Du côté du refus plus que de l’acquiescement, Paul Valet (1905-1987) s’est avéré depuis Pointes de feu, son premier recueil, le poète de tous les dénis, surtout lorsque ceux-ci s’appliquent à la raison. Incapable d’une parole définitive, il est tenté par la contradiction, séduit pareillement par l’avers et l’envers de toute idée parce que la vie est multiplicité et mouvement. Poète, traducteur (il est le premier à faire connaître Joseph Brodski en France), peintre, il exerce par ailleurs la médecine en banlieue ouvrière.
Quand il choisit Valet pour pseudonyme, Georges Schwartz envisage la poésie comme une émanation de Dieu dont l’écrivain ne peut être que le serviteur et le témoin. S’il se dit double, c’est d’une part pour préparer le lecteur à entendre les affirmations contradictoires qui le déchirent, c’est d’autre part pour ouvrir l’homme à des réalités infinies, à des dépassements, à de nouvelles évidences.
Ainsi, Paul Valet est-il habité de tous ces êtres successifs qui depuis l’incertaine origine en appellent à un homme enfin lavé de sa misère. Il se souvient d’un toujours qui est le temps intemporel et ce toujours est un cri de souffrance millénaire.
La poésie de Paul Valet, mosaïque d’éclats arrachés à la « mémoire seconde » est un enfantement qui touche au cœur des êtres restés debout, campés dans leur hostilité à toute doctrine d'étau. Elle a l’odeur de la révolte, c’est-à-dire un parfum de crasse, de sueur, de sang et, dans l’époque de résignation où nous sommes, elle est un encouragement à vivre, encouragement qui place sur le mot espoir un large sourire d’humanité.
Cet écrivain discret qu’aimèrent Henri Michaux, Jean Dubuffet, Cioran, Maurice Saillet, Pascal Pia et Maurice Nadeau, préférait le commerce des amitiés authentiques aux transactions de casse et de séné qui agitent les coteries.
Entre 1983 et 1986, Paul Valet a conçu une quinzaine de recueils dont Paroxysmes et Multiphages, deux ouvrages sertis d’aphorismes et de poèmes lapidaires qui exclament l’adverbe toujours, le toujours de la colère et de l’étonnement. Un texte de Cioran, préalablement publié, ouvre Paroxysmes. Plus loin dans le livre, on lit cette phrase de Paul Valet : « Je refuse toute préface et postface et la race. »
L’éditeur ne semble pas s’être attardé sur cette recommandation, allant sans doute au plus pressé, à l’efficace. Paul Valet qui se voulait conséquent n’avait sans doute jamais songé à sa postérité. A présent que la postérité songe à lui, on souhaiterait qu’elle ne fasse preuve d’aucune inconséquence. Guy Darol
Article publié dans Quoi Lire # 1, avril 1988
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Multiphages, Paul Valet, Librairie José Corti, 56 pages.
Paroxysmes, Le Dilettante, 87 pages
Œuvres de Paul Valet |
Pointes de feu, Horizons, 1948
Sans muselière, G.L.M., 1949
Poésie mutilée, G.L.M., 1951
Comme ça, G.L.M., 1952
Matière grise, G.L.M., 1953
Les poings sur les « i », Julliard, 1955
Lacunes, Mercure de France, 1960
Table Rase, Mercure de France, 1963
La porte qui me porte, Mercure de France, 1965
Paroles d’assaut, Editions de Minuit, 1968
Que pourrais-je vous donner de plus grand que mon gouffre ?, Mai Hors Saison, 1983
Solstices terrassés, Mai Hors Saison, 1983
Mémoire seconde, Mai Hors Saison, 1984
Vertiges, Granit, 1987
Multiphages, José Corti, 1988
Soubresauts, Calligrammes, 1988
Traduction du russe
Seize poèmes de Joseph Brodski, Les Lettres nouvelles, 1964
Requiem d’Anna Akhmatova, Minuit, 1966
Sur Paul Valet |
Ø Cahier Le Temps Qu’il Fait n°5, sous la direction de Guy Benoit, 1987
Textes de Guy Benoit, Madeleine Chapsal, André Chedid, E.M. Cioran, Pierre Drachline, Jean Dubuffet, Jean-Louis Giovannoni, Constantin Jelenski, Dominique Labarrière, Patrice Repusseau, Dora Vallier,Yvonne Vineuil, Serge Wellens.
Traduction par Paul Valet d’une poème de Joseph Brodski
Textes inédits de Paul Valet
Iconographie, bibliographie
Ø Le Grand Hors-Jeu ! n°66, 1992
Liminaire par Guy Benoit
Choix de poèmes
Correspondance
Témoignages de Christian Arjonilla, Patrice Repusseau, Pierre Drachline
Eléments de biographie
Œuvres et articles récents sur Paul Valet
Ø Paul Valet – Soleil d’insoumission, Jacques Lacarrière. Jean-Michel Place, 2001