J'ai rencontré Colette Magny (1926-1997) au début des années 1970 alors qu'elle habitait rue de Flandres, à Paris. Elle a beaucoup inventé et beaucoup protesté. Avec justesse et grand talent. Sa voix forte nous manque et l'on est soulagé de savoir que son nom est désormais porté en étendard. Notamment par Rocé.
Lorsque Frédéric Goaty me demanda quelques portraits de femmes pour le dossier Ainsi soient-elles du numéro 8 de Muziq (actuellement dans les kiosques), j'ai immédiatement pensé à Colette Magny. Immense mais rarement célébrée, il fallait marquer le coup. L'occasion était belle.
A la parution de Muziq, un lecteur a manifesté son enthousiasme pour la chanteuse. Mieux : il rappelait des souvenirs. Philippe Vidal a bien connu Colette Magny. En voisin et en fervent. Voici le courriel qu'il m'adressa.
Bonjour,
Ça fait plaisir d’entendre parler de Colette Magny dans la presse musicale, et c’est tout à l’honneur de Muziq de ne pas l’oublier et de la réunir fort justement à Bessie, Billie, Ella. En effet, ce n’est pas parce qu’elle ne passait pas à la télé qu’elle ne soutient pas la comparaison. Ses disques sont là pour en témoigner.
Voici quelques infos complémentaires qui vous intéresseront peut-être, à moins que vous ne les connaissiez déjà, auquel cas je m’excuse par avance de la répétition. Vous écrivez que la « journaliste chantante » est partie s’installer du côté de Saint-Antonin-Noble-Val. C’était plus exactement à une dizaine de kilomètres de là, au hameau de Selgues, sur la commune de Verfeil-sur-Seye, qui compte à l’heure actuelle trois centaines d’habitants. On peut dire que Colette Magny n’aura pas fait le voyage pour rien : vers la fin des années 80, alors qu’elle avait déjà de grandes difficultés à se déplacer, il a été possible un soir d’été de lui monter une scène et une sono pour qu’elle chante, entourée de jeunes musiciens pros originaires du village : l’accordéoniste-batteur Didier Brassac et le souffleur François Chambert. Un an plus tard, au même endroit et toujours grâce à elle je suppose, il y avait Paco Ibañez, et la lente extinction de ce village du Rouergue était enrayée grâce à l’association locale Act’2 et au festival Des Croches et la Lune installé pour un long week-end en août au cœur du village. La 19ème édition a eu lieu cet été. Au fil des ans on a eu droit à Mama Béa Tekielski, Allain Leprest, Bernardo Sandoval, Mano Solo, le Workshop de Lyon, Bïa, Jehan, les Wampas, Dick Annegarn, Raul Barboza, Bratsch, et beaucoup d’artistes de Midi-Pyrénées… Et surtout, on ou off, des artistes sont venus à Verfeil, s’y sont plu (souvent), installés (parfois), y vivent et y travaillent maintenant.
Là-bas, la mémoire de Colette Magny et ses chansons font partie du paysage de manière plutôt discrète, informelle, et pour tout dire allant de soi. En 2005 la boucle s’est bouclée une première fois quand la compagnie Okamzik (de Bordeaux je crois) est venue conclure le festival en créant son spectacle sur les chansons de Colette Magny. Quatre jeunes musiciens (chant, sax, flûte, guitare) et un pianiste-arrangeur-directeur artistique – je n’ai pas les noms – pour un moment exceptionnel, je pèse mes mots, de recherche et de qualité musicale, d’engagement scénique, de générosité, d’émotion pleine et sincère de part et d’autre de la rampe.
Les disques de Colette Magny ne ressortiront ni pour les dix ans de sa mort, ni pour son centenaire ni pour un quelconque jalon de ce genre, mais comme pour Jehan Jonas, Bernard Dimey et d’autres, il y aura bien sur le terrain, loin des écrans et des célébrations, des inconnus pour que les mots, les notes, ne s’éteignent pas tout à fait. Sans oublier Muziq N° 8 !
Cordialement,
Ph. Vidal
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