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musique - Page 17

  • BAUCHKLANG

    Many People

    (Klein Records/Nocturne)

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    La tradition du human beat box est à chercher loin, du côté de l’incompréhensible et de son phrasé-grenouille préconisé par Jean-Pierre Brisset. Il faut se familiariser avec Valère Novarina pour saisir les portées de la voix, les possibilités du verbe cru, a capella. Bien sûr, dans le domaine du chant pastichant l’instrumentarium, il y eut Bobby Mc Ferrin (« Don’t worry be happy ») et les vocalises chatoyantes de Pow Wow. Puis vint Bauchklang (« son du ventre » en allemand) et cela mit un frein à l’amusement. Les six viennois mettaient la voix en couronne. Ils la plaçaient au-dessus de tout. Des virtuosités guitaristiques, du drumming le plus époustouflant. À petits coups de luettes et de replis musculo-membraneux, ils parvenaient à acculer les plus nobles prouesses instrumentales du côté de l’insignifiant. Bauchklang inventa la voix dépassant la chose. Avec Jamzero (2001), ils accomplissaient un exploit remarqué, celui de concurrencer les prestations électroniques. On croyait cet effort sans lendemain. On pensa que Bauchklang avait jeté toute sa science vocale dans ce seul artefact. C’était méconnaître l’opiniâtreté du vocal group project. Nos autrichiens ont plus de cordes à leur arc que toute une armada de compositeurs numériques. Ils savent faire à voix nue ce que l’ordinateur peine à bruire. Au-delà d’une expérimentation vocale plus que sidérante, ils effectuent avec Many People un voyage en 17 stations à travers dub, drum’n’bass, ragga et hip-hop. Nasarde à la technologie, Bauchklang témoigne une fois de plus des avancées de la chair sur l’outil. Guy Darol

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  • LE COURONNEMENT DE RICHARD PINHAS

     

     

    medium_numeriser0021.2.jpgPlus étourdissant que le transit de Vénus, moins attrape-connaud que nos éclipses de Lune, L'Abécédaire de Gilles Deleuze avec Claire Parnet (3 DVD, éditions Montparnasse) est ce qu'il faut se mettre absolument sous les yeux si l'on veut savoir ce qu'est une expansion brutale de la conscience.

    Penseur nomade impératif, maillot à pois rouge du développement rhizomatique, Deleuze confirme par ses luminescents concepts que le devenir révolutionnaire est à chercher dans l'alliance des minorités, dans la conjonction des pratiques souterraines hostiles aux frontières.

    En préambule à ce documentaire, un petit film enfumé découvre le pop philosophe en pleine action d'enseignement. La caméra que l'on croirait épaulée par Jean Eustache s'arrête furtivement sur Richard Pinhas. Guitariste au son neuf, celui-ci fait circuler dans l'underground des années 1970 le nom de Deleuze avec le groupe Heldon et l'album Electronique Guérilla, galette badaboumesque. D'une voix inoubliable, le philosophe du désir lit un texte de Nietzsche. Succès immédiat pour ceux qui misent sur le futur des son. L'équivoque Maurice G. Dantec avec lequel Richard Pinhas s'unit autour du projet Schizotrope affirme avoir découvert le styliste du Gai Savoir en écoutant Heldon.

    Avec Tranzition (Cuneiform/Orkhestrâ, 2004), Richard Pinhas marque d'un pas métatronique son éloignement de la production à vocation marchande. Cet homme à tout défaire qui rédigea récemment Les larmes de Nietzsche (Flammarion, 2001) nous convainc que la musique peut dignement s'accorder avec les exercices de la pensée. Il me plaît en effet qu'Adorno explore chez Stravinsky la veine catatonique ou que Luciano Berio assemble dans Sinfonia des tessons de Claude Lévy-Strauss et de Samuel Beckett. Que Peter Blegvad et son groupe Slapp Happy soit qualifié de borgesien me convient autant que le duo Tom Waits/William Burroughs ou le team Kurt Weill/Bertolt Brecht.

    Ce n'est pas pour nib si Michel Foucault a émis l'hypothèse qu'un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien". Quelques meutes actuelles cravachent l'espoir d'un monde où les fuyards l'emportent sur les banquiers de la norme fixe. Expérience des limites. Mélange des genres. Les dubesques Electric Muezzin livrent sur PMR (Produit de la Mondialisation Rhyzomatique) une illustration sonique de phrases secouantes signées Deleuze : "Soyez rapide, même sur place", "Expérimentez, n'interprétez jamais".


    medium_numeriser0022.jpgC'est dans cet esprit que sont apparus Mille Plateaux, Sub Rosa, labels voués à la déterritorialisation. Peu après la disparition du pop philosophe, en 1995, Sub Rosa édite Folds And Rhizomes For Gilles Deleuze, ode qui regroupe Mouse Of Mars, Scanner et Oval. Markus Popp (Oval) osera soumettre ses jets sonorielss à Deleuze, rêvant d'un booklet composé de main de maître. Markus Popp devra se contenter d'un courrier enthousiaste. Disons qu'Oval est un projet approuvé par les MC des lignes de fuite.

    Avec le laptopman DJ Spooky et Robin Rimbaud, héros des musiques postrock, Richard Pinhas expérimente la science des chimères (ou schizoanalyse), pratique qui s'écarte de "l'expression artistique unilatérale", fléau dénoncé en son temps par Guy Debord, cette autre figure du chaos. Dans une époque où l'ectoplasme Dieu nous est remué comme un recours alors qu'on le croyait grillé par Nietzsche, les célébrations deleuziennes de Pinhas (voir également son www.webdeleuze.com) sonnent comme une fête à laquelle on doit faire écho.

    Fin lecteur, notre pionnier de l'intelligent techno, rend hommage à Hubert Selby Jr dans un livre collectif édité chez IMHO (www.imho.fr). Psaumes rassemble les écrits des admirateurs de l'auteur de Last Exit To Brooklyn. Auprès de Lydia Lunch et de Norman Spinrad, Richard Pinhas propose une lecture disons exégétique sur le problème du Mal dans l'oeuvre du romancier parfois comparé à Louis-Ferdinand Céline. Richard Pinhas qui montre l'étendue de ses talents réflexifs convoque la Cabale lourianique, Brett E. Ellis ("cet autre monument de la littérature"), Philip K. Dick ("prophète des temps modernes"), Benjamin Fondane et le Nietzsche de Par delà bien et mal. L'ouvrage pointu est accompagné d'un DVD Plus (DVD vidéo + CD audio) contenant une vidéo d'une lecture de 50 minutes d'Hubert Selby Jr et une composition enregistrée par Richard Pinhas sous le titre Psaumes.

    www.webdeleuze.com

    www.imho.fr

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