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biographie

  • MICHEL CHAMPENDAL EST, A ETE, SERA

     

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    « Michel Champendal est né le 5 juillet 1954 à Paris. Poète Epistolier et Prosateur Piétonnier, ce Promeneur âgé de trente-cinq ans cultive l’amour de la vie et l’amitié sous toutes leurs formes.

    " Je n’ai rien d’autre à faire qu’aujourd’hui " est sa devise. Son ambition ? Mourir à cent six ans, après avoir lu beaucoup de livres, en avoir écrit quelques-uns, reçu et distribué le plus de bonheur possible. Pour Michel Champendal, la littérature doit se nourrir de la quotidienneté et non l’inverse. Jusqu’à ce jour, ses activités de professionnel du livre, successivement typographe, puis animateur de deux revues, bibliothécaire, journaliste, libraire-éditeur, correcteur et maintenant écrivain, tendent à faire partager le plaisir de la lecture et de la découverte, celle de soi et des autres, à travers l’élaboration d’une littérature populaire de qualité. »

     

    Ainsi se présentait, en 1989, le frelor, un mot que nous avions inventé pour nous désigner l’un l’autre. Frelor : contraction de frelot (frère en argomuche) et d’or du temps.

    Michel était le Champami des rendez-vous hebdomadaires, ceux que nous posions, généralement le mercredi, jour de l’enfance oisive, pour explorer ensemble Paris et sa banlieue.

    Excellents dériveurs (selon une tradition qui va de Léon-Paul Fargue à Internationale Situationniste), nous arpentions souplement bitume et vestiges de sentiers champêtres. Souvent le hasard qui, comme tout le monde sait, n’est jamais hasardeux, nous menait sur les buttes montreuilloises jalonnées de chemins tortueux et versicolores à l’exemple du ruban jaune que déroule The Wizard of Oz, ce mode d’emploi cinématographique du Merveilleux.

    Ce que nous cherchions : l’intangible rencontre, celle d’une image collant un mot, celle d’un mot qu’une image fait jaillir. Le monde, nous le regardions équipés des jumelles qu’Alfred Jarry, Alphonse Allais, Raymond Queneau, Lewis Carroll ont manufacturé. Nous déambulions sans but, aussi sans connaître la fatigue ou l’ennui. Fécondes, nos dérives étaient des livres faciles à écrire pour peu que l’on consente à la station assise.

    Nocturnes flâneries autour du Châtelet ou de la Bastille, Paris, nous le chantions sur des arias composés par Zappa. Le frelor connaissait sur le bout des doigts et des lèvres certaines des chansons du pamphlétaire californien. Une nuit, sur le Parvis de Notre-Dame, nous fendîmes la cloche de silence d’un « Billy The Mountain » plus haut et plus pointu que la version Flo & Eddie donnée sur l’album Just Another Band From L.A. Paris n’en fut pas réveillé mais des portes s’ouvrirent et avec elles des gueules de gargouilles hargneuses.

    L’humour, la joie étaient nos transporteurs. Lorsque le sommeil alpaguait, nous nous quittions contents car rassasiés de jeux. Le lendemain, on se retrouvait à travers le papier. Glisser le stylo sur les feuillets d’hypnos occupait l’autre partie du temps.

    Les épîtres que l’on s’échangeait (chaque jour ou à peu près) planifiaient des bonheurs : livres à lire, films à voir, musiques à écouter, promenades à effectuer en suivant les lois du hasard.

    Je connus le frelor aux temps anciens de la Presse Underground. Il éditait Poésie Ininterrompue puis L’Arbre Bleu, je chroniquais dans les colonnes du quotidien Libération, le quotidien pluriel de l’invention permanente. On s’estimait sans s’être jamais serré la pince. Puis vint la Librairie Michel Champendal, sise rue du Faubourg-Poissonnière, lieu foisonnant de contacts magiques (et de Mail Art dont il était un propagandiste et collectionneur majeur) où je fus invité à signer Le Couloir, mon premier roman. Adoubement avec beaux témoins : Hubert Haddad, Georges-Olivier Châteaureynaud, Jean-Luc Moreau, Meyer Sarfati, Eric Holder, Orlando de Rudder, Jean-Yves Reuzeau, Serge Safran, Guy Prévan, Elie Delamare-Deboutteville, le regretté Claude Herviant, tant d’autres. Au centre de cette coalition d’amitié, Michel ne trônait pas. Il allait et venait d’un battement de cœur à un autre. Il était le lien. Il était le passeur.

    Passeur, il fut. S’agissant de littérature, il importait pour lui qu’un lecteur démuni puisse s’enrichir d’une œuvre imprimée comme on acquiert chaussures à sa taille. Lorsque les pieds sont munis d’ailes alors l’agréable s’aggrave.

    Avec le frelor, littérature devenait posologie, une méthode pour aller léger, sans surpoids pouacre, sans cailloux pesant sur l’estomac. Il n’avait d’autre souci que d’éliminer la surcharge.

    Aller léger avec Henry Miller, avec Lawrence Durrell, avec Joseph Delteil. C’est ainsi que nous voyagions, le rire suspendu aux yeux, lueurs aux lèvres.

    C’est ainsi que j’imagine à présent le voyage qui se poursuit au-delà des choses visibles. Michel Champendal a replié son parapluie mais nul ne peut dire qu’il n’est plus. Le frelor est. Le frelor a pris l’autre route et peut-être cela a-t-il à voir avec le ruban jaune ou Lost Horizon, un film de Frank Capra que nous admirions. Il n’y a pas de fin au ruban jaune, sinon peut-être la cité d’Emeraude maçonnée avec l’or du temps.

    Dans Lost Horizon, Shangri-La figure le lieu où rien ne s’achève.

    Avec le frelor nous partagions quelques convictions (un inaltérable engouement pour Henri Calet, Georges Perros, Gaston Criel, André Hardellet, Julien Blanc, Armand Robin) et aussi cette idée (ou plutôt cette tautologie) que la mort n’existe pas. Nous le répétions souvent. Comme une insulte à la bêtise, une saine provocation. L’être permane après que le corps a lâché les amarres.

    Le frelor est, a été, sera. Il chemine au-delà de toute apparence, dans cet espace plus loin qui ne figure sur aucune carte. Il va. Il va léger.