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JULIEN BLANC ❘ LA TRILOGIE

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C’est avec l’énergie du passeur que Louis Nucera me fit connaître Julien Blanc (1908-1951) au milieu des années 1980. André Hardellet que nous venions d’évoquer longuement et ce rapport ténu que l’auteur du Seuil du jardin entretenait avec l’enfance ne pouvait que me rendre sensible à la découverte de Confusion des peines, premier volet de la trilogie Seule la vie… En 1979, Louis Nucera avait réédité l’ouvrage chez Jean-Claude Lattès sans obtenir l’effet de secousse qu’il attendait. Pour lui, ce livre était un chef-d’œuvre méconnu et Julien Blanc l’exemple même d’une vie en partie sauvée par le miracle de l’écriture.

La première édition de Confusion des peines date de 1943. Ce récit d’une enfance meurtrie venait après la publication de trois livres dont le dernier portait un titre suggestif : Mort-né.

Je lus immédiatement l’ouvrage que m’avait offert Louis Nucera et compris le sens du potlatch. Tout lecteur de Julien Blanc devenait instantanément un porte-voix. Il fallait que le livre circule. Il était capital d’amplifier le nom de son auteur comme cela était en train de se faire autour d’Emmanuel Bove, de Raymond Guérin et de Georges Hyvernaud. La tâche semblait plus rude. De bouche insistante à oreille réfractaire, Confusion des peines reparut en 1997 aux éditions Autrement. Puis un long silence s’ensuivit, rompu par le courage de Finitude qui vient d’entreprendre, sans état d’âme commercial, de rendre disponible la trilogie de Julien Blanc.

La vie de Julien Blanc ne se superpose pas à celle d’André Hardellet dont l’enfance fut un rubis dans lequel se miroitait le bonheur sans failles. Confusion des peines faisait écho à mon histoire personnelle, celle d’un petit garçon placé en pension, chez les Sœurs des écoles chrétiennes, dès l’âge de quatre ans. Cette genèse d’une existence brûlée me renvoyait à la lecture, étrangement rassurante, de Stig Dagerman et de Charles Dickens. L’éprouvant récit rejoignait ma révolte que peu de baumes peuvent surmonter. L’enfance de Julien Blanc détermine une rébellion constante, un état de l’être qui refuse l’encagement. Elle trace une voie libertaire, cette direction qui fait s’épanouir l’homme dans l’insoumission permanente.

Seule la vie… est une œuvre inachevée. Il manque deux volumes à l’autobiographie, deux livres que Julien Blanc n’a pu composer. Il meurt en 1951, à l’âge de 43 ans, épuisé par tant de souffrances que l’écriture, encouragée par Jean Paulhan, n’était pas de taille à soulager. Bien au contraire, assurément, si l’on en juge par la travail mené comme un charroi de douleurs. Il fallait que les blessures fussent toujours ouvertes. Révéler le trajet des plaies ne suffisant pas, Julien Blanc s’attacha durant une décennie à construire un style, celui de l’épreuve sans plaintes.

Pas un gémissement, aucune tentative d’attraper le lecteur par le coin de la compassion, rien qui ne cède au calcul d’épanchement. Confusion des peines est un récit de survie offert au lecteur avec une rare élégance. Voici l’histoire d’un homme qui n’a jamais connu son père. Sa mère d’une santé fragile décède. Il a six ans. Voici un enfant recueilli par une marraine bondieusarde qui tout de même l’abandonne dans un orphelinat. Voici un orphelin confronté à de nouvelles règles : l’humiliation, les coups, l’injustice. Voici un enfant jeté de tuteurs en familles d’accueil plus ou moins bienveillantes. Voici la prison. Voici l’errance et le désir de vie chevillé au corps malgré de faibles lueurs d’amour. Voici un livre de grand secours venu de l’enfer et un écrivain à la langue majestueuse. Une œuvre-vie dirait-on de nos jours. L’écriture face aux bourreaux. Le don dans toutes ses acceptions. Guy Darol

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BIBLIOGRAPHIE

Toxique. Pierre Tisné, 1939.
L'Admission. Albin Michel, 1941.
Mort-né. Albin Michel, 1941.

Seule la vie... :
I. Confusion des peines. Gallimard, 1943 ; Finitude, 2011.
II. Joyeux, fais ton fourbi... Le Pré-aux-Clercs, 1947 ; Finitude, 2012.
III. Le Temps des hommes. Le Pré-aux-Clercs, 1948 ; à paraître aux éditions Finitude.

La Berceuse irlandaise. Mithra, 1951.



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