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STANISLAS RODANSKI OU LE DEFI DE PERDRE

41814_138044782888664_7666_n.jpgFaiblement remarqué depuis la publication, en 1975, de La Victoire à l’ombre des ailes avec préface de Julien Gracq et couverture illustrée par Jacques Monory, le nom de Stanislas Rodanski (1927-1981) persiste néanmoins comme un fanal inextinguible, comme le signe qu’une certaine idée de la littérature ne veut abdiquer, celle qui voit dans le geste d’écrire une recherche doublée d’un risque.

Stanislas Rodanski connut la déportation en Allemagne puis l’isolement dans les  services spéciaux de la psychiatrie. Il passa de l’horreur à l’erreur et fut sans cesse épouvanté jusqu’à s’échapper dans le silence qui est l’ultime secours des rêveurs d’Absolu. Écrivain indifférent, il se moque de « la singerie littéraire » autant que de la parution de ses propres écrits. Et cependant, ceux-ci continuent d’affluer vers nous. Après les justement nommés Écrits (Christian Bourgois éditeur, 1999), voici Requiem for me, ensemble de textes annoncés et véritablement attendus par ceux qui se tiennent de préférence à la frontière des deux mondes.

Lire Rodanski n’est pas une évasion simplifiée, l’échappée belle qui fait l’allégement de la vie quotidienne, une parenthèse radieuse, un divertissement. C’est suivre le fil d’une pensée qui se régénère dans les mythes, qui consent au « régime des coïncidences » et à l’exactitude des songes. C’est pousser la porte qui s’ouvre sur l’Ailleurs, univers du temps suspendu, pays de l’éternelle jeunesse. Et c’est, plus vertigineusement, prendre le pari que Shangri-la existe, Cité de l’immortalité ainsi que nous la montre Frank Capra dans Lost Horizon, son film de 1937 d’après un roman de James Hilton.

Ainsi que l’a indiqué Sarane Alexandrian, Rodanski est dans la lignée de ceux qui ont pratiqué « l’écriture des abîmes ». Il faut, pour le mieux saisir, avoir lu Antonin Artaud et Lautréamont, Gérard de Nerval et Roger Gilbert-Lecomte, Luc Dietrich et Jacques Vaché. Il est utile de connaître la Vita Merlini et le cycle arthurien. Il vaut mieux s’être frotté un peu avec la vie de Lancelot ou celle de Morgane et tâter de la noire Mélusine, de l’inquiétante Lilith, de la dévoratrice Circé. Souvent Rodanski, autoproclamé « romancero d’espionnage », quête en ces contrées où l’on va sans revenir puisque en revenir c’est mourir. Il a donné aux mythes la valeur du vrai.

Il s’est dépouillé du seul nom que l’on accroche au nouveau-né et s’est déguisé en un Arlequin polysémique. Il est successivement et simultanément Arnold, Nemo, Astu, Tristan, Lancelo, autrement dit une multitude pour un même corps aussi immobile que possible. Et c’est ce qui adviendra dans les faits. En décembre 1953, âgé de 27 ans, Rodanski est interné à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu de Lyon d’où il ne sortira que 27 ans plus tard, libéré en quelque manière, mort si tant est que la mort existe dans le camp des rêveurs.

Rodanski n’a probablement jamais rien écrit qui ne soit autobiographique – l’autobiographie qui admet désirs et réalités, faits et fées. Ainsi Requiem for me, rédigé en 1952, nous renseigne sur certains épisodes de sa vie libre, celui où il roule au volant d’une voiture volée, celui où il s’engage dans un commando de parachutistes, cet autre où il prend le train pour Megève. Chaque épisode est un élan vers l’Ailleurs. En se rendant à Megève, il postule pour le Val sans Retour, domaine de Morgane, celui qui vous fait infidèle mais surtout chevalier. Dans le val périlleux de la forêt de Brocéliande, la maîtresse des enchantements retient les compagnons d’Artus. Seul Lancelot échappe à l’emprise de la Reine des Illusions.

Rodanski, Glucksman pour l’état civil, se dit Lancelot, guerrier indestructible, champion de l’intangible. Megève alias Bidonville nous est décrit comme un décor plus qu’une réalité. Megève est le lieu où les apparences sont jouées.

Être « un raté de l’aventure » fut la vraie vocation de Rodanski – avec Claude Tarnaud, il avait envisagé de fonder « le très select club des Ratés de l’Aventure ». Il n’avait d’autre but au fond que l’échec : « Je me pose un défi : perdre. – C’est ce qui me rend séduisant. » Cette opiniâtreté nous le rend aussi attachant qu’un Emmanuel Bove étranger au surréalisme. Car Rodanski fut surréaliste et comme tel excommunié pour « travail fractionnel ». Avec Victor Brauner, Claude Tarnaud, Sarane Alexandrian, Alain Jouffroy, Jacques Herold il avait créé la revue NEON ( N’Être Rien, Être tout, Ouvrir l’Être, Néant) devenant ainsi Chevalier du On, Lancelot d’une littérature où les mirages et les reflets valent un Royaume. Guy Darol

REQUIEM FOR ME, Stanislas Rodanski, Éditions des Cendres, 141 p., 18 €


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NOTEZ-BIEN : L'Association Stanislas Rodanski organise de multiples manifestations autour de Stanislas Rodanski à partir du 24 avril prochain. C'est à Lyon, à la Bibliothèque municipale.

Parallèlement, Fage éditions propose, sous le titre Stanislas Rodanski, éclats d’une vie, une anthologie biographique réalisée par les organisateurs de l’exposition et assortie de documents iconographiques exhumés pour la toute première fois.


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