Il me fit : « Quand j’aurai replié mes gaules, j’aimerais que tu fasses un tour du côté de la rue de Lappe, des fois que le Balajo existe encore. » Cela me fit un coup dans le sac. J’eus une grosse larme et c’est en pensant qu’il y avait une énorme marge avant qu’il ne prenne la tangente que la deuxième se retint de couler.
L’avenir ne l’a pas démenti. Mon père a replié ses gaules. C’était en septembre zéro cinq.
Depuis mutine lurette, une image s’impose entre moi et le reste du pauvre monde. Cette image est un crève-cœur et un vade-mecum. La scène se passe rue de Ménilmontant, non loin des Pyrénées. Je suis au Cours Préparatoire à l’école Jeanne d’Arc (mes origines sont bretonnes et vaguement saint-sulpiciennes), mon père me tend les bras à la sortie des classes. En un clin d’œil, je suis juché sur ses épaules d’homme mahousse et nous dévalons la pente bucolique qui englobe le ciel et la terre. De mon perchoir, je vois Pantruche, la tour Eiffel et le soleil qui glisse dans sa poche de velours rouge. Papa chante une valse en mineur. Mes bras autour de son cou, j’enfonce ma tête (déjà de linotte) dans ses plumes d’oiseau. Bientôt nous tournerons du côté de la rue du Pressoir et la vie, toute la vie, se fichera bien de compter les heures. Munificente comme l’image d’un homme (paysan-marin-forgeron) qui porte un rêve sur ses épaules.
Mon père taquinait la boîte à frissons. Il était toupilleur à la Boule Rouge, au Balajo. C’est là, un dimanche, qu’il décida ma mère pour l’aventure de toute une vie. Il me disait souvent : « Jo Privat, c’est le bon dieu et c’est pour ça qu’il a sa place sur le balcon du Balajo ».
Maintenant qu’il a tourné la dernière page de son petit livre, je peux dire que je connais Jo Privat (1919-1996), le « Gitan blanc », et presque sur le bout des doigts.
Il demeurait tout près de chez nous, rue des Panoyaux. Notre quartier est une dédicace à Bacchus. J’ai écouté sa Préférée, sa Zingara, tous ses hymnes aux cœurs simples et à l’accent manouche. C’est grâce à lui que je découvris Clément Lépidis (1920-1997). Avec Clément Lépidis, je ne suis jamais loin de Belleville, jamais loin de la rue de Ménilmontant et papa se tient debout, juvénile et joyeux. Ses mains qui fendent un air de muguet et d’accordéon m’arrachent au pavé herbeux. Je redeviens, il redevient, nous redevenons l’alpiniste à la neige éternelle qui ne sait pas qu’au bout de la pente le chasseur énumère ses proies. Guy Darol
Clément Lépidis – Bellevillois –
né de père grec et de mère
française, autodidacte.
A pratiqué de nombreux métiers
avant de se vouer à la littérature : photographe,
modéliste en chaussures, câbleur
radio, représentant en produits de
beauté, commis d’agent de
change à la Bourse de Paris, etc.
Būyūkada, publié à 44 ans chez
Julliard dans la collection « Les
Lettres Nouvelles » de Maurice
Nadeau.
Deux cycles intéressent l’auteur :
l’un directement lié à la France et
à Paris plus particulièrement,
l’autre à la Méditerranée.
Voyage souvent en Espagne et en
Grèce. Il lui reste encore une
vingtaine de livres à écrire
– surtout des romans – dont les
titres, les personnages et les
arguments sont prêts. Le dernier
s’intitulera : Mourir !
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à Belleville, ACE éditeur,
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Œuvres de Clément Lépidis
Aux éditions du Seuil
La Fontaine de Skopelos
Le Marin de Lesbos
L’Arménien
Les Émigrés du soleil
La Main rouge
La Rose de Buyukada
La Conquête du fleuve
Cyclones
L’Or du Guadalquivir
Les Oliviers de Macédoine
Chez d’autres éditeurs
L’Amour dans la Ville, éditions du Toro
Belleville, en collaboration avec E. Jacomin, éditions Henri Veyrier
Le Mal de Paris, en collaboration avec Robert Doisneau, éditions Arthaud
Belleville au cœur, éditions Vermet
Mille Miller, éditions Ramsay
Marchés de Paris, en collaboration avec S. Weiss, éditions ACE
Des Soleils à Hokkaido, éditions Vermet
Montmartre, en collaboration avec J.-M. Leri, éditions Henri Veyrier
Des dimanches à Belleville, éditions ACE
Un itinéraire espagnol, éditions Christian Pirot
Monsieur Jo, éditions Le Pré Aux Clercs
Les Bals à Jo, éditions Le Sémaphore
Je me souviens du 20ème arrondissement, éditions Parigramme
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A propos de Jo Privat
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Manouche Partie, 1960
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