Il ne fait pas grand-chose pour s’exposer à tous les regards sinon faire acte de présence dans une galerie d’art à Vesoul. Il refuse de se hisser au sommet de l’échelle qu’on lui tend. Nous aurions pu lire son portrait en quatrième du quotidien Libération ou découvrir chaque minute de sa vie dans les pages du Matricule des Anges. Il paraît que la télévision a beaucoup insisté pour qu’il s’anime dans le cadre.
André Blanchard s’est toujours esquivé mais de certaine louange il n’a pu se sauver comme de l’hommage génufléchi que lui adressa Frédéric Beigbeder et qui orne le rabat d’Entre chien et loup, réédition de ses premiers Carnets publiés en 1989.
Heureusement, nous apprenons que Jacques Brenner (un vrai poids lourd des Lettres) signala en son Journal que ces Carnets sont un acte de «littérature à part ».
Et voilà, je suis passé à côté d’André Blanchard comme d’une main qui aide à sauter les remous. En le découvrant aujourd’hui, j’augmente cependant mon trésor de joies. Car cet écrivain qui observe le monde en recourant à la littérature est l’auteur de sept volumes. Ouf ! Il m’en reste cinq à déguster (à tous les sens du verbe) et cette attente est mon régal.
Je crains que malgré ses précautions contre le succès, la digestion de ses écrits par les machines du spectacle, je crains qu’André Blanchard ne soit déjà trendy. Quelque intuition me dit qu’en lisant ce billet, certains parmi mes pointus visiteurs, vont étouffer un vilain ricanement. Quoi, Guy Darol a survécu depuis 1989 sans connaître le carnettiste Blanchard ! J’entends venir cela comme le ras-de-marée mode qui s’annonce. Ils vont tous s’y mettre et le galeriste érémitique ne pourra nibe face à ce tsunami d’admiration.
D’aucuns vont y voir un phénomène à la taille de Julien Gracq, Maurice Blanchot. Et comme l’insulte qui manque au temps, celle qu’incarna par exemple Guy Debord.
Je crains qu’André Blanchard, 56 ans, soit contraint à prendre le maquis, loin de Vesoul. D’avoir sous-estimé l’opiniâtreté des moyens, la puissance de feu de l’ennemi. Le spectacle (ou, si vous voulez, la société technomédiatique) n’apprécie guère qu’on se refuse à son plaisir.
Combien de temps parviendra-t-il à se faire oublier ?
Je recommande aux entêtés de le lire (serait-ce un chouïa) avant de s’y piquer. André Blanchard, nombreux l’ont désigné successeur de Léautaud, n’est pas un tendre. Au ton qu’il adopte, son refus de rigoler dans l’arène pourrait anticiper une séance de cous tordus. Il possède une excellente énergie de démolition (certains ont cru voir renaître Léon Bloy) susceptible de terroriser y compris les morts.
Pas la mort, cette fin au cœur de chaque jour, sujet sur lequel il réfléchit beaucoup sans nous infliger de prothèses. Car il faut bien dire que ses empoignades avec le concret, le dur, la réalité sans chichis, font de lui l’écrivain dont la littérature a le plus grand besoin. Guy Darol
Entre chien et loup, Carnets, avril-septembre 1987, Le Dilettante, janvier 2007
121 pages, 14 €
Contrebande, Carnets 2003-2005, Le Dilettante, janvier 2007
317 pages, 20 €
En librairie le 2 février 2007
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"Chaque achat de livres, c'est un bail de quelques jours que je signe avec l'amour de la vie", André Blanchard.
Commentaires
Enfin !
Bravo !
Blanchard a une sacré exigence question littérature. Ca fait du bien , quelqu'un ainsi, qui ne lâche pas !
A propos de Blanchard. Je découvre ce personnage dans la revue "le matricule des anges". Sa discrétion plaide pour son sérieux. Et ses aphorismes sont délicieux à souhait. Si quelqu'un connait un lien où le contacter, je serais ravi de le connaitre, afin de lui écrire directement.