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greil marcus

  • LIRE LA MUSIQUE 11

    Entre 2009 et 2012, Lire la musique, ma chronique (transverse) fut publiée dans Le Magazine des Livres aujourd'hui disparu. En voici le feuilleton complet.


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    TOUJOURS PUNK

     

    C’est toujours vers Greil Marcus qu’il convient de se tourner lorsqu’on interroge l’histoire du mouvement punk. Lipstick Traces (Éditions Allia, 1998) est ce grand livre dans lequel il est montré que l’aventure des Sex Pistols s’origine chez les gnostiques.  Ils affirmaient que le monde est vicié parce que créé par un Dieu pervers. Faut-il rappeler que ces profanateurs du dogme ont connu l’Enfer. Des bûchers collectifs léguèrent au Saint-Esprit le corps des hérétiques. Sans doute est-ce l’une des bonnes raisons qui explique la mauvaise humeur des toujours punks lorsqu’ils eurent vent qu’une exposition à la villa Médicis (où fut interné naguère le dangereux Galilée) proposait, sous vitrine, jusqu’au 20 mars 2011, des vestiges aussi séditieux que les T-shirts griffés Malcolm Mc Laren et Vivienne Westwood. Cela sentait l’hérésie un peu comme Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps, l’hommage rendu à l’Internationale Situationniste en 1989 par le Centre Georges Pompidou, suscita l’ire des révoltés toujours nerveux, forcément. Il y a des feux inextinguibles. Greil Marcus, dans son grand livre, dessine une flèche du temps punk sur laquelle il place gagnant les gnostiques, l’anabaptisme de Jean de Leyde, dada et les situationnistes.

     

    Dans Post-punk, no wave indus & noise, le formidable érudit Philippe Robert ne manque pas de jeter à travers le temps les passerelles qui relient les Sex Pistols à dada et à la politique. Il confirme ce que Greil Marcus avait vu. Punk et dada, c’est le même bruit. C’est la même fureur. Seulement, il précise l’importance d’un gamelan à suivre : Francesco Balilla Pratella, auteur du Manifeste des musiciens futuristes, publié en 1911, inconnu des éditeurs en langue française. Un coup de tonnerre puisque Luigi Russolo lui dédie L’Art des bruits (L’arte dei Rumori), le grand acte du bruitisme sorti deux ans après que Pratella eut lâché son vacarme. Philippe Robert ne revient pas sur les premiers pas de bébé punk. Il nous le montre grandi, affranchi, libéré d’un passé fulminant où brillent d’un noir vif Clash, Damned, Stranglers, Buzzcocks, Blondie, Television, ces noms aujourd’hui bibliques. Philippe Robert expose une autre trajectoire, celle qui vient de l’après-punk déconstructeur cherchant noise aux conformismes, toujours devant pour faire table rase et ce « brouhaha éternel » appelé par Kierkegaard, une émeute dans laquelle on retrouve Throbbing Gristle, Merzbow, Psychic TV, Sonic Youth, Catalogue, Kas Product, Glenn Branca, Tuxedomoon, Joy Division, The Flying Lizards, Devo, The Red Crayola … Il faut bien abréger la liste. Philippe Robert à qui l’on doit (et je dis bien à qui l’on doit) une floraison d’ouvrages essentiels sur le rock et la pop hors des limites géométrisées par le marketing nous apporte dans ce recueil de choix ses lumières, celles d’un spéléonaute de l’undergound. Car il n’y a que l’underground. Le mainstream n’intéresse personne.


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    Le mainstream n’intéresse personne et c’est pourquoi on ne voit rien venant de l’Est. Le punk médiatisé UK obombre les révoltes réelles, pour ne pas dire logiques selon le mot d’Arthur Rimbaud. Car tandis que le monde bouge, les yeux se fixent toujours sur les étiquettes de la consommation. À quelques lettres près, consommation devient consumation. Lisez le livre de Jürgen Teipel et vous verrez comment le punk à certains endroits du monde fut sérieusement connecté à la révolution. Lisez ce livre et vérifiez. Le punk est l’ennemi juré des hippies, ces remuants apparents mais adorateurs de l’ordre US. Ils n’ont rien fait que titiller. Jürgen Teipel a enquêté et il ressort que le mouvement punk coïncide avec  Elf uhr nachts (Pierrot le fou), Godard Belmondo associés, poing dans le poing. Blitzkrieg Pop et troublemakers ont sévèrement à voir avec l’anti-pacifisme, soit l’idée reçue dans les années 1970 à la suite de quelques messages envoyés sous la doctrine du hippiedom ou hippie dogme. Guy Darol

     

    LIPSTRICK TRACES, Greil Marcus, Folio Gallimard, 602 p., 13 €

    POST-PUNK, NO WAVE INDUS & NOISE, Philippe Robert, Éditions Le Mot et le Reste, 300 p., 20 €

    DILAPIDE TA JEUNESSE, UN ROMAN-DOCUMENTAIRE SUR LE PUNK ET LA NEW WAVE ALLEMANDS, Jürgen Teipel, Éditions Allia, 432 p., 25 €



  • LESTER BANGS ❘ JIM DEROGATIS

     

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    Parue en 2000 chez Broadway Books/Random House, la biographie de Lester Bangs (1948-1982) vient de nous arriver, traduite par Jean-Paul Mourlon. Son auteur, Jim DeRogatis, connaît bien son sujet. Non seulement il a rencontré Lester Bangs mais il a approché la plupart des témoins.

    Spécialiste des musiques psychédéliques et défricheur de la littérature rock, Jim DeRogatis possède, de surcroît, les bases utiles pour exposer une trajectoire où il est utile de maîtriser tant soit peu la culture littéraire étatsunienne du siècle dernier.

    Tout d’abord parce que Lester Bangs inscrit son nom au sein d’un nouveau courant, le gonzo journalism, genre dont Hunter S. Thompson est l’initiateur et qui inaugure, en littérature, une nouvelle méthode consistant à placer le moi au devant de toute réflexion.

    Dans l’énonciation du phénomène rock, à la fin des années 1960, Lester Bangs est le premier rock critic à exercer la pratique de la parole subjective tout en laissant aller une plume rapide, généralement caustique et nourrie d’images qui résultent autant des procédés mis au point par Brion Gysin et William Burroughs que du flux verbal introduit par Jack Kerouac. Admirateur de ce dernier, il construit un style où les analogies syncopées et les coïncidences-farces renvoient, sans qu’ils les citent jamais, aux imprécations et aux formules d’Arthur Cravan et de Francis Picabia.

    Avec lui, l’événement rock devient prétexte à des correspondances, à des glissements qui emmènent le journalisme sur le terrain de la littérature.

    Enfin cette nouvelle pratique s’appuie sur une technique jusque là ignorée des rédactions car elle privilégie l’affrontement. Lester Bangs considère, en effet, qu’il importe de secouer les statues pour faire entendre le bruit du dedans. L’épisode le plus notoire étant celui de sa rencontre avec Lou Reed dont il parvient à faire sauter la pose favorisant ainsi  l’expression de vérités aiguës.

    Jim DeRogatis ne se contente pas de narrer, dans leur succession chronologique, les faits qui aboutiront à la destruction physique de Lester Bangs à force d’alcool et de dragées multicolores, il explique la genèse d’un effondrement.

    Et c’est en explorant le pays de l’enfance que le biographe trouve tous les éléments constitutifs de la chute autant que les raisons qui poussent Bangs à écrire profusément comme s’il fallait aller vite, le plus vite possible. L’écriture nous apparaît alors comme une réflexe de survie, l’autre remède (avec les alcools, sirops et comprimés) à la souffrance native.

    Né d’une mère Témoin de Jéhovah et d’un père calciné dans un incendie, âgé de 41 ans, Lester se construit dans l’effroi et le manque d’amour. La drogue et la littérature constituent pour lui deux échappées qui dessinent la forme du chaos. Même s’il cherche éperdument un socle sentimental, il ne parvient jamais à inscrire ses élans lyriques dans une quelconque durée. Aimé des femmes, il ne peut qu’inventer ce don que l’on reçoit, en preuves constantes, tout au long de l’enfance. Lester n’a rien à offrir que son génie flambé et qui brûle lentement comme un écho démultiplié de la mort du père.

    Il devient le meilleur journaliste de Creem, sorte d’organe somptueux de la contre-culture américaine, le prosélyte punk (il en popularisa le mot) et l’agent de propagation du heavy metal. Ses articles ( dans Rolling Stone, Fusion, Village Voice…) sont une source d’inspiration pour Nick Kent et de fascination pour Richard Meltzer, Nick Tosches et Greil Marcus.

    L’ouvrage de DeRogatis est évidemment farci de rencontres et d’évocations. On y croise de bien grandes figures : Captain Beefheart, Patti Smith, David Thomas, Brian Eno, Wayne Kramer, toutes palpables et parfaitement liées au destin de Bangs.

    medium_Birdland.jpgIl contient quelques traductions de textes qui appartiennent à la période qui précède la chute, celle où le rock critic se fait chanteur tout à fait estimable. Également une bibliographie exhaustive qui témoigne qu’en 32 ans d’existence Bangs n’a cessé d’écrire pour ne pas devenir fou ou, simplement, pour ne pas hâter le crépitement du feu. Guy Darol

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    Lester Bangs

    Mégatonnique Rock Critic

    Jim DeRogatis

    tyle="color: #000000;">Éditions Tristram, septembre 2006

    377 pages, 24 €

    En librairie le 29 septembre 2006

    Psychotic Reactions & autres carburateurs flingués

    Lester Bangs

    Editions Tristram

    Fêtes sanglantes & mauvais goût

    Lester Bangs

    Editions Tristram

    Long-box anthologique 3 CD

    Bande-son de la vie et de l’œuvre de Lester Bangs

    45 titres comprenant des titres connus ou méconnus de Count Five, Iggy and the Sttoges, Richard Hell, Rocket From the Toms, Pere Ubu, Shadows Of Knight, MC5, The Byrds, Bob Dylan, Van Morrison, Rod Stewart, The Vibrators, Wet Willie, The J. Geils Band, Lester Bangs and the Delinquents, Ornette Coleman, Miles Davis, Television, Patti Smith, Toots and the Maytals, Max Romeo and the Upsetters, U Roy, Peter Tosh, The Clash, Public Image Ltd, Captain Beefheart, The Runaways, Black Sabbath, Nico, Wire, Brian no, Alice Cooper, The New York Dolls, The Velvet Underground, Lou Reed, Mott The Hopple, Elvis Presley, Suicide, Kraftwerk.

    Livret de 20 pages avec des textes de Lester Bangs et des photos extraites de sa biographie.

    SONY BMG, septembre 2006

    Turn On Your Mind

    Four Decades Of Great Psychedelic Rock

    Jim DeRogatis

    Hal Leonard, 2003

    Kill Your Idol

    A New Generation of Rock Writers

    Jim DeRogatis

    Barricade Books, 2004.

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    Almost Famous

    Film de Cameron Crowe, 2000

    Avec Philip Seymour Hoffmann dans le rôle de Lester Bangs

    Enfin, voici l’album hautement recommandé par Lester Bangs. Celui qu’il faut prévoir en cas de naufrage et d’île déserte.

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    VAN MORRISON

    Astral Weeks

    WARNER, 1968

    Cet Irlandais de Belfast rend aujourd’hui hommage à Hank Williams et Big Joe Turner. « Pay The Devil », son dernier album (mars 2006) sonne comme une dette acquittée. Van Morrison est un soulman blanc et son grain de voix unique roule les peines de Solomon Burke, les misères de Bobby Womack. En 1968, à 23 ans,  il enregistre « Astral Weeks », séminal album qui ouvre des voies aux complaintes pop. Les meilleurs (Elvis Costello, Willy Deville, Bruce Springsteen) avouent leur descendance dans le sillage de ce huit titres historique. Tant de protestataires ont adopté l’accent de cet artefact-brûlot qu’il est troublant d’écouter « Sweet Thing » et n’importe quel track de Tracy Chapman. Par exemple. Guy Darol

    Website de Jim DeRogatis

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