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cioran

  • LOUIS NUCERA EST L'AMI

     

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    Louis Nucera est l’ami. Celui qui accompagne l’homme de la rue mais aussi le trimardeur des chemins d’errance. Il peut échanger,  sans changer d’apparence, avec Alphonse Boudard et avec Cioran. Il ne fait pas de distinction entre le passant ordinaire et une figure de l’espèce notoire. Il est pareil à ceux qui nient l’arrogance du grade, l’insondable néant des podiums. Louis Nucera n’est plus. Un automobiliste hâtif a pris pour cible le flâneur bicycliste. C’était le mercredi 9août 2000.

    medium_Numeriser0039.jpgJ’eus le bonheur de le rencontrer sur le sentier qui va à André Hardellet. Son témoignage m’était précieux. Il avait connu l’auteur de Lady Long Solo et je préparais, pour la revue Jungle, un numéro d’hommage. J’étais ému de converser avec l’éditeur de Julien Blanc et d’Albert Paraz, le journaliste qui signait des articles effusifs dans le Magazine Littéraire et Le Monde. Je n’avais pas lu le romancier, une négligence réparée depuis notre première rencontre datant de 1986. Je possède désormais l’œuvre complète d’un écrivain qui occupe dans mon cœur la place où se côtoient Henri Calet, Antoine Blondin, Jean-Pierre Énard, Clément Lépidis, fragiles et fraternels.

    Si j’évoque aujourd’hui Louis Nucera, c’est qu’une histoire d’amitié m’en donne l’occasion. Lorsqu’il me reçut rue Caulaincourt, dans son belvédère qui contemple Paris, l’auteur de Mes ports d’attache énuméra les noms qui comptaient pour lui. Il citait Jef (Joseph Kessel), Henry Miller, Jean Cocteau, Michel Ohl mais ses yeux s’éclairaient différemment quand il prononçait celui d’André Asséo.

    André Asséo fut le producteur de l’émission Cinéfilms diffusée sur France Inter. Il créa le festival du cinéma italien à Nice et publia des ouvrages sur Jean-Louis Trintignant, Claude Chabrol et Joseph Kessel. Avec Louis Nucera, il écrivit la matière du film Jeanne, Marie et les autres. Tous deux se fréquentaient depuis que l’auteur de Chemin de la Lanterne (prix Interallié, 1981) pigeait bénévolement au Patriote, le quotidien communiste de Nice. C’était en 1956.

    Avec Louis Nucera, l’homme-passion, André Asséo compose un hymne à l’amitié. La couverture indique le mot biographie. Mais il s’agit plutôt d’une évocation sentimentale. L’approche ne rassemble pas tous les détails d’une vie qu’un volume de 167 pages ne saurait réunir. Tout Nucera s’y trouve mais assemblé comme les éclats d’un prisme cordial, quintessencié en quelque sorte et finalement illuminé par les lueurs de l’empathie. Le parcours est retracé avec les balises au bord de la route : Joseph Kessel, Raymond Moretti, Arthur Koestler, Vladimir Nabokov , Alphonse Boudard et Suzanne, la femme-fée. La passion du vélo (René Vietto, Fausto Coppi) est généreusement abordée. André Asséo montre surtout les constantes interactions entre la vie et l’œuvre.

    En 2001 paraissait aux éditions Le Castor Astral, Louis Nucera, achevé d’imprimer, un ouvrage mêmement enthousiaste. Bernard Morlino, biographe d’Emmanuel Berl et de Philippe Soupault, célébrait le « pessimiste hilare ». Le livre venait après le brusque choc et il en résultait un ton de fièvre (colère et amour mêlés). Ce sont deux volumes à découvrir car ils nous renseignent sur la principale vocation de Louis Nucera. Celle de l’attachement.

    Je suis heureux que ces livres existent perpétuant à leurs manières la vie d’un écrivain bien rare. Il était accessible. Il répondait présent. Guy Darol

    Ø LOUIS NUCERA, L’HOMME-PASSION

    Ø André Asséo

    Ø Éditions du Rocher, septembre 2006

    Ø 167 pages, 18 €

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    > LOUIS NUCERA, ACHEVÉ D’IMPRIMER

    > Bernard Morlino

    > Le Castor Astral éditeur, mars 2001

    > 247 pages, 14, 48 €

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  • PAUL VALET ❘ HOMME DU REFUS

     


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    Du côté du refus plus que de l’acquiescement, Paul Valet (1905-1987) s’est avéré depuis Pointes de feu, son premier recueil, le poète de tous les dénis, surtout lorsque ceux-ci s’appliquent à la raison. Incapable d’une parole définitive, il est tenté par la contradiction, séduit pareillement par l’avers et l’envers de toute idée parce que la vie est multiplicité et mouvement. Poète, traducteur (il est le premier à faire connaître Joseph Brodski en France), peintre, il exerce par ailleurs la médecine en banlieue ouvrière.
    Quand il choisit Valet pour pseudonyme, Georges Schwartz envisage la poésie comme une émanation de Dieu dont l’écrivain ne peut être que le serviteur et le témoin. S’il se dit double, c’est d’une part pour préparer le lecteur à entendre les affirmations contradictoires qui le déchirent, c’est d’autre part pour ouvrir l’homme à des réalités infinies, à des dépassements, à de nouvelles évidences.
    Ainsi, Paul Valet est-il habité de tous ces êtres successifs qui depuis l’incertaine origine en appellent à un homme enfin lavé de sa misère. Il se souvient d’un toujours qui est le temps intemporel et ce toujours est un cri de souffrance millénaire.
    La poésie de Paul Valet, mosaïque d’éclats arrachés à la « mémoire seconde » est un enfantement qui touche au cœur des êtres restés debout, campés dans leur hostilité à toute doctrine d'étau. Elle a l’odeur de la révolte, c’est-à-dire un parfum de crasse, de sueur, de sang et, dans l’époque de résignation où nous sommes, elle est un encouragement à vivre, encouragement qui place sur le mot espoir un large sourire d’humanité.
    Cet écrivain discret qu’aimèrent Henri Michaux, Jean Dubuffet, Cioran, Maurice Saillet, Pascal Pia et Maurice Nadeau, préférait le commerce des amitiés authentiques aux transactions de casse et de séné qui agitent les coteries.
    Entre 1983 et 1986, Paul Valet a conçu une quinzaine de recueils dont Paroxysmes et Multiphages, deux ouvrages sertis d’aphorismes et de poèmes lapidaires qui exclament l’adverbe toujours, le toujours de la colère et de l’étonnement. Un texte de Cioran, préalablement publié, ouvre Paroxysmes. Plus loin dans le livre, on lit cette phrase de Paul Valet : « Je refuse toute préface et postface et la race. »
    L’éditeur ne semble pas s’être attardé sur cette recommandation, allant sans doute au plus pressé, à l’efficace. Paul Valet qui se voulait conséquent n’avait sans doute jamais songé à sa postérité. A présent que la postérité songe à lui, on souhaiterait qu’elle ne fasse preuve d’aucune inconséquence. Guy Darol


    Article publié dans Quoi Lire # 1, avril 1988

    ___________________________________
    Multiphages, Paul Valet, Librairie José Corti, 56 pages.
    Paroxysmes, Le Dilettante, 87 pages


    Œuvres de Paul Valet


    Pointes de feu, Horizons, 1948
    Sans muselière, G.L.M., 1949
    Poésie mutilée, G.L.M., 1951
    Comme ça, G.L.M., 1952
    Matière grise, G.L.M., 1953
    Les poings sur les « i », Julliard, 1955
    Lacunes, Mercure de France, 1960
    Table Rase, Mercure de France, 1963
    La porte qui me porte, Mercure de France, 1965
    Paroles d’assaut, Editions de Minuit, 1968
    Que pourrais-je vous donner de plus grand que mon gouffre ?, Mai Hors Saison, 1983
    Solstices terrassés, Mai Hors Saison, 1983
    Mémoire seconde, Mai Hors Saison, 1984
    Vertiges, Granit, 1987
    Multiphages, José Corti, 1988
    Soubresauts, Calligrammes, 1988
    Traduction du russe
    Seize poèmes de Joseph Brodski, Les Lettres nouvelles, 1964
    Requiem d’Anna Akhmatova, Minuit, 1966

     


    Sur Paul Valet


    Ø Cahier Le Temps Qu’il Fait n°5, sous la direction de Guy Benoit, 1987
    Textes de Guy Benoit, Madeleine Chapsal, André Chedid, E.M. Cioran, Pierre Drachline, Jean Dubuffet, Jean-Louis Giovannoni, Constantin Jelenski, Dominique Labarrière, Patrice Repusseau, Dora Vallier,Yvonne Vineuil, Serge Wellens.
    Traduction par Paul Valet d’une poème de Joseph Brodski
    Textes inédits de Paul Valet
    Iconographie, bibliographie
    Ø Le Grand Hors-Jeu ! n°66, 1992
    Liminaire par Guy Benoit
    Choix de poèmes
    Correspondance
    Témoignages de Christian Arjonilla, Patrice Repusseau, Pierre Drachline
    Eléments de biographie
    Œuvres et articles récents sur Paul Valet

    Ø Paul Valet – Soleil d’insoumission, Jacques Lacarrière. Jean-Michel Place, 2001

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