Sous ce nom de groupe qui aurait pu être choisi par Lovecraft se cache un trio (guitare, basse, batterie) au langage hallucinant. Les 9 titres de ce premier album éponyme viennent d'augmenter d'un coup la surface de l'étrange. Voici un précis de décomposition qui aurait pu enthousiasmer Cioran si jamais l'humoriste roumain s'était entiché de musique secouante. Crlustraude est-il un aérolite détaché du monde du jazz ou bien un éclat de rock arraché aux expériences de Robert Fripp ou de Roger Chapman ? Une chose est sûre, la liberté qui anime ce groupe a trouvé son inspiration chez Ornette Coleman. Et cette liberté épouse (si l'on peut dire) le ténébreux lyrisme de Robert Wyatt. Le batteur de Soft Machine devenu singer/songwriter « un ton au-dessus » occupe du reste une place importante dans ce précieux album avec une reprise superbement déstructurée d'« Alifib » et « Alife » provenant du sardanapalesque Rock Bottom. Le power trio (ère nouvelle) propose une lecture pareillement corrigée du « Sisters Of Mercy » de Leonard Cohen qui, une fois n'est pas coutume, rend la copie supérieure à l'original. Paysages sonores à la Harold Budd, distorsions vésuviennes selon les règles de mauvaise conduite des Sonic Youth, My Bloody Valentine et autres Slowdive, symphonies bruitistes manière Rhys Chatham constituent autant d'amers pour naviguer sur ce jeune océan miraculeusement né. Guy Darol
CRLUSTRAUDE
« Crlustraude »
YOLK JADE