Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

THE RESIDENTS

 

residents.jpg

 

La culture pop n’est pas qu’une déferlante de sons mi-rebelles mi-serviles, elle est aussi une galerie d’images, un musée d’icônes mal léchées. On ne peut guère dissocier les Beach Boys du poupin Brian Wilson. Et il est difficile de défigurer le portrait de Ray Davies souriant dès lors que l’on pense aux Kinks. Imaginez maintenant que vous songiez aux Beatles et que les Fabulous Four ne s’impriment pas (y compris en ordre dispersé) sur l’écran lacrymal de votre substance grise. Problème.

Les Residents font bien partie de la culture officielle pop et cependant ils sont inconnus au bataillon des visages gominés célèbres, absents des charts de la frime classée. On ignore leurs traits, leur état-civil. Seuls nous sont connus leurs goûts et dégoûts. Pour cela, il faut tendre l’oreille.

Comme le rappelle Pacôme Thiellement dans son indispensable Poppermost (Musica Falsa éditeur), les Residents sont nés au moment où les Beatles partaient en couilles. Autrement dit, en 1969, année peu érotique pour les nostalgiques du quartet. Mais qui sont ces mystérieux Residents qui affichent aujourd’hui plus de 40 albums à l’actif de leur anonymat ?

A la fin des années 1960, ils sillonnent la Californie à bord d’un van comme un gang de Martiens cherchant le point faible de la Terre. Ils sont quatre ou peut-être cinq. A San Mateo, ils font halte. Ils étudient la musique comme des ethnologues du son. S’attachent à la culture cajun. Reçoivent, disent-ils, des enregistrements de combattants de la guerre du Vietnam. Des chants de survie. A la manière d’Olivier Messiaen, notant dans les environs de Rocamadour les trilles de la fauvette, ils enregistrent des pépiements, fixent sur bandes l’oiseau et l’homme. Au cours d’une dérive quasi situationniste, ils heurtent de plein fouet Philip Charles Lithman aka Snakefinger, guitariste génial (et comment !) qui leur parle d’un certain Nigel Senada.
Nigel Senada, âgé d’une soixantaine de lustres, prétend alors posséder un système musical à base de phonétique. Il est le contemporain lointain d’Isidore Isou, de Gabriel Pomerand, lettristes germanopratins persuadés que la poésie ne survivra que si l’on disloque la dictature du sens. Nigel Senada est persuadé que l’art n’est pas compatible avec le commerce. Selon lui, la création convulsive et dynamique ne peut se développer qu’à l’abri des regards de la convoitise marchande. Il développe la théorie de l’obscurité. Théorie qu’adopteront sans jamais faillir les quatre ou peut-être cinq formant le North Louisiana’s Phenomenal Pop Combo connu sous le nom désormais illustre de Residents.

Installés à San Francisco ( 20 Sycamore Street) le phenomenal pop combo adresse leur premier enregistrement à Harvey Halverstadt de la Warner Bros. Celui-ci a travaillé avec Captain Beefheart et ces quatre (ou peut-être cinq) sont résolument acquis au verbe rogommeux du grand Don Van Vliet. Ils attendent une joyeuse réponse. Las, Halverstadt juge le travail raté. Il renvoie la maquette à l’attention des résidents du lieu. Le combo avait simplement omis de joindre une adresse à l’envoi. Les Résidents, ça sonne bien. C’est ainsi qu’ils se feront connaître.

 The Residents est un groupe sans bandleader. Ils sont anonymes. Ils n’ont pas de visages. Sur Meet The Residents, premier album datant de 1974, ils empruntent les traits des Beatles. Copie du pressage américain de Meet The Beatles !, cet album mijoté au milieu des influences de Dada, William Burroughs, John Cage et Captain Beefheart (il suffit d’écouter « Infant Tango ») dégage un parfum d’inédit qui fait révolution. On nage dans une avant-garde qui n’ignore rien de Sun Ra et de Tod Browning, de Harry Partch et de Frank Zappa. D’ailleurs l’album historique qui se vendit à 40 exemplaires la première année fut adressé en service de presse à l’inventif Zappa que l’on crut être un moment l’éminence polychrome de ce néo-combo. Aujourd’hui encore l’ombre double Zappa-Beefheart plane sans nul doute sur la formation cryptée.

Après The Third Reich’n’roll (1976) qui affiche en couverture un sémillant nazi et du même coup la provocation élevée à son plus âpre niveau, les Residents sortent « Satisfaction » et cette reprise de 1977 apparaît aujourd’hui comme l’un des actes fondateurs du mouvement punk. L’album The King And the Eye (1989), relecture acidulée du mythe Elvis ; Woormwood (1998), expérimentation sonore dans laquelle le pop combo révèle que la sacrée Bible est jonchée de tortures et de viols ; Brumalia (2004), dernière sortie en date, signalent la persistance d’une recherche musicale fondée sur l’héritage de James Brown et des Beatles, de Gershwin et des Rolling Stones. L’aventure des célèbres anonymes rencontre aujourd’hui une date de l’histoire des avant-gardes avec la réédition du Commercial Album (Mute/Labels), édité il y a tout juste vingt-cinq ans.

Groupe invisible culte, les Residents, avec leurs têtes en face d’œil, smoking à gilet, chapeaux gibus et cannes dandy, figurent une pop d’élite : Stockhausen au service d’Hank Williams. Kurt Schwitters à la portée du rock. La parution sous forme de coffret-reliquaire du Commercial Album s’accompagne d’une publication rare : The Residents Commercial DVD Album. Ce collector d’emblée consiste en une cinquantaine de films d’animation dont le format n’excède pas soixante secondes, autrement dit la distance standard d’un spot publicitaire aux Etats-Unis. Challenge à la fois commercial et artistique (singulier oxymore), ce DVD démontre que les Residents sont de redoutables promoteurs. Ils ont inventé la forme punk et la musique industrielle, le vidéo-clip et l’absolue sincérité sans projecteurs. Ils n’ont pas eu besoin des paillettes et des plumes pour s’attirer la sympathie de Fred Frith, Chris Cutler, Lene Lovitch et Andy Patridge, tous fans hardcore associés à la réalisation d’un DVD digne des œuvres de Norman McLaren et d’Oskar Fischinger, de Bruce Bickford et de Man Ray.

Ils ne sont pas les favoris de MTV, on ne les voit jamais à la une des magazines trendy, et cependant qu’auraient été les Flying Lizards de David Cunningham, Primus, Pere Ubu, Cabaret Voltaire, les Yello de Dieter Maier, Devo et Throbbing Gristle s’ils n’avaient, un jour, rencontrés les concepteurs de « Santa Dog », cet anagramme de God Satan, s’ils n’avaient goûté à la délicieuse mélancolie des derniers représentants de Dada sur Terre, ces quatre ou cinq illuminés justement convaincus qu’il n’y a pas pire ennemis que l’art et la publicité. Guy Darol

The Residents DVD Commercial Album (Mute/Labels)


CONSULTER

www.residents.com

www.myspace.com/theresidents

www.theresidents.co.uk

Commentaires

  • je les avais oublié ces lascards

Les commentaires sont fermés.