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MIKE PATTON

 

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Né en 1968 à Eureka (Californie), Mike Patton a-t-il été aidé par la main du hasard ? Il a rapidement trouvé sa voix et elle est multiple. Orpailleur de sons toujours rares, Patton a du génie pour combiner les genres et les personnes. Il serait vain de lui coller une vignette dans le dos. L'homme est inqualifiable et ceux qui l'épinglent speed metal, grind-core ou soul-funk feraient bien de se nettoyer les oreilles avec du Moondog. Chemineau des routes traversières, ce fabricant de style contraire au tout venant a enchaîné depuis 1985 une quinzaine de projets. L'un des premiers, après Turd, se nomme Mr. Bungle et c'est une explosion sonique qu'illustre Disco Volante (1995), véritable bombe musicale sur laquelle Patton fait entendre sa voix hors-barrières. Elle balance entre la puissance des shouters et le raffinement des crooners. D'ailleurs lorsqu'on demande à Patton de citer le nom d'un grand compositeur, il dégaine sans réfléchir celui de Burt Bacharach, artisan de gommes universellement suaves.

Mr. Bungle est une allusion a un clown minable, le plus punk des circassiens mais c'est aussi une allusion directe a une figure (devrais-je dire un chibre ?) du cinéma X. Cela donne une musique fiévreuse, bruitiste et qui porte l'héritage de Luc Ferrari et de Captain Beefheart. Ambiance mutante, harmonies crissantes (voire crispantes) suggèrent la bande son d'un horror movie travaillée par John Carpenter ou Marco Beltrami. Oh ! my gore !

Patton aime à changer de monture et d'herbage. Il rejoint Faith No More (référence à un cheval de concours), le groupe de Billy Gould et Roddy Bottum qu'il rendra explosif en usant et abusant de sa voix de rogomme et de son corps appolinien. La parution de The Real Thing (1989) est une réussite commerciale. L'album se vend à plus d'un million de copies et lâche « Epic », hit mappemondial, qui révèle la couleur d'un chant où fusionnent hip-hop et punk-rock. Authentique animal de scène, Patton apparaît en leatherface,  joue à être un freak tornado qui se jette dans le public, simule une soif d'urine et imite le cochon comme un porc. L'aventure Faith No More sabordée en 1998, ainsi que celle de Mr. Bungle, Patton passe à Diabolik puis Phantomas (devenu Fantômas), hommage au couple Marcel Allain/Pierre Souvestre et à la trilogie Hunebelle. Famille recomposée à partir des membres de Slayer (Dave Lombardo), des Melvins (Buzz Osbourne) et de Trevor Dunn (térébrant sideman de John Zorn et de Marc Ribot), le groupe réalise Amenaza al Mundo (1999), 30 cantilènes sans paroles où s'expriment dans la tradition de Luciano Berio et Georges Aperghis toutes les ressources de la voix disloquée : chuchotements, cris et borborygmes. Proche de l'esprit cubiste de Mr. Bungle, cet album alterne prises voodoo et allusions bruitistes aux gamelans javanais et sirènes varèsiennes. The Director's Cut (2001) est un chef d'œuvre de l'art musical cinématique avec sa relecture pétochante des soundtracks de John Barry, Henry Mancini, Bernard Hermann (le compositeur attitré d'Hitchcock, accessoirement d'Orson Welles) et Ennio Morricone. La sortie de Suspended Animation (2005), quatrième objet sonore après Delirium Còrdia (2004), perpétue l'engagement cinématique de Patton avec un album à effeuiller comme un éphéméride. Chaque morceau est un jour  d'avril décrété par le songwriter/songshouter mois de l'humour et de l'angoisse. L'atmosphère d'horror movie si chère à Patton laisse place à une ambiance cartoon née de la rencontre des Looney Tunes et d'une machine  Atari. Hallucinant tout comme le package (avec calendrier) stylisé par l'artiste néo-pop Yoshimoto Nara.

Simultanément ou presque, cet Houdini des musiques inouïes s'allie à Lovage, Dillinger Escape Plan, Peeping Tom, après avoir flirté avec Sepultura, Bob Ostertag, Melt Banana, Weird Little Boy tout en créant dans les interstices Maldoror (l'homme est un fin lecteur) et Tomahawk aux côtés de John Stainer (batteur des Helmet), Kevin Rutmanis (bassiste des Melvins et de The Cows), Duane Denison (guitariste de Jesus Lizard).

Avec She (1999), Maldoror  fait entrer Patton dans « la communauté inavouable » (Maurice Blanchot). Si les Chants de Lautréamont sont le produit du « fils de la femelle du requin » écrit en anathèmes, She est une œuvre cataclysmique, à la fois farce bouffonne et messe des morts. Le projet Maldoror est associé au bruitiste Masami Akita (de Merzbow, un clin d'œil au Merzbau de Kurt Schwitters) dont la culture sonore émane autant du Cabaret Voltaire que d'Autechre et de la No Wave.

Tomahawk est parfois présenté comme la division easy listening du General Patton. On veut dire par là que ce groupe célèbre élégamment la magie du chaos qu'est le rock en liberté. Tomahawk est une sorte de contrôle continu du rock néo, un mélange de free metal et de psychépop. Pour situer l'aventure sur un chemin de fer, plantons deux gares : Jello Biafra et Audioslave.

C'est en solo que Mike Patton nous livre ses clés. Adult Themes For Voice (1997) est un album bricolé comme l'ont été les enregistrements d'Antonio Russolo, Die Sonate In Urlauten de Kurt Schwitters ou encore An Evening With Wild Man Fischer, incunable document sociologique. Patton fait démonstration de la supériorité d'un art cacophonique. Il résout l'équation suivante : voix + micro + mixeur 4 pistes. Adult Themes For Voice fut réalisé dans des chambres d'hôtel tout comme le Festin nu de William Burroughs et les meilleurs récits de Louis Calaferte.

Avec Pranzo Oltranzista  (1997), Patton sort de son jeu la carte futuriste. Cette mosaïque de bris et de débris est une illustration sonore de La cucina futurista (1932) de Filippo Tommaso Marinetti. Chaque morceau coïncide avec une recette sans queue ni tête, comme les bruits qui nourrissent dans les films de Norman McLaren.

Le slasher workaholic Patton est un actionniste cultivé. Ses projets perso et side sont d'autant plus riches qu'ils sont vitaminés de références. Marinetti en est une qui disait « chanter l'amour du danger » et « le saut périlleux ». Natif d'Eureka, notre voix multiple prouve qu'on trouve en écoutant et en lisant. Son parcours doit ainsi au vorticisme, courant post-dada, porté par la revue Blast (le souffle, la rafale) et Ezra Pound, l'auteur des Cantos qui pointait à propos du vorticisme que « le Vortex est le point maximum d'énergie ».

Ce maximum d'énergie, l'allié de Björk (il a posé sa marque sur Medulla), Rahzel, Kid 606, John Zorn et bientôt Massive Attack,  nous en fait goûter la sueur avec deux surprenantes réalisations. D'une part, Patton with The X-ecutioners, DJ crew newyorkais unissant Roc Raida, Rob Swift, Mista Sinista et Total Eclipse sur lequel le magnifique organe expose acrobaties vocales et dialogues de films de Clint Eastwood et Bruce Lee. D'autre part, Romances, projet élégant grave associé au norvégien John Kaada, auteur du très remarqué Thank You For Giving Me Your Valuable Time. Avec tous ses titres rédigés en français, cet étrange numéro de duettiste est l'hommage du XXIè siècle à Brahms, Chopin, Liszt et Mahler. Ceci démontre encore une fois que Mike Patton qui aime tant à se revendiquer de Sinatra/Slayer/Sade est définitivement le plus grand donneur de sons de tous les temps. Guy Darol

ECOUTER

Mr. Bungle, Disco Volante, Warner, 1995

Mike Patton, Adult Theme For Voice, Tzadig/Orkhêstra, 1996

Fantômas, Amenaza al Mundo, Ipecac/Southern Records, 1998

Faith No More, The Real Thing, Universal, 1999

Maldoror, She, Ipecac/Southern Records, 1999

Fantômas, The Director's Cut, Ipecac/Southern Records, 2001

Tomahawk, Mit Gas, Ipecac/Southern Records, 2003

Mike Patton/Ikue Mori/John Zorn, Hemophiliac, Tzadig/Orkhêstra, 2004

Kaada/Patton, Romances, Ipecac/Southern Records, 2004

General Patton vs The X-ecutioners, Ipecac/Southern Records, 2005

Fantômas, Suspended Animation, Ipecac/Southern Records, 2005


VISITER

www.ipecac.com

www.mikepatton.de

www.bunglefever.com


 

 

Commentaires

  • Bonjour,

    Patton a collabore avec Zorn sur trois albums Moonchild, Astronome et Six Litanies for Heliogalabus.
    Des compositions de Zorn, avec Mike Patton a la voix, Trevor Dunn a la basse et Joey Baron a la batterie.

    http://www.gutsofdarkness.com/god/objet.php?objet=9272
    http://www.gutsofdarkness.com/god/objet.php?objet=9273
    http://www.gutsofdarkness.com/god/objet.php?objet=9832

    Merci pour toutes ces portes que vous m'ouvrez regulierement,

    Etienne

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