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gaston chaissac

  • JEAN L'ANSELME

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    Jean L'Anselme

    Du même tonneau, dont on fait les devins, que Jean Dubuffet et Gaston Chaissac, Jean-Marc Minotte alias Jean L’Anselme (à tout vent, merci à la maison Larousse !) est né le 31 décembre 1919. À minuit, soyons exact, ce qui fait hésiter sur son âge actuel. Car ce défenseur d’une poésie sans dieu ni maître, ce self made man du vers définitivement libre est un contempteur du temps sagittal qui dicte les modes. N’ont pas d’âge ceux qui préfèrent la vie sauvage et primitive, l’art sans dossier de presse ni félicitations du jury, la poésie faite par tous.

    Immarcescible, Jean L’Anselme est fort d’un humour que l’on devrait copier et d’une bibliographie copieuse. Ses œuvres qui riment avec la déraison, l’impertinence et l’ânerie de bon aloi sont en grande part publiées par Rougerie. Elles dénoncent « les écrits tarabiscotés » qui ne veulent rien dire mais feignent de nous faire croire qu’ils disent plus subtilement l’insondable dessous des choses. Elles dénoncent mais elles proposent : une poésie vitaminique, une littérature souriante pour ne pas dire désopilante. Hors-mode en un temps où la joie est considérée comme une insulte à l’intelligence, ce poète moins sobre que calembourré est ignoré de la rue d’Ulm au Centre International de Poésie, autrement dit de L’Arctique à l’Antarctique, contrées au demeurant bien froides.  Dommage car avec Jean L’Anselme la vie est moins chiante, on se marre et ça réchauffe.

    Cet ancien international de handball à la voix façonnée dans le tendre burlesque sera joué (mais pas refait) par Didier Parmain le dimanche 11 février 2007. Ne cherchez, je vous en prie, aucun mauvais prétexte pour aller le saluer ce jour-là à l'Auditorium de la Halle Saint-Pierre. Ce serait vous priver. Guy Darol

    CONSEILS A UN JEUNE POÈTE

    Jean L'Anselme

    Certes, je ne vais pas tout te dire ; je me limiterai à quelques points et non des plus encourageants. Ne te crois pas tout d'abord issu de la cuisse de Jupiter. Remettons la poésie à sa juste mesure, ce n'est plus un objet de culte, une affaire de caste. On ne naît pas poète, on naît comme on est, c'est-à-dire comme tout le monde. N'importe qui peut être poète, je suis moi-même n'importe qui. Il n'y a d'ailleurs pas d'école où on enseigne la poésie pour en ressortir avec un CAP alors que, dans les autres domaines de l'art, il existe des conservatoires et des académies. C'est une réalité à laquelle on ne songe guère. Nous sommes donc des millions de poètes comme toi. Souvent sans le savoir.
    Le statut de poète a donc bien changé. Le poète n'est plus celui qui dans le ciel cherche la route que lui montre la main du seigneur, comme le définissait Chatterton, son existence est plus terrestre, bien plus ordinaire. Dans la configuration actuelle où chacun dispose de tous les moyens de communication pour se faire connaître de son vivant, le poète, comme tout artiste en général, ne travaille plus pour avoir son nom dans le dictionnaire. S'il n'arrive pas à se faire remarquer avant de mourir, c'est parce que, tout simplement, il n'en vaut pas la peine. Dans notre société de consommation, il se trouve voué, comme le frigo et la télé, à une utilisation temporaire et immédiate. Il ne dispose que d'une garantie limitée, il a lui aussi sa date de péremption, la durée de son existence. Le Conservateur du château de Versailles disait à Jacques Chancel qu'en matière d'art," nous vivions une période de l'éphémère". Et cette affirmation, dans la bouche de celui à qui incombait la protection et la sauvegarde des chefs- d'oeuvre éternels, résonnait lugubrement.

    On combat actuellement dans l'art les notions de pérennité et de postérité en le rendant vulnérable et en l'assimilant à un simple objet d'usage ordinaire. Les toiles sont peintes "au pistolet"; on incorpore des éléments qui refusent l'amalgame et se séparent de leur support. Les collectionneurs s'interrogent sur la durée de leurs acquisitions. On crée des"happenings", des "événements", des "autodafés ", c'est-à-dire des œuvres sans lendemain. Christo "emballe" le Pont-Neuf et le déshabille quinze jours plus tard. Personnellement, je travaille beaucoup sur les slogans publicitaires, l'actualité, ce qui rend mes écrits précaires sans espérance de lendemains glorieux.

    Tu aimes la poésie sinon tu n'en ferais pas. Pour le moment, tu es son amant (son aimant), tu couches avec, c'est le coup de foudre, Capoue, Cythère, le pied ! Sache toutefois que si tu veux te faire accepter, il te faudra lui jurer de mourir avec elle et de lui en donner la preuve. Elle n'a cure des amours passagères, de l'inconstance, des flirts entre deux trains. Pour en arriver à ce stade, il te faudra traverser un long désert d'indifférence, d'ingratitude, de solitude où tout ce que tu écriras en t'arrachant les tripes comme le pélican, tombera dans un puits profond sans le moindre écho. Songe qu'à l'approche de mes 55 ans, après avoir écrit je ne sais plus combien d'ouvrages, Pierre Seghers me disait : "Tu vois, tu es encore pour moi un jeune poète". N'est donc pas poète qui le veut, mais qui le prouve, à la longue, patiemment.

    Nous l'avons dit, il n'y a pas d'école pour apprendre, alors que fait celui qui ambitionne d'être poète ? Eh bien, spontanément, en bon autodidacte, il écrit, il écrit d'après ce qu'il connaît, c'est-à-dire ses classiques, donc à l'ancienne. Il commence donc à faire des " à la manière de" ce qu'il aime, il fait de la décalcomanie vieillotte. Mais il lui faut passer ce cap, il lui appartient pour cela de dévorer tout ce qui est neuf, nouveau, contemporain. Il passera alors du stade du pastiche à celui de la connaissance. Il se mettra à écrire différemment, en fonction de ce nouvel acquit. Ses écrits prendront un nouveau visage, respireront autrement. Tu peux penser, à ce degré, qu'il est arrivé à la maîtrise, à son apogée. Erreur! S'il veut être absolument différent, il lui faudra effacer tout ce qui l'a nourri. "Le véritable artiste, dit Derain, est l'homme inculte", c'est-à-dire qu'il devra oublier tout ce qu'il a appris pour ne ressembler à personne.

    A l'examen de ce long parcours, tu ne t'étonneras donc pas si le poète ne peut bénéficier d'une certaine reconnaissance générale qu à l’approche de ses 70 ans et qu'il ne vit véritablement sa grande consécration qu'entre 80 et 95 ans, d'autant plus que les médias qui devraient servir à sa célébration ne lui accordent pas plus d'importance qu'à un joueur de quilles.

    Je te souhaite donc bon courage et longue vie.

    A présent oublie tout ce que je viens de te dire et n'écoute pas les autres. Si j'avais moi-même suivi les conseils qui me furent prodigués, je n'en serais pas à prôner un art à contre-culture et à proposer la réhabilitation du laid pour qu'il soit le beau de demain. Qui de sensé aurait pu me mettre sur cette route ? Malgré tous ces propos peu encourageants, sache que l'aventure en vaut la peine. Dis-toi que "la garce n'a pas besoin de fesses de printemps et d'un sexe de glaïeul" pour qu'on en soit épris d'un amour fou.

    Publié dans Poésie/Première n°13

    Bibliographie (extrait)

    Ça ne casse pas trois pattes à un canard et après ?, Mortemart, Rougerie, 2005

    La chasse d'eau, les poèmes cons, manifeste suivi d'exemples, Mortemart, Rougerie, 2001

    Le ris de veau, Mortemart, Rougerie, 1995

    Pensées et proverbes de Maxime Dicton, banalités, bêtises, paradoxes, balivernes, lieux communs et autres propos sérieux de l'auteur, Mortemart, Rougerie, 1991

    Bêtises, paradoxes, balivernes et autres propos sérieux de Maxime Dicton, Paris, les éditions La Bruyère, 1989

    Qui parle de bonheur, Paris, L'Ecole, Collection "Poètes contemporains", 1985

    L'Anselme à tous vents..., Mortemart, Rougerie, 1984

    L'Humour raconté aux (grands) enfants, Paris, Les Éditions ouvrières, 1988

    La France et ses environs, poésies instructives suivies de Vers de mirliton, Mortemart, Rougerie, 1981

    Les Poubelles, Manifeste des poubelles et autres poèmes, complété d'un Hommage à "Tel quel", Rougerie, 1977

    Qui parle de bonheur, Tire-Lyre, Paris, L'Ecole des loisirs, 1977

    La Foire à la ferraille, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1974

    Du vers dépoli au vers cathédrale, avec une intervention intempestive de Michel Ragon, Mortemart, Rougerie, 1962

    La danse macabre, poème, dessins de Théo Kerg, Mortemart, Rougerie,  1951

    Chansons à hurler sur les toits, Paris, chez l'auteur, 1950

    Sur Jean L’Anselme

    ● La Nouvelle Revue Moderne

    Numéro spécial

    Jean L’Anselme – Vive la poésie

    94, rue Kléber 59493 Villeneuve d’Ascq

    Jean L’Anselme : Pour de rire, pour de vrai

    Jacques Lardoux

    Presses de l’Université d’Angers, 249 pages, 2004

    ● Rougerie éditeur

    7, rue de l’Échauguette 87 330 Mortemart

    Jean L'Anselme
    et ses poésies au ris de veau, au ris au laid, pleines de ris aux mots dans un ragoût mâché par
    Denis Parmain
    pour un voyage Con Comme la Lune

    à la HALLE SAINT PIERRE

    A l'auditorium, le dimanche 11 février 2007, à 16 heures.

    Entrée libre

    2, rue Ronsard – 75018 PARIS
    Tél. 01 42 58 72 89
    Métro Anvers/Abbesses
    Con comme la lune,
    est une agitation que le poète partage avec Denis Parmain comédien con, mais aussi avec joie et bonheur.



    HALLE SAINT-PIERRE - Auditorium
    2, rue Ronsard - 75018 Paris
    Tél. : 01 42 58 72 89 - Fax : 01 42 64 39 78
    Métro : Anvers/Abbesses
    www.hallesaintpierre.org





     

  • WESLEY WILLIS ❘ DANIEL JOHNSTON ❘ ANTON & QUENTIN ❘ ANDRE ROBILLARD ...

     

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    Daniel Johnston
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    Wesley Willis

    A la suite de Wölfi, l'art autodidacte fleurit dès lors qu'il rencontre son champ. Il y a des champs partout. Ainsi, il existe des prairies soniques où tout est possible. Musics in the margin/Musiques en marge est un recueil où l'on rencontre des êtres sauvés par la musique. Ils nous sauvent des continents d'artifices où l'on s'engloutit dans le vain. Ils sont merveilleux.

    Comme Gaston Chaissac, Wesley Willis et Daniel Johnston sont merveilleux. Ce sont les figures connues de cet album où la simplicité est la règle médiane.

    Merveilleux mêmement les frères Anton et Quentin qui se fient à l'instinct pour défier le carcan des langues.

    Merveilleux, André Robillard, surnommé "L'homme aux fusils" car il fabrique depuis trente ans des flinguos à l'aide de fils de fer, de boîtes de conserve et d'ampoules grillées. Luthier sauvage, il joue des percussions avec des cartouches vides au bout des doigts qu'il frappe sur des poubelles.

    Merveilleux sont MC Speedy dit The Human Juke Box et le Docteur Konstantin Raudive, cet élève de Carl Gustav Jung qui consacra les dernières années de sa vie à l'Electronic Voice Phenomenon.

    Merveilleuses sont Reinhilde Tastenoe et Marcella Dumarey. La première compose des chansons haïku qui n'excèdent jamais trente secondes. La deuxième chante du matin au soir des odes à Jésus et Marie. Sans discontinuer.

    Dagboek est un merveilleux onomatopéïste.

    David est un merveilleux illustrateur sonore de ses héros. L'un deux se nomme Fantômas.

    Chantal Robette est merveilleuse quand elle chante à l'oreille des passants.

    Martha Grunenwaldt construit merveilleusement des compositions vraiment évanescentes.

    Merveilleux Oscar Haus qui pratique l'accordéon et dessine sans jamais se lasser des hommages aux laborieux du dépliant : Yvette Horner, les frères Verschueren...

    Steve Wallis est au coeur de Galaxia, le groupe merveilleux dans lequel il est toutes les voix.

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    MUSICS IN THE MARGIN/MUSIQUES EN MARGE

    SUB ROSA/ORKHESTRA INTERNATIONAL

    Original concept by Carine Fol, Art en Marge, Bruxelles

    www.orkhestra.fr

    www.subrosa.net

    www.artenmarge.be

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    Gauche (dessin d'Oscar Haus)
    Droite (dessin de Wesley Willis)

    ECOUTER WESLEY WILLIS

    VOIR WESLEY WILLIS

    VOIR DANIEL JOHNSTON

  • GERARD SENDREY


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    Au moment où le Musée de la Poste, célèbre l’universel Gaston Chaissac, il est de toute première urgence de connaître Gérard Sendrey, artiste outsider (et c’est ici le plus haut compliment que je puisse envoyer), poète buissonnier et, depuis peu, romancier unique.


    Je serais presque tenté d’écrire romancier hunique (selon l’expression de Jean-Pierre Faye) au sujet d’un livre absolument exceptionnel qui prouve, par son caractère neuf, que la littérature n’est pas en voie de décomposition.


    La Machine est un roman comme il s’en écrit depuis Raymond Roussel. Son écriture en est savante (non savantasse !) et savoureuse. Gérard Sendrey n’aurait envisagé d’écrire pour faire comme. Ou pareil. Ou déjà. Il lui fallait une supplémentaire excitation. Un supplément de joie. Toute destinée au lecteur, évidemment.


    Mais de quoi s’agit-il ?


    La Machine est un lipogramme où les verbes être et avoir sont systématiquement écartés. On se souvient que Georges Perec initia dans La Disparition cette stratégie d’écriture. Mais l’on devine que la suppression de ces deux verbes (avec ce qu’ils comportent de physique, métaphysique, ontologique et économique) va plus loin que le jeu de cache-cache. Ces deux mots pèsent lourd dans la trajectoire de nos vies sursitaires. Ainsi, si Gérard Sendrey fait la chasse à ces deux vocables, c’est surtout pour nous parler de l’essentiel.


    L’exercice oulipien n’est pas la fin qui justifie son premier roman. Gérard Sendrey est né en 1928. Ce n’est pas un âge pour faire le con. Du moins pas totalement.


    Ce roman parle de l’intérieur de soi pour atteindre le lecteur. Touchant. Touché !


    Et je vois en cette machine une machination artiste, un moyen-magie pour faire reculer la mort en restaurant, une fois pour toute, le pouvoir de l’enfance.


    Assez d’enfantillages (mot d’ordre sociétal), soyez sérieux, mondialisez vos énergies, rendez vous utiles aux vainqueurs… autant d’impératifs catégoriques lancés par les puissants couillons. La Machine de Gérard Sendrey est un instrument de guerre, une arme sans linéaments, invisible/lisible qui pulvérise les illusions que ciblait Guy Debord. Avez-vous observé, au passage, la haine organisée contre ce nom depuis qu’il est notoire et vaste ? On aimait Debord du temps de sa clandestinité forcée. On le déteste à présent qu’il est sorti au jour (par les fossoyeurs !).


    Gérard Sendrey appartient au monde de la Création Franche, celui des formes d’art parallèle aux officiels standards. Ses œuvres plasticiennes foisonnent all over the world et particulièrement dans la Neuve Collection de l’Art Brut à Lausanne. C’est un fabuleux, un créateur de vie. Et un écrivain qui transforme toute tourbe en or pour les oreilles et pour les yeux.


    Car La Machine se lit comme un roman (à haute voix, c’est mieux !) au-delà du divertissement. Nous n’en livrerons pas l’intrigue. Sachez qu’elle est ancrée au port des songes de haut verbe où baignent Robert Louis Stevenson (pour qui le fond est dans la forme) et Louis Calaferte.


    Gérard Sendrey (du grec aisthétés : qui sent, qui perçoit par les sens) promet une suite à ce grand livre. L’Analyse paraîtra prochainement. Guy Darol


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    LA MACHINE

    Gérard Sendrey

    Editions Michel Champendal

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