Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

john cage

  • EVERYTHING IS POLITICAL ❘ 7. L'ACTION SONORE

     

    681be9142797846bfafe614e86f6330e.gif

    Les bouleversements qui pouvaient résulter du bruit dépendaient alors de ce que nos clameurs attiraient les képis. On ne se donnait pas rendez-vous au Quartier Latin, chaque samedi, pour échanger des vues, des caresses, des vinyles mais pour aller au front, à l’incendie que nos voix faisaient. Nous ne vendions pas sous le manteau mais à fond les ballons, toutes dents dehors et la langue chargée d’invectives. Le Système, notion bien spécifique de ce temps, était le Grand Objet à abattre. L’urgence était plus que pressante. Nos "colères folles"(Rimbaud) s’animaient contre les passifs, passants passablement endormis qui semblaient ignorer les désastres commis en ce monde. Sans les éraflures du cri, que pouvait "le texte des imaginaires du langage" (Roland Barthes) ? C’était, pour nous, l’oriflamme livide, le fanion de la fête des mots. Défigurer la langue : à condition de secouer la réalité, de mettre en danger les structures du pouvoir.

    Vendre Crispur ou toute autre revue n’était qu’un prétexte à des exercices d’agitprop. Hurler en collages verbaux, syllaber de faux slogans, on fusionnait happening et politkult, performance et manif. La méthode découlait du Cabaret Voltaire, lorsque Huelsenbeck, Tzara et Janco déclarent le poème simultan prêt à soulever Zurich. Clusters vocaux, gestes de gladiateurs, mugissements de sirènes composent un hourvari qui dénonce le casse-pipe international, également le son creux de la littérature. Hugo Ball écrit à propos de Huelsenbeck : "Il plaide pour un renforcement du rythme (le rythme nègre). Il aimerait battre du tambour jusqu’à faire disparaître la littérature sous terre" *. Dada sanctionnait par le vacarme bouchers et gens de lettres.

    The Guerilla Art Action Group mettait en évidence les relations entre le marché de l’art et celui de la guerre.

    Le mardi 18 novembre 1969, Jon Hendricks, Poppy Johnson, Jean Toche et Silvianna pénètrent dans le Musée d’art moderne de New York, vêtus selon la norme fixe, inoffensifs comme des transparents. Ils marchent minutieusement le long des œuvres puis commencent à répandre sur le sol les copies d’un tract. Après avoir fait entendre à plusieurs reprises le mot viol, ils se jettent brusquement les uns sur les autres. Leurs habits déchirés, ils crèvent des sacs emplis de sang. Ils se couchent, gémissent, roulent dans les feuilles, s’encrent de rouge. Ils viennent de commettre un acte essentiel, sans gesticulation de tribune. Leur folie apparente met en accusation le lien secret qui unit David Rockefeller (alors président du conseil d’administration du Musée d’art moderne) à United Technology Center et Mc Donnell Aircraft Corporation. Ces deux entreprises fabriquent en effet du napalm et des avions de combat. Le Guerilla Art Action Group exposait in situ l’argent sale de l’art en imitant les règles du happening.

    Christo, dans sa grandiloquence, n’a jamais frappé aussi fort.

    Crispur, Dérive ensuite, ne pouvaient distinguer la politique de la littérature. Sans se soumettre. Sans jamais se faire rattraper par le flux marxiste qui emportait la quasi-totalité des porteurs de plumes du moment – agitateurs, évidemment.

    Nos attroupements débutaient rue de la Parcheminerie et se confondaient aux flâneurs devant la Pâtisserie du Sud Tunisien, non loin de la Joie de Lire, librairie symbolique des combats anti-guerre, fondée en 1957 pour amplifier la lutte des Algériens insurgés, disparue on ne sait trop ni comment ni pourquoi. Bris de verbes, collisions sonores. Nous savions que toute phrase frappe du talon.

    John Cage se souvenait que Norman Oliver Brown, l’un des artisans de la contre-culture, avait vu dans la syntaxe une disposition de l’armée. En vertu de quoi, il se mit à réfléchir sur les moyens de démilitariser la langue. Exquis sémanalyste, Roland Barthes qui dit si bien la jouissance du texte et le plaisir en pièces décide que « la phrase est hiérarchique : elle implique des sujétions, des subordinations, des rections internes ** ». L’homme qui tombe à pic.

    Nous sommes convaincus qu’il faut mettre du chaos dans la phrase afin de mobiliser l’écoute. Puisque tout se vaut, rien ne se pense. En cette fin d’ère expansionniste, il importe d’élever le style et le ton. L’écriture redevient l’arme à remuer les torpeurs. On le croyait.

    Nous songions vraiment que les collisions du verbe inspirées de Burroughs, Cummings, Pound, Guyotat allaient ébranler le monde. Que la rue écoute dès lors que l’on fait appel à sa créativité. Guy Darol


    * Hugo Ball, La fuite hors du temps. Journal 1913-1921, 1946.

    ** Roland Barthes, Le plaisir du texte, 1973.

     

  • DEATH JUKEBOX ❘ MESSAGES DE L'AU-DELA

     

    Numériser0021.jpg

    Paul Harper et Andrea Heller publient des mails. Rien de bizarre. Mais si ! Voici dix messages de l’au-delà signés Nico, Syd Barrett ou encore James Brown. Comment est-ce possible ? Mystère. Chaque mail délivre un top ten des meilleurs albums de tous les temps. Et nous apprenons que William Burroughs en pince pour “Lumpy Gravy” de Frank Zappa mais aussi “Strange Days” des Doors. Totalement stupéfiant !

    DEATH JUKEBOX

    Paul Harper et Andrea Heller

    NIEVES/PRESSES DU RÉEL

    www.nievesbook.com

    www.lespressesdureel.com

    Numériser0022.jpg
  • JOHN CAGE

    828948cc9c189ee66d6fd60fa7c84b42.jpg
    26.01.08 au 29.02.08
    Centre International de Poésie Marseille

    Biographie

    Compositeur, poète, peintre et mycologue américain, est né le 5 septembre 1912 à Los Angeles, mort le 12 août 1992 à New York.
    Par le simple rejet de l’intentionnalité jugée si nécessaire à la composition,
    John Cage a su changer la nature de la musique telle qu’elle est perçue habituellement. En acceptant les résultats des opérations aléatoires, en admettant la possibilité d’une indétermination au niveau de la composition et des concerts, et en ouvrant sa musique à tous les types d’instruments. L’ensemble de ses oeuvres est d’une variété remarquable, par la seule liberté qui s’en dégage, son art témoigne d’une personnalité à part : à la fois candide, ouverte, et d’un naturel heureux.
    Après avoir travaillé comme jardinier en Californie, John Cage parcourt l’Europe de 1930 à 1931. En 1934 il se met à étudier la composition d’abord avec
    Cowell à New York puis avec Schoenberg en Californie. C’est du reste de cette époque que datent ses premières compositions, véritables essais sur la dodécaphonie non sérielle. En 1937, il s’installe à Seattle où il forme un orchestre de percussions, avant d’en monter d’autres à San Francisco, à Chicago et à New York (où il réside à partir de 1942).
    Par le matériel nécessaire à la réalisation de ses premières oeuvres, on distingue déjà la volonté de John Cage d’accepter tout ce qui semble peu orthodoxe : c’est ainsi que l’on peut trouver des boîtes de conserve dans son instrumentarium ; ou encore des dispositifs électriques utilisés pour la première fois dans des oeuvres composées.
    Autre innovation encore, qui fera sa gloire, celle du
    piano préparé, qui transforme cet instrument en un véritable orchestre miniature de percussions. C’est la principale invention de John Cage au cours des années 40, qu’il emploie dans des partitions pour ballets (il travaille souvent en collaboration avec des compagnies de danse, notamment avec celle de Merce Cunningham), et dans grand nombres d’oeuvres de musique de chambre comme les Sonates et Interludes.
    Son enthousiasme pour les philosophies asiatiques le conduit à la fin des années 40, à une étude très approfondie du
    Zen. Cela l’amène ensuite à nier l’intentionnalité dans l’acte créateur : il recourt au I Ching, donc au hasard, pour décider des hauteurs, des durées et de la dynamique de ses Music of Changes pour piano (1951). Il utilise encore des sons inaudibles dans Imaginary Landscape n°4 (1951), ou compose une pièce entièrement silencieuse mais exactement mesurée : 4’ 33 (1952).
    Cette pratique radicale de l’aléatoire récuse l’idée même d’une décision de l’artiste. C’est pourtant la position de Cage vis-à-vis du hasard, qui a eu, sur un plan plus philosophique que musical, une grande influence, aussi bien en Amérique (sur l’oeuvre de
    Feldmann ou de Wolff), qu’en Europe. La porte s’ouvre alors sur un vaste champ d’opérations aléatoires, réunies dans cette oeuvre maîtresse de l’indétermination qu’est Concerto pour piano et orchestre (1957-1958).
    Pendant les années 60, il s’intéresse davantage à l’électronique
    live, surtout avec Cartridge Music pour les sons faibles amplifiés, et Variations. Il choisit également de se consacrer davantage au mixed media, en utilisant sept clavecins amplifiés, de multiples bandes enregistrées et des effets de lumière spéciaux dans HPSCHD. Dans ses oeuvres ultérieures, il s’inspire de toutes ses expériences, en passant de la composition aléatoire avec méthode d’écriture conventionnelle (Etudes australes, pour piano, Chorals, pour violon) à la notation graphique pour orchestre (Renga) et des expériences sur la description verbale avec des instruments naturels (Branche, pour instruments naturels amplifiés, Inlets, pour des coquillages remplis d’eau).

    Toute l’évolution de son expression montre que John Cage est plus un créateur dans le sens large qu’un compositeur traditionnel. Son but était de refuser toute idée d’intentionnalité dans l’art pour favoriser la notion de liberté.

    Source Ircam