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août 2010

  • PATRICE DELBOURG ❘ L'HOMME AUX LACETS DEFAITS

     

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    Patrice Delbourg a la fortune du titre. Il fait mouche avec Signe particulier endurance, Vivre surprend toujours, journal d'un hypocondriaque, En vamp libre, Absence de pedigree, Exercices de stèles ... Bien sûr Patrice Delbourg est le camaro des Papous dans la tête (France Culture) depuis jolie lurette. Il s'y connaît en jonglage de mots. D'ailleurs, il est l'auteur des Jongleurs de mots (Ecriture, 2008), ouvrage bien aussi nécessaire que Les Désemparés (Le Castor Astral, 1996).

    Il a reçu le prix Max Jacob pour Génériques (Belfond, 1983), le prix Apollinaire pour L'Ampleur du désastre (le cherche midi, 1995). C'est bien. Il serait temps de lui décerner l'Emmanuel Bove, mais ce prix est-il distribué ? Pourquoi cette auréole ? Parce que Patrice Delbourg est circonvoisin de l'auteur de Mes amis. Il sait faire marcher les choses pour qu'elles aillent de travers, et de préférence à l'abîme. Ce poète, romancier, essayiste est doué pour la déréliction, surtout pour la déréliction souriante.

    C'est d'abord un écrivain-artiste, un plasticien de la langue comme il est rare d'en trouver de nos jours. Il faut remonter aux temps anciens, sans doute à Huysmans, et redescendre par des chemins flexueux où s'entendent encore un peu les voix d'André Frédérique, de Maurice Blanchard ou d'Yves Martin. Patrice Delbourg croit au style. Le sien se reconnaît d'assez loin. Il est travaillé au corps et plus précisément au corps égrotant, bancale, nauséeux. Patrice Delbourg n'a jamais cru à la grande santé. On voit bien, en le lisant, que l'homme est une apocalyspse née, un vertige permanent et sans doute même une succession de chutes.

    Son nouveau roman peaufine encore l'accompagnement des parcours de biais. Cette fois, il emboîte le pas d'un perdant magnifique. Et c'est Lucien Gaulard, inventeur du transformateur électrique et voyageur léger. L'ingénieur dédaigne les procédures qui valident. Il se fiche de faire valoir son génie. Non seulement il refuse de déposer des brevets mais il n'accroche à sa personne aucun papier d'identité. Il est Lucien Gaulard parce qu'il faut bien porter un nom.

    Patrice Delbourg est un guide idéal. Il aime les perpendiculaires de la rue Vieille-du-Temple où naquit Lucien Gaulard, le 16 juillet 1850. Il connaît son Marais par coeur. Le Marais est son palud et sans doute sa maladie. On le visite dans le sillage titubant d'un grand homme, une figure à qui l'on doit l'illumination de nos villes, un de ces rêveurs qui suspendent le songe à un crochet, suivant le geste de Nerval. Nous sommes en 1888 et l'on marche sans cesse. On dérive avec Lucien Gaulard. Parfois on tombe dans le canal Saint-Martin et l'on se réveille dans une cellule capitonnée, du côté de Charenton. Il arrive que l'on croise d'imposantes silhouettes : Emile Zola, Charles Cros, Alphonse Allais. Souvent, on rencontre des gens sans importance, le peuple des livres de Patrice Delbourg, son humanité claudicante.

    L'homme aux lacets défaits (son dixième roman) aurait pu s'intituler Lucien Gaulard 1850-1888. Cela aurait sonné comme un Amour de Pierre Neuhart, une expédition au ras du bitume avec Emmanuel Bove. Patrice Delbourg ne s'est pas servi de Lucien Gaulard pour faire la promotion de son livre. Il aurait pu. On aime tant aujourd'hui la publicité, qu'un fantôme devienne illustre le temps d'une opération commerciale. Cet écrivain n'est pas friand d'esbroufe. C'est un grand. C'est un très grand. On ne va pas attendre trop longtemps avant d'applaudir à son style. Il ne serait pas malheureux qu'on le reconnaisse avant des lustres. Car, tout de même, c'est l'inventeur de la transformation électrique en prose comme en poésie.

     

    L'HOMME AUX LACETS DEFAITS

    Patrice Delbourg

    le cherche midi éditeur

    204 p., 15 €

    EN LIBRAIRIE LE 26 AOUT 2010

     

     

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