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rue de verneuil

  • LIRE LA MUSIQUE 13

    Entre 2009 et 2012, Lire la musique, ma chronique (transverse) fut publiée dans Le Magazine des Livres aujourd'hui disparu. En voici le feuilleton complet.

     

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    GAINSBOURG À REBOURS

     

    L’étonnante cartographie de Serge Gainsbourg réalisée par Ersin Leibowitch et Dominique Loriou est à ce jour le seul guide permettant une flânerie à rebours dans les paysages familiers du lecteur fétiche de Joris-Karl Huysmans. Les biographies minutieuses de Gilles Verlant, les exégèses d’Yves-Ferdinand Bouvier et Serge Vincendet livraient chaque détail de la vie et de l’œuvre. On ne croyait plus pouvoir ignorer un seul aspect de ce précieux et décadent inspiré dans son propre décor par l’ordonnance maniaque de Des Esseintes et les vertiges hallucinés d’Edgar Allan Poe. Toute chose étant à sa place, il suffisait que l’on écoute la discographie en la rêvant, en la partageant selon nos préférences, suivant ou non la partition d’un homme coupé en deux, le confidentiel plutôt que l’extime à tête de chou, l’homme de bar ayant succédé pour le meilleur et pour le pire à l’artiste maudit émule de Vian. Manquait ce plan de Paris, une vérité ontologique puisque Gainsbourg ne s’est guère écarté de la patrie chantée par Léon-Paul Fargue, Alexandre Arnoux ou encore Jacques Réda, un périmètre autrefois dessiné par des murs de pierre ferme et que clôt désormais un bien vulgaire périphérique. L’idée des deux journalistes de France Info et fans de longue date consiste en une évocation du vieux Paris à la façon de Jacques Hillairet mais pour usagers du Poinçonneur des Lilas. Une reconstitution en soixante-dix lieux des allées et venues d’un hédoniste mélancolique. Reconstitution est le mot exact puisque les deux enquêteurs n’ont pas lésiné en recherches et en preuves pour distribuer au promeneur, y compris immobile, les cartes orientant le voyage de Milord l’Arsouille au cimetière du Montparnasse. C’est pétillant et triste. On accompagne un parcours que l’on peut voir de nos yeux vus sans interférence aucune et je pense à la bienveillante (mais en partie imaginaire) relecture de Joann Sfar. Une vie se déroule argumentée par des photographies, des croquis, des plans 2 D, comme un logiciel papier pour suivre pas à pas, arrondissement par arrondissement, amours mortes et poisons violents, caresses et blessures.


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    Dériveur rétrospectif, j’ai souvent péleriné rue de Verneuil, regrettant de n’avoir pas osé actionner la sonnette du 5 bis. J’aurais voulu connaître la bibliothèque aperçue par Marie-Dominique Lelièvre (lire Gainsbourg sans filtre, chapitre 10, Flammarion, 2008) et toucher des yeux la maison imprégnée de réminiscences littéraires : Contes de Grimm, vieux papiers de Mallarmé, Benjamin Constant, Stendhal, Plancy, Nodier, Hoffmann, ces éditions de Charles Dickens qui me fit entrer en littérature. Au lieu de cela, je suis resté sur le seuil et c’est sur le seuil que je contemple souvent les photographies de Samuel Veis, celles du graffiti spontané qui ornent le mur comme un manteau. Connaissez-vous Le mur de Gainsbourg (EST, Samuel Tastet Éditeur, 2009) ?


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    Aude Turpault a passé le seuil. Elle avait 13 ans. C’était en décembre1986. L’adolescente n’avait pour vade-mecum que sa passion et sans doute un peu plus, la recherche d’un père, l’architecte des abîmes, celui qui fonde une foi dès lors que l’art est le recours. Avec une copine, elle tente le passage de la douane. Elle tremble. La porte s’ouvre. Les deux filles sont admises à la pédagogie des fantômes du souvenir, au luxe qui éclabousse, à des fastes d’effondrement. Ce sont les cinq dernières années d’une vie qui s’anesthésie dans le grand shaker du néant. Aude Turpault est le témoin d’une déréliction. Elle n’argumente pas. Elle décrit, comme une épiphanie, des jours tendres, le naufrage et la bonté, la dérive d’un homme-enfant pris à la gorge par la défaite de l’art. Un petit livre immense qui serait comme une réponse aux Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke. Guy Darol

     

    LE PARIS DE GAINSBOURG, Ersin Leibowitch et Dominique Loriou, Éditions Jacob-Duvernet, 144 p., 14,90 €

    LE MUR DE GAINSBOURG, Samuel Veis, EST-Samuel Tastet Éditeur, 80 p., 20 €

    5 BIS, Aude Turpault, Éditions Autour du Livre, 175 p., 15 €

     

     

  • SAMUEL TASTET REEDITE SAMUEL VEIS/LE MUR DE GAINSBOURG

     

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    L'éditeur Samuel Tastet réédite Le mur de Gainsbourg du photographe Samuel Veis, un ensemble de cinquante-cinq clichés réalisés aux aurores les 10, 18 et 28 février 1992, soit un peu moins d'un an après le décès de Serge Gainsbourg. Ces photographies révélant « l'audace d'un incontrôlable espace de liberté » saisissent l'expression des gestes et volées passionnelles d'une époque. Plusieurs fois menacé d'effacement, le mur de la rue de Verneuil est bien, en effet, un espace mouvant, un palimpseste réalisant l'évolution des tracés, suivant ainsi l'accélération des techniques. Il est donc émouvant de retrouver l'état du mur, depuis recouvert d'autres signes, d'autres élans, d'autres manières. Confrontés à la fuite du temps, nous regardons le mur dans un rétroviseur, celui que nous tend Samuel Veis. Ces images agissent sur nous comme ces foyers de nostalgie qu'attisent Willy Ronis, Robert Doisneau, René-Jacques ou Henri Guérard. Livre de mémoire rehaussé d'impressions écrites par Samuel Veis, comme les points d'acupuncture d'une topographie.  Guy Darol

     

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    LE MUR DE GAINSBOURG

    Samuel Veis

    EST - Samuel Tastet Editeur, 2009

     

    CONSULTER

    EST - SAMUEL TASTET EDITEUR