Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jean-yves reuzeau

  • JANIS JOPLIN

     

    joplin.jpg

     

     

    Barnley Hoskyns qui est un parfait géomètre de Los Angeles a parlé dans Waiting For The Sun de « la trinité païenne des morts du rock qui inaugura les années 70 ». Le triangle est connu et j'imagine qu'il est enseigné dans toutes les écoles où la musique est un pilier de culture. Pour ceux qui l'auraient oublié : Jimi Hendrix (septembre 70), Janis Joplin (octobre 70), Jim Morrison (juillet 71). Mais la décennie de l'errance a commencé avant la fin de partie d'Hendrix. Brian Jones (69) ouvre la voie des naufragés et certains d'entre vous auront raison de souligner que la mort d'Al Wilson (70) et de Brian Cole (72) fut pareillement traumatisante. Celle de Janis me fit pleurer. Si rapprochée de celle d'Hendrix que certains oseront dire (ne dit-on pas n'importe quoi ?) qu'elle précipita son suicide. Pour beaucoup d'entre nous, cette fin réputée suspecte (nez cassé, traces de lutte) avait valeur d'alerte. Elle démontrait que la drogue tue. C'était la version (rarement contestée) du docteur Thomas Noguchi. Il avait établi que Janis Joplin s'était injectée la totalité d'un sachet contenant 30% d'héroïne pure. Soit, six fois la dose habituellement utilisée par la chanteuse. Comment une jeune femme de 27 ans avait pu mettre un terme brutal à son parcours glorieux dans un hôtel d'Hollywood alors qu'elle préparait le meilleur de ses albums, accompagnée de son meilleur groupe ? La réponse est dans le cœur muet de Pearl, le surnom qu'elle s'était choisie pour mieux se fondre dans la communauté des êtres qui détestent les chefs. Son père n'était-il pas capitaine d'industrie dans une ville raffinière du Texas, Port Arthur, la plus moche de toutes les villes du monde, selon les mots de Janis ? Elle y avait chanté dans une chorale. Elle y avait écouté Bach et Beethoven mais surtout Bessie Smith, Odetta, Leadbelly, Big Mama Thornton. A l'université d'Austin, elle avait remporté le concours du mec le plus laid du campus. Ce qui reste à prouver. Tout lui parlait de fuite. Les livres des beat poets, ceux de Jack Kerouac ne lui donnaient pas le choix. Pour survivre, il fallait partir. Rejoindre San Francisco, la nouvelle Utopia. Là, elle rencontre Jorma Kaukonen (avant le Jefferson Airplane) et David Crosby. Dans les beautiful tribes d'Haight Ashbury, elle côtoie les membres d'un groupe psyché égalitaire. Big Brother and The Holding Company signe un contrat avec Mainstream Records (Carmen McRae, Helen Merrill, Nucleus) et réalise, Janis au front, un premier album éponyme. Frisco qu'elle croyait être la cité radieuse, sera son paradis de l'excès. Elle y découvre le goût de l'héroïne et du Southern Comfort, une boisson dont elle devient l'égérie commerciale.  La firme de St. Louis lui offrira un manteau de fourrure pour la remercier de la publicité (involontaire !) faite à son enseigne.  

    Le samedi 17 juin 1967, au festival de Monterey (premier acte du summer of love), Janis Joplin casse la baraque. Elle ne dispose que de 15 minutes. Dans ce bref intervalle, les trois sculptures sonores qu'elle livre au public suffisent à l'ériger en superstar du blues. Sa version de Ball And Chain de Big Mama Thornton fige les sangs. L'incandescence du texte est une boule de feu dans sa gorge. Son poing fermé bat la mesure comme un marteau de rage. Une rage qu'elle condense sur « Cheap Thrills » (1968) où se détachent Piece Of My Heart et surtout Summertime, l'hymne des frères Gerschwin qu'aujourd'hui on traduit en onctueux trémolos. Cette « chaotique frénésie de petite fille déchirée » (Barnley Hoskyns) trouve de nouveaux élans. Et ce sont les musiciens du Kosmic Blues Band puis de l'excellent Full Tilt Boogie Band qui en donnent la couleur. Auréolée à Woodstock, elle se hisse sur scène soutenue par trois personnes. Sa voix de white blues singer n'a pas faibli mais le corps est brisé. Seul le grand repos parviendrait à estomper les ravages de l'héroïne et de l'alcool. Après le festival de Toronto et une kyrielle de dates, elle enregistre de nouvelles chansons (Cry Baby de Ragovoy & Berns, Mercedes Benz qu'elle compose avec le poète Michael McClure, Me And Bobby McGee de Kris Kristofferson et l'inoubliable Move Over), sous la houlette de Paul Rothchild, le producteur des Doors et du Butterfield Blues Band. La suite est un point final creusé dans la chair. Trop d'héroïne seringuée au Landmark Hotel et la mort sans témoins. « Pearl » est une œuvre  posthume. « Ce que j'ai fait de mieux, dira Paul Rothchild, et probablement  l'un des meilleurs albums arraché aux Sixties ». Guy Darol


     

    janis joplin,jean-yves reuzeau,voix,rock,soul,pop,culture,1970

    The Pearl Sessions, Janis Joplin, avril 2012


    CONSULTER

    JANIS JOPLIN COM

    JANIS JOPLIN NET


    LIRE

    Janis Joplin par Jean-Yves Reuzeau, Gallimard - Folio Biographie, 2007