Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

régis canselier

  • LIRE LA MUSIQUE 8

    Entre 2009 et 2012, Lire la musique, ma chronique (transverse) fut publiée dansLe Magazine des Livres aujourd'hui disparu. En voici le feuilleton complet.


    bianu.jpg



    PASSIONS HENDRIXIENNES

     

    Il avait un visage de seize ans, du poil follet au menton, un duvet dru en guise de rouflaquettes, le cheveu long et la taille petite. Ses yeux étaient rouges de larmes ce vendredi 18 septembre 1970. On n’a pas le temps de se cacher quand la mort plonge à côté de vous. Dans le couloir couleur poussière qui nous menait au cours, on pensait à ce qu’il y a de plus grave. On se disait que le camaro avait au moins perdu son père. Les murs du lycée Voltaire s’étaient fanés. La disparition de Jimi Hendrix avait agi comme un dripping de peinture rouille, une accélération de l’automne. Il pleurait la mort de James Marshall annoncée sur les ondes et c’était la pire des mauvaises nouvelles qu’il venait d’encaisser, une ombre irrémédiable sur sa ligne de vie. Rien ne serait plus pareil. Le blues, il venait de comprendre que ce n’était pas qu’un style musical apparu dans le Delta du Mississipi.

     

    Je ne me souviens plus de son prénom. Je me souviens de la mort de Jimi Hendrix et de l’effet qu’elle produisit autour de moi, un mouvement de deuil, un recueillement impressionnant dans cette salle de classe à gradins où l’enseignement de la physique-chimie se confrontait habituellement à la ruée des plaisanteries. Tout était calme. On venait de se prendre du chagrin, la première salve, et ce n’était qu’un début. Jimi Hendrix, il faut bien dire, jouait de la musique comme on appelle vers soi les dieux, les dieux païens bien entendu. Il mettait en flamme sa guitare, offrait à la transcendance l’objet qui parle le mieux du grand temps, celui qui connaît l’explosion primitive, le premier jour et cette suite de jours où tout est dans tout et réciproquement.

     

    On pouvait se dissoudre dans le grand temps. Il était possible de partir et de revenir, comme un voyage et l’on connaît la sensation de ne plus être un corps perdu dans le calendrier. On est au-delà du delà. L’éternité nous est acquise. C’est bien de cela qu’il s’agit, un voyage sans fin, une expérience. On ne peut en douter lorsqu’on lit Zéno Bianu qui fut pour moi une expérience lorsque je découvris, au hasard de l’errance, l’anthracite Manifeste Électrique Aux Paupières De Jupes (Le Soleil Noir, juin 1971) et ses mots trempés de Rimbaud et de Lou Reed. Zéno Bianu dit osmotiquement Hendrix. Il le dit à l’intérieur. Avec Jimi Hendrix (Aimantation), nous découvrons que la poésie est un chemin qui annule les contraires. Jimi Hendrix est mort. Non, il n’est pas mort, il lance des paroles de flammes à travers le verbe de Zéno Bianu qui vit Hendrix comme une passion. Il dit : « Mon nom est Orphée/Jimi Orphée/j’ai sacrifié ma guitare/au dieu de la musique ». Il dit que Jimi Hendrix, c’est la réunion de « Monteverdi et Muddy Waters/Fra Angelico et Basquiat/Héraclite et Oscar Wilde ». Il fait entendre que la musique est poésie, que poésie est l’autre nom de la pensée, que la pensée ignore les murs fanés, les cloisons couleur rouille. Zéno Bianu est Jimi Hendrix et inversement.

     

    Avec Stéphane Koechlin (qui porte en lui l’indéfectible amour de Philippe Koechlin, le père, inventeur du mensuel Rock & Folk), nous approfondissons le vertige du verbe. Nous comprenons que la vie est une source et cette source fait jaillir "Voodoo Child", un aveu lâché par Yazid Manou. Car Yazid Manou est la vigie qui surplombe toutes les secondes d’Hendrix. Yazid Manou est l’ultime et le premier recours lorsqu’on va vers Hendrix d’un pas tant soit peu décidé. Stéphane Koechlin a voulu attraper Hendrix par le bout de la connaissance suprême. Plutôt que compiler ce qu’on sait, suppute ou conjecture, l’auteur de La légende du Baron rouge (Fayard, 2009) et de Michael Jackson, la chute de l’ange (L’Archipel, 2009) a suivi la trajectoire de Yazid Manou, fin connaisseur né à Nantes en 1965, révélé à Hendrix par la télévision d’Albert Raisner. Un vrai accompagnement jusqu’au cœur. Hendrix palpite, Hendrix est immortel puisque Yazid est capable à tout moment de certifier un fait ou d’effondrer une hypothèse. Yazid Manou et Jimi Hendrix sont main dans la main.


    jimi_hendrix_le_reve_inacheve.png


     

    Régis Canselier est l’administrateur du forum Jimi Hendrix, le site de référence dédié à l’œuvre du guitariste le plus top, si l’on consent à faire rivaliser en puissance Eric Clapton, Jeff Beck, Frank Zappa et Carlos Santana. Régis Canselier adore Hendrix. C’est un idolâtre, un herméneute incomparable. Il sait tout depuis "Hey Joe"  jusqu’à la dernière note. Il sait que "Purple Haze" n’est pas ce qu’on croit et que "The Wind Cries Mary" inspira Miles Davis. Il sait que Jimi Hendrix est une famille où s’étreignent John Coltrane, Roland Kirk, Ornette Coleman, Jean-Sébastien Bach, Eric Dolphy, Bob Dylan et Arthur Rimbaud. Guy Darol

     

    JIMI HENDRIX (AIMANTATION), Zéno Bianu, Éditions Le Castor Astral, 112 p., 12 €

    BLUES POUR JIMI HENDRIX, Stéphane Koechlin, Éditions Le Castor Astral, 200 p., 12 €

    JIMI HENDRIX, LE RÊVE INACHEVÉ, Régis Canselier, Éditions Le Mot et le Reste, 460 p., 25 €