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ANNIE LE BRUN ❘ L'ENERGIE DU DESESPOIR


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Depuis plusieurs décennies, la poésie partage en clans adverses ceux qui s’en préoccupent. On est résolument pour ou farouchement contre. L’amour et la haine sont les sentiments qu’elle suscite comme s’il n’y avait pas de sortie au mot de Pierre Reverdy : « cette émotion appelée poésie ». Le combat livré en sous-sol, hors de vue et d’oreilles, ne paraît plus concerner grand monde puisque la plupart des lecteurs ne vont plus à elle. La poésie ne se vend pas. Pire, elle ne se vole plus. Une rumeur court sur son décompte : c’est imbittable, ça prend le chou. Et voici justement le débat relancé, pamphlet au poing. Annie Le Brun qui connaît les vertus hygiéniques du libelle jette le problème comme un cri : « Signes de ce temps, la haine de l’utopie et la haine de la poésie se retrouvent dans la même compulsion à vénérer dans chaque instant le temps de la mort, c’est-à-dire à nous empêcher de prendre dans le temps qui s’en va le temps qu’il nous faut. » Autrement dit, poésie égale subversion. D’où l’assimilation du surréalisme au marché et sa dessication dare-dare. Trop désinvolte dès lors qu’elle se prétend « le sillon du vrai » (Saint-Pol-Roux), la poésie menace en effet le monde dans son ordre établi. Annie Le Brun lui prête de redoutables qualités. « Principe de trouble », elle génère le rapprochement de « réalités distantes » (Pierre Reverdy), elle est « peut-être la seule force humaine à se mesurer à la mort ».


On comprend mieux l’intérêt des puissances d’argent à vouloir maîtriser cette débordante énergie, toute tendue vers la vie, soit contre le négatif sur quoi est basée la dominante idéologie du molleton. Gare aux « éléments de désordres » (Gaston Leroux), les « ruffians du commerce » (John Cowper Powys) entendent faire tourner la machine. Il faut que le pognon circule, que les camelots trafiquent en paix. Dans ce but, les médias cracheurs de crapauds et de laves se chargent de la peur, pour garder les frileux au chaud, loin des tentations brindezingues de la créativité qui rase les tables.


Annie Le Brun balaie quelques impostures, celles qui justifient la rareté ou l’inanité poétique. Elle invective ceux qui jurent par le style et le talent, arguments des professionnels de la plume qui avertissent de cette manière l’amateur foulant leurs brisées. Pour elle, l’art s’oppose au business et le véritable artiste ne peut faire valoir ni grade ni titre sinon celui de « rêveur définitif ». enfin, elle ne manque pas de viser les mauvais fusils qui, comme Kundera, confondent poésie avec « une dérisoire volonté de beau fixe » ou, la déclarant cache-horreur, exaltent « la subversion lyrique », seule capable d’un réel sursaut de l’esprit.


Aujourd’hui que « le temps semble sombrer dans l’immédiateté », il est du ressort de la poésie de nous ouvrir à l’impossible. Urgence selon Annie Le Brun qui tempête fort contre « la culture réduite à l’état de chiffon qui sert à éponger les incontinentes manifestations de la plus indigente esthétique du quotidien. » Dommage qu’elle tienne, et fermement, la barre du surréalisme à quoi elle est restée accrochée comme aux basques d’un good old daddy. Coincée dans l’âge d’or, ses semonces font parfois violon. Arthur Rimbaud l’avait bien dit :  « La poésie sera en avant. » Comment peut-on évaluer, en effet, les possibilités de nouveauté contenues dans ce présent apparemment atone quand la poésie se camoufle, quand elle s’embusque dans le maquis ? Guy Darol

Appel d’air

Annie Le Brun

Plon, 165 pages

Septembre 1988

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Article publié dans Quoi Lire # 7, février 1989


Oeuvres d'Annie Le Brun

Sur le champ, Éditions surréalistes, 1967

Les Pâles et fiévreux après-midi des villes, Éditions Maintenant, 1972

Tout près, les nomades, Editions Maintenant, 1972

La Traversée des Alpes, Éditions Maintenant, 1972

Les Écureuils de l’orage, Éditions Maintenant, 1974

Annulaire de lune, Éditions Maintenant, 1977

Lâchez tout t;>, Le Sagittaire, 1977

Les Châteaux de la subversion, Jean-Jacques Pauvert aux Éditions Garnier Frères, 1982, et Gallimard, Folio essais, 1986

A distance, Jean-Jacques Pauvert aux éditions Carrère, 1984

Soudain un bloc d’abîme, Sade, Jean-Jacques Pauvert chez Pauvert, 1985 et Gallimard, Folio essais, 1993

Appel d’air, Plon , 1988

Sade, aller et détours, Plon, 1989

Vagit-prop, Lâchez tout et autres textes, Ramsay/Jean-Jacques Pauvert, 1990

Qui Vive (considérations actuelles sur l’inactualité du surréalisme), Ramsay/Jean-Jacques Pauvert, 1991

Perspective dépravée, La lettre Volée, 1991

Les Assassins et leurs miroirs (réflexion à propos de la catastrophe yougoslave), Jean Jacques Pauvert au Terrain Vague, 1993

Pour Aimé Césaire, Jean-Michel Place, 1994

De L'inanité de la littérature, Jean-Jacques Pauvert aux Belles Lettres, 1994

Vingt Mille lieues sous les mots, Raymond Roussel, Jean-Jacques Pauvert chez Pauvert, 1994

Statue Cou Coupé, Jean-Michel Place, 1996

De l’éperdu, Stock, 2000

Du Trop de réalité, Stock, 2000, Gallimard, Folio essais, 2004

Pour ne pas en finir avec la représentation, Stelec, 2003

Ombre Pour Ombre, Gallimard, 2004



 

Commentaires

  • en survol, comme d'hab, excsuser les contre sens, ou bien mâcher les, , un ressort n'a conscience de son explosion, de sa "ressortabilité", à moisse que sa penssée soit un axe situé au milieu du ressort, mais alors me direz vous comment penser sans toucher, car chaque impacte d'idée romprait la sphéralité parfaite du ressort spirale,
    guy, un peu saoul, votre nouvelle typo m'empêche, diminué donc à la vitesse entre 11 et 9 si vou_s collé
    à part tout ça c'est un plaisir de reviendre
    une fierté, je doit le dire , d'être lié par chez vous
    public image limited
    cheval blanc est un conquistador
    catastrophe est sancho pancha

  • Sans flagornerie, non, non, c'est un honneur de lire les news du conquistador.

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