Passé du rap à l'électro, Gonzales est finalement revenu à ses enseignements premiers : la musique sérieuse ou presque. Coaché par un frère aîné exigeant, le Montréalais apprend dès l'âge de cinq ans les contraintes et libertés du piano droit.
Après avoir laissé son empreinte tendance Groucho Marx/Speedy Gonzalès, arriba, arriba! sur le hip-hop, l'hurluberluesque canadien témoigne que l'on peut jouer de l'instrument et s'en amuser vraiment. L'album Piano Solo et le DVD From Major To Minor sont des démonstrations irréversibles de puissance joviale. Pianiste et producteur, Gonzales est sollicité par Daft Punk, Dani, Feist et Jane Birkin. Il signe des remix et des arrangements pour Björk et Placebo. Dès lors, il dispense des cours de musique iconoclaste avec Katerine et Jamie Liddell, organisant des masterclass dont le but est de faire percevoir la musique comme un jeu. Gonzales veut mettre un point final au piano obligatoire dès le plus jeune âge. Etrange, car ses concerts facétieusement pédagogiques sont des invitations à l'envie de vibrer en musique dès le foetus. Dans son sillage étourdissant, on devine des présences comme celles de Tex Avery, de Frank Zappa et de Spike Jones.
En concert au Carré Magique de Lannion
Le mardi 15 mai 2007 à 21h
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Carré Magique
Place des Ursulines
22300 Lannion
Tel : 02 96 37 19 20
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L'agitateur s'entretient avec Gonzales
Publication dans MUZIQ n°7
Votre personnage a beaucoup évolué. Après le jogging, l’habit colonial et le costume rose, vous chaussez des pantoufles et vous faites porter à votre public la blouse blanche de laboratoire. La musique est-elle une discipline scientifique ?
Depuis que je réalise des disques pour les autres, je vis moins dans une bulle d’artiste car je travaille à faciliter des buts. En ce sens, je vois que la musique est une affaire vraiment scientifique.
L’humour est chez vous une constante mais lorsque vous dites que « la musique mérite de mourir », faute de sérieux justement, n’êtes-vous pas sérieux ?
Tous les êtres humains que je connais ont au moins deux facettes : l’humour et le sérieux. Et les deux coexistent. L’humour est un mécanisme pour se protéger du sérieux et le sérieux un mécanisme pour se protéger de l’humour.
Vous venez du rap et de l’électro et vous voici à présent en train de jouer un répertoire néo-classique que l’on compare tantôt à Satie tantôt à Keith Jarrett. Seriez-vous un caméléon ?
Il paraît que je viens du rap et de électro mais au départ je suis un pianiste plutôt straight. Jusqu’à ce que j’arrive en Europe à l’âge de 27 ans, je n’avais ni rappé ni utilisé une boîte à rythmes. Avec « Solo Piano », on peut dire que je suis revenu à mes fondations. Globalement, le rap/électro, c’est comme un détour touristique. Mais c’est un détour qui n’a rien de négatif car cela m’a permis de constater que la musique n’est pas une aristocratie. Ce que je croyais, lorsque je vivais au Canada. Je pensais alors que la musique se suffit à elle-même. L’expérience du costume rose m’a libéré de ce point de vue cynique et aigri.
Vos qualités d’arrangeur sont des plus recherchées : Dani, Feist et plus récemment Jane Birkin. Quels autres noms à votre emploi du temps ?
J’ai bossé avec Adamo, Charles Azanavour qui m’a viré au dernier moment. J’ai réalisé « Robots Après Tout », le dernier album de Katerine et fait plein de remix et de re-arrangements pour Daft Punk, Björk et Placebo
« Piano Solo » est sorti en 2004. La suite ?
La suite c’est « From Major To Minor », un masterclass qui explique comment il est possible de s’amuser au piano, comment combiner la maîtrise de la musique et le jeu. C’est vraiment le message de ce DVD et c’est l’univers visuel de « Solo Piano ».
En concert, vous êtes un adepte de l’audience participation ?
Ca dépend des concerts. Parfois je sens que je peux faire monter le public sur scène. D’autres fois, je crois qu’il est préférable d’offrir un récital traditionnel. De toute façon, je fais toujours chanter le public. Car je fais des concerts uniquement pour l’audience. Sinon, on reste chez soi, non ?
Si je vous dis Carl Stalling, Spike Jones, Frank Zappa, que répondez-vous ?
Raymond Scott
Avec votre succès grandissant, vous considérez-vous toujours comme le Président de l’Underground ?
Je me suis présenté pour être le Président de l’Underground mais je n’ai jamais réussi. L’underground, ce sont des gens qui ne veulent pas diriger et ils se mentent. Ils se disent qu’on est tous égaux. En réalité, je les connais bien. Il y a des gens très jaloux et très ambitieux parmi eux. Moi, ce que je voulais dire c’est que dans le grouping humain, il y a des leaders et des followers mais les gens de l’Underground ne veulent pas le croire alors je suis parti de l’Underground et j’en suis venu au mainstream. Et là, au moins, les leaders assument d’être des leaders.
© Muziq
DVD « From Major To Minor » (No Format – Universal Jazz/Universal)
CONCERT Le 15 mai 2007 au Carré Magique (Lannion).