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jack kerouac

  • LUCIEN SUEL TRADUCTEUR DE JACK KEROUAC NOUS FAIT QUELQUES MOUES DE VEAUX

     

     

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    L'activité de Lucien Suel est sans répit. L'infatigable est récompensé de ses peines, aussi de ses joies. Son vingt-troisième livre, Mort d'un jardinier, publié à La Table Ronde en 2008 vient de paraître en poche. C'est le numéro 5105 de la collection Folio Gallimard. Va-t-il se reposer ? Rien n'est moins sûr. Lucien Suel doit pourtant envisager l'oisiveté. Il le faut pour admirer les porcs et mirer les moues de veaux. Ecrit-il sur une ardoise bord à bord ? Ce compassionnel (vraiment compassionnel ?) de la vie animale qui remplit nos assiettes rédige pendant que cliche Patrick Roy. Les photographies de Patrick Roy sont des gros plans sur des museaux nés pour perdre. Lucien Suel nous parle des animaux comme il sait le faire du jardin, d'être à être allais-je dire. On dirait qu'il remplit des cases, comme le veau occupe l'espace à mangeoire et le porc son bâtiment d'engraissement. Le texte et l'image se coudoient. Ce n'est pas ainsi dans le monde vrai où l'homme n'est pas l'ami du loup, où le loup n'est pas copain comme cochon avec le cochon.

    Ainsi qu'il est écrit en quatrième de couverture de Têtes de porcs Moues de veaux, Lucien Suel est né en 1948 à Guarbecque dans le Pas-de-Calais où il vit aujourd'hui. Editeur, traducteur, lecteur, artiste postal et poète ordinaire, il a animé de 1989 à 1998 le magazine MouE de VeaU. Traducteur donc. Alors que paraissait Sur la route sous-titré Le rouleau original chez Gallimard (quarante mètres d'un rouleau de papier qui "déroulé sur le plancher ressemble à la route"), les éditions La Table Ronde publiaient le Livre des Esquisses, un ensemble de notes couchées sur le motif entre 1952 et 1954. Du motif, il y en a entre New York et San Francisco, entre Montréal et Paris. Motif en forme de paysages, de visages, de grandes questions. Motif orné de rencontres : Burroughs, Ginsberg. Motif à mélancolie : l'évocation de la mort de Gérard, le frère de Jack. Motif à parler littérature : Dostoïevski, Melville, Blake, Yeats, Lawrence. Motif pour s'encourager à écrire

    Alors en moi cette écriture finira

    par être le moyen d'alléger

    peu à peu le fardeau

    de mon éducation

    pour occuper mon temps

    une self-thérapie du fardeau éducatif

    personnelle & surréaliste vers la

    Paix Agraire & Fellaheen

    Motif pour dire la supériorité du peuple Fellaheen. Occasion pour nous de visiter le monde à toute berzingue en suivant la colonne des mots de gueules, de sable, d'azur et de sinople vaillamment traduits par Lucien Suel. Nous suivons Jack Kerouac alias Memory Lane jusque dans Paris où il s'étonne de croiser des "types bizarres à la WC Fields". On ralentit le pas rue des Ecoles. On se cache derrière la statue de Montaigne pour observer l'homme qui inventa le jazz et le verbe tressés.

    Assis dans un petit parc sur la place Paul-Painlevé

    - une ligne courbe de magnifiques tulipes rosées

    raides et se balançant, des gros moineaux ébouriffés, superbes

    mademoiselles aux cheveux courts (une qui ne devrait jamais passer une nuit solitaire à Paris, garçon ou fille, mais je suis

    un vieil homme mauvais & haïssant le monde qui deviendra le plus grand écrivain ayant jamais vécu)

    On referme le Livre des esquisses avec le tournis bezef bono, heureux et triste mais mieux instruit :

    ECRIS EN PETITS CARACTERES

    QUAND T'ES BOURRE

    chuchote Jack Kerouac. Il ne faut pas tromper le lecteur avec de grands mots. Ce que Kirouac (lire page 225) savait, ayant beaucoup bu (rouquemoute et cie)

    Boire c'est bon pour

    l'amour - bon pour

    la musique - que ça

    soit bon pour

    l'écriture -

    Cette ivrognerie est mon

    alternative  au suicide,

    & c'est tout ce qui reste

    Cartographies flash sur un rail de grand huit. Il fallait un poète (pas si) ordinaire (que ça) pour transposer en langue française déflagratoire le poète bop. Lucien Suel l'a fait, bien fait. Il habite Jack Kerouac depuis si longtemps.

     

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    style="font-weight: normal;">TETES DE PORCS

    MOUES DE VEAUX

    Patrick Roy & Luci en Suel

    8 €

    Pierre Mainard éditeur

    14, place Saint-Nicolas 47600 Nérac

     

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    LIVRE DES ESQUISSES 1952-1954

    Jack Kerouac

    Traduction de Lucien Suel

    383 pages, 23 €

    La Table Ronde

     


  • PHIL DUBOIS EVOQUE THEO LESOUALC'H

     

     

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    Théo Lesoualc'h faisait partie des poètes essentiels de la Beat Generation en France qui, rappelons-le, fut OCCULTEE. Je vous invite à venir en lire un résumé historique sous forme d'un article intitulé : LA BEAT-GENERATION EN FRANCE (1967) HISTOIRE OCCULTEE (catégorie: Histoire), en 7 chapitres, sur mon blog "TumTumBlog" (20minutes.fr). Son roman, La vie vite, fut en synchronicité avec Sur la route de Jack Kerouac. Outre sa participation à la revue MAI HORS SAISON de mon ami Guy Benoit, il collabora aussi à REVOLUTION INTERIEURE reprise en mains par Daniel Giraud, et je me souviens qu'il m'avait envoyé un texte pour le numéro "zéro" dont je fus l'initiateur (tiré sur stencils). Le petit cahier Paroles d'avant l'aube est un recueil de gemmes extirpées en pure connaissance du matin, véritable diamant de poétique vivante. Dans son texte Théâtre de l'invasion. Le présent total (publié par Révolution intérieure) il écrit : "Le présent est pour moi la seule réalité. Contre cette civilisation utopique du béton et de l'électronique. Contre l'homme-colonisateur né avec l'impérialisme romain, il y a deux mille ans. Contre une planification muette vouée à la lâcheté humaine et contre-Nature". Dans ce texte, il évoque, plus loin, "un trouble fondamental de l'Etre qui est celui des âges les plus reculés des mythes. Que la vanité primaire de notre civilisation aliénante et comprimée par son malaise ne peut réduire, malgré toutes les répressions, car ce trouble émane des profondeurs les plus souterraines de l'humain. C'est le même trouble qu'expriment les bas-reliefs maya, les rituels chamaniques. Ce même trouble qu'Artaud décodait dans les envoûtements de la danse balinaise et qui ressurgit aujourd'hui dans toute une expression nouvelle qui échappe à la culture officielle, comme les poèmes de Ginsberg, les récits de Burroughs, la musique de Jimi Hendrix, etc...".

    Le "grand frère" Théo n'est plus ; il EST, à jamais. Phil Dubois

  • JEAN-MARC DONNAT EVOQUE THEO LESOUALC'H

     

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    Il y a quelques jours, le 28 novembre, j'ai eu l'occasion de me libérer un peu d'un poids de tristesse au travers de ces quelques mots : Théo est mort... C'était un homme de 78 ans, malgré son âge le terme de vieux ne lui convenait pas, bien droit, bien mince, ses cheveux longs jusqu'au milieu du dos. Il allait de son pas d'ermite et il me fascinait. Il me parlait de gens, de pays, de temps que je n'ai pas connu mais qui font rêver: Bombay, le mime Marceau, Colombo, Tokyo, Yoko Ono, Mishima ... Avec Alain, nous allions le voir, nous parlions des heures, il nous racontait sa vie ses voyages en auto stop, la Turquie, l'Iran, la Suède, l'Italie... Il avait écrit des livres, il nous les montrait. Ses éditeurs étaient Jean-Jacques Pauvert, Christian Bourgeois... Son nom : Théo le Soualc'h, né en 1930 à Paris, mort le 28 Novembre 2008, aux environs de 10 heures du matin au mas brûlé, Font de Rouve 30340 ROUSSON.

    Google connait bien Théo, écrivain underground des années 60. Il n'aimait pas beaucoup Jack Kerouac, son presque exact contemporain, son alter égo du nouveau monde. Il le trouvait larmoyant, en appelant à sa mère toutes les trois pages de ses livres. Voilà l'homme un peu situé. Son univers c'était les voyages, la littérature, le théâtre d'avant garde (ah! les happening de Yoko Ono!). Nous avions le sentiment de connaître quelqu'un pour le moins spécial.

    Théo est mort, je le sais bien, parce qu'Alain et moi, nous l'avons trouvé tout à l'heure au milieu de ses chats. Froid. Étendu par terre, le feu encore tiède dans sa cheminée, le thé pas bu sur sa minuscule table de travail. Il avait finalement l'air beaucoup plus paisible que les masques crispés qu'il fabriquait. Belle mort sans souffrance, sans avoir conscience de l'arrivée de la faucheuse. Le SAMU appelé, nous cherchons des traces de la nièce qu'il avait évoqué. Carnet d'adresse. L'abécédaire de Théo était sinon extraordinaire, au moins "relevé", pour lui c'était A comme Alfredo Arias, L comme Jorge Lavelli, S comme Barbet Schroeder... Je n'ai retenu que ceux-là et je suis sûr d'en avoir manqué et des meilleurs, suite à mon inculture chronique. Entre-temps, les gendarmes sont arrivés, un médecin est en route, le Maire vient voir... Nous pouvons partir, un dernier tour dans le jardin fantastique du mas brûlé... Les murs deviennent sculptures, la serre à la forme d'un œuf. Beau.

    Une dernière anecdote : Milieu des années cinquante Bangkok, Théo rencontre une jeune femme (pré)nommée Marayat. Ils passent du bon temps sous l'oeil complaisant du mari... Glauque oui, mais quelques mois plus tard sort un livre et dix ans plus tard, un film, ce sera Emmanuelle de Just Jaeckin. Leur histoire. Le mari, attaché d'ambassade est connu, sinon reconnu, dans le monde littéraire sous le nom d'Emmanuelle Arsan. Sacré Théo ! J'aurais tant aimé parler encore et encore avec toi, par exemple du Leaving Theatre que tu connaissais si bien (ta bibliothèque me l'a dit). Mais tu as bien fait de mourir ainsi, je ne te voyais pas en maison de retraite et là, je sais de quoi je parle. Jean-Marc Donnat