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just jaeckin

  • JEAN-MARC DONNAT EVOQUE THEO LESOUALC'H

     

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    Il y a quelques jours, le 28 novembre, j'ai eu l'occasion de me libérer un peu d'un poids de tristesse au travers de ces quelques mots : Théo est mort... C'était un homme de 78 ans, malgré son âge le terme de vieux ne lui convenait pas, bien droit, bien mince, ses cheveux longs jusqu'au milieu du dos. Il allait de son pas d'ermite et il me fascinait. Il me parlait de gens, de pays, de temps que je n'ai pas connu mais qui font rêver: Bombay, le mime Marceau, Colombo, Tokyo, Yoko Ono, Mishima ... Avec Alain, nous allions le voir, nous parlions des heures, il nous racontait sa vie ses voyages en auto stop, la Turquie, l'Iran, la Suède, l'Italie... Il avait écrit des livres, il nous les montrait. Ses éditeurs étaient Jean-Jacques Pauvert, Christian Bourgeois... Son nom : Théo le Soualc'h, né en 1930 à Paris, mort le 28 Novembre 2008, aux environs de 10 heures du matin au mas brûlé, Font de Rouve 30340 ROUSSON.

    Google connait bien Théo, écrivain underground des années 60. Il n'aimait pas beaucoup Jack Kerouac, son presque exact contemporain, son alter égo du nouveau monde. Il le trouvait larmoyant, en appelant à sa mère toutes les trois pages de ses livres. Voilà l'homme un peu situé. Son univers c'était les voyages, la littérature, le théâtre d'avant garde (ah! les happening de Yoko Ono!). Nous avions le sentiment de connaître quelqu'un pour le moins spécial.

    Théo est mort, je le sais bien, parce qu'Alain et moi, nous l'avons trouvé tout à l'heure au milieu de ses chats. Froid. Étendu par terre, le feu encore tiède dans sa cheminée, le thé pas bu sur sa minuscule table de travail. Il avait finalement l'air beaucoup plus paisible que les masques crispés qu'il fabriquait. Belle mort sans souffrance, sans avoir conscience de l'arrivée de la faucheuse. Le SAMU appelé, nous cherchons des traces de la nièce qu'il avait évoqué. Carnet d'adresse. L'abécédaire de Théo était sinon extraordinaire, au moins "relevé", pour lui c'était A comme Alfredo Arias, L comme Jorge Lavelli, S comme Barbet Schroeder... Je n'ai retenu que ceux-là et je suis sûr d'en avoir manqué et des meilleurs, suite à mon inculture chronique. Entre-temps, les gendarmes sont arrivés, un médecin est en route, le Maire vient voir... Nous pouvons partir, un dernier tour dans le jardin fantastique du mas brûlé... Les murs deviennent sculptures, la serre à la forme d'un œuf. Beau.

    Une dernière anecdote : Milieu des années cinquante Bangkok, Théo rencontre une jeune femme (pré)nommée Marayat. Ils passent du bon temps sous l'oeil complaisant du mari... Glauque oui, mais quelques mois plus tard sort un livre et dix ans plus tard, un film, ce sera Emmanuelle de Just Jaeckin. Leur histoire. Le mari, attaché d'ambassade est connu, sinon reconnu, dans le monde littéraire sous le nom d'Emmanuelle Arsan. Sacré Théo ! J'aurais tant aimé parler encore et encore avec toi, par exemple du Leaving Theatre que tu connaissais si bien (ta bibliothèque me l'a dit). Mais tu as bien fait de mourir ainsi, je ne te voyais pas en maison de retraite et là, je sais de quoi je parle. Jean-Marc Donnat