On lézarde le cœur à coups de pioches dans la ville. Me suis-je vraiment fait au nouveau design de la rue du Pressoir (Paris, vingtième arrondissement) ? Mon regard est à jamais bouché par la façade de l'Opéra Bastille qui dresse un mur sur mes deux lignes de fuite.
Ainsi qu'on le voit sur cette image, il existait, avant sa destruction, en 1984, une gare et ses locomotives à vapeur, qui desservait mes eldorados du dimanche. Je l'ai souvent pratiquée dans les années 1960, mes parents ne possédant pas de voiture, pour aller respirer le grand air à Verneuil-l'Etang et voir l'herbe plus verte qu'ailleurs. Mais, lorsque le temps ne s'y prêtait pas, nous partions pour un autre voyage. Celui-là s'effectuait dans la salle immense du Lux-Bastille, un cinéma aux allures d'ancienne Egypte, où, muni de bonbons qui fondent dans la bouche mais pas dans la main, j'assistais à des départs organisés par Jean-Pierre Melville ou Robert Enrico. Ce Temple, me semble-t-il, était celui du cinéma français.
Pour élever cet Opéra qui se fissure et où jamais je n'ai mis les pieds, on caterpillarisa mon enfance, cette seule enfance que l'on possède et qui est notre unique trésor.
Au passage, je serais plutôt comblé, éternellement reconnaissant, si parmi vous, d'aucuns détenaient dans leurs archives, d'autres images de cette Place de la Bastille, ouvrant des perspectives sur sa gare d'autrefois et son cinéma luxueux. Elles seraient mises en ligne aussitôt et aussitôt chéries. Guy Darol