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louis chevalier

  • EUGENE DABIT ❘ LE VIEUX BELLEVILLE

     

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    Citée par le grand historien de Paris qu'était Louis Chevalier (il y vécut), décrite par Jacques Hillairet dans son Évocation de Paris en trois volumes, la rue du Pressoir n'apparaît que rarement dans les pages de la Littérature. Clément Lépidis ne l'oublia pas et nous ne l'avons trouvé (pour le moment) sous aucune autre plume. Comme si on en faisait le tour. Serait-elle un hameau perdu de Belleville ? Un obscur chemin vigneron ? Avec Eugène Dabit, populaire auteur de Petit Louis, d'Hôtel du Nord, nous n'en sommes jamais loin. Mais c'est surtout dans Faubourgs de Paris que son odeur transpire. Là, le romancier fraie des voies, ouvre des portes et nous marchons dans son sillage parmi les souvenirs de ce que fut la rue du Pressoir et ses environs avant démolition. On y retrouve le cinéma Cocorico, les cafés Le Point du Jour, La Vielleuse « où s'alignent dix billards qu'entourent dès six heures les joueurs en bras de chemise. » Voici La Bellevilloise, Les Folies-Belleville, le ciné Floréal. « Fracas des autobus, rumeurs ; enseignes, réclames étincelantes (...) Les trottoirs ne sont pas assez larges, on marche sur la chaussée. » La rue de Belleville et sa ruée nous sont décrites dans un luxe d'images et de sons. On croirait une fenêtre ouverte tant la vie est palpable. « A Belleville, on trouve peu de fonctionnaires, peu d'employés. Dès qu'ils peuvent, singeant leurs chefs, ils vont s'installer à l'ouest de Paris. » Eugène Dabit poursuit de sa lumière ouvriers, apprentis, manœuvres. « C'est ici qu'on naît, vit et meurt ; qu'on travaille et qu'on aime, sur sa terre natale. » Pour Dabit, Belleville n'a de racines que parisiennes. Avec lui, la couleur des rues est celle de la suie mais tous les visages resplendissent. Pour peu, on se croirait ailleurs, dans quelque cambrousse. Du reste l'herbe y pousse. La végétation se rebelle contre le macadam. Guy Darol

     

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    LIRE

    EUGÈNE DABIT

    FAUBOURGS DE PARIS

    GALLIMARD, Collection L'Imaginaire


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    FAUBOURGS DE PARIS AUX EDITIONS GRANDS CARACTERES

  • LOUIS CHEVALIER ❘ L'ASSASSINAT DE PARIS

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    Professeur au Collège de France où il enseigna l'histoire de Paris, Louis Chevalier (1911-2001) rédigea plusieurs ouvrages sur la capitale dont celui-ci, une philippique contre l'entreprise de démolition emmenée par le couple De Gaulle/Malraux.

    Destruction programmée à partir de 1955-1958, le plan consiste (sous prétexte d'insalubrité) à déplacer des populations mixtes, pluri-ethniques, harmonieuses, dans les lointains d'une banlieue ou  vers des ensembles parisiens déconnectés de toute vie de quartier.

    Publié en 1977, L'Assassinat de Paris décrit le processus qui consiste à supprimer de la carte de Paris des rues, des "ilôts" au prétexte de la nécessité d'un nouveau Paris dont nous remarquons aujourd'hui le modus vivendi.

    Et c'est l'un des très rares livres à évoquer la rue du Pressoir où l'honorable Louis Chevalier vécut. Et peut-être saura-t-on m'en dire plus ? Guy Darol

    L'Assassinat de Paris

    Louis Chevalier

    Editions Calmann-Lévy, 1977

    Editions Ivréa, 1997

  • PARIS ❘ RUE DU PRESSOIR ❘ VINGTIEME ARRONDISSEMENT

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    23-25, rue du Pressoir

    Là que je vécus dans les années 1950. L’immeuble qui se situait au 23-25, dans l’unique courbure, lorsqu’on vient de la rue des Couronnes serait qualifié aujourd’hui de lépreux.

    Il s’élevait sur quatre étages et sa façade grise, écaillée, me semblait somptueuse. Mes parents occupaient un deux pièces aux fenêtres bleu azur qui donnaient sur un quadrilatère barré à l’est par la rue Julien Lacroix. Appuyé sur une rambarde, je pouvais observer une cour pavée où picoraient des poules. Et je pouvais entendre le grognement de cochons parqués dans une cahute bancale. Au pied de l’immeuble, un garage, ouvert sur la rue, offrait un espace de bitume craquelé que j’allais quelquefois rejoindre pour y pousser mes billes ou, dans le caniveau, quelque frêle esquif de papier.

    Le bâtiment a été rasé en 1967 et tout ce quartier, hétérochrome, mixte, a depuis été recouvert par de blêmes volumes aux angles aigus. Là, je fus éduqué par le peuple du monde. Maurice, le chapelier, me faisait essayer des casquettes enfantines et Régina qui possédait un téléviseur m’invitait, ma tête enfouie contre son cœur qu’elle avait gros, à regarder les aventures d’Ivanhoé. Leurs portes étaient toujours ouvertes.

    Tout devait disparaître selon les projets d’embellissement et de blanchoiement voulus par de Gaulle que conseillait André Malraux. Cependant que ce dernier avait démontré dans son œuvre qu’il n’avait rien à dire sur Paris. Une phrase de ses Antimémoires atteste seulement sa connaissance des « moineaux qui attendaient les chevaux des omnibus au Palais-Royal ». Contre toute attente, c’est bien lui qui ordonne la tabula rasa. Il est le déclencheur des boules de fonte qui aplatissent, le 27 février 1969, les Halles enchantées par Guy Debord, Julien Duvivier, André Hardellet, Hubert Juin, Claude Seignolle et la chanteuse Damia.

    J’ai cherché, dans les livres d’Henri Calet, Clément Lépidis, Georges Perec (citoyens de mon périmètre), un souvenir de la rue du Pressoir. Fiasco. Et sachez que mes rayons amassent, année après année, centaines de volumes sur la Ville Lumière. Un jour, je proposerai ici, une bibliographie flâneuse.

    Aujourd’hui, je ressens (tristesse des regards dans le rétroviseur) le besoin d’évoquer ma rue au tracé demeuré exact mais à l’environnement saccagé. Ivan Chtcheglov, grand inspirateur de la dérive continue, en butte contre « la passion de l’oubli », avait décrit dans Formulaire pour un urbanisme nouveau (in Ecrits retrouvés, éditions Allia), l’autre pays, celui de mes rives d’enfance. Pour ne pas oublier, jamais, je recommande L’Assassinat de Paris, ouvrage qui mit en danger son auteur parce qu’il y dénonçait fermement l’attentat porté, en 1958, par le général de Gaulle contre le Pantruche ouvrier. Livre savant, précis, mélancolique (Louis Chevalier, camarade de khâgne de Georges Pompidou fut professeur au Collège de France), L’Assassinat de Paris narre l’histoire d’une démolition et la fin des quartiers bruissants de vies simples.

    Enfin, page 242, il parle des « exilés de Belleville », déplacés par contrainte vers les banlieues neuves (bâties de tours aujourd’hui pilonnées) et qui regrettent « l’inconfort de la rue du Pressoir ».

    Initialement publié en 1977 aux éditions Calmann-Lévy, réédité vingt ans plus tard chez Ivrea, ce livre est à découvrir de toute urgence. Et permettez-moi de remercier (ceci comme un blog à la mer) celles et ceux qui connurent (années 1950) ce quadrilatère pluriethnique, compris entre les rues des Maronites et des Couronnes, pour les commentaires qu’ils pourraient m’adresser, nourris de colères et de tendres souvenirs. Peut-être avons-nous, ensemble, humé l’air de la rue du Pressoir. Régina, Maurice, Joseph, je vous embrasse là où vous êtes. Guy Darol

    VISITER NOTRE SITE DEDIE A LA RUE DU PRESSOIR

    http://ruedupressoir.hautetfort.com/

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  • LE BALLON ROUGE ❘ DERNIER DOMICILE CONNU ❘ PARIS VINGTIEME ARRONDISSEMENT/JUNG

     

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    Il y a des jours où les fameuses coïncidences significatives repérées par Carl-Gustav Jung se précipitent en cascatelle. Ce dimanche-là, j'emmenai ma fille (âgée de 7 ans) voir Le Ballon Rouge d'Albert Lamorisse au cinéma. Elle verrait ainsi les hauts de Ménilmontant tels que je les connus à l'âge de 7 ans. Et elle vit :  la façade de l'école où je fis mon apprentissage de lecteur, le 96 et sa plate-forme qui accueillait les contemplatifs, les terrains vagues et passages étroits qui composaient, à la fin des années 1950, le décor sinueux de ma Babel. Elle vit aussi Renaud qui deviendrait le chanteur que l'on sait, drôle et séditieux puis ...


    Le soir était tombé. Vint ce temps mort (d'après le repas) où l'on hésite entre lire et s'affaler devant l'écran de télévision. Je m'affalai devant Dernier Domicile Connu, le film de José Giovanni datant de 1970. Je l'avais vu à sa sortie mais avais oublié qu'il était en partie une dérive parisienne guidée par Lino Ventura alias Marceau. Un moment, je me retrouvai au bas de la rue des Couronnes. Marceau avait franchi le 18, un portail qui donnait sur les décombres de la rue du Pressoir que les boules de fonte venaient tout juste de pulvériser.

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    La rue du Pressoir est cette artère légèrement flexueuse qui relie la rue des Couronnes à la rue des Maronites. Dans la courbe, au 25, se trouvait l'entrée de l'immeuble où je vécus jusqu'à mes 7 ans.

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    Je finis par me coucher, habité d'images de gravats et de sucre (l'onctueuse et aigrelette nostalgie) et saisis le livre à mon chevet. Celui que j'allais terminer s'intitulait Les Parisiens. Cette étude de Louis Chevalier, professeur au Collège de France et auteur de L'Assassinat de Paris, subversif ouvrage, finissait sur ces mots :

    "Un dimanche après-midi d'automne. Le hasard fait que j'achève du côté de Belleville ce livre commencé il y a sept ou huit ans. Une foule va et vient,  qui ne ressemble pas à celle d'alors, toute une Méditerranée exubérante et joyeuse qui submerge la tristesse kabyle. Le café de la rue du Pressoir n'est plus là, où, dans la tabagie des fins de journée, nous prêtions l'oreille aux propos et aux bruits du faubourg : s'il en reste quelque chose, c'est peut-être ce caillou de belle et bonne pierre qu'un gamin pousse du pied au bas de cet édifice de béton."

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