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  • AVEC JEAN-MARIE FRIN ❘ DES HOMMES ET DES DIEUX ❘ EN SALLE LE 8 SEPTEMBRE 2010

     

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    DES HOMMES ET DES DIEUX

     

    GRAND PRIX DU JURY

    DU

    FESTIVAL DE CANNES  2010

     

    EN SALLE LE 8 SEPTEMBRE

     

     

    ENTRETIEN AVEC JEAN-MARIE FRIN, ACTEUR DU FILM

     

     

    « Les moines appelaient l’armée les frères de la plaine et les terroristes les frères de la montagne, sans naïveté, conscients d’avancer sur un étroit chemin de crête entre ces deux camps aux positions ambiguës ».

     

     

    Bienvenu Merino : Jean-Marie, fin 1996, dans l’Atlas Algérien, une prise d’otage de sept moines français du monastère de Tibhirine puis leur exécution  choque les consciences des français ainsi qu’ailleurs dans le monde. L’événement survient alors que le pays s’enfonce dans le chaos. D’un côté, les groupes terroristes islamiques. De l’autre, les militaires, bras armés d’un régime corrompu, au milieu la population qui compte les morts. Ces moines jusqu’alors vivaient en harmonie avec leurs voisins musulmans et vont voir leur vocation bouleversée par le terrorisme. Jean-Marie, est-ce que la présence des moines dans le pays était-il remis  en cause après les multiples exactions commises par les intégristes musulmans ? Et comment toi, en tant qu’homme, as-tu ressenti cette tragédie, et comment l’as-tu vécu, en tant qu’acteur du film ?

    Jean-Marie Frin : Il faut tout d’abord préciser que le film ne cherche à développer aucune thèse ni à mener aucune investigation d’ordre politique concernant le drame qu’ont vécu  ces moines. Ce qui a surtout intéressé Xavier Beauvois et son scénariste Etienne Comar, c’est de savoir qui étaient ces hommes, leurs questionnements intimes, quelle était leur vie au quotidien dans cet endroit perdu de l’Atlas algérien, la nature des liens qu’ils entretenaient avec la population environnante, les causes de leur engagement. Il est vrai que leur présence était remise en question. Face au chaos régnant dans le pays ils essayaient de garder un équilibre précaire, une neutralité difficile entre les deux forces en présence, le GIA (groupe islamiste armé) d’un côté, l’armée de l’autre. Certains extrémistes islamistes cherchaient, en effet, l’élimination physique des religieux chrétiens implantés en Algérie, pour des raisons de l’ordre du fanatisme, bien sûr, (ils avaient déjà assassinés des prêtres et des religieuses à plusieurs reprises). Mais d’un autre côté le pouvoir algérien ne voyait non plus d’un bon œil la présence de ces moines en Algérie. Ces derniers entretenaient en effet des relations (trop ?) harmonieuses avec les musulmans(qu’ils ne cherchaient pas à convertir)et, entre autres, n’hésitaient pas non plus à soigner les blessés du GIA qui se présentaient, surtout la nuit, au monastère, tout en se gardant bien d’une quelconque collaboration avec eux. Ils étaient d’autre part, a-t-on dit, en relation avec des groupes de réflexion comprenant des gens venus de tous horizons (musulmans, chrétiens, laïques, etc.) qui cherchaient à trouver une alternative démocratique pour ce pays abîmé et malmené. Tout cela n’était pas du goût des autorités algériennes qui cherchaient donc par tous les moyens à les faire partir. Ils subirent de la part de ces autorités de multiples pressions et ce n’est qu’au terme de longues discussions entre eux et avec leurs amis musulmans du village voisin qu’ils n’envisagèrent d’autre solution que de rester. Ce ne fut pas un choix de résistance, mais plutôt un abandon, je crois, comme l’a dit un jour très justement Michael Lonsdale.

     A titre personnel, j’ai ressenti cette tragédie comme un écho amplifié à la question qui se pose toujours à tout homme à un moment de sa vie par rapport à des choix personnels : rester ? partir ? Tout homme a vécu ces questionnements à des degrés plus ou moins forts. C’est toujours très douloureux. La grande différence est que pour ces Frères, la mort était au bout sans qu’ils aient jamais cherché le martyr pour autant (ils le disaient eux-mêmes). C’est en cela que cette aventure m’a profondément ému. Il n’est pas nécessaire d’être croyant pour envisager ce à quoi peut mener un engagement définitif et en évaluer les conséquences. La force qui se dégage ce cette attitude d’abandon est pour moi exemplaire, même si certains pourraient trouver cela inutile ou même ridicule.

    B.M. : Dans Des hommes et des Dieux, tu tiens le rôle de l’un des sept moines, Frère Paul. Ces moines sont des personnalités fortes. Lambert Wilson, qui a un rôle de moine également dans le film, les comparaît à des fleurs de champs, banales en soi, mais formant un beau bouquet. Cependant, je crois, certains de ces moines ont un problème à régler avec l’Algérie? Est-ce là une  des origines de la tragédie qui va s’en suivre, à savoir la décapitation  des moines ? 

     J.-M. F. : Il est vrai que tous ces hommes avaient une histoire et un rapport personnel très fort avec l’Algérie. Certains y étaient nés, comme Frère Amédée et Frère Jean-Pierre, et avaient choisi la nationalité algérienne au moment de l’indépendance. Frère Luc, le médecin interprété par Michael Lonsdale, avait ouvert le dispensaire au monastère et  avait été enlevé durant la guerre par le F.L.N. et failli être zigouillé, d’autres très âgés n’avaient plus que de maigres contacts avec la France, l’Algérie était devenu leur pays, d’autres enfin avaient fait en tant qu’appelés leur service militaire pendant la guerre d’indépendance. Ils y avaient vécu des événements très forts et très douloureux qu’ils ne pouvaient oublier. Avaient-ils une dette envers ce pays et ces habitants ? Je ne sais si l’ont peut formuler la chose de cette manière, mais ce qu’ils avaient vécu là les avait emmenés vers un attachement extrêmement profond à ce pays. Ils aimaient vraiment l’Algérie et les Algériens. C’est tout. Cet attachement n’est pas la cause de leur assassinat car les choses sont beaucoup plus compliquées d’un point de vue politique (il faudrait prendre connaissance des documents classés secrets défense qui ont été récemment mis à jour) mais il en est la conséquence. Pour être clair, les Frères n’ont pas été assassinés par des islamistes pour je ne sais quelles exactions qu’ils auraient commises durant la guerre d’Algérie. Si d’aucuns avançaient ce genre d’hypothèse, elle n’aurait aucun fondement.

     B.M.: Frère Paul, dont tu interprètes le rôle, est né en 1939. Avant de rentrer à la Trappe, à l’Abbaye cistercienne de Tamié, à l’âge de 45 ans il a été lieutenant de parachutistes, artisan plombier, conseiller municipal de sa région en Alsace. Puis en Algérie, au prieuré de Tibhirine, il est un peu l’homme qui sait tout faire tel un homme de peine. Sais-tu les raisons pour lesquelles Frère Paul rentre dans les ordres et surtout comment il se retrouve en Algérie ?

    J.M.F : En ce qui concerne l’engagement personnel de Frère Paul, j’en ignore totalement les raisons. Il avait lui aussi, en effet, fait la guerre d’Algérie, mais cela n’est pas une raison suffisante. C’était aussi un chrétien profondément sincère et  convaincu, très pieux depuis toujours, qui est allé jusqu’au bout de ses convictions en devenant moine trappiste (un des ordres religieux les plus austères qui soient). Cet engagement tardif, à 45 ans, ne le rend que plus admirable car c’est vraiment le choix d’un homme adulte. Pour le reste, Paul reste pour moi un mystère, comme tout être humain. C’est ce qui m’a énormément touché. On ne sait jamais vraiment qui est l’autre à côté de soi. Quel secret portait-il en lui? Quel tourment invisible ?  Quel apaisement est-il allé chercher là ?  Je crois savoir que sa famille elle-même fut surprise de son choix. Pour le peu que j’en sais d’après les quelques photos que j’ai vu de lui et quelques correspondances qui ont été publiées, ce devait être un homme extrêmement bon, doux, paisible, discret, timide même (il n’aimait guère être pris en photo parait-il !) et doué d’une bonne dose d’humour (noir même, par moment).

     B.M. : Xavier Beauvois, le metteur en scène,  fuit la reconstitution historico-politique et laisse dans l’ombre la réalité ou le mystère de l’Assassinat (GIA) groupe islamiste armée ou manipulation de l’armée ? Je crois que le contexte de l’époque imprègne le film mais Xavier Beauvois fixe plus son regard sur l’intimité et sur le secret de ce qui se passe  dans le monastère, n’est-ce pas ?

    J.M.F. : Cette question contient sa réponse. Il suffit de voir le film pour constater le choix et l’optique de Xavier Beauvois. Il est vrai aussi que dès que l’on commence à s’intéresser à l’histoire de ces moines, à lire des documents sur ce drame, on ne peut qu’être pris par une espèce d’empathie pour ces hommes. Xavier Beauvois dit souvent qu’il était tombé amoureux d’eux. Ce n’est pas une formule vaine,  c’est vrai (là, nous n’avions plus à faire à des personnages mais à des êtres humains, et d’ailleurs aucun de nous n’a cherché à restituer je ne sais quelle vérité psychologique qui les aurait caractérisés). C’est ce qui m’est arrivé à moi aussi. Plus j’en lisais sur eux, plus j’avais envie d’en connaître d’avantage, plus ils m’intriguaient et plus j’avais envie de les comprendre, de les aimer. Je ne me suis d’ailleurs pas vraiment plus intéressé à Paul qu’aux autres. Tous m’ont fasciné. Pendant le tournage, j’ai moins été dans la démarche d’un acteur qui joue un personnage, que dans celle d’un passeur qui témoigne d’une aventure  humaine. Je  me suis rendu compte de cela petit à petit. C’est très étrange et très émouvant pour un acteur de se retrouver dans cette attitude. 

    B.M. : Des hommes et des dieux, explore, entre autre, la question de l’engagement religieux. En tant qu’humains nous n’avons pas de raisons d’être fier, parce que né(e)s hommes ou femmes, nous ne l’avons pas choisi. Mais puisque nous le sommes, autant trouver et développer en nous ce qu’il y a de plus beau et de plus élevé. Penses-tu que c’était ce qu’essayaient de réaliser ces Frères dans leur engagement de l’état de fierté qui, s’il n’est pas établi une fois pour toutes, est une aspiration, un but, un combat permanent qu’ils ont tentés d’accomplir ?

    J.M.F : Oui bien sûr. C’est en cela que leur histoire est merveilleuse et exemplaire. Moi qui ne suis plus croyant depuis longtemps et n’ai plus besoin de la foi pour trouver mon rapport au monde et aux autres, je ne peux malgré tout qu’être fasciné par la force de cet engagement. Je pense que tout homme devrait être guidé par une force de cette sorte pour mener sa vie. Sinon à quoi bon vivre ? Et c’est encore plus vrai je crois lorsqu’on est artiste. Si on ne l’est pas jusqu’au fond de soi-même, viscéralement, dans le plus profond engagement et la plus profonde conviction, on reste un pâle histrion (il y en a hélas!). J’ai parfois très peur de le devenir, d’ailleurs. Alors je me bats toujours avec moi-même pour ne pas tomber dans le leurre. Sans entrer dans une théorie sur l’art de l’acteur, je dis que ceux qui disent que « jouer » c’est « mentir », c’est « faire semblant », se trompent lourdement. Rien n’est plus vrai au contraire que cet acte-là et c’est cette vérité qu’il nous faut toujours chercher, au théâtre comme au cinéma, sinon l’imposture nous guette. Serait-ce osé de ma part que de dire les Frères de Tibhirine sont aussi un exemple pour les acteurs ? Allez, je l’avance !

    B.M. : Jean-Marie, Dieu est le nom unique des religions monothéistes. Le concept de dieu prend des formes extrêmement variées  selon les religions. Leur  point commun : Dieu (ou un Dieu) est, soi disant, supérieur  à l’homme, plus puissant  et plus complet que lui.  Pour le paganisme ou plus généralement pour les religions polythéistes, un dieu est un être immortel, d’une nature supérieure aux êtres humains, aux esprits et aux génies. En fonction de leurs attributions particulières (de leurs spécialisations), les dieux agissent sur la nature et interviennent dans les affaires humaines. La notion de dieu, et ce qu’il représente (toute puissance, immortalité, créateur…)  trouve son origine dans le soleil, lumière céleste, source de vie sur terre puis s’est diversifié selon les différentes religions d’après de nombreux croyants. Les agnostiques pensent qu’ils n’est pas possible de prendre position quand à la l’existence de ou non de dieu. Les athées, eux, ne croient pas en dieu, considérant qu’il s’agit d’une invention humaine. Une fois pour toutes, quand les religions n’incitent pas les hommes à la barbarie, elles les infantilisent en les empêchant d’user de sens critique par rapport à l’enseignement dispensé. Ce sont les religions du Livre qui n’ont cessé de faire croire que par nature, l’homme a soif de divin. Pourtant, ceci est archi-faux  car il n’est pas nécessaire de croire en Dieu pour vivre en paix avec soi-même, avec sa famille et ses voisins, pour jouer un rôle gratifiant dans la société. Une question Jean-Marie, tu es comédien et acteur depuis plus de 35 ans mais lorsque tu étais tout jeune tu voulais être missionnaire. Je crois même que tu es entré au petit séminaire pour étudier. Avais-tu réfléchi avant d’y entrer, pour en fin de compte résister et choisir une autre voie, celle de comédien ? Aujourd’hui avec le recul, que penses-tu de la direction qu’allait prendre ta vie si tu avais obéi à ton désir d’aller jusqu’au bout à la rencontre de Dieu ? Une toute dernière question : dans le film de Xavier Beauvois, tu es un faux moine, mais  connaissant ton travail magnifique d’acteur, au cinéma, mais surtout de comédien au théâtre, tu as dû t’investir pour tourner dans Des hommes et des Dieux. Et si tu es un faux moine, peut-être tu n’es pas un faux croyant, c'est-à-dire que tu as des convictions fortes sur la croyance et que tu as dû te confronter à des questions que te posait ta conscience, non ?  D’où ta performance dans le film, Des hommes et des Dieux ?  

    J.M.F. : J’ai eu une enfance et une éducation extrêmement religieuse. Je suis passé par toutes les étapes, là aussi avec beaucoup d’engagement et de conviction. J’ai en effet voulu être prêtre étant enfant, missionnaire en Afrique, plus précisément. Je suis entré au Petit Séminaire où j’ai effectué une partie de mes études secondaires, habité d’une foi profonde. A l’adolescence, je dois dire que la perspective d’une abstinence amoureuse pour la vie a contribué à me faire changer d’avis. S’en est suivi un long cheminement de pensée et de réflexion qui fut douloureux, parce que teinté de culpabilité, d’un sentiment de peur aussi, je dois bien l’avouer mais qui m’a conduit à devenir l’athée convaincu que je suis aujourd’hui. Je n’aime pas dire que je ne crois plus, ni que j’ai perdu la foi, car ce sont des formules négatives. Je n’ai rien perdu, au contraire, j’ai gagné un regard sur le monde qui me donne la force d’en être partie prenante. La question de l’existence de dieu n’est qu’une question de foi. Je donne au mot croire le sens que lui donnaient les anciens, grecs et romains : « croire » ce n’est pas « penser que dieu existe » comme on l’entend aujourd’hui, c’est donner son crédit, sa confiance à dieu. Il s’agit d’un rapport fiduciaire garantissant la réussite de nos entreprises humaines. Lorsque je vois le monde tel qu’il est, j’aurais plutôt tendance à n’accorder aucune confiance à dieu et à ses sbires, à dire comme Marguerite Duras : « Si dieu existait, ce serait un beau salaud » et à n’accorder mon crédit et ma confiance qu’aux hommes, mes « Frères ». En ce sens je suis résolument optimiste. Je n’ai pas besoin de l’idée de dieu pour essayer d’être un honnête homme !

    J’ajouterais pour répondre à la dernière question que j’ai été très troublé pendant le tournage par le parcours de Frère Christophe, moine à Tibhirine, interprété par Olivier Rabourdin. Nous avons le même âge et suivi exactement les mêmes étapes depuis l’âge de 8 ans jusqu’à l’adolescence, avec des crises identiques. Quand j’ai commencé à faire du théâtre, lui est entré à la Trappe. Je me suis souvent dit que j’aurais pu être lui si la force du théâtre ne m’avait saisi ! 

    B.M. : Merci infiniment, Jean-Marie, de m’avoir invité à la projection privée du film et d’avoir répondu à mes questions avec autant d’honnêteté, de clarté et de talent, alors que beaucoup de médias te sollicitent avant la sortie du film le 8 septembre  Merci encore et bravo ! 

     

    Propos recueillis le 3 août 2010 par Bienvenu Merino

     

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    QUELQUES DATES IMPORTANTES SUR LES EVENEMENTS EN ALGERIE

     

    Le 26 décembre 1991 : le front islamistes du salut (FIS) emporte la majorité des sièges au cour

    du premier tour des élections législatives.

    Le 11 janvier 1992 : l’état d’urgence est déclaré.

    Le 14 janvier 1992 : assassinat du Président Mohamed Boudiaf.

    Le 30 octobre 1993 : ultimatum de Groupe islamiste armé (GIA) qui ordonne à tous les étrangers de quitter l’Algérie.

    Le 26 mars 1996 : un groupe armé enlève les sept moines de Tibhirine.

    Le 18 avril 1996 : le GIA revendique l’enlèvement.

    Les 21 et 23 mai 1996 : le GIA annonce l’assassinat des sept moines après des négociations infructueuses avec les gouvernements français et algériens.

    Le 30 mai 1996 : les têtes des sept moines mais par leur corps

     sont retrouvées sur une route près de Médéa.

    Le 22 septembre 1997 : le massacre des villageois de Bentalha relance les suspicions

    pesant sur la sécurité militaire dans certains enlèvements et assassinats en Algérie.

    A partir de 1998 : diminution des violences et de l’insécurité en Algérie. Début d’une politique de réconciliation nationale.

    Le 9 décembre 2003 : la justice française est saisie par la famille d’un des moines et par un abbé de l’ordre des cisterciens qui doutent de la véracité de la thèse officielle.

    Le 29 décembre 2005 : un référendum avalise la charte de « réconciliation nationale » voulue par le Président Bouteflika, qui amnistie sous certaines conditions les membres des groupes armés 1990 et interdit tout débat sur cette période de l’histoire algérienne.

    Le 20 novembre 2009 : levée du secret défense sur certains documents français quand l’ancien Attaché de défense français à Alger affirme que les sept religieux auraient été victime d’une bavure de l’armée algérienne.

     

    Liste artistique du film :

     

    Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Jean-Marie Frin, Olivier Rabourdin, Philippe Laudenbach, Jacques Herlin, Loïc Pichon, Xavier Maly, Abdelhafid Metalsi, Sabrina Ouazani, Abdallah Moundy, Olivier Perrier, Farid Larbi, Adel Bencherif

     

    Liste technique :

     

    Scénario : Etienne Comar

    Adaptation des dialogues : Xavier Beauvois et Etienne Comar

    Directrice de la photographie : Caroline Champetier

    Décors : Michel Barthélémy

    Son : Jean-Jacques Ferran, Eric Bonnard

    Montage : Marie-Julie Maille

    Premier assistant : Guillaume Bonnier

    Conseiller Monastique : Henry Quinson

    Scripte : Agathe Grau

    Costumes : Marielle Robaut

    Régie : Thibault Mattei, Khaled Haffad

    Production exécutive: Martine Cassinelli et Frantz Richard

     

     

     

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                                                 JEAN-MARIE FRIN  

     

    Né en 1949, c’est à la Maison De La Culture de Caen dirigée par JO TRÉHARD (l’un des « pionniers » de la décentralisation théâtrale) qu’il découvre, dans les années soixante, tout ce que le théâtre offre alors de vivant et de novateur, du LIVING THEATRE aux premiers travaux d’ANTOINE VITEZ. Ses premières expériences théâtrales se feront dans le cadre de stages organisés par divers mouvements d’éducation populaire.                                                                                                                                                    

    En 1969, il est engagé à la COMÉDIE DE CAEN, Centre Dramatique National que vient de fonder JO TRÉHARD. Il n’a aucune formation. Celle-ci se fera donc sur le tas. Dès lors, il ne cessera plus de jouer, aussi bien au C.D.N. qu’avec diverses compagnies. En 1973, le metteur en scène YVES GRAFFEY crée, à Caen, le THÉÂTRE DU GROS CAILLOU  (Centre Dramatique National Pour l’Enfance et La Jeunesse) et l’y associe pour plusieurs saisons.                                                                                                                                                         

    En 1980, MICHEL DUBOIS, qui a succédé à JO TRÉHARD, lui propose d’intégrer l’équipe artistique de la COMÉDIE DE CAEN. Sous sa direction, celle de CLAUDE YERSIN et d’autres metteurs en scène, il participe à cette aventure jusqu’en 1991 et joue les auteurs classiques et contemporains les plus divers. C’est là qu’il crée notamment LE PETIT ALBERT (d’après JACK LONDON). Cet exercice d’acteur, initialement voué à l’éphémère, rencontre un vif succès et sera repris plus de sept cent fois à ce jour.                                                                                                                                            

    A partir de 1990, il entame un long compagnonnage avec JEAN-LOUIS BENOÎT. Une dizaine de créations s’ensuivent, d’abord au THÉÂTRE DE L’AQUARIUM puis au THÉÂTRE DE LA CRIÉE à Marseille, parmi lesquelles : LES VŒUX DU PRÉSIDENT, CONVERSATION EN SICILE, HENRY V, DE GAULLE EN MAI.                                                                                                                                                  

    D’autres rencontres seront pour lui déterminantes : JEAN-LUC LAGARCE, PETER ZADEK et surtout MATTHIAS LANGHOFF, pour LE PRINCE DE HOMBOURG (Kleist)  et TROIS SŒURS (Tchékhov), deux spectacles qui le marquent profondément.                                                                                                                                                                                                                                                                

    Une soixantaine de pièces lui auront permis d’interpréter les plus grands auteurs : SHAKESPEARE, MUSSET, LENZ, GIDE, GENET, DURAS, STRINBERG, KROETZ, LABICHE, BRECHT, O’NEILL, PIRANDELLO, RUZANTE, DOSTOÏEVSKI, SARTRE, GOLDONI, BUCHNER, MOLIERE, GRIBOÏÉDOV, BARKER, BORCHERT…                                                                                                                                                 

    Au cinéma et à la télévision, RENÉ ALLIO, BERTRAND VAN EFFENTERRE, JACQUES MALATERRE, LUC BÉRAUD, FABRICE CAZENEUVE, ALAIN CHABAT, SOPHIE MARCEAU, MABROUK EL MECHRI, BRIAN DE PALMA, ROMAIN GOUPIL et beaucoup d’autres réalisateurs lui confient  les rôles les plus variés.                                                                                              

    C’est ainsi qu’il vient de tourner, sous la direction de XAVIER BEAUVOIS, « DES HOMMES ET DES DIEUX » qui vient de remporter le Grand Prix au Festival de Cannes.                                                                                                                                                    

    Il reste cependant un « enfant de la décentralisation », un acteur de troupe, et ce sont des metteurs en scène comme DANIEL GIRARD, JEAN-PAUL WENZEL, CHRISTOPHE ROUXEL, GUY DELAMOTTE, HERVÉ LELARDOUX, GUILLAUME DUJARDIN ou encore GILBERT ROUVIÈRE, qui lui auront donné, jusqu’à présent, l’occasion de vivre ses plus beaux moments de théâtre.

     

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    Tapis rouge à Cannes pour le film Des hommes et des Dieux.GRAND PRIX DU JURY. Les acteurs du film et le réalisateur, Xavier Beauvois (mains croisées). Jean-Marie Frin est aux côtés de Sabrina Ouazani et de Michael Lonsdale.

     

     

     

     

     

     

     

  • LES TRICHEURS ❘ MARCEL CARNE ❘ 1958

     

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    Beaucoup d'entre-nous se souviennent du film Les Tricheurs de Marcel Carné ; film qui marqua les esprits de toute une génération, faisant dégoupiller les grenades au repos dans les malles de la bourgeoisie française. Dans son film, Marcel Carné peint une jeunesse agitée, désordonnée, avide de plaisirs, de rythmes obsédant qui veut l'argent sans le travail, le luxe sans effort. Et le vieux thème du diable a été adapté à la vie du Paris quotidien, dans l'ambiance explosive de Saint-Germain-des-Prés où les adolescents découvrent la tentation et succombent aux plus funestes mirages.

    Jacques Charrier, pour son premier film et premier rôle obtint la victoire du meilleur acteur de l'année 1958, ce qui lui valut la célébrité et le lancement de sa carrière. Bienvenu Merino

    FICHE TECHNIQUE

    Scénario : Jaques Sigurd, d'après une idée de Charles Spaak et Marcel Carné. 
    Adaptation et dialogues : Jacques Sigurd. 
    Images : Claude Renoir, assisté d'Andréas Winding. 
    Décors : Paul Bertrand. 
    Costumes : Antoine Mayo. 
    Robes : Christian Dior, Jacques Heim, Virginie. 
    Montage : Albert Jurgenson. 
    Son : Antoine Archimbaud. 
    Musique : jazz enregistré par Maxime Saury, Ray Brown, Roy Eldridge, Herb Ellis, Stan Getz, 
    Dizzy Gillespie, Coleman Hawkins, Buddy Rich, Gus Johnson, Oscar Peterson, Fats Domino, 
    Sonny Stitt, Norman Granz. 
    Assistants réalisateurs : Serge Friedman, Paul Seban. 
    Directeur de production : Louis Wipf.
    Interprètes : Pascale Petit (Mic), Andréa Parisy (Clo), Jacques Charrier (Bob), Laurent Terzieff (Alain), Jean-Paul Belmondo (Lou), Dany Saval (Nicole), Jacques Portet (Guy), Pierre Brice (Bernard), 
    Alfonso Mathis (Peter), Roland Armontel (le chirurgien), Jacques Marin (M. Félix), Roland Lesaffre (Roger), Denise Vernac (la mère de Mic), Claude Giraud, Dominique Page, Gabrielle Fontan, Jean-François Poron, Gérard Darrieu, Jacques Perrin, Sergio Gobbi, Alain Saury, Alan Scott. 
    Production : Silves Films (Robert Dorfmann), Cinétel/Paris et Zebra Film/Rome. 
    Tournage : 24 mars au 12 juillet 1958. 
    Sortie : 10 octobre 1958 au Marignan et au Marivaux (Paris). 
    Titre envisagé : Les Mains vides. 
    Durée : 125 minutes.
    Distinctions : Victoires du meilleur film français, de la meilleure actrice (P. Petit), 
    du meilleur acteur (Jacques Charrier) ; Grand Prix du Cinéma français (1958) ; 
    Prix du meilleur film français (Bruxelles, 1958).
    Note : Ce film est le plus grand succès de la saison 1958-1959 en France.
    SYNOPSIS

    Bob (Jacques Charrier) vient de la banlieue parisienne(signifie les quartiers huppés). Il tombe par hasard sur Alain (Laurent Terzieff), un jeune étudiant existentialiste avec qui il sympathise aussitôt. Ce dernier l'invite à venir à la superboum organisé par Clo (Andrea Parisy), fille de diplomate. Après une brève liaison avec cette dernière, Bob tombe amoureux de Mic (Pascale Petit), une autre fille de la bande d'Alain. Seulement, l'époque veut qu'on ne peut pas se dire ces choses là. Il faut rester libre quitte à fermer ses sentiments à double tour. Le résultat n'en sera que plus tragique...

    REVUE DE PRESSE

    LIBÉRATION,14/10/1958 (Simone Dubreuilh) 
    Marcel Carné est ce très grand metteur en scène français auquel les producteurs ont coutume de demander des comptes comme à une femme de ménage. C'est une chose bien étrange en effet que l'auteur du plus grand, du plus significatif des films français Les Enfants du Paradis soit justement celui duquel, après chaque film, on exige un « examen de passage », celui dont les devis sont épluchés, les moindres réclamations considérées comme outrecuidantes (..)Pour faire les Tricheurs, Marcel Carné a dû se battre comme au premier film. Et voici que ces Tricheurs éclatent comme une bombe, apportant le témoignage sur la jeunesse qui manquait au cinéma français. Pas un témoignage grivois, ou rose, cochon ou frivole. Non, un témoignage grave, désespéré, lyrique... Le traitement cinématographique est d'une ampleur, d'une richesse comparables à l'ampleur et à la richesse de celui du jour se lève mais, pour la « surboum » finale et la poursuite en voiture, on songera aux dernières images des Enfants du paradis... C'est du grand cinéma, fait d'observation, de vérité, de poésie non pas improvisée mais classique...
    LES LETTRES FRANÇAISES, 16/10/1958 (G. Sadoul) 
    ... L'homme importe plus encore qu'une forme parfaite. Je retiens surtout du film la chaleur dont Carné entoure ses personnages. Ces tricheurs sont décrits avec une compréhension et une tendresse fort loin de la froide indifférence d'un entomologiste ou de la supériorité assurée d'un moraliste...Au temps de l'équipe Carné-Prévert on avait pu reprocher à leurs films leur manichéisme, leur univers composé de bons et de méchants. Rien de cela ici.
    LE MONDE, 14/10/1958 (Jean de Baroncelli)
    Au-delà des apparences et de cette peinture souvent contestable d'une certaine jeunesse, on retrouve dans les Tricheurs le thème cher à Carné (ce fut celui de presque tous les films, de Quai des brumes à Juliette) des amoureux que leur amour même voue à la haine du destin. Le destin ici prend le visage d'une sorte d'anarchiste (remarquablement joué par Laurent Terzieff)... c'est à sa présence que le film doit cet accent tragique qui, par moments, fait sa grandeur.
    CINÉMA 58, décembre 1958, n° 32 (René Gilson)
    All is true, écrivait Balzac à la troisième page du Père Goriot, et il avait tout inventé. « Je n'ai rien inventé », dit Marcel Carné et d'aucuns s'écrient : « Tout est faux!» Récusons tous ces témoignages contradictoires d'anciens ou actuels « tricheurs » et de ceux-qui-les  connaissent-bien... ces personnages, dont Carné rappelle avec tant d'insistance qu'il les a pris tout vifs dans la réalité, sont aussi devenus des personnages de l'éternel Carné repris par son obsession de la tragédie, d'un Marcel Carné qui réalise avec le personnage d'Alain la plus réussie et la moins consciente de ses incarnations du destin... en dépit de ses imperfections... c'est l'un des deux films français les plus importants et les plus courageux de l'année.

     

     

    Interview de Marcel Carné parue dans l'édition Balland du livre-film Les Enfants du Paradis, 1974





    Comment sont nés les Enfants du Paradis ?


    - J'avais signé avec André Paulvé un contrat pour trois films. Le premier, les Visiteurs du soir, avait été très bien accueilli par la presse et par le public. Nous étions donc, Jacques et moi, à la recherche d'un sujet. Nous devions, en principe, faire Nana d'après Zola, mais nous nous sommes heurtés à un problème de droits. Nous avons pensé à un Milord l'Arsouille, avec Pierre Brasseur dans le rôle principal; maisMilord l'Arsouille, c'est l'apologie du luxe, de l'argent et nous trouvions ça un peu indécent en pleine guerre. Nous y avons donc renoncé. Prévert vivait à ce moment-là dans le Midi à Tourette-sur-Loup et nous nous y retrouvions souvent. Un jour, nous nous promenions tous deux sur la Promenade des Anglais à Nice lorsque nous rencontrons Jean-Louis Barrault qui, intarrissable comme toujours, se met à raconter un tas d'histoires, en vient à parler du célèbre mime Jean-Gaspard Debureau et nous fait le récit suivant : 
    « A l'apogée de sa gloire, Debureau se promène sur le Boulevard du Crime en compagnie de sa maîtresse lorsqu'ils sont interpellés par un ivrogne qui les insulte. Debureau le repousse, mais celui-ci revient de plus belle à la charge et injurie la femme. Ivre de fureur, Debureau lève sa canne et trappe l'homme, le laissant mort sur le trottoir. S'ensuit, bien sûr, un procès auquel on voit se presser tout Paris, afin de connaître enfin la voix du célèbre Debureau ». Très excités, avec Prévert, nous décidons de faire de cette histoire le sujet de notre prochain film. Mais, nous nous sommes vite rendus compte qu'il s'agissait d'une fausse bonne histoire pour le cinéma. En effet, si Jean-Louis Barrault interprétait comme prévu Debureau, l'intérêt de la « chute » était nul car tout le monde connaissait sa voix, mais nous risquions de rencontrer l'indifférence générale si le personnage central du film était joué par un inconnu. Prévert était partisan de renoncer, mais j'aimais énormément cette époque, son atmosphère, le Boulevard du Crime, ses héros, etc. Je suis donc revenu à Paris et me suis mis à la recherche de documents. Pendant trois semaines environ, j'ai travaillé au musée Carnavalet, dans le cabinet des Estampes où j'ai fait faire à peu près deux cents photographies. J'ai également épuisé toutes les librairies théâtrales de Paris où j'ai recherché tous les ouvrages sur le théâtre et les théâtres de l'époque, sur les comédiens, etc... puis ramené le tout à Prévert et lui ai dit : « Jacques, voilà le film ». Dans cette masse de documents, il y avait un nom, un personnage qui fascinait particulièrement Jacques, c'était Lacenaire, et je peux presque affirmer qu'il n'a écrit le scénario des Enfants du Paradis que parce qu'il y avait LacenaireAndré Paulvé a accepté notre projet et nous avons commencé à travailler à l'écriture du scénario. Très vite, nous nous sommes aperçus que le film allait être très long. André Paulvé a suggéré que nous fassions un film en deux épisodes; ce que j'ai accepté à la condition que le film ne passe qu'en une seule fois lors de l'exclusivité.

    Dans quelle mesure, le film respecte-t-il la réalité historique ?

    - Le comte de Montray est un personnage inventé, celui de Garance aussi : elle est en quelque sorte le révélateur des différentes formes possibles de l'amour. Frédérick Lemaître a toujours eu des aventures de toutes sortes. Ce n'était donc guère trahir que de lui en inventer quelques-unes supplémentaires. En ce qui concerne Debureau, nous avons été très fidèles à la réalité et nous avons respecté les principaux épisodes de sa vie. Les détails sont tous, ou presque, authentiques, ainsi l'article de Théophile Gautier sur « Chand d'habits » ou l'expression « le Paradis » que j'ai trouvée chez Jules Janin. Le « paradis » qui est aujourd'hui « le poulailler », d'où le titre du film. Les enfants du « paradis » sont les spectateurs du poulailler mais aussi les acteurs. 

    Comment s'est déroulé le tournage ?

    - Le tournage a commencé aux studios de la Victorine à Nice avec les scènes se déroulant au « Grand Relais », l'auberge où habitent Frédérick et Baptiste; suivaient celles du « Rouge-Gorge », le coupe-gorge de la barrière de Ménilmontant. Jusque-là, tout s'était bien passé, nous devions aborder les scènes se déroulant sur le Boulevard du Crime qui avait été entièrement reconstruit dans le grand parc du studio lorsque sont survenus les événements d'Italie, le renversement de Mussolini et l'occupation de la zone Sud par les troupes allemandes. De Vichy, nous avons reçu l'ordre de rentrer immédiatement à Paris et de tout abandonner. Avec une dizaine de jours de tournage supplémentaire, je pouvais terminer les scènes de foule sur le Boulevard et ainsi sauver le film. J'ai essayé, en vain, d'obtenir ce délai de dix jours. Il nous a fallu rentrer à Paris. Puis, pour des raisons qui sont demeurées obscures, les Allemands ont interdit toute activité professionnelle à André Paulvé.
    Nous pensions donc que nous ne finirions jamais le film lorsque le Comité d'organisation de l'industrie cinématographique, qui deviendra plus tard le CNC (Centre national de la cinématographie), a contacté la société Pathé Cinéma pour qu'elle reprenne le tournage. Les tractations ont duré deux bons mois. Finalement, le film a pu être remis en chantier. A partir de ce moment-là, il n'y a pas eu, à vrai dire, beaucoup de difficultés, hormis celles que nous avons rencontrées de nouveau à Nice. En effet, pendant que nous tournions à Paris, un cyclone a à moitié détruit les décors du Boulevard du Crime. lI a fallu reconstituer le décor tel qu'il était initialement. Cela a coûté la bagatelle de 700 000 francs de l'époque. Pour vous donner une idée, on peut estimer que le film a coûté 55 millions. Aujourd'hui, il faudrait à peu près 2 milliards et demi pour le réaliser. De plus,lorsque nous sommes revenus tourner à Nice, la ville était occupée par les Allemands. Et, alors que les Italiens avaient accepté de nous laisser tourner la nuit sur le boulevard entièrement éclairé avec des projecteurs, les Allemands ont absolument refusé. C'est-à-dire que j'ai dû à nouveau revenir à Paris, reconstituer en studio des éléments de décor et tourner des plans de raccord alors qu'en réalité j'avais prévu de montrer tout le boulevard illuminé le soir de la première au Grand Théâtre et lorsque Debureau et Frédérick Lemaitre boivent le vin chaud à la sortie des Funambules.
    Il faut que j'ajoute une chose au sujet du tournage à Nice. Quand j'ai tourné le carnaval, les Niçois étaient privés depuis quatre ans de leur carnaval; ils s'en sont donné à coeur joie. Ils se sont amusés comme des enfants et c'est à cela sûrement que je dois en partie la réussite de la scène finale.

    N'y a t-il pas eu d'autres difficultés tenant à l'occupation ?

    - Nous étions obligés d'employer un pourcentage minimum de figurants affiliés à un syndicat contrôlé par les Allemands; peut-être parce que nous n'y mettions pas une très bonne volonté, peut-être parce que nous ne respections pas toujours exactement le pourcentage, nous avions fréquemment des descentes de policiers qui se présentaient au studio et qui contrôlaient toute la figuration. Ainsi le jour où nous tournions la scène finale, le carnaval. Un régisseur vient me trouver et me dit : « deux messieurs » demandent Untel (un des figurants). Sa femme vient d'avoir un accident, elle se trouve à l'hôpital et veut le voir. Un peu intrigué, je le charge de dire que ce figurant n'est pas là. Cinq minutes plus tard, le régisseur revient : « Les messieurs insistent. Ils se montrent très vivement émus, disent que cette femme a les deux jambes sectionnées, qu'elle n'a plus que quelques heures à vivre et qu'on ne peut lui refuser la joie de voir son mari. » J'ai malheureusement cru à cette histoire et j'ai fait appeler le « mari ». A peine était-il arrivé au bureau de la régie que les deux types l'ont emmené : c'était la Gestapo.
    Je peux vous citer l'épisode Le Vigan. II devait tenir le rôle de Jéricho, le marchand d'habits. Il en avait composé une silhouette assez extraordinaire. J'ai très exactement tourné un plan avec lui car, quand Le Vigan a réalisé que la guerre allait se terminer par la défaite de l'Allemagne, il a pris peur et s'est enfui à Sigmaringen. Il faut dire qu'il avait tenu des propos antisémites à la radio. Evidemment, il a fallu le remplacer, et ce, du jour au lendemain, ce qui n'était guère facile. J'ai d'abord pensé à Pierre Alcover dont j'avais beaucoup aimé la création dans Drôle de drame et j'ai fait un essai avec lui. Malheureusement, il était très malade. J'ai donc fait appel à Pierre Renoir.

    N'avez-vous pas rencontré d'autres difficultés en ce qui concerne la distribution ?


    - Non. Mais je voudrais vous raconter une curieuse histoire. Au moment où nous devions tourner, Jean-Louis Barrault assurait la mise en scène du Soulier de satin à la Comédie-Française. II n'était pas certain de pouvoir se libérer pour le film. Je cherchai donc une éventuelle solution de rechange et, un jour, je remarquai à l'ABC, célèbre music-hall de l'époque, un mime qui ressemblait de manière frappante à Debureau, grand, mince, le visage légèrement arrondi. Ce mime, c'était Jacques Tati.

    Vous avez mis très longtemps à terminer le film. Pourquoi ?

    - Je voulais que ce soit le premier film important qui sorte après la guerre. Le film est sorti le 22 avril et l'armistice a été signé le 8 mai. Le film terminé, nous avons organisé une projection à Joinville pour les gens de chez Gaumont puisque Gaumont devait l'exploiter dans ses salles. Ils ont manifesté le désir de passer le film en deux époques; la première passant au Colisée et la seconde au Madeleine. J'ai alors rappelé à Paulvé la promesse qu'il m'avait faite de le passer en une seule fois et j'ai ajouté : « Faites trois séances par jour dont une soirée à 9 h avec location. Les gens seront ravis. Contrairement à ce qui se passe habituellement au cinéma, le spectacle durera toute la soirée. Vous pouvez même, comme au théâtre, faire un entracte. » J'ai obtenu gain de cause. Le film est resté cinquante-quatre semaines en exclusivité dans les deux salles...

    Interview de Marcel Carné proposée aux visiteurs de Rien ne te soit inconnu par Bienvenu Merino

     

     

     

     

  • STANISLAS RODANSKI ❘ HORIZON PERDU

     

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    Jeudi 9 avril 2009 à 20 h, hommage à Stanislas Rodanki à la mairie du 10è arrondissement de Paris.

    Projection de HORIZON PERDU, réalisé par Jean-Paul Lebesson d’après un bris-collage de Bernard Cadoux et Jean-Paul Lebesson sur une fabulation de STANISLAS RODANSKI.

    "Légende magnétique, mémoire par défaut d’une fabulation panique. Un espace, vide que la perte d’horizon plonge dans une réfraction infinie. Un personnage hante ce décor gigogne et cherche à dire ses guerres intestines. La vallée disparue de Shangri-là, les camps de la mort lente : double face de cette folie qui l’emporte. Ravissement et Terreur. Mais la fiction ne prend pas et la représentation impossible de son drame intérieur le livre à la répétition sans fin. La tragédie n’a pas eu lieu, faute de lieu. Horizon Perdu, ou la scène introuvable."

    Le film sera suivi d’une rencontre animée par les auteurs avec la participation de Sarane Alexandrian, Christophe Dauphin, Marc Kober et Anastassia Politi (Cie Erinna)

     

    Mairie du 10e

    72, rue du Fauboug Saint-Martin

    Salle des fêtes

    2e étage

    Entrée libre