parfait semble jaillir de toutes les sources bues. Immense geyser bouillonnant d'inventivité, l'album révèle des inflexions apaisées, un ton introspectif. L'opus lyrique qui se situe sur une ligne trip-hop (avec des accents de techno hardcore) est habillé de cordes et de cuivres somptueux. Produit par Björk, Mark Bell (LFO), Guy Sigsworth et Howie B., il marque probablement une rupture (désillusion ?) ou un nouveau pas au-delà de l'ailleurs. Tel que « Medúlla » (2004) nous l'indique, dernière conspiration de l'invisible, géniale conjugaison des flux de Mike Patton, Rahzel et Robert Wyatt. Guy Darol