Il ne suffit pas d’emporter l’adhésion d’autrui par notre éloquence pour faire triompher la vérité. Si nous nous servons de la séduction, de la rhétorique ou de la flatterie afin de masquer la faiblesse de nos thèses, nous pouvons persuader les autres, mais pas les convaincre. La conviction suppose en effet que celui qui prend parti pour une idée soit lui-même convaincu de la validité de la position qu’il défend. Je connais Louis Merino, mon frère, depuis plus d’un demi-siècle. Vie réelle, vraie, sans artifice, sans théâtre aussi, ni comédie, jour après jour, années après années, sans relâche de travail et d’abnégation presque quotidien. Ce dont je suis sûr, c’est que Louis, le peintre, y croit. Je dirais de mon frère, le démiurge Louis, qui en Grec, désigne l’ouvrier, l’artisan, celui qui travaille de ses mains. Nous connaissons tous, l’acteur Louis Merino, le comédien talentueux, généreux, le Buster Keaton du Théâtre, dans « Les évasions de Monsieur Voisin » mis en scène par Jacques Nichet et création du Théâtre de l’Aquarium, à la Cartoucherie de Vincennes ; le Premier Ministre espagnol Luis Carrero Blanco, en voltige , dans « La Passion du général Franco » d’Armand Gatti; le professeur, dans « Marabout », « La Trilogie du Nicaragua », pièce sur la torture, de Bruno Boëglin ; Paolo, dans la « Trilogie de la Villégiature » de Carlo Goldoni, au Théâtre de Nanterre-Les Amandiers, mis en scène par Jean Louis Benoit, etc. Mais là, je parle du peintre, qui donne forme à la matière inorganisée en façonnant ainsi son univers. Louis nous fait une démonstration, à la fois témoignage pictural et outil d’une pensée, je dirais assez rigoureuse, qu’il met en scène sur la toile. Le voilà, peintre. Il n’est pas né peintre mais il le devient depuis quelques années. Il peint des ciels. A ce qui a été dit : « Si le ciel est le séjour des divinités ; il est aussi le séjour des bienheureux qui viennent les rejoindre ». Mais peu importe ce discours ! Croire ou ne pas croire ! Je connais bien mon frère, sur ce sujet, mais s’il a réfléchi à cela, des choses existentielles, son outil, aujourd’hui, la peinture, le guide vers les ciels. Dans un sens général, le ciel est le symbole des aspirations les plus élevées de l’homme, de la perfection de l’esprit. Du ciel jaillit la lumière qui nous éclaire et nous guide. Peindre un ciel est chose difficile. Picasso disait qu’un ciel était impossible à peindre, et que les peintres du dimanche s’obstinaient à peindre des ciels, alors que cela était impossible. Si nous distinguons le ciel atmosphérique du ciel religieux ce ne fut pas le cas dans plusieurs traditions qui le voyaient comme une coupole ou une voûte. A la crainte des désastres naturels issus du ciel, orages, foudre, cyclone… s’ajoutait alors la terreur que cette voûte ne soit mal soutenue et ne s’écroule réellement. De certains de ces ciels, on reçoit la lumière, donc, être admis à l’initiation. De façon générale, la lumière est le signe de la connaissance, opposée à l’ignorance. Parfois, dans ses ciels, apparaît une lune, aussi riche en symboles que le soleil ; la lune s’en distingue parce qu’elle ne fait que refléter une lumière qui n’est pas la sienne et qu’elle est soumise à un cycle qui détermine sa forme ou son apparition. J’observe le peintre face au chevalet où est posé le châssis avec sa toile tendue. En trois coups de brosse, le violet apparaît sur la toile. Ce violet résulte de la combinaison du rouge et du bleu ; il allie ainsi la puissance active du rouge avec la sagesse réflexive du bleu. Et il est le point d’équilibre entre la passion et la réflexion, entre la terre et le ciel. Ce violet, n’oublions pas, a la couleur de la robe des évêques et du cœur des églises, le Vendredi saint. Le peintre Louis Merino le sait. Voyons un peu où il veut en venir. Selon la mythologie, allaitée par Héra, Héraclès laisse tomber quelques gouttes de lait qui vont former la voie lactée. Se détachant clairement sur le fond du firmament, la voie lactée a inspiré de nombreux poètes. Pour les Incas, elle est le grand fleuve du ciel où le dieu Tonnerre puise la pluie. Et pour les Aztèques, elle est un serpent blanc dévoré chaque jour par l’aigle du soleil. Elle est aussi le chemin des oiseaux, la couture du ciel ou encore la trace des pas d’un dieu chasseur ou des skies de l’ours, en rapport avec la Grande Ourse. Mais dans toutes les cultures, elle est la voie qui relie le monde céleste et le monde terrestre. On peut parler presque d’exploit en observant chacun des ciels de Louis : « Terres rouges d’Aveyron », «Coucher du soleil », « Le Ramage », « Mélancolie », « Tourment », « Terre de Feu », « Rencontre des éléments », « Figuration », « Ciel de Brest », « Espoir », « Nuages bleus », « Crépuscule », « Jardin dans le ciel », « Clair de lune dans l’Aveyron », « Impression de ciel », «Vision ésotérique », « Ciel capitale », ce ciel de Paris, vu au travers d’une petite lucarne de son atelier, là-haut au 7e ciel, je veux dire au septième étage, par l’escalier de service infligeant au peintre, à chaque escalade, un violent effort, et je sais qu’il doit vraiment y croire, pour renouveler ces efforts aussi intensifs, mais comme tout homme qui travaille, je sais qu’il est récompensé, ce que Louis Merino, peintre, mérite. Cela dit, pour le premier exploit. Le second exploit, est de mettre tous les ciels, tous, dans le train en partance pour Rodez. Et de là, de cette petite gare S.N.C.F. où il est si souvent arrivé, fier, en terre non promise, des hommes et des femmes vont acheminer ses œuvres par la petite route, qui mène à la très belle ville de Conques, où ils seront montrés au public, comme un présent, une reconnaissance aux Aveyronnais qui l’ont toujours bien accueilli. Bienvenu Merino
EXPOSITION DES PEINTURES DE LOUIS MERINO
et
délicats coups de pinceaux sur porcelaines
de
Françoise de Renéville
Photographies de Denis Mathieu
Centre culturel - Mairie de Conques
12320
25 juillet - 25 août
2009
Vernissage le 25 juillet
18h