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blues

  • COLETTE MAGNY

     

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    Voix ultime de la protestation charriant les révoltes, Colette Magny (1926-1997), s'est toujours absentée du système au point de tenir à l'écart ceux qui voulaient augmenter son prestige. Au début des années 70, elle m'avait invitée rue de Flandres, dans le petit appartement parisien qu'elle occupa longtemps avant de prendre la tangente du côté de Saint-Antonin-Noble-Val, aux confins de l'Albigeois et du Quercy. Notre conversation, enregistrée sur un magnétophone à bandes, devait paraître dans Gulliver, un mensuel de contre-culture dirigé par André Bercoff. Je voulais élucider le singulier parcours qui mène une dactylo de l'UNESCO au blues le plus radical, en passant par l'Olympia dont elle partage la scène avec Sylvie Vartan. Il me fallait tracer une chronologie. Cette tentative fut un fiasco. Colette Magny s'évadait lorsque mes questions la frôlaient. Elle préférait évoquer les saloperies et comment en finir avec l'oppression en organisant une grève générale mondiale. Concernant ses projets, elle m'annonça (et son visage s'était illuminé) qu'elle désirait convaincre Léo Ferré d'enregistrer un album duettiste. Imaginez l'explosive aria qu'un tel alliage aurait pu susciter.  L'entretien ne parut jamais. Colette Magny s'étant opposé à cette publicité qu'elle jugeait dérisoire.

    Elle a 35 ans lorsqu'elle débute en chanson sur le continent Contrescarpe. Sa voix de cyclone souffle les incantations félines de Bessie Smith, un blues prolétaire qui ne pleure pas les amours vaincues mais l'horreur des puissants. Un premier 45 tours publié en 1963 grave un poème de Rainer Maria Rilke et « Melocoton », air poignant dédié à l'enfance. Colette Magny tient le tube qui ouvre les portes mais elle ne cherche pas les falbalas. Ses chansons serviront à évoquer la situation au Vietnam au moment des bombes Nixon. Elles documentent la réalité du Chili après le coup d'état d'Augusto Pinochet et de la CIA contre la coalition d'Allende. Sur les pochettes de ses albums : Che Guevara, Hô Chi Minh...

    Passer à la radio ou à la télévision, du moment qu'on ne lui demande pas de se promouvoir, elle ne dit pas non. Les médias ne lui feront pas de cadeaux. À l'ORTF, ses disques sont rayés au stylet. Interdite d'antenne, censurée, y compris par les ayants droits d'Antonin Artaud, lorsqu'en 1981, elle rendra hommage au Mômo, Colette Magny n'en continue pas moins son travail de «journaliste chantante », une locution qu'elle s'est choisie pour faire taire ceux qui la traitent d'artiste engagée.

    Artiste, tout de même, le mot est juste. Car cette voix de la rue de Flandres qui aurait pu faire illusion sur les rives du Mississipi savait accrocher des mots sur la répression au Chili autant qu'empoigner l'auditeur avec des textes d'Antonio Machado ou de Pablo Neruda. Passeuse de « révoltes logiques » (Arthur Rimbaud), elle chante Louis Aragon et surtout Antonin Artaud qui a, dit-elle, « craché, vomi, excrémenté pour les enfants du monde ». Sa colère est artiste qui sait aller vers la beauté pour attirer l'attention de ceux qui se font sourds. Elle s'entoure de grands textes et de hauts musiciens, choisit le jazz pour retrouver le son des anciens rugissants. Autour d'elle : Claude Barthélémy, Raymond Boni, Patrice Caratini, Louis Sclavis, Henri Texier, François Tusques. Sa voix anti-impérialiste est sardanapalesque sur « Rap' toi de là que je m'y mette », magnifique chanson-collage (un genre dont elle est assurément l'inspiratrice) avec quatuor à cordes. Ce blues-rap accompagne  14 autres titres sur Inédits 91, album payé de sa poche. Pionnière, en somme, dans l'éjection par les maisons de disques, Colette (qui se surnomme volontiers la pachyderme) n'a pas la courbure de vente nécessaire. Pèse pas  lourd sur la balance des hits planétaires.

    En 1983, je me trouvais au Théâtre de la Ville. Le rideau se lève (façon de parler) sur une scène nue. Piano de cérémonie et Colette Magny au proscenium. Le concert débute par « Etude Op. 10 n°2 » de Frédéric Chopin, la « Révolutionnaire ». Anne-Marie Fijal aux touches. Je suis secoué de frissons. Colette Magny chante « Strange Fruit » et je crois voir des arbres chargés de pendus. Puis elle chante « You Go To My Head », « My Man », « All Of Me » et chacun de ces airs connus remplissent l'air d'ondes vraiment fraternelles. Ce soir-là, sans aucun doute, nous avons tous ressenti que ce cœur de femme gigantesque battait à l'unisson des divas. Nous pensions à Billie Holiday, à Ella Fitzgerald. Ses petites sœurs. Guy Darol

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  • BOOGIE WITH CANNED HEAT

     

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    Cocktail étoupillant à base d'alcool et de méthylène, un canned heat est une boisson chaude et un boogie band né à Los Angeles, en 1965, de la rencontre d'Alan Wilson aka Blind Owl et de Bob Hite aka The Bear. Un DVD impératif retrace l'aventure de ce groupe qui laissa derrière lui quelques bons smash hits : On The Road Again, Going Up The Country, Let's Work Together. L'odyssée qui compta quinze membres et des plus balèzes - parmi lesquels le guitariste Henry Vestine qui aurait pu être le séide de longue chevauchée d'un certain Frank Zappa s'il n'avait usé et abusé de  bonbons multicouleurs - est narrée par le joyeux batteur mexicain Fito De La Parra qui remplace Frank Cook (jugé beaucoup trop jazzy) en 1968, l'année de l'opus maxima Boogie With Canned Heat.

    Tout est dit et pointilleusement expliqué dans ce parfait film. Et l'on connaît tout désormais des circonstances de la mort du guitariste, harmoniciste (fameux) et chanteur (au falsetto inégalé) Alan Wilson. De même découvre-t-on l'un après l'autre les visages qui se succèdent au sein de cette formation toujours en activité. Désormais privée de Bob Hite, décédé en 1981 et de Vestine, calenché il y a tout juste dix ans.

    Une vraie pièce de collection. Un bel exemple à suivre en matière de DVD musical.

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    EAGLE VISION/NAÏVE, 2006
    Durée : 140 minutes
    Son Mono (with Stereo Inserts)
    Dolby Digital
    Sous-titres : Français


     

  • COLETTE MAGNY

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    J'ai rencontré Colette Magny (1926-1997) au début des années 1970 alors qu'elle habitait rue de Flandres, à Paris. Elle a beaucoup inventé et beaucoup protesté. Avec justesse et grand talent. Sa voix forte nous manque et l'on est soulagé de savoir que son nom est désormais porté en étendard. Notamment par Rocé.

    Lorsque Frédéric Goaty me demanda quelques portraits de femmes pour le dossier Ainsi soient-elles du numéro 8 de Muziq (actuellement dans les kiosques), j'ai immédiatement pensé à Colette Magny. Immense mais rarement célébrée, il fallait marquer le coup. L'occasion était belle.

    A la parution de Muziq, un lecteur a manifesté son enthousiasme pour la chanteuse. Mieux : il rappelait des souvenirs. Philippe Vidal a bien connu Colette Magny. En voisin et en fervent. Voici le courriel qu'il m'adressa.

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    Bonjour,

    Ça fait plaisir d’entendre parler de Colette Magny dans la presse musicale, et c’est tout à l’honneur de Muziq de ne pas l’oublier et de la réunir fort justement à Bessie, Billie, Ella. En effet, ce n’est pas parce qu’elle ne passait pas à la télé qu’elle ne soutient pas la comparaison. Ses disques sont là pour en témoigner.

    Voici quelques infos complémentaires qui vous intéresseront peut-être, à moins que vous ne les connaissiez déjà, auquel cas je m’excuse par avance de la répétition. Vous écrivez que la « journaliste chantante » est partie s’installer du côté de Saint-Antonin-Noble-Val. C’était plus exactement à une dizaine de kilomètres de là, au hameau de Selgues, sur la commune de Verfeil-sur-Seye, qui compte à l’heure actuelle trois centaines d’habitants. On peut dire que Colette Magny n’aura pas fait le voyage pour rien : vers la fin des années 80, alors qu’elle avait déjà de grandes difficultés à se déplacer, il a été possible un soir d’été de lui monter une scène et une sono pour qu’elle chante, entourée de jeunes musiciens pros originaires du village : l’accordéoniste-batteur Didier Brassac et le souffleur François Chambert. Un an plus tard, au même endroit et toujours grâce à elle je suppose, il y avait Paco Ibañez, et la lente extinction de ce village du Rouergue était enrayée grâce à l’association locale Act’2 et au festival Des Croches et la Lune installé pour un long week-end en août au cœur du village. La 19ème édition a eu lieu cet été. Au fil des ans on a eu droit à Mama Béa Tekielski, Allain Leprest, Bernardo Sandoval, Mano Solo, le Workshop de Lyon, Bïa, Jehan, les Wampas, Dick Annegarn, Raul Barboza, Bratsch, et beaucoup d’artistes de Midi-Pyrénées… Et surtout, on ou off, des artistes sont venus à Verfeil, s’y sont plu (souvent), installés (parfois), y vivent et y travaillent maintenant.

    Là-bas, la mémoire de Colette Magny et ses chansons font partie du paysage de manière plutôt discrète, informelle, et pour tout dire allant de soi. En 2005 la boucle s’est bouclée une première fois quand la compagnie Okamzik (de Bordeaux je crois) est venue conclure le festival en créant son spectacle sur les chansons de Colette Magny. Quatre jeunes musiciens (chant, sax, flûte, guitare) et un pianiste-arrangeur-directeur artistique – je n’ai pas les noms – pour un moment exceptionnel, je pèse mes mots, de recherche et de qualité musicale, d’engagement scénique, de générosité, d’émotion pleine et sincère de part et d’autre de la rampe.

    Les disques de Colette Magny ne ressortiront ni pour les dix ans de sa mort, ni pour son centenaire ni pour un quelconque jalon de ce genre, mais comme pour Jehan Jonas, Bernard Dimey et d’autres, il y aura bien sur le terrain, loin des écrans et des célébrations, des inconnus pour que les mots, les notes, ne s’éteignent pas tout à fait. Sans oublier Muziq N° 8 !

    Cordialement,

    Ph. Vidal

    VISITER ACT'2

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