Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • LE MAGAZINE DES LIVRES ♯ 21

     

    MdL 21.jpg

     

     

    Dépendamment d'un conséquent entretien avec Michel Déon (dernier Hussard) mené par Thierry Richard, d'un article en largeur et en profondeur sur l'oeuvre de Philip Roth, d'une chronologie mois par mois des événements littéraires de l'année 2009, Le Magazine des Livres pointe en un numéro hors-série le meilleur de la littérature de ces douze derniers mois à travers une multitude d'articles.

    Dans cette livraison, je recense et encense (impossible pour moi de dire le moindre ou le pire) :

    LE COMTE DE PERMISSION, Orlando de Rudder. Editions Jean-Claude Lattès.

    LA PATIENCE DE MAURICETTE, Lucien Suel. Editions La Table Ronde.

    Voir mon entretien avec Lucien Suel dans le numéro 20 du Magazine des Livres, actuellement dans les kiosques.

    AJOUPA-BOUILLON, Maurice Mourier. Illustrations Maria Mikhaylova. EST-Samuel Tastet Editeur.

    LES CLOUS DU FAKIR, Pierre Hanot. Editions Fayard.

    DU COTE DE CHEZ MALAPARTE, Raymond Guérin. Editions Finitude.

    LE VIN DES RUES, Robert Giraud. Editions Stock.

    MONSIEUR BOB, Olivier Bailly. Editions Stock.

  • KID LOCO ❘ OUMUPO 4 ❘ 2005

     

    kid loco.jpg

     

     

    Premier d'une interminable série d'ouvroirs, l'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) fut créé en 1960 par le mathématicien François Le Lionnais et l'écrivain Raymond Queneau. Il s'agissait d'inventer des contraintes fécondes afin de requinquer la chose écrite. On se souvient que Georges Perec, oulipien chevronné, avait publié La Disparition, roman marqué par l'élision systématique de la lettre e. Après l'OuTraPo, l'OuGraPo, l'OuDaPo, l'OuPeinPo et même l'OuLiPoPo, voici l'OuMuPo (Ouvroir de Musique Potentielle) au service du renouvellement de la forme musicale. Quatrième volume d'une collection soumise à une charte stricte, cet album d'une seule pièce de 42 minutes a été confié à Kid Loco, lecteur fute-fute et explorateur de styles. Jean-Yves Prieur (de son vrai nom) est un enfant du punk. Il créa le label Bondage (Bérurier Noir, Sergent Garcia, Satellites...) avant de tourner hip-hop puis d'embrasser la cause spleenétique du downtempo sous l'influence impérieuse de DJ Shadow. On lui doit A Grand Love Story (1998), chef d'œuvre cinématique stupidement étiqueté lounge. Ce tambour-chef de la French Touch reprend ici la quasi-totalité du catalogue Ici d'ailleurs. Une féerie. Terme faible. L'album est un assemblage sans coutures qui offre l'occasion délicieuse de réentendre l'exceptionnel Matt Elliott, le merveilleux Micro : Mega et la voix arquante de Delphine Seyrig. L'OuBaPo étant dans le coup, le visuel très ébouriffant est assuré par Jean-Claude Menu, maître du packaging de cette indispensable aventure. Guy Darol


    KID LOCO

    OuMuPo 4

    Ici d'ailleurs

    Produit et remixé par Kid Loco au Studio Flor

     

    tout.gif

     

     

    CONSULTER

    OUMUPO

    KID LOCO

    ICI D'AILLEURS

     

    loco.jpg


     

     

  • MOONDOG ❘ H'ART SONGS ❘ 1978

     

     

    moondog_h_art_songs.jpg

     

    Homère voyant, Merlin voyou, Louis Hardin alias Moondog (1916-1999) est un personnage dont la clé ouvre sur le coin d'une rue de Broadway où coiffé d'un galure de Viking fossile il entonne des chaconnes, tisse le madrigal sans plus d'équipement qu'une voix tombée des nuées et qu'un attirail percussif spagyriquement bricolé. Il tient son inspiration de Jean-Sébastien Bach et des chants ethniques Arapahos. Dans les années 1950, le clochard mystique en impose par sa science de l'ostinato et sa culture de la ritournelle timbrée dans la flanelle des sons au point qu'il est sensé de dire qu'il est le père de Philip Glass, de Steve Reich et de Robert Wyatt. Il n'est pas moins ahurissant de souligner que son génie en épata plus d'un : Toscanini, Stravinsky, Mingus, Zappa jusqu'à Brian Eno et Mr Scruff. Milieu des années 1970, Moondog lâche les trottoirs de Manhattan et déboule à Francfort où il met sens dessus dessous une étudiante en géologie qui persuade ses parents d'héberger le grand homme. H'Art Songs est façonné dans cette période d'exil heureux. Album au piano (celui de Fritz Storfinger) et à la voix (Moondog), tambouriné de guipures, impressionné de silences et de profondeurs, H'Art Songs est une collection de pièces pop à tailler des hits sur les radios grandes ondes. Le compositeur du célébrissime Bird's Lament (ode à Charlie Parker qui souhaitait ardemment faire œuvre commune avec Moondog mais la camarde le priva de ce dernier vœu) dispense dix chansons absolument inoubliables, toutes sculptées dans l'argile des mots qui s'engendrent les uns les autres, formant un univers en perpétuel mouvement, sorte de balancier hypnotique dont émergera un nouveau langage pauvrement épinglé par la trop collante étiquette minimaliste. Guy Darol


     

    MOONDOG

    H'ART SONGS

    ROOF MUSIC/KOPF RECORDS,1978

    CONSULTER

    THE VIKING OF 6TH AVENUE

     

  • BRIAN ENO - DAVID BYRNE ❘ MY LIFE IN THE BUSH OF GHOSTS ❘ 1981

     

    bush.jpg

     

    Au début des années 1980, je chroniquais l'underground pour les pages Livres de Libération. Des militants de la prose très rare trempaient leur chemise pour faire paraître des revues faites main. Le home studio de l'imprimé était né. J'avais reçu Solution H, fanzine rouennais voué à améliorer nos connaissances sur Jean-Pierre Duprey et Jacques Rigaut, deux surréalistes de l'extrême. Derrière ce journal agrafé, il y avait Sylvain Goudemare, aujourd'hui spécialiste patenté de Marcel Schwob. On se vit. Nous marchâmes, buvâmes et achetâmes plein de disques. Il me fit connaître le magasin New Rose, rue Pierre Sarrasin, Paris 6ème, qui devint ma centrale d'achat. C'est là, patient lecteur, que je me procurai My Life In The Bush Of Ghosts de Brian Eno - David Byrne. A ne pas confondre (mais comment oseriez-vous !) avec My Life In A Hole In The Ground d'African Head Charge. La galette tourne toujours sur ma platine, 28 ans après sa sortie chez Warner. Nul n'avait entendu cela ou peut-être ceux qui étaient tombés, en 1968, sur Canaxis, l'album collagiste d'Holger Czukay. Il y a là, comme dans Movies du même bassiste, les prémisses de ce que d'aucuns appellent l'ethno-funk. C'est vraiment un album incroyable car toute l'electronica des loops et bleeps est contenu sur ces dix pièces. DJ Spooky, génie des samples cultivés, doit énormément à cet équipage qui rassemble une dizaine de musiciens dont Bill Laswell et Robert Fripp. L'album échantillonne des voix de fanatiques politiciens et religieux, celle d'un muezzin inoubliable, les chants de Dunya Yusin et Samira Tewfik. David Toop, exégète infaillible de l'ambient, risquera dans Ocean Of Sound ces mots prudents : « My Life In The Bush Of Ghosts était un disque intéressant, quoique ses improvisations décousues, souvent basées sur un seul accord et clairement influencées par Fela Kuti, n'aient pas vieilli aussi bien avec le temps, que les œuvres ambient de Brian ». C'était oublier, malgré tout le respect que l'on porte au fin penseur qu'est David Toop, que David Byrne est de la partie. Et avec, lui la voix des Talking Heads. Autrement dit, Fear Of Music (1979), diamant noir où brille « I Zimbra » et le génie de l'afro-dadaïste Hugo Ball. Guy Darol

    BRIAN ENO - DAVID BYRNE

    My Life In The Bush Of Ghosts

    Warner

    CONSULTER

    BUSHOFGHOSTS

    LYRICS

     

  • LES HABITS NEUFS DE CITIZEN JAZZ

     

    citizen jazz.jpg

     

     

    Conséquent magazine de jazz en ligne, Citizen Jazz vient d'enfiler de nouveaux habits. Et c'est beau à voir.

    CONSULTER LE SITE


  • DICK ANNEGARN ❘ LES ANNEES NOCTURNES ❘ 2007

     

    ANNEGARN.jpg

     

    « Je suis né à La Haye en 1952. Aux Pays-Bas. Pays du nord de la Belgique. Papa est interprète auprés de l'OTAN. Maman est fille d'ouvrier, d'un des premiers ouvriers de Monsieur Fritz Philips. Sa profession : épouse, mère de famille. Quatre enfants. Dont je suis le dernier. Le plus petit mais la plus grosse gueule, disait maman. Elle ne dit pas si je gueulais  par misère ou par colère. » Ainsi se présente Benedictus Albertus Annegarn dans un texte qu'il lit et peut-être vocifère, sous l'Olympia, en mai 1978. « Le rock-industrie et moi » est un résumé de vie et une pierre jetée contre la machine à fabriquer des étoiles mortelles. Après quatre albums (dont le définitif « Sacré Géranium ») chaudement accueillis, Dick Annegarn décide de « quitter la compétition ». Mais avant de changer de route et de rejoindre les chemins de halage qui ne mènent que là où on veut aller, le chanteur poignant prévient : « J'exècre ce marché d'images et de simulations. Je crains que ce soit un marché d'avenir. Ayant vécu ces mécanismes, je les dénoncerai tant que je pourrai. »

    Après « Citoyen » (1981), Dick Annegarn se retrouve sans producteur, méprisé par un système qui ne supporte pas la vérité crachée en face. Il réalise « Frères ? » et se ruine. Finis les éclairages spectaculaires, la gloire zoomée par Denise Glaser dans son Discorama de 1974. Le chanteur droit comme le i de l'insurrection (1, 90 m) achète deux péniches et ouvre un café-épicerie. « Je l'ai aménagé avec des loulous. Je ne voulais ni subvention ni alcool et aucun artiste à bord. J'y ai créé une association de journalisme amateur, la Petite Niche. L'Abeille (Association A But Essentiellement Instructif et Ludique) fut une tentative pour pratiquer des Radioscopies (selon le mot de Jacques Chancel) de gens de la rue. Certains textes figurant sur « Chansons Fleuves » ont été écrits avec des habitants de Noisy-le-Grand, là où étaient amarrés Le Gueux et La Gueuse. Saule Pleureur fut écrit avec mon copain Raymond, Gilgamesh avec mes amis arabes. L'histoire de ce café fluvial est illustrée par une chanson (La Limonade sur « Adieu Verdure », 1999) : « La limonade coule à flot dans mon auberge au bord de l'eau ». La précarité du projet a fait que ça a mal fini. J'ai vendu les péniches après l'insuccès de « Chansons Fleuves » et puis aussi pour payer « Frères ? ». Richard Galliano est gentil mais le manteau de fourrure de sa femme me coûte cher. »

    Entre 1985 et 1990, Dick Annegarn enregistre trois albums passés inaperçus bien que sertis de perles (« Frères ? », « Ullegarra », « Chansons Fleuves ») et dans lesquels vibrent l'écho de Bob Dylan et de Jacques Brel, de John Coltrane et de Miles Davis. Les musiciens se nomment Jean Avocat et Richard Galliano, Philippe Slominski et Dominique Pifarely.  Guy Darol

     

    Les Années Nocturnes

    Tôt Ou Tard/Warner


     

     


     

     

     

  • MICHEL MAGNE ❘ BERNARD GERARD

     

    les_tontons_flingeurs_ne_nous_fachon_pas_michel_magne_bernard_gerard_CD_large.jpg

     

     

    Dans la collection Ecoutez le Cinéma !, dirigée par Stéphane Lerouge, le volume 18 était très attendu. Pour cause, on y retrouve les bandes originales de films de Georges Lautner et plus particulièrement les musiques de Michel Magne et de Bernard Gérard. Celles qui accompagnent Les Tontons Flingueurs, Les Barbouzes, Ne Nous Fâchons Pas, Le Monocle Rit Jaune, La Grande Sauterelle, Galia.

     

    Michel Magne.jpg

    Michel Magne

     

    Ce CD Universal est complété par un livret dans lequel Georges Lautner narre l'aventure compliquée et néanmoins heureuse qui le mena à collaborer avec Michel Magne. A propos de la BOF des Tontons Flingueurs, il déclare : "Michel Magne m'a pondu une musique à la frontière du canular...". Les connaisseurs intenses comprendront.

     

    bernard gérard.jpg

    Bernard Gérard

     

    Ce nouveau volume permet de redécouvrir le compositeur Bernard Gérard. Le CD documente insuffisamment la trajectoire de Bernard Gérard et c'est bien dommage. La BO de Ne Nous Fâchons Pas est particulièrement réussie qui délivre d'incroyables surprises comme cette variation sur le thème de Gloria (Van Morrison) ou encore "Les adieux du colonel" à l'ambiance folk-psyché-pop que le titre est bien loin d'annoncer.

    CONSULTER

    UNIVERSAL/ECOUTEZ LE CINEMA !

     

     


     


  • MARQUIS DE SADE ❘ RUE DE SIAM ❘ 1981

     

    siam.jpg

     

     

    A la grande stupéfaction de ma copine du moment qui me connaissait des affinités indiscutables avec Captain Beefheart, Robert Wyatt et Frank Zappa, j'aimais faire tourner sur la platine les galettes des Stinky Toys, de Taxi Girl et de Marie et les Garçons. L'expressionnisme fut mis à l'honneur et des expositions des œuvres d'Egon Schiele et d'Oscar Kokoschka se relayaient confirmant que le corps en ce début des années 1980 n'était plus celui des désirs mielleux mais de la présence convulsive. Avec Joy Division et les Cure, il y avait du froid dans l'air. Le temps n'était plus aux étreintes qui tenaient lieu de langage mais à l'expressivité dramatique, à l'outrance gothique, à un certain climat d'orage comme l'avaient rêvé Antonin Artaud ou Frank Wedekind. Rue de Siam venait de paraître et la griffe du Marquis de Sade situait l'album dans une perspective sinon lettrée du moins frénétique. Le titre était une allusion au Brest de Pierre Mac Orlan et de Jean Genet, un bout du monde où la désolation des cœurs cherche l'embellie rapide. Magnifiques de rigueur sonore, d'exactitude de l'âme, les morceaux enchaînaient la splendeur : « Cancer And Drug », « Iwo Jima Song », « Back To Cruelty », « Final Fog (Brouillard Définitif) ». Frottés aux ténébreuses scansions de Lou Reed, à l'échappée belle des Stranglers, Frank Darcel, Christian Dargelos et Philippe Pascal, inaugurent un style voisin de celui de Schiele en peinture, expression préparée par un Dantzig Twist à la pochette façon bois gravé. La facture sonore est d'une densité rare. Mais la production est dûe à Steve Nye, un habitué du grand son. Collaborateur de Bryan Ferry, de David Sylvian et de Frank Zappa, on lui doit la série des Joe's Garage et des Shut Up...Enregistré en cinq semaines au Studio Ramsès, Steve Nye déplorera les limites guitaristiques de Frank Darcel devenu producteur et aujourd'hui romancier (Le dériveur, Editions Flammarion, 2005) tandis que Philippe Pascal fait tourner Blue Chain Choir, combo fidèle au blues de Big Joe Williams. Rue de Siam est un chef d'œuvre et Marquis de Sade un groupe phare dont on peut sentir l'influence sur Noir Désir, La Tordue, Casse-Pipe ou encore Red Cardell. Guy Darol

    MARQUIS DE SADE

    Rue de Siam

    Cobalt/Barclay

    CONSULTER

    MARQUIS DE SADE

     

     

     

     

  • GEORGES BRASSENS PAR GABRIEL GARCIA MARQUEZ

     

    gb1.jpg

     

     

    LA MORT, L'ACTE PERSONNEL LE PLUS SECRET DE LA VIE PRIVEE

     

    « Il y a quelques années, au cours d'une discussion littéraire, quelqu'un demanda quel était le meilleur poète français actuel, et je répondis sans hésiter : Georges Brassens. Ceux qui étaient là ne connaissaient pas tous son nom, certains étaient trop vieux pour cela et d'autres trop jeunes et quelques uns, qui le méprisaient car c'était un auteur de disques et non de livres, considérèrent que je disais cela pour choquer. Seuls les camarades de ma génération, ceux qui avaient joui et souffert de Paris pendant les années ingrates de la guerre d'Algérie, savaient que non seulement je ne plaisantais pas, mais que j'avais raison.

    Pour eux, plus que pour le reste du monde, Georges Brassens est mort la semaine dernière à soixante ans, devant la changeante mer de Sète qu'il aimait tant, Sète où il possédait une maison pleine de fleurs et de chats qui se promenaient sans dommage entre la vie réelle et ses chansons. Mais il n'est pas mort chez lui : sa discrétion légendaire était telle qu'il est allé mourir chez un ami, pour que personne ne le sache. Et la mauvaise nouvelle n'a été connue que 72 heures plus tard, par un appel anonyme, quand un cercle restreint de parents et d'amis intimes l'avaient déjà enterré dans le cimetière local. Il n'aurait pu en être autrement : Pour un homme comme lui, la mort était l'acte personnel le plus secret de la vie privée.

    En fait, Georges Brassens était totalement dénué d'instincts grégaires. Il menait une vie si discrète que tout ce qui le concernait se mêlait à la légende, et que l'on se demandait parfois s'il existait réellement. Mais à l'époque de sa plus grande splendeur, vers le milieu des années cinquante, c'était un homme invisible. Nul ne sait comment René Clair a pu le convaincre de jouer dans un film, ce qu'il a très mal fait, accablé par la gêne d'être mis en vedette ; en revanche, il a donné là un chapelet de chansons originales, qui raisonnaient longtemps dans le cœur. Le temps disait-il dans l'une d'elle est un barbare dans le genre d'Attila, et là où son cheval passe, l'amour ne repousse pas.

     

    Force lyrique

     

    Je ne l'ai vu en personne qu'une seule fois, lors de sa prestation à l'Olympia, et c'est un de mes souvenirs irrémédiables. Il est sorti d'entre les rideaux comme s'il n'était pas la vedette de la soirée mais un machiniste égaré, avec ses énormes moustaches de Turc, ses cheveux en broussaille et des chaussures lamentables, comme celles que devait mettre son père pour poser des briques. C'était un ours tendre, avec les yeux les plus tristes que j'aie jamais vus, et un instinct poétique que rien n'arrêtait. « La seule chose que je n'aime pas, ce sont ses gros mots », disait sa mère. Il était capable de tout dire, et beaucoup plus qu'il n'était permis, mais il le disait avec une force lyrique qui entraînait tout jusqu'au-delà du bien et du mal. Pendant cette soirée inoubliable à l'Olympia, il a chanté comme jamais, torturé par sa peur congénitale du spectacle public, et il était impossible de savoir si nous pleurions à cause de la beauté de ses chansons, ou de la pitié que suscitait en nous la solitude de cet homme fait pour un autre monde et un autre temps. C'était comme écouter François Villon en personne, ou un Rabelais perdu et féroce. Je n'ai plus jamais eu d'autre occasion de le rencontrer, et même ses amis les plus proches le perdaient de vue. Peu avant sa mort, quelqu'un lui demanda ce qu'il avait fait pendant les journées de mai 1968 et il répondit : « J'avais une colique néphrétique ». La réponse fut interprétée comme une irrévérence de plus, après tant d'autres. Mais on sait bien que c'était vrai. Sans que personne ne le sache, il avait commencé à mourir en silence plus de vingt ans auparavant.

    En 1955, quand il était impossible de vivre sans les chansons de Brassens, Paris était différent. L'après-midi, les jardins publics se remplissaient de vieillards solitaires, les plus vieux du monde ; mais les couples d'amoureux régnaient sur la ville. Ils s'embrassaient partout, de façon interminable, dans les cafés et dans le métro, au cinéma et en pleine rue, arrêtant même la circulation pour pouvoir continuer de s'embrasser, comme s'ils avaient conscience que la vie n'allait pas être assez longue pour tout leur amour ; l'existentialisme s'effaçait, enterré dans les caves à touristes de Saint-Germain-des-Prés, pour ne laisser de lui que le meilleur : l'irrépressible désir de vivre. Un soir, en sortant d'un cinéma je fus arrêté dans la rue par des policiers qui me crachèrent au visage et me firent monter sous les coups dans un fourgon blindé. Il était rempli d'Algériens taciturnes, qui eux aussi avaient été cueillis avec coups et crachats dans les bistros du quartier. Comme les agents qui nous avaient arrêtés, ils croyaient eux aussi que j'étais Algérien. De sorte que nous passâmes la nuit ensemble, serrés comme des sardines dans une cellule du commissariat  le plus proche, tandis que les policiers, en manches de chemise, parlaient de leurs enfants et mangeaient des tranches de pain trempées dans du vin. Les Algériens et moi, pour gâcher leur plaisir, nous veillâmes toute une nuit en chantant les chansons de Brassens contre les excès et l'imbécillité de la force publique.

    A cette époque, Georges Brassens avait déjà fait son testament chanté, qui est l'un de ses plus beaux poèmes. Je l'appris par cœur sans savoir ce que signifiaient les paroles et, à mesure que le temps passait et que j'apprenais le français, je déchiffrais peu à peu son sens et sa beauté, avec le même émerveillement que si j'avais découvert, l'une après l'autre, les étoiles de l'univers. Maintenant que vingt-cinq ans on passés, plus personne ne s'embrasse dans les rues de Paris, et on se demande avec effroi que sont devenus tous ceux qui s'aimaient tant, et que l'on ne voit plus maintenant. Georges Brassens est mort, et quelqu'un va devoir accrocher sur sa porte, comme il le demandait dans son testament, un simple écriteau : « Fermé pour cause d'enterrement ». Gabriel Garcia Marquez

     

    Lettres documentaires lu dans Notas de Prensa du 11/11/1981

    Traduction Philippe Billé, relevée par Bienvenu Merino

     

    porte des lilas.jpg

     

     

     


     

     

     

     

     

     

  • LE SACRE DU TYMPAN & ANDRE POPP, MICHEL MAGNE, FRANCOIS DE ROUBAIX, FRANCIS LAI

     

    sacre.jpg

     

    Nous l'apprenons dans les pages Rendez-vous de Jazz Magazine, Fred Pallem et Le Sacre du Tympan s'apprêtent à donner leur lecture des BOF de François de Roubaix, Michel Magne, André Popp et Francis Lai. L'événement qui aura lieu en 2010 suivra deux directions. La première, sous forme d'un tentet (quintette de cuivres et rythmique rock) ; la seconde en quintette electro, avec vidéo, orientée vers les musiques de François de Roubaix.

    Le Sacre du Tympa sera présent au New Morning, le 19 décembre prochain, accompagné des chanteuses Sandra Nkaké et Juliette Paquereau.

    Par ailleurs, il est de nouveau question d'une réédition des deux albums des Plus belles musiques de films de François de Roubaix. Restons aux aguets.

     

    Francois-de-Roubaix-Les-plus-belles-musiques-de-films-vol-1-1976.jpg
    Francois-de-Roubaix-Les-plus-belles-musiques-de-films-volume-2-1977.jpg