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EVERYTHING IS POLITICAL ❘ 12. LA DERIVE CONTINUE

 

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On ne croyait guère à la décadence du règne de la marchandise sous la pression des coups. Les casseurs nous pétaient les couilles. Les anti-casseurs nous étaient odieux. Le déclin du monde marchand n’a pas commencé avec les actions furtives de l’Autonomie désirante. Ce déclin n’a pas eu lieu. Nous voyons triompher la marchandise et plus que jamais les organisateurs mondiaux de notre assujettissement au faux. Ayant refusé le service militaire, nous n’irions pas dans le combat armé. Cela ne voulait pas dire silence, résignation, passage à l’ennemi. On savait mettre le feu sans user d’allumettes. La stratégie globale (selon la terminologie léniniste dont on se moque comme des missels et des miss France) consistait pour nous en une mise à l’écart soignée. On jouerait solo le multiple, les possibles de l’écriture, de l’image et du son. « Les Dériveurs sont seuls. Normal, non ? Darol et Gattinoni sont seuls. Ils ont faits des boulettes par rapport au milieu au lieu de reproduire du rural par boules bien lisses chez Maeght ou Ailleurs, menue monnaie », disaient justement ceux* qui savaient nos trucs. Transgression des genres et port du masque obligatoire. Il faut se faire oublier si l’on veut durer.

Le lexique situationniste nous enseigne que la dérive est une invitation à jouer dans le labyrinthe : Mode de comportement expérimental lié aux conditions de la société urbaine : technique du passage hâtif à travers des ambiances variées. Se dit aussi, plus particulièrement, pour désigner la durée d’un exercice continu de cette expérience. Cette définition réhabilitait la promenade au sens où nous la concevions : le voyeur sur les épaules du marcheur. Mais c’est encore différemment que la dérive nous parlait. Certains groupes de mots avaient notre dilection : comportement expérimental, technique du passage, à travers, ambiances variées. Mais nous les appliquions dans un domaine autre. Déplacement. Digression. Dérive. Il nous paraissait important de franchir des frontières sans les refermer derrière nous. Et c’est ainsi que l’on allait. Contre les murs, évidemment. A l’envers d’un système justement érigé par les lois neuves du désir. Guy Darol


* Jean-Marie Touratier et Daniel Busto, Jean-Luc Godard, Télévision/Ecritures, 1979.

Commentaires

  • Mon cher Guy Darol,

    La Dérive, telle que vous la décrivez, constitue la lecture psychogéographique immédiate puis réflexive du Politique (et non de la politique, qui elle ignore la dérive au bénéfice sordide de l'application d'une idéologie des intérêts particuliers). La Dérive, ou réinvention du Politique à l'aune de la flânerie active, enrichissante de spiritualité laïque, demeure un outil privilégié de l'accroissement de toutes nos libertés, de tous nos possibles. Car nous ne pouvons prendre la mesure que de ce que nous parcourons. En ce sens la Dérive apparait comme l'antithèse du délire, auquel on l'a bêtement assimilée. Elle est espace de conquète de la Connaissance, elle est alchimie de nos demeures intimes et sociales. L'apport des Lettristes puis des Situationnistes à l'auto-pédagogie de la Dérive a fertilisé les champs contemporains de la sociologie et de la réflexion tant philosophique que politique.

    Vous avez toute mon estime pour cet utile chapitre nouveau de votre saga historique, qui est une réappropriation tonique d'une histoire mise à mal, notamment, par le tyran actuel, Nicolas Sarkozy.

    Mon amitié,
    Michel Champendal mchampendal@noos.fr

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