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EVERYTHING IS POLITICAL ❘ 6. JEAN-PIERRE FAYE

 

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Au cinéma, c’est Dirk Bogarde. En première page de Commencement d’une figure en mouvement *, le livre de conversation avec Philippe Boyer, un cliché noir et blanc prétend représenter Jean-Pierre Faye mais nous croyons voir le Portier de nuit de Liliana Cavani. Cette ressemblance ne nous quitte jamais. C’est pourquoi il m’est si difficile de lui parler sans bredouiller. Je ne dis rien, au téléphone, qui n’ait été préalablement rédigé. Toutes les fois que nous nous voyons, j’assiste à une sortie d’écran, je confronte le héros des films de Visconti ou de Resnais. Difficile d’être toujours concentré.

C’est le plus souvent au café La Palette (43 rue de Seine) que nos discussions s’élancent. C’est là que nous écoutons l’instigateur, avec Jacques Roubaud, du Mouvement du change des formes, regroupement de pratiques transversales ouvert à nos dérives. Le collectif Change ne s’occupe pas seulement de mettre la langue à la renverse, il occupe simultanément le terrain des luttes anti-impérialistes. Solidarité avec les immigrés livrés à l’arbitraire policier. Solidarité avec le peuple chilien frappé au sang. Solidarité avec le pouvoir noir contre la Pig Nation.

Le collectif Change propage les récits de tortures, dénonce les guerres coloniales américaines en publiant Bains de sang ** de Noam Chomsky – ouvrage censuré aux Etats-Unis – ou encore Melencolia *** de Jean-Claude Montel. Le livre renvoie à la guerre du Vietnam, aux vingt-cinq millions de trous emplis d’acier issus des raids aériens afin de bien faire comprendre ce qu’est le monde libre.

L’insoumission aux idéologies et aux codifications qu’incarne Jean-Pierre Faye est lisible dans le choix de Chomsky, fondateur de la linguistique transformationnelle et militant de cette autre Amérique qui sans cesse dénonce le recours à la force. "Briser le ronronnement de la métrique héréditaire" tout en réfléchissant les "effets de langue sur le monde", cette voie semble mener plus loin que l’écriture poussée au néant.

Dans les années 1970, les marchandises narratives sont bousculées par la narration agissante. Change rend possible les coulées de langue qui bloquent le marché. La sédition est alors à son comble qui ne sépare pas l’acte de sa forme, qui ne tranche pas entre la puissance de feu du verbe et le maniement d’un pistolet automatique. On dirait qu’aujourd’hui l’orientation est au faux fixe. Les livres ne valent que ce qu’ils rapportent, au détriment du sens dessus dessous. Quant à l’action… Guy Darol

 


* Jean-Pierre Faye et Philippe Boyer, Commencement d’une figure en mouvement, 1980.

** Noam Chomsky, Bains de sang, 1975.

*** Jean-Claude Montel, Melancolia, 1973.

 

Commentaires

  • Ce numéro anthologique de poésie de la revue Change est terrible, avec l'anthologie de TXT (Bourgois, 1993), et l'anthologie arbitraire d'Henri Deluy (en 1983)(je n'oublie pas non plus l'anthologie Orange Export d'Emmanuel Hocquart), on a une somme du change des formes en ces années(fin 60 et) 70 en poésie, années boulversantes si on songe aux nombres de très grands textes quue la période nous a donné, comme Les trois livres de M. Pleynet, Jeu de Jacqueline Risset, Dire 1+2, de Danielle Collobert, Le renversement de C Royet-Journoud, Etat,d'Am Albiach, Biographies de Mathieu Bénézet, Analogues de JP fAYE, Compact/Circus de Maurice Roche, Eros Energumène de Denis ROCHe, La Mort Toute d'Alain Coulange, Poèmes 1 de B Noël, Lois/H/Paradis de Sollers, Necromancer Machine de Jean-Claude Hauc, Peep Show de C Prigent, les poèmes sonores totaux de Bernard Heidsieck, Scéne de Guy Scarpetta, JukeBoxes de Claude Pélieu, Non, rien, d'A Rouzier, Le pays où tout est permis de S Podolzski, Telex 1 de JJ Schuhl, et encore bien d'autres que je cherche et n'ai pas encore lu (comme Mélencolia de JC Montel ou Le livre partagé de Pierre Rothenberg / malheureusement peu de jeunes écrivains sont conscients de ce travail magnifique sur la langue et la narration qu'on fait tous ces écrivains qu'ils soient de tEL qUEL, de Change, d'Action-Poétique, de Manteia, de Textuerre, de Tratalacreme, de Promesses, de Digraphe ou de Dérives...
    Il faut continuer, cher guy darol, à exhumer ces textes comme cela, il n'y a que vous ou ceux de votre génération pour le faire (et ce serait génial de rééditer certains de ces textes), nous (je veux dire ma jeune génération, je suis né en 76 - quand le terme d'avant-garde fut délaissé au profit d'un retour rétrograde au lyrisme du début des années 80), nous avons déjà trop à faire pour nous faire publier... mais je soutiens votre combat.. bien à vous,
    s.c.

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