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LITTERATURE TUMULTUAIRE - Page 14

  • GERARD SENDREY


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    Au moment où le Musée de la Poste, célèbre l’universel Gaston Chaissac, il est de toute première urgence de connaître Gérard Sendrey, artiste outsider (et c’est ici le plus haut compliment que je puisse envoyer), poète buissonnier et, depuis peu, romancier unique.


    Je serais presque tenté d’écrire romancier hunique (selon l’expression de Jean-Pierre Faye) au sujet d’un livre absolument exceptionnel qui prouve, par son caractère neuf, que la littérature n’est pas en voie de décomposition.


    La Machine est un roman comme il s’en écrit depuis Raymond Roussel. Son écriture en est savante (non savantasse !) et savoureuse. Gérard Sendrey n’aurait envisagé d’écrire pour faire comme. Ou pareil. Ou déjà. Il lui fallait une supplémentaire excitation. Un supplément de joie. Toute destinée au lecteur, évidemment.


    Mais de quoi s’agit-il ?


    La Machine est un lipogramme où les verbes être et avoir sont systématiquement écartés. On se souvient que Georges Perec initia dans La Disparition cette stratégie d’écriture. Mais l’on devine que la suppression de ces deux verbes (avec ce qu’ils comportent de physique, métaphysique, ontologique et économique) va plus loin que le jeu de cache-cache. Ces deux mots pèsent lourd dans la trajectoire de nos vies sursitaires. Ainsi, si Gérard Sendrey fait la chasse à ces deux vocables, c’est surtout pour nous parler de l’essentiel.


    L’exercice oulipien n’est pas la fin qui justifie son premier roman. Gérard Sendrey est né en 1928. Ce n’est pas un âge pour faire le con. Du moins pas totalement.


    Ce roman parle de l’intérieur de soi pour atteindre le lecteur. Touchant. Touché !


    Et je vois en cette machine une machination artiste, un moyen-magie pour faire reculer la mort en restaurant, une fois pour toute, le pouvoir de l’enfance.


    Assez d’enfantillages (mot d’ordre sociétal), soyez sérieux, mondialisez vos énergies, rendez vous utiles aux vainqueurs… autant d’impératifs catégoriques lancés par les puissants couillons. La Machine de Gérard Sendrey est un instrument de guerre, une arme sans linéaments, invisible/lisible qui pulvérise les illusions que ciblait Guy Debord. Avez-vous observé, au passage, la haine organisée contre ce nom depuis qu’il est notoire et vaste ? On aimait Debord du temps de sa clandestinité forcée. On le déteste à présent qu’il est sorti au jour (par les fossoyeurs !).


    Gérard Sendrey appartient au monde de la Création Franche, celui des formes d’art parallèle aux officiels standards. Ses œuvres plasticiennes foisonnent all over the world et particulièrement dans la Neuve Collection de l’Art Brut à Lausanne. C’est un fabuleux, un créateur de vie. Et un écrivain qui transforme toute tourbe en or pour les oreilles et pour les yeux.


    Car La Machine se lit comme un roman (à haute voix, c’est mieux !) au-delà du divertissement. Nous n’en livrerons pas l’intrigue. Sachez qu’elle est ancrée au port des songes de haut verbe où baignent Robert Louis Stevenson (pour qui le fond est dans la forme) et Louis Calaferte.


    Gérard Sendrey (du grec aisthétés : qui sent, qui perçoit par les sens) promet une suite à ce grand livre. L’Analyse paraîtra prochainement. Guy Darol


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    LA MACHINE

    Gérard Sendrey

    Editions Michel Champendal

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    Gérard Sendrey
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  • DANIELLE COLLOBERT

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    De Morlaix où je vis, il me vient des signes de Danielle Collobert qui fut. Non loin. Amie du verbe sans surplus. Immédiate. Rapide.

    Jean-Pierre Faye, ni dieu ni maître absolu.

    Je le connus rue de Seine, dans l'étroit bureau qui abritait le revue Change.

    Egalement au café La Palette.

    Chez lui, rue Vaneau.

    Je connus le bonheur d'apprendre l'important.

    Jean-Pierre Faye publia Danielle Collobert :

    Dire I - II

    Cahiers 1956-1978

    en sa collection Change, éditions Seghers/Laffont

    révélant ainsi

    Danielle Collobert qui s'est donné la mort le 23 juillet 1978, dans une chambre d'hôtel, rue Dauphine à Paris.

    La quatrième de couverture  des Cahiers est signée Jean-Pierre Faye.

    On peut y lire Danielle Collobert dont il fut dit que rien n'a été "tenté de plus avancé, de plus risqué". Et qui maintenant a disparu. Meurtre, Dire, Il donc, Survie, au-delà de ses quatre livres parus de son vivant, voici les cahiers qui laissent apparaître l'envers de son écrire et de son vivre. La saisie lumineuse, instantanée, le fil quotidien, le voyage au bord du vol, le désastre.

    Cela, il l'écrivait en octobre 1983.

    Le vendredi 2 juin 2006, à 19h, le Centre International de Poésie basé à Marseille rend hommage à Danielle Collobert.

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    TABLE-RONDE, LECTURES

    Présentation :

    Jean Daive

    Avec:

    Jean Daive

    Uccio Esposito-Torrigiani

    Martin Melkonian

    Françoise Morvan

    CIPM

    2, rue de la Charité

    13236 Marseille Cedex 02

    04 91 91 26 45

    www.cipmarseille.com

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    Danielle Collobert est née le 23 juillet 1940 à Rostrenen, au centre de la Bretagne.
    Sa mère, institutrice, étant nommée dans un village voisin, elle vit chez ses grands-parents, où sa mère et sa tante reviennent dès qu’elles le peuvent. Toutes deux entrent dans la Résistance. Le 9 août 1943, sa tante est arrêtée par la Gestapo. Déportée à Ravensbrück, elle ne reviendra qu’à la Libération.
    La famille s'installe à Paris en 1945 et Danielle commence à écrire en juin 1956. Elle entreprend des études de géographie à la Sorbonne
    Ayant abandonné ses études, puis renoncé à l’École Normale où elle venait d’être reçue, elle travaille à la galerie Hautefeuille et s’engage dans un réseau de soutien au FLN.
    En 1962, elle rencontre le sculpteur Natalino Andolfatto dont elle partagera la vie à partir de 1963. Forcée de quitter la France en raison de ses activités politiques, elle se réfugie en Italie
    En 1964, refusé par les éditions de Minuit,
    Meurtre, défendu par Raymond Queneau, paraît chez Gallimard.
    Elle se donne la mort le 23 juillet 1978, jour de son anniversaire, dans un hôtel de la rue Dauphine.

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    Bibliographie
    Chant des guerres, Oswald, 1961
    Meurtre, Gallimard, 1964
    Dire I et II, Seghers-Laffont, 1972
    Polyphonie, pièce radiophonique, 1973
    Il donc, Seghers-Laffont, 1976
    Survie, Orange Export Ltd., 1978
    Cahiers 1956-1978, Seghers-Laffont, 1983
    It Then, traduction de Il donc par Norma Cole, 1989
    Recherche, éditions Fourbis, 1990
    Bataille, pièce radiophonique, réalisation France Culture, 2001

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    Établies par Françoise Morvan, ses œuvres complètes, riches de nombreux inédits, ont été  publiées chez P.O.L :
    Oeuvres I, 2004
    Oeuvres II
    , 2005


    > > Traduction
    Giuseppe Bonaviri,
    Des nuits sur les hauteurs, avec une préface d’Italo Calvino, Denoël, 1971

     

    extrait des Cahiers (février 1960) :
    « en regardant les gosses tout à l'heure dans le square – retrouver des sensations d'enfance – de terre et d'eau – sensation floue – une odeur –
    des images éparpillées –
    la porte entrouverte de la salle à manger et mon grand-père dans un lit – tourné contre le mur – femmes assises en cercle autour de la table de la cuisine parlant à voix basse – et pleurant – couleurs rouges et roses –
    le garçon en bleu – pendu par un crochet au balcon de la maison à l'angle de la place – et les Allemands autour – le crochet – le jardin – l'entrée – la porte avec les massifs de fuchsias rouges – le tas de pommes
    sur le jardin –
    un soir dans la « maison de derrière », des tartines de mort-aux-rats rose et des cris aigus – la peur
    les fleurs de givre sur la fenêtre – et la chaleur des pieds dans le four – les chaussons brûlants – en rentrant de l’école –
    les orages et le vent dans les sapins à Campostal – le feu dans la cheminée dans la salle –
    énumération d'images alors que ce sont les odeurs qui sont les souvenirs les plus présents – le café grillé – la lessive – les poires trop mûres dans le grenier – odeur de bois et de terre mouillée – »

    Lien

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Danielle_Collobert



     

     

  • THOMAS CLEMENT

     

    Les enfants du plastique

    (Au Diable Vauvert)

    241 pages – 17, 50 €

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    En 2010, le spectacle concentré règne en maître, les aventures de l’art n’ont plus cours, l’industrie musicale est désormais contrôlée par Unique Musique France dont Franck Matalo est le cocher. Le premier roman de Thomas Clément est un apologue qui fait tinter les alarmes. Car ce futur si proche est évidemment contenu dans notre présent. L’auteur balaie ses lumières sur le monde tel qu’il se prépare. Dans ce monde, la musique est définitivement dématérialisée, le vecteur d’écoute se nomme TéléPod, le beam (téléchargement identifié) a eu raison du peer to peer. Le rock est un mot mort, comme l’underground, comme toute expérimentation menée au fond du garage. Du haut de sa tour (bien sûr située à la Défense), Franck Matalo paraît tellement puissant qu’on s’attend à le voir propulser roi de l’univers mais… la nostalgie, camarade. La nostalgie du bon temps du rock. Ça et le malheur. Il perd sa fille et presque aussitôt la tête. Son suicide comprendra la fin du système. Il décide de porter un coup à la domination de la marchandise en lançant un groupe paléo-punk dont le seul nom, Intestin, est un pacte avec l’échec. À la surprise générale, l’horrible combo connaît un succès sans pareil, révélant ainsi le désir d’authentique que l’industrie musicale n’était pas parvenue à tuer. Lumineux et agile, ce roman est tout à la fois une vision et un bel exercice de style. Guy Darol

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    http://clement.blogs.com

    www.audiable.com


     

  • ANNIE LE BRUN ❘ L'ENERGIE DU DESESPOIR


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    Depuis plusieurs décennies, la poésie partage en clans adverses ceux qui s’en préoccupent. On est résolument pour ou farouchement contre. L’amour et la haine sont les sentiments qu’elle suscite comme s’il n’y avait pas de sortie au mot de Pierre Reverdy : « cette émotion appelée poésie ». Le combat livré en sous-sol, hors de vue et d’oreilles, ne paraît plus concerner grand monde puisque la plupart des lecteurs ne vont plus à elle. La poésie ne se vend pas. Pire, elle ne se vole plus. Une rumeur court sur son décompte : c’est imbittable, ça prend le chou. Et voici justement le débat relancé, pamphlet au poing. Annie Le Brun qui connaît les vertus hygiéniques du libelle jette le problème comme un cri : « Signes de ce temps, la haine de l’utopie et la haine de la poésie se retrouvent dans la même compulsion à vénérer dans chaque instant le temps de la mort, c’est-à-dire à nous empêcher de prendre dans le temps qui s’en va le temps qu’il nous faut. » Autrement dit, poésie égale subversion. D’où l’assimilation du surréalisme au marché et sa dessication dare-dare. Trop désinvolte dès lors qu’elle se prétend « le sillon du vrai » (Saint-Pol-Roux), la poésie menace en effet le monde dans son ordre établi. Annie Le Brun lui prête de redoutables qualités. « Principe de trouble », elle génère le rapprochement de « réalités distantes » (Pierre Reverdy), elle est « peut-être la seule force humaine à se mesurer à la mort ».


    On comprend mieux l’intérêt des puissances d’argent à vouloir maîtriser cette débordante énergie, toute tendue vers la vie, soit contre le négatif sur quoi est basée la dominante idéologie du molleton. Gare aux « éléments de désordres » (Gaston Leroux), les « ruffians du commerce » (John Cowper Powys) entendent faire tourner la machine. Il faut que le pognon circule, que les camelots trafiquent en paix. Dans ce but, les médias cracheurs de crapauds et de laves se chargent de la peur, pour garder les frileux au chaud, loin des tentations brindezingues de la créativité qui rase les tables.


    Annie Le Brun balaie quelques impostures, celles qui justifient la rareté ou l’inanité poétique. Elle invective ceux qui jurent par le style et le talent, arguments des professionnels de la plume qui avertissent de cette manière l’amateur foulant leurs brisées. Pour elle, l’art s’oppose au business et le véritable artiste ne peut faire valoir ni grade ni titre sinon celui de « rêveur définitif ». enfin, elle ne manque pas de viser les mauvais fusils qui, comme Kundera, confondent poésie avec « une dérisoire volonté de beau fixe » ou, la déclarant cache-horreur, exaltent « la subversion lyrique », seule capable d’un réel sursaut de l’esprit.


    Aujourd’hui que « le temps semble sombrer dans l’immédiateté », il est du ressort de la poésie de nous ouvrir à l’impossible. Urgence selon Annie Le Brun qui tempête fort contre « la culture réduite à l’état de chiffon qui sert à éponger les incontinentes manifestations de la plus indigente esthétique du quotidien. » Dommage qu’elle tienne, et fermement, la barre du surréalisme à quoi elle est restée accrochée comme aux basques d’un good old daddy. Coincée dans l’âge d’or, ses semonces font parfois violon. Arthur Rimbaud l’avait bien dit :  « La poésie sera en avant. » Comment peut-on évaluer, en effet, les possibilités de nouveauté contenues dans ce présent apparemment atone quand la poésie se camoufle, quand elle s’embusque dans le maquis ? Guy Darol

    Appel d’air

    Annie Le Brun

    Plon, 165 pages

    Septembre 1988

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    Article publié dans Quoi Lire # 7, février 1989


    Oeuvres d'Annie Le Brun

    Sur le champ, Éditions surréalistes, 1967

    Les Pâles et fiévreux après-midi des villes, Éditions Maintenant, 1972

    Tout près, les nomades, Editions Maintenant, 1972

    La Traversée des Alpes, Éditions Maintenant, 1972

    Les Écureuils de l’orage, Éditions Maintenant, 1974

    Annulaire de lune, Éditions Maintenant, 1977

    Lâchez tout t;>, Le Sagittaire, 1977

    Les Châteaux de la subversion, Jean-Jacques Pauvert aux Éditions Garnier Frères, 1982, et Gallimard, Folio essais, 1986

    A distance, Jean-Jacques Pauvert aux éditions Carrère, 1984

    Soudain un bloc d’abîme, Sade, Jean-Jacques Pauvert chez Pauvert, 1985 et Gallimard, Folio essais, 1993

    Appel d’air, Plon , 1988

    Sade, aller et détours, Plon, 1989

    Vagit-prop, Lâchez tout et autres textes, Ramsay/Jean-Jacques Pauvert, 1990

    Qui Vive (considérations actuelles sur l’inactualité du surréalisme), Ramsay/Jean-Jacques Pauvert, 1991

    Perspective dépravée, La lettre Volée, 1991

    Les Assassins et leurs miroirs (réflexion à propos de la catastrophe yougoslave), Jean Jacques Pauvert au Terrain Vague, 1993

    Pour Aimé Césaire, Jean-Michel Place, 1994

    De L'inanité de la littérature, Jean-Jacques Pauvert aux Belles Lettres, 1994

    Vingt Mille lieues sous les mots, Raymond Roussel, Jean-Jacques Pauvert chez Pauvert, 1994

    Statue Cou Coupé, Jean-Michel Place, 1996

    De l’éperdu, Stock, 2000

    Du Trop de réalité, Stock, 2000, Gallimard, Folio essais, 2004

    Pour ne pas en finir avec la représentation, Stelec, 2003

    Ombre Pour Ombre, Gallimard, 2004