« Je suis né à La Haye en 1952. Aux Pays-Bas. Pays du nord de la Belgique. Papa est interprète auprés de l'OTAN. Maman est fille d'ouvrier, d'un des premiers ouvriers de Monsieur Fritz Philips. Sa profession : épouse, mère de famille. Quatre enfants. Dont je suis le dernier. Le plus petit mais la plus grosse gueule, disait maman. Elle ne dit pas si je gueulais par misère ou par colère. » Ainsi se présente Benedictus Albertus Annegarn dans un texte qu'il lit et peut-être vocifère, sous l'Olympia, en mai 1978. « Le rock-industrie et moi » est un résumé de vie et une pierre jetée contre la machine à fabriquer des étoiles mortelles. Après quatre albums (dont le définitif « Sacré Géranium ») chaudement accueillis, Dick Annegarn décide de « quitter la compétition ». Mais avant de changer de route et de rejoindre les chemins de halage qui ne mènent que là où on veut aller, le chanteur poignant prévient : « J'exècre ce marché d'images et de simulations. Je crains que ce soit un marché d'avenir. Ayant vécu ces mécanismes, je les dénoncerai tant que je pourrai. »
Après « Citoyen » (1981), Dick Annegarn se retrouve sans producteur, méprisé par un système qui ne supporte pas la vérité crachée en face. Il réalise « Frères ? » et se ruine. Finis les éclairages spectaculaires, la gloire zoomée par Denise Glaser dans son Discorama de 1974. Le chanteur droit comme le i de l'insurrection (1, 90 m) achète deux péniches et ouvre un café-épicerie. « Je l'ai aménagé avec des loulous. Je ne voulais ni subvention ni alcool et aucun artiste à bord. J'y ai créé une association de journalisme amateur, la Petite Niche. L'Abeille (Association A But Essentiellement Instructif et Ludique) fut une tentative pour pratiquer des Radioscopies (selon le mot de Jacques Chancel) de gens de la rue. Certains textes figurant sur « Chansons Fleuves » ont été écrits avec des habitants de Noisy-le-Grand, là où étaient amarrés Le Gueux et La Gueuse. Saule Pleureur fut écrit avec mon copain Raymond, Gilgamesh avec mes amis arabes. L'histoire de ce café fluvial est illustrée par une chanson (La Limonade sur « Adieu Verdure », 1999) : « La limonade coule à flot dans mon auberge au bord de l'eau ». La précarité du projet a fait que ça a mal fini. J'ai vendu les péniches après l'insuccès de « Chansons Fleuves » et puis aussi pour payer « Frères ? ». Richard Galliano est gentil mais le manteau de fourrure de sa femme me coûte cher. »
Entre 1985 et 1990, Dick Annegarn enregistre trois albums passés inaperçus bien que sertis de perles (« Frères ? », « Ullegarra », « Chansons Fleuves ») et dans lesquels vibrent l'écho de Bob Dylan et de Jacques Brel, de John Coltrane et de Miles Davis. Les musiciens se nomment Jean Avocat et Richard Galliano, Philippe Slominski et Dominique Pifarely. Guy Darol
Les Années Nocturnes
Tôt Ou Tard/Warner
Commentaires
Il y a trop longtemps que je ne suis venu faire un tour sur votre blog. J'y découvre de vrais trésors (Annegarn, Michel Magne, Porte des Lilas, Fr. de Roubaix). Bravo !