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LITTERATURE TUMULTUAIRE - Page 12

  • LA LITTERATURE SE PORTE BIEN, MERCI ! ❘ A PROPOS DE MARCEL SCHWOB, TZVETAN TODOROV, PIERRE BAYARD ET ERIC DUSSERT

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    Marcel Schwob

    Entre la littérature et la vie, certains n’hésitent pas, ils choisissent la littérature. Choisir la littérature, ce fut pour Marcel Schwob « la seule existence possible ». Ainsi l’a écrit le savant Sylvain Goudemare dans sa biographie sur l’auteur du grand, très grand Livre de Monelle copié par Gide. Schwob en était certain. La littérature était sa passion. La littérature était sa vie.

    Deux auteurs piqués de science nous déclarent aujourd’hui d’étranges choses. Selon le linguiste Tzvetan Todorov qui inventa avec Gérard Genette la poétique («étude des propriétés du discours littéraire »), la littérature est condamnée à disparaître du fait que son apprentissage institutionnel privilégie désormais la pédagogie des outils d’approche. Il est gonflé Todorov ou bien perclus de remords. C’est lui qui, accompagnant le combat de la textuation post-structurale, érigea l’écrit en pièce à disséquer. Todorov a beau se lamenter à la lecture d’un Bulletin officiel du ministère de l’Éducation Nationale qui ordonne d’envisager la littérature sur « un mode plus analytique », il siégea entre 1994 et 2004 au Conseil national des programmes. Fallait pas y aller Todorov ! Il ne fallait pas participer à une entreprise qui appelle, chaque jour un peu plus et à coups de projets et de projets de projets, à transformer magiquement l’art d’enseigner en une pseudo-science. Car à force de scientifier la vie (et la littérature, c’est l’égale de la vie), on aboutit à des situations comme celle où se trouve notre bon vieux Todorov qui tant aime la littérature. On se mord les doigts. On s’autoflagelle. On écrit La Littérature en péril, ouvrage incohérent, surtout pas boutefeu.

    Il peut écrire : « La littérature peut beaucoup ». Ou : « Si je me demande aujourd’hui pourquoi j’aime la littérature, la réponse qui me vient spontanément à l’esprit est : parce qu’elle m’aide à vivre. » Et conclure par : « À nous, adultes, incombe le devoir de transmettre aux nouvelles générations cet héritage fragile, ces paroles qui aident à mieux vivre. » On n’oublie pas qu’il contribua à ce qui me fit déserter l’université, jambes au cou : l’opération de dessèchement. Je conserve en mémoire inusable le souvenir de l’étude des Chants de Maldoror dans l’enceinte sorbonnarde post-soixante-huit par un professeur inspiré de la grammatologie en vogue : la mort est sûrement moins chiante. Cette dissection baveuse/bavarde ô combien a beaucoup participé à l’éloignement de la littérature, cet épicentre des émotions. Todorov peut geindre. Todorov peut prédire le pire.

    Le pire est derrière nous Todorov, du temps que vous étiez tendance.

    Un autre, publiant chez Minuit, se demande Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? Pierre Bayard, auteur d’essais aux titres choupaïesques (Comment améliorer les œuvres ratées ?, Qui a tué Roger Ackroyd ?, Demain est écrit), affirme qu’il n’est pas raisonnable de  tout lire. N’a pas tort. Question de bon sens. Puisque c’est mission impossible. Il recommande en suivant le propos de Robert Musil, dans L’Homme sans qualités, de se faire une « vue d’ensemble ». Il suffit, selon lui, de savoir où se place tel livre dans « la bibliothèque collective ». Non plus de prendre plaisir, serait-ce même, au texte. Puisque « la lecture est le lieu de l’évanescence », à quoi bon se fracturer la tête. Survolons. L’essentiel est de ne pas sembler bête lorsqu’on nous interrogera sur Marcel Proust ou sur James Joyce. Que l’on en sache par l’écho paraît important autant que d’en connaître par la lecture. Du moment que l’on puisse classer aisément. Du moment qu’à l’université, où tout le monde travaille, chacun sait, le professeur qui a zappé telle œuvre de Shakespeare ne soit pas pris pour un con à l’instant cruel où tel étudiant fouille-merde lui posera la question qui tue. Pierre Bayard démontre, références littéraires sous le coude, qu’on peut très bien faire illusion sans lire. Chapeau bas !

    Il manque le livre qui témoignerait en faveur de la littérature, de la littérature indestructible, naturellement. Celui qui nous dirait : perdez votre temps, lisez ou ne perdez pas votre temps, lisez – les deux propositions se valent. En vérité, l’ouvrage existe. Il est d’Éric Dussert et s’intitule La littérature est mauvaise fille. On songe à Charles Monselet (1825-1888) pour Les Oubliés et les Dédaignés (Poulet-Malassis et de Broise, 1857), recueil de figures littéraires de la fin du 18e siècle. Comme éditeur (au Griot), comme libraire d’anciens (9, rue du Cardinal Lemoine 75005 Paris), Sylvain Goudemaire fit/fait beaucoup pour perpétuer le nom de Monselet qui perpétua ceux de Barbara, Esquiros, Defontenay, Mercier, le Cousin Jacques, Olympe de Gouges, Rétif La littérature est mauvaise fille est dédié à Sylvain Goudemare. Cette collection d’écrivains rares s’ouvre justement sur une nouvelle de Charles Monselet.

    Éric Dussert a la passion des scintillements qui exigent la patience, l’attention soutenue, quelquefois la lorgnette (!). Sa chronique dans Le Matricule des Anges se nomme Les é garés, les oubliés. On voit sa concomitance avec celui qui signa Les Oubliés et les Dédaignés. Car Éric Dussert ne supporte pas que l’on passe sans voir auprès d’une œuvre, qu’elle soit actuelle ou inactuelle. Est-ce une passion ? N’est-il pas lui-même celui qui a choisi ? La littérature ou la vie. M’est avis que pour le critique littéraire et préfacier et éditeur et pamphlétaire (car il est tout cela à la fois), les deux marchent ensemble, d’un même pas flâneur. Une chose est absolument certaine, je ne vois pas Éric Dussert survoler ou arranger de mesquines combinaisons pour laisser accroire qu’il a lu un livre qu’il n’aurait pas lu ; je ne le vois pas désespérer de la littérature. Avec lui, soyons quiets, la littérature vit. Elle ne rapporte rien mais elle vit.

    Comme Charles Monselet ou Jacques Brenner (ces grands), il croit en une littérature analeptique, il pense que l’on peut aller/avancer mieux en lisant Bienvenu Merino qu’il vient de rééditer à l’Atelier du Gué. Il est convaincu qu’il nous faut découvrir ces écrivains du temps passé que la critique (si souvent paresseuse) a délaissé. Il invite avec son enthousiasme et son talent à se pencher maintenant, si possible maintenant, sur quelques écrits brefs de Jean Richepin (1849-1926)  ou de Théo Varlet (1878-1838), d’Isabelle Eberhardt (1877-1904) ou de Joseph Méry (1797-1866). Ils sont au nombre de quinze dans cette magnifique réunion à nous dire que la littérature fait vivre, qu’il fait bon vivre en la lisant. Pour chacun d’eux, Éric Dussert a donné tout ce qu’il a d’informations utiles. Si bien qu’après nous être enflammé pour L’expiation de Gabriel de Lautrec (1867-1938), on peut en apprendre sur ce « confrère de Georges Courteline et d’Alphonse Allais, un humoriste donc qui a redoublé de malchance en recevant un patronyme écrasant. » Tous les auteurs sont livrés avec une biographie et la preuve qu’ils sont exceptionnels. Éric Dussert qui est un homme de bon goût a évidemment choisi le meilleur de ce qu’ils avaient créé dans le bref, l’adamantin. Si bien que son livre est une démonstration que l’amour de la littérature ne crèvera jamais, qu’elle est consubstantielle du cœur, un battement nécessaire. Pas un cadavre, Todorov, pas un cadavre ! Donc,  en dépit des craintes d’apprenti sorcier et des carambouilles d’herméneutes malins,  la littérature, elle se porte bien. Enfin, comme elle peut, avec l’intérêt qu’on lui porte. Elle va solitaire la littérature, accompagnée toujours de solitaires. Elle va, elle va bien. Oui, merci. Guy Darol

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    Marcel Schwob ou les vies imaginaires

    Sylvain Goudemare

    341 pages, 21,19€

    Le cherche midi éditeur, novembre 2000

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    La littérature en péril

    Tzvetan Todorov

    93 pages, 12€

    Flammarion, collection Café Voltaire, décembre 2006

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    Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?

    Pierre Bayard

    163 pages, 15€

    Les Éditions de Minuit, décembre 2006

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    La littérature est mauvaise fille

    Éric Dussert

    197 pages, 19€

    Atelier du Gué, novembre 2006

    www.cherche-midi.com

    www.flammarion.com

    www.leseditionsdeminuit.fr

    www.atelierdugue.com

    Ma fille Olinka a sept ans aujourd'hui, à cette heure.

    "Il faut se faire une déraison."

    Mais, au fait, qui signa cet exact constat ?


     

  • SURREALISME BELGE ❘ DADA ❘ ANTIDADA ❘ MERZ

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    Paul Colinet et Louis Scutenaire

    L'excellentissime (car toujours folichon) label belge Sub Rosa donne à entendre deux artefacts d'exception. Tenez-vous à ce que vous pouvez !

    Voici, dans sa collection Archives Sonores, un deuxième volume dédié au Groupe Surréaliste bruxellois (1926-1938). Une occasion, bien rare, d'entendre les propos souvent mordicants de Louis Scutenaire, Marcel Mariën, René Magritte, Paul Colinet, E.L.T. Mesens, Marcel Lecomte, André Souris, Paul Delvaux, Constant Malva, Achille Chavée, Fernand Dumont. Gros délire, n'est-ce pas vrai ?

    A cette bonne bonne nouvelle, il faut ajouter ceci, que le même label publie un CD sous l'impulsion toujours épatante de Marc Dachy. Trois dada lisent leurs propres textes : Hans Arp, Raoul Hausmann et Kurt Schwitters. Booklet en français, anglais et allemand.

    Ces deux précieuses choses sont disponibles à la vente par correspondance grâce aux méritants d'Orkhêstra International.

    Magritte, groupe Surréaliste et Rupture (1926-1938), volume 2

    Collection Archives Sonores/Avant-Garde In Belgium 1917-1978

    SUB ROSA/ORKHESTRA

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    Dada Antidada Merz : Arp, Scwhitters, Hausmann

    Edité par Marc Dachy

    SUB ROSA/ORKHESTRA

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    Hans Arp
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    Raoul Hausmann
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    Kurt Schwitters

    www.orkhestra.fr

    contact@orkhestra.fr

    www.subrosa.net


     

  • JEAN L'ANSELME

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    Jean L'Anselme

    Du même tonneau, dont on fait les devins, que Jean Dubuffet et Gaston Chaissac, Jean-Marc Minotte alias Jean L’Anselme (à tout vent, merci à la maison Larousse !) est né le 31 décembre 1919. À minuit, soyons exact, ce qui fait hésiter sur son âge actuel. Car ce défenseur d’une poésie sans dieu ni maître, ce self made man du vers définitivement libre est un contempteur du temps sagittal qui dicte les modes. N’ont pas d’âge ceux qui préfèrent la vie sauvage et primitive, l’art sans dossier de presse ni félicitations du jury, la poésie faite par tous.

    Immarcescible, Jean L’Anselme est fort d’un humour que l’on devrait copier et d’une bibliographie copieuse. Ses œuvres qui riment avec la déraison, l’impertinence et l’ânerie de bon aloi sont en grande part publiées par Rougerie. Elles dénoncent « les écrits tarabiscotés » qui ne veulent rien dire mais feignent de nous faire croire qu’ils disent plus subtilement l’insondable dessous des choses. Elles dénoncent mais elles proposent : une poésie vitaminique, une littérature souriante pour ne pas dire désopilante. Hors-mode en un temps où la joie est considérée comme une insulte à l’intelligence, ce poète moins sobre que calembourré est ignoré de la rue d’Ulm au Centre International de Poésie, autrement dit de L’Arctique à l’Antarctique, contrées au demeurant bien froides.  Dommage car avec Jean L’Anselme la vie est moins chiante, on se marre et ça réchauffe.

    Cet ancien international de handball à la voix façonnée dans le tendre burlesque sera joué (mais pas refait) par Didier Parmain le dimanche 11 février 2007. Ne cherchez, je vous en prie, aucun mauvais prétexte pour aller le saluer ce jour-là à l'Auditorium de la Halle Saint-Pierre. Ce serait vous priver. Guy Darol

    CONSEILS A UN JEUNE POÈTE

    Jean L'Anselme

    Certes, je ne vais pas tout te dire ; je me limiterai à quelques points et non des plus encourageants. Ne te crois pas tout d'abord issu de la cuisse de Jupiter. Remettons la poésie à sa juste mesure, ce n'est plus un objet de culte, une affaire de caste. On ne naît pas poète, on naît comme on est, c'est-à-dire comme tout le monde. N'importe qui peut être poète, je suis moi-même n'importe qui. Il n'y a d'ailleurs pas d'école où on enseigne la poésie pour en ressortir avec un CAP alors que, dans les autres domaines de l'art, il existe des conservatoires et des académies. C'est une réalité à laquelle on ne songe guère. Nous sommes donc des millions de poètes comme toi. Souvent sans le savoir.
    Le statut de poète a donc bien changé. Le poète n'est plus celui qui dans le ciel cherche la route que lui montre la main du seigneur, comme le définissait Chatterton, son existence est plus terrestre, bien plus ordinaire. Dans la configuration actuelle où chacun dispose de tous les moyens de communication pour se faire connaître de son vivant, le poète, comme tout artiste en général, ne travaille plus pour avoir son nom dans le dictionnaire. S'il n'arrive pas à se faire remarquer avant de mourir, c'est parce que, tout simplement, il n'en vaut pas la peine. Dans notre société de consommation, il se trouve voué, comme le frigo et la télé, à une utilisation temporaire et immédiate. Il ne dispose que d'une garantie limitée, il a lui aussi sa date de péremption, la durée de son existence. Le Conservateur du château de Versailles disait à Jacques Chancel qu'en matière d'art," nous vivions une période de l'éphémère". Et cette affirmation, dans la bouche de celui à qui incombait la protection et la sauvegarde des chefs- d'oeuvre éternels, résonnait lugubrement.

    On combat actuellement dans l'art les notions de pérennité et de postérité en le rendant vulnérable et en l'assimilant à un simple objet d'usage ordinaire. Les toiles sont peintes "au pistolet"; on incorpore des éléments qui refusent l'amalgame et se séparent de leur support. Les collectionneurs s'interrogent sur la durée de leurs acquisitions. On crée des"happenings", des "événements", des "autodafés ", c'est-à-dire des œuvres sans lendemain. Christo "emballe" le Pont-Neuf et le déshabille quinze jours plus tard. Personnellement, je travaille beaucoup sur les slogans publicitaires, l'actualité, ce qui rend mes écrits précaires sans espérance de lendemains glorieux.

    Tu aimes la poésie sinon tu n'en ferais pas. Pour le moment, tu es son amant (son aimant), tu couches avec, c'est le coup de foudre, Capoue, Cythère, le pied ! Sache toutefois que si tu veux te faire accepter, il te faudra lui jurer de mourir avec elle et de lui en donner la preuve. Elle n'a cure des amours passagères, de l'inconstance, des flirts entre deux trains. Pour en arriver à ce stade, il te faudra traverser un long désert d'indifférence, d'ingratitude, de solitude où tout ce que tu écriras en t'arrachant les tripes comme le pélican, tombera dans un puits profond sans le moindre écho. Songe qu'à l'approche de mes 55 ans, après avoir écrit je ne sais plus combien d'ouvrages, Pierre Seghers me disait : "Tu vois, tu es encore pour moi un jeune poète". N'est donc pas poète qui le veut, mais qui le prouve, à la longue, patiemment.

    Nous l'avons dit, il n'y a pas d'école pour apprendre, alors que fait celui qui ambitionne d'être poète ? Eh bien, spontanément, en bon autodidacte, il écrit, il écrit d'après ce qu'il connaît, c'est-à-dire ses classiques, donc à l'ancienne. Il commence donc à faire des " à la manière de" ce qu'il aime, il fait de la décalcomanie vieillotte. Mais il lui faut passer ce cap, il lui appartient pour cela de dévorer tout ce qui est neuf, nouveau, contemporain. Il passera alors du stade du pastiche à celui de la connaissance. Il se mettra à écrire différemment, en fonction de ce nouvel acquit. Ses écrits prendront un nouveau visage, respireront autrement. Tu peux penser, à ce degré, qu'il est arrivé à la maîtrise, à son apogée. Erreur! S'il veut être absolument différent, il lui faudra effacer tout ce qui l'a nourri. "Le véritable artiste, dit Derain, est l'homme inculte", c'est-à-dire qu'il devra oublier tout ce qu'il a appris pour ne ressembler à personne.

    A l'examen de ce long parcours, tu ne t'étonneras donc pas si le poète ne peut bénéficier d'une certaine reconnaissance générale qu à l’approche de ses 70 ans et qu'il ne vit véritablement sa grande consécration qu'entre 80 et 95 ans, d'autant plus que les médias qui devraient servir à sa célébration ne lui accordent pas plus d'importance qu'à un joueur de quilles.

    Je te souhaite donc bon courage et longue vie.

    A présent oublie tout ce que je viens de te dire et n'écoute pas les autres. Si j'avais moi-même suivi les conseils qui me furent prodigués, je n'en serais pas à prôner un art à contre-culture et à proposer la réhabilitation du laid pour qu'il soit le beau de demain. Qui de sensé aurait pu me mettre sur cette route ? Malgré tous ces propos peu encourageants, sache que l'aventure en vaut la peine. Dis-toi que "la garce n'a pas besoin de fesses de printemps et d'un sexe de glaïeul" pour qu'on en soit épris d'un amour fou.

    Publié dans Poésie/Première n°13

    Bibliographie (extrait)

    Ça ne casse pas trois pattes à un canard et après ?, Mortemart, Rougerie, 2005

    La chasse d'eau, les poèmes cons, manifeste suivi d'exemples, Mortemart, Rougerie, 2001

    Le ris de veau, Mortemart, Rougerie, 1995

    Pensées et proverbes de Maxime Dicton, banalités, bêtises, paradoxes, balivernes, lieux communs et autres propos sérieux de l'auteur, Mortemart, Rougerie, 1991

    Bêtises, paradoxes, balivernes et autres propos sérieux de Maxime Dicton, Paris, les éditions La Bruyère, 1989

    Qui parle de bonheur, Paris, L'Ecole, Collection "Poètes contemporains", 1985

    L'Anselme à tous vents..., Mortemart, Rougerie, 1984

    L'Humour raconté aux (grands) enfants, Paris, Les Éditions ouvrières, 1988

    La France et ses environs, poésies instructives suivies de Vers de mirliton, Mortemart, Rougerie, 1981

    Les Poubelles, Manifeste des poubelles et autres poèmes, complété d'un Hommage à "Tel quel", Rougerie, 1977

    Qui parle de bonheur, Tire-Lyre, Paris, L'Ecole des loisirs, 1977

    La Foire à la ferraille, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1974

    Du vers dépoli au vers cathédrale, avec une intervention intempestive de Michel Ragon, Mortemart, Rougerie, 1962

    La danse macabre, poème, dessins de Théo Kerg, Mortemart, Rougerie,  1951

    Chansons à hurler sur les toits, Paris, chez l'auteur, 1950

    Sur Jean L’Anselme

    ● La Nouvelle Revue Moderne

    Numéro spécial

    Jean L’Anselme – Vive la poésie

    94, rue Kléber 59493 Villeneuve d’Ascq

    Jean L’Anselme : Pour de rire, pour de vrai

    Jacques Lardoux

    Presses de l’Université d’Angers, 249 pages, 2004

    ● Rougerie éditeur

    7, rue de l’Échauguette 87 330 Mortemart

    Jean L'Anselme
    et ses poésies au ris de veau, au ris au laid, pleines de ris aux mots dans un ragoût mâché par
    Denis Parmain
    pour un voyage Con Comme la Lune

    à la HALLE SAINT PIERRE

    A l'auditorium, le dimanche 11 février 2007, à 16 heures.

    Entrée libre

    2, rue Ronsard – 75018 PARIS
    Tél. 01 42 58 72 89
    Métro Anvers/Abbesses
    Con comme la lune,
    est une agitation que le poète partage avec Denis Parmain comédien con, mais aussi avec joie et bonheur.



    HALLE SAINT-PIERRE - Auditorium
    2, rue Ronsard - 75018 Paris
    Tél. : 01 42 58 72 89 - Fax : 01 42 64 39 78
    Métro : Anvers/Abbesses
    www.hallesaintpierre.org





     

  • ANDRE BLANCHARD

     

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    Il ne fait pas grand-chose pour s’exposer à tous les regards sinon faire acte de présence dans une galerie d’art à Vesoul. Il refuse de se hisser au sommet de l’échelle qu’on lui tend. Nous aurions pu lire son portrait en quatrième du quotidien Libération ou découvrir chaque minute de sa vie dans les pages du Matricule des Anges. Il paraît que la télévision a beaucoup insisté pour qu’il s’anime dans le cadre.

    André Blanchard s’est toujours esquivé mais de certaine louange il n’a pu se sauver comme de l’hommage génufléchi que lui adressa Frédéric Beigbeder et qui orne le rabat d’Entre chien et loup, réédition de ses premiers Carnets publiés en 1989.

    Heureusement, nous apprenons que Jacques Brenner (un vrai poids lourd des Lettres) signala en son Journal que ces Carnets sont un acte de «littérature à part ».

    Et voilà, je suis passé à côté d’André Blanchard comme d’une main qui aide à sauter les remous. En le découvrant aujourd’hui, j’augmente cependant mon trésor de joies. Car cet écrivain qui observe le monde en recourant à la littérature est l’auteur de sept volumes. Ouf ! Il m’en reste cinq à déguster (à tous les sens du verbe) et cette attente est mon régal.

    Je crains que malgré ses précautions contre le succès, la digestion de ses écrits par les machines du spectacle, je crains qu’André Blanchard ne soit déjà trendy. Quelque intuition me dit qu’en lisant ce billet, certains parmi mes pointus visiteurs, vont étouffer un vilain ricanement. Quoi, Guy Darol a survécu depuis 1989 sans connaître le carnettiste Blanchard ! J’entends venir cela comme le ras-de-marée mode qui s’annonce. Ils vont tous s’y mettre et le galeriste érémitique ne pourra nibe face à ce tsunami d’admiration.

    D’aucuns vont y voir un phénomène à la taille de Julien Gracq, Maurice Blanchot. Et comme l’insulte qui manque au temps, celle qu’incarna par exemple Guy Debord.

    Je crains qu’André Blanchard, 56 ans, soit contraint à prendre le maquis, loin de Vesoul. D’avoir sous-estimé l’opiniâtreté des moyens, la puissance de feu de l’ennemi. Le spectacle (ou, si vous voulez, la société technomédiatique) n’apprécie guère qu’on se refuse à son plaisir.
    Combien de temps parviendra-t-il à se faire oublier ?

    Je recommande aux entêtés de le lire (serait-ce un chouïa) avant de s’y piquer. André Blanchard, nombreux l’ont désigné successeur de Léautaud, n’est pas un tendre. Au ton qu’il adopte, son refus de rigoler dans l’arène pourrait anticiper une séance de cous tordus. Il possède une excellente énergie de démolition (certains ont cru voir renaître Léon Bloy) susceptible de terroriser y compris les morts.

    Pas la mort, cette fin au cœur de chaque jour, sujet sur lequel il réfléchit beaucoup sans nous infliger de prothèses. Car il faut bien dire que ses empoignades avec le concret, le dur, la réalité sans chichis, font de lui l’écrivain dont la littérature a le plus grand besoin. Guy Darol

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    "Et si je révolutionnais ce fichu pacte autobiographique en ne parlant plus de moi ? Pas chiche ! Disons que cela n'aurait rien du sacrifice tant, dans ces Carnets, l'autobiographie arrive loin derrière le reste ; et encore ! elle se prévaut de l'ombre plus que du grand jour", André Blanchard

    Entre chien et loup, Carnets, avril-septembre 1987, Le Dilettante, janvier 2007

    121 pages, 14 €

    Contrebande, Carnets 2003-2005, Le Dilettante, janvier 2007

    317 pages, 20 €

    En librairie le 2 février 2007

    Visiter les éditions Le Dilettante

    www.ledilettante.com

    Librairie-Editions Le Dilettante

    19, rue Racine

    75006 Paris

    "Chaque achat de livres, c'est un bail de quelques jours que je signe avec l'amour de la vie", André Blanchard.

  • ANTONIN ARTAUD ❘ FLORENCE DE MEREDIEU

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    La somme de biographies et d’évocations d’Antonin Artaud est aujourd’hui considérable. Après avoir lu les œuvres medium_Numeriser0026.2.jpgdisponibles du poète, j’ai commencé à m’intéresser aux approches puis aux explorations chronologiques. Cela débuta avec la monographie de Georges Charbonnier (1). Vinrent ensuite le Portrait d’Antonin Artaud que traça Otto Hahn(2) pour le compte des éditions Le Soleil Noir du regretté François Di Dio, la première biographie d’importance de Jean-Louis Brau (3) et l’essai envoûtant de Susan Sontag (4). Enfin il y eut Alain et Odette Virmaux qui ravirent la trajectoire durant de longues années, collectant les témoignages, assemblant des images, déduisant l’itinéraire en véritables archéologues. Longtemps nous nous contentâmes de leurs travaux (5). Il semblait qu’ils avaient jeté un filet sur l’homme et son œuvre. Sans doute la découverte du Journal de Jacques Prevel (6) avait-elle orienté différemment l’approche car l’on pouvait dès lors observer que la présentation du parcours terrestre d’Artaud s’accompagnait d’une réflexion de plus en plus approfondie portant sur les écrits. Ce dont témoignent l’excellente biographie de Thomas Maeder (7) et l’étude inégalée de Monique Borie (8). Evidemment, je lus Paule Thévenin (9)dont nul n’ignore la tâche accomplie au service d’Artaud mais c’est à Florence de Mèredieu que je veux rendre un hommage particulier.

    Florence de Mèredieu avait fait paraître, en 1984, le premier ouvrage signalant l’incroyable portée des dessins d’Artaud (10). Gallimard publia deux ans plus tard l’impressionnant volume des Dessins et portraits (11) flanqués des textes élucidants de Paule Thévenin et Jacques Derrida. Cette chercheuse aussi discrète qu’opiniâtre sortait en octobre 1992 deux essais passés inaperçus (12) mais qui exposaient au passage une intention, celle de rendre visible les plusieurs facettes du poète. On ne se doutait guère alors que Florence de Mèredieu travaillait à une somme sans équivalent.

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    Sa biographie (13) de 1087 pages va au-delà de tous les comptes rendus de la vie d’Artaud. D’abord parce qu’elle a examiné la trajectoire jour après jour, décrivant ainsi la mise en mouvement d’une figure dont il nous fut livré que quelques états parmi les plus chavirés. Enfin parce qu’elle nourrit la minutieuse chronologie de références extrêmement précieuses à la connaissance de l’œuvre. Comme ce retour sur Les Névroses de Maurice Rollinat, recueil paru en 1883 et qui consista en un formidable catalyseur d’écriture chez Artaud. Comme le rôle des lectures d'enfance : les Voyages illustrés, le Journal des Voyages, deux magazines dédiés à l'aventure ordinaire et fantastique. De même, les lumières qu’elle jette sur des auteurs tels que Pierre Mac Orlan ou encore Marcel Schwob pour l'influence qu'ils exercèrent. Tout cela est très bien montré en même temps, par exemple, que le nunisme de Pierre Albert-Birot en tant que creuset de l’alchimie du verbe. Il n’est donc à ce jour aucune biographie plus complète que cette vaste étude, précise, érudite et (le mot serait même un peu faible) passionnante. Guy Darol



    1. Antonin Artaud par Georges Charbonnier. Editions Seghers, collection Poètes d’Aujourd’hui, 1959.
    2. Portrait d’Antonin Artaud par Otto Hahn. Editions Le Soleil Noir, 1968. Couverture illustrée par Fontana. 3. Antonin Artaud par Jean-Louis Brau. Editions La Table Ronde, 1971.
    4. A la rencontre d’Artaud par Susan Sontag. Christian Bourgois éditeur, 1976.
    5. Artaud, un bilan critique par Alain et Odette Virmaux. Editions Belfond, collection Textes et critique, 1979. 6. En compagnie d’Antonin Artaud par Jacques Prevel. Editions Flammarion, collection Textes, 1974.
    7. Antonin Artaud par Thomas Maeder. Editions Plon, 1978.
    8. Antonin Artaud, Le théâtre et le retour aux sources par Monique Borie. Editions Gallimard, collection Bibliothèque des idées, 1989.
    9. Antonin Artaud, ce Désespéré qui vous parle par Paule Thévenin. Editions Le Seuil, 1993.
    10. Antonin Artaud, Portraits et Gris-gris par Florence de Mèredieu. Editions Blusson, 1984.
    11. Artaud, Dessins et portraits par Paule Thévenin et Jacques Derrida. Editions Gallimard, 1986.
    12. Antonin Artaud, les couilles de l’ange par Florence de Mèredieu. Editions Blusson, 1992 et Antonin Artaud, Voyages, Blusson, 1992.
    13. C’était Antonin Artaud par Florence de Mèredieu. Editions Fayard, 2006.
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    Antonin Artaud
    Site François Mitterrand/Grande Galerie
    Jusqu'au 4 février 2007
    Du mardi au samedi 10h-19h
    Dimanche 13h-19h
    Entrée 5 et 7 euros
    A propos d'Antonin Artaud et ses filles de coeur
    Visiter Agit Pop
  • ROBERT GIRAUD ❘ LE COPAIN D'OLIVIER BAILLY

    medium_103603_1.jpgRobert Giraud (1921-1997), l'auteur du Vin des rues, de La route mauve, de La petite gamberge et encore du Royaume d'argot, des Lumières du zinc, ce flâneur immobile qui appartenait au décor sentimental des bistros de Pantruche, l'ami de Robert Doisneau et de René Fallet mérite une attention de chaque instant.

    Olivier Bailly nous parle régulièrement de Bob Giraud sur son blog. Il nous offre ainsi l'occasion de cheminer avec Dominique Halévy, Gilles Sacksick, Georges Dudognon, René Maltête, Robert Sabatier, Monique Morelli et l'immense Louis Chevalier, ce témoin du Paris disparu.

    Il faut vous y rendre car vous verrez vivre Robert Giraud et vous entendrez le son du vin dans les estaminets où le rideau n'est jamais baissé.

    VISITER LE BLOG D'OLIVIER BAILLY

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    Dans ce DVD dédié aux amitiés de Robert Doisneau, un documentaire consacré à Robert Giraud donne le ton. Il s'agit d'un entretien repris du film Robert Giraud, le maître d'argot (1999 - 26 minutes) de Patrick Cazals.

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    Le copain de Doisneau

    Poète, chroniqueur de la rue, écrivain, Bob Giraud (1921-1997) était un spécialiste de l'argot, des bistros et des clodos. C'est Bob qui a fait découvrir à Doisneau le Paris des bas-fonds. Et c'est ici qu'au jour le jour, lecteur, je remonterai le temps et te raconterai la fabuleuse aventure de l'ami Bob Giraud et du Paris de son époque, celui de René Fallet, Vidalie, Blondin, André Vers, Jean-Paul Clébert, Jacques Yonnet...
  • LUNA PARK ❘ MARC DACHY

    Le nom de Marc Dachy fut longtemps associé, pour moi, à la revue Luna Park (Transédition) qu'il éditait depuis Bruxelles. Sans aucun doute l'une des revues les plus choupaïesques de la décennie 70. Au sommaire, attention les quinquets - ça brûle : Clément Pansaers, Gertrude Stein, Eugène Savitzkaya, Christian Dotremont, Sophie Podolski, Raoul Hausmann, René de Solier, Antonin Artaud...

    Marc Dachy est le plus grrrrrrrrrrrrrrrand spécialiste du mouvement Dada. Immensurable, il échappe aux systèmes métriques.

    medium_Numeriser0032.jpgMarc Dachy a publié les indispensables Archives Dada (Hazan, octobre 2005). Et aussi

    Journal du mouvement Dada

    Dada & les dadaïsmes

    Dada au Japon

    Dada, la révolte de l'art

     

     

    Il a édité les écrits de Clément Pansaers (Bar Nicanor) et de Kurt Schwitters (Merz)

    Marc Dachy est essentiel à la bonne santé et il nous fait plaisir sans cesse.

    Après Luna Park, une nouvelle Luna Park lancée en 2003 avec Martin Muller augmente nos joies.

    Voici la dernière livraison :

    medium_couverture_Luna-Park_2.JPG

    LUNA PARK, nouvelle série,

    23 rue du Départ 75014 Paris

    Contact : revuelunapark@msn.com

     

  • CLAUDE TARNAUD

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    Claude Tarnaud
    Il est suffisamment rare de découvrir les écrits de Claude Tarnaud pour que je vous signale la publication d'un inédit dans la dernière livraison de la revue Supérieur Inconnu.
    Ce "Victorbe" est un hommage à Victor Brauner et au pouvoir d'évocation de sa peinture.
    Une note de "La forme réfléchie" - ouvrage réédité en 2000 par les soins de Sébastien Petibon -
    offrait un extrait ("Bouleversées également et entachées de nullité, nos notions courantes d'équilibre...") de ce texte aujourd'hui publié dans son intégralité et accompagné d'une photographie où l'on voit Brauner tenir dans ses bras la jeune enfant d'Eaudine et Claude sous le regard amusé de ce dernier, scène placée sous les auspices d'une peinture de Victor accrochée au mur extérieur de l'atelier. Michel Frémon


    medium_a_sa.jpgRevue Supérieur Inconnu
    9, rue Jean Moréas
    75017 Paris
    Directeur de la publication :
    Sarane Alexandrian

  • FRANCK DIT BART

    Franck Dit Bart est un écrivain jouasse qui ne pratique ni le style émacié ni le propos de marbre. Il vient de faire paraître un premier roman aux éditions Michel Champendal. Carl et les vies parallèles est une histoire où tout est mis à nu. L'auteur qui porte un alias "à coucher sous un chapiteau de cirque" (sic) en connaît un rayon. Sur le poil et la dépoilade, il n'est jamais bredouille. Munificente voire sardanapelesque, son écriture renvoie (sans un haut-le-coeur) à Raymond Queneau et à Octave Mirbeau, à Boris Vian et à Henri Avelot (dont on finira bien par Goncouriser avec un siècle et demi de retard son Homme verdâtre et sa Comtesse tatouée). Le livre est grave mais désopilant. S'il ne tenait qu'à moi, je le sanctionnerais sans le moindre procès d'un Prix de l'Humour Encore Plus Noir. A cette copie dépourvue de ratures, de péguysme et de tralala, je mets 20 sur 20. Et encore, en notant vache. Merci Michel Audiard. Merci Robert Dalban. Et à présent, suivons le Bart.

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    Guy Darol : « Le corps se désharnache et voilà le Misissipi. » Comme Joseph Delteil, tu es un prosélyte de la vie nue. Est-ce ainsi que l’on ment le moins ?

    Franck Dit Bart : Si ne pas mentir c’est se mettre à nu, aux nues, alors dans ce cas : « Sans être asservis par l’ignorance comme le sauvage, nous devenons physiquement libres comme lui, en nous plongeant dans l’eau ; nos membres n’ont plus à subir le contact des odieux vêtements et, avec les habits, nos laissons aussi sur le rivage une partie de nos préjugés de profession ou de métier ». Je pense qu’Elisée Reclus dans son Histoire d’un ruisseau paru en  1869 est toujours d’une vibrante actualité. Son ouvrage avait des visées pédagogiques. C’est le géographe qui nous relate les dérivés à choix multiple du ruisseau qui grandit sous les galoches de l’écrivain sur le terrain. Cette démarche, je la rapprocherais du Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suéde de Selma Lagerlöf (1906). On croit rêver ! Un ministère de l’Education qui prêterait main forte au fait littéraire pour offrir à partager aux enfants d’un vaste pays, ce voyage dans les airs. Henri Poulaille ne s’y est pas trompé quand il nous décrit l’importance de cet ouvrage pour des générations présentes et avenir : « Avec quel amour l’ancienne petite maîtresse d’école écrivit ce joli roman et quelle charmante moraliste qui  a toujours de la peine à punir ou blâmer les coupables ! Ce petit Nils, mauvais garnement, est ensorcelé, car il avait taquiné un tomte. Devenu tomte lui-même, il fera en compagnie d’une tribu d’oies sauvages, une magnifique randonnée à travers la Suède. (…) Quel gosse ne désirerait pas être transformé en tomte ?» (quatrième de couverture de l’édition Presse Pocket).

    Etre et se vivre naturiste c’est aussi être capable selon moi de jouir cette osmose sensorielle au naturel, le corps et l’esprit allégés des matières organiques qui nous niquent la couenne. Seulement devenus adultes, nos « habitus » gouvernent la danse, nous rattrapent toujours et rappellent comme un écho à leurs bons souvenirs. Et pour ne pas gâcher la touche finale du tableau, quoi qu’en dise le discours naturiste lénifiant, un ouvrier nu et un cadre nu se différencient aussi par l’élément moteur de leur acharnement à respecter les rouages du travail salarial. La force de travail (quel vilain mot belliqueux !) a usé celui qui s’échine avec la machine, alors que le scrutateur des œuvres, lui, a usé ses fonds de frocs à la chaise de son bureau. Celle ou celui qui écrit disperse ses neurones mais ne ressent pas les courbatures d’une tâche effectuée et répercutée huit heures durant. Alors, à savoir comment la fatigue se délite la géographie physique, tout est question de soudure et d’arthrite métrique.

    Et puis finalement, le corps nu ne ment  pas, il est tel qu’en lui-même sujet à l’érosion, à l’érotisation naturelle du temps qui nous câline la peau et nous susurre ses mots doux. C’est une sensation agréable à tous les stades de l’existence de se sentir seulement vêtu du souffle du vent, des embruns, de l’humus et toutti corpus.

    Nu, le cul à l’air tout se joue dans le regard à autrui, puisque les artifices colifichets des frusques se défrisent la patine coton et synthétique jetée aux oubliettes. L’autre perçu tel qu’en lui-même, il n’y a que ce qui se balloche le swing dans les caboches qui n’est pas perceptible et tout est affaire d’interprétation, d’où aussi les malentendus, les conflits sous-jacents et la fraternisation du réconfort avec l’effort de communication sans les atours et les sous-entendus des sans dessous dessus.

    Les corps fusionnels dans la nature murmurent à l’étamine cette mine réjouie.

    GD : De la vie nue au naturisme, il y a un saut que le héros de ton roman n’hésite pas à franchir. Mais ce n’est pas sans obstacles ni périls. Pourquoi as-tu choisi ce thème plutôt que celui du déguisement ?

    medium_DSC00487.3.jpegFDB : Ah ! Parce qu’il y a une différence tangible entre la vie nue et le naturisme ? Tu as sans doute raison. A ma connaissance les personnes qui se respectent un tant soit peu beaucoup et à la folie ont une certaine tendance à se laver nu sous leur douche, sauf impondérable du jetable à la rue qui lui se lave dans le caniveau aux grandes eaux des pluies et aux alluvions du déni de sa réalité. Car, c’est toujours dans les marques du corps nu altéré que les régimes totalitaires gravent leurs empreintes à la soumission au régime. Je pense aux premiers camps de concentration en France ouverts aux réfugiés anarchistes et républicains espagnols, en signe de bienvenue au fait d’arme du front populaire infirme au-delà de ses frontières étriquées et son hexagone à phone.

    Je pense aussi aux nazis avec leur humour très particulier qui désignaient l’univers concentrationnaire sous l’appellation de l’anus du monde. Ces lieux abjects où le travail forcé devait rendre libre et cette mise à nu du corps des prisonniers. Comme pour leur rappeler que la légèreté de l’être s’arrêtait à la porte des douches gazées que l’individu concerné avait perdu toute son allure de dignité au propre comme au figuré de sa fêlure.

    Alors, si à présent le nu dans l’intimité déborde de no sphères pudibondes familiales, mais que fait la peau lisse savonnée du cerveau sous le képi rutilant des consciences assoupies ?

    Mon héros qui parle, que nous appellerons Carl, par commodité et pour le rappeler au titre du bouquin  Carl et les vies parallèles, a franchi le pas et il y a péril en la demeure. Madame flanquée de ses lardons et la croix en sautoir n’est pas du tout de cet avis et encore moins de son vit à lui. Elle est engoncée pour ne pas dire engrossée dans sa panoplie (ça ne fait pas un pli, rires) des préceptes de la bienséance en jactances et autres actes rances qui inhibent ses facultés sensuelles à s’assumer en tant que femme épanouie.

    Le héros s’est affranchi de ce carcan qui lui collait à la peau et vaque durant trois semaines à la rencontre fraternelle des culs nus dans la nature sur une plage, (une nouvelle page en quelque sorte pour lui, puisqu’il est auteur précaire) et, son imagination dérivative va lui faire franchir des obstacles insondables au ras du cartable.

    Il rencontre celle qu’il va nommer Catharina,  l’antithèse de sa moitié à la ville et tout bascule dans sa tête et c’est plutôt pas vraiment moche ses premières impressions. Il réalise enfin le rêve éveillé de chaque auteur(e), c'est-à-dire rencontrer en chair et os l’un de ses personnages avec tous les risques inévitables que cela supporte pour son équilibre mental.

    A propos du déguisement, je pense que tu veux parler de cette scène du habillé / déshabillé où je tourne à peine en dérision certains préceptes naturistes en journée qui se transforment à la nuit tombée. Je marque le trait et retourne les armes de la libération du corps par le nu, puisque soit disant le nu doit se vêtir au crépuscule sous peine d’atteinte à la pudeur majesté selon certains dogmes naturistes en vigueur. Catharina, femme libre au sens de la révolution espagnole, le déplore et rue dans les brancards à son corps suprême contre les censeurs qui s’en prennent directement à la liberté du mouvement dans sa danse, que l’on veut annihiler, sous prétexte qu’avec ce corps à corps rapproché aucune image empreintée à la sexualité ne doit être palpable en public.

    Mais, je n’ai pas envie de déflorer plus avant le sujet. Je laisse une part de mystère et j’accorde à la sagacité et à la curiosité des lectrices et lecteurs le soin de formuler leur propre opinion, avec j’espère au moins le sourire syndical pour ne pas dire plus, les éclats de rire qui dérident le chacal sous la lune pale.

    Il y aussi le jeu des masques dans notre théâtre quotidien de l’absurde. Carl décide : bas les masques, les poils cramoisis en éventail.

    GD : Carl et les vies parallèles manie une langue que les lecteurs de Raymond Queneau apprécieront. Peux-tu nous faire visiter ton vestiaire afin de mieux connaître tes modèles ?

    medium_DSC00524.3.jpegFDB : Merci pour Raymond Queneau, ce mathématicien des mots, ce joueur invétéré. Cette oulipotiste, ouvroir de mille pistes d’écritures avec toute sa bande, ce chercheur invétéré, cet inventeur à qui nous devons quelques perles rares de la littérature. Il s’avait s’entourer de pointures à la bonne augure où les humeurs vagabondes avaient valeur de travail fraternel et fructueux. Les papous dans la tête sur France Culture ont gardé cet esprit qui permet à la contrainte littéraire de se jouer des situations et offrir un point de non-retour à la page blanche collective.

    Je n’ai pas de modèles à proprement parler même si je reconnais que mes zones d’influences se sont forgées au fil de mes lectures et s’articulent principalement autour du tandem Jacques Prévert et Boris Vian, ces touches à tout, d’en avant la zizique, aux paroles de chansons, scénarios, textes en vers en prose…

    Cette fraternité festive régnait autour d’eux et surtout ce qui a le plus d’importance à mes yeux, c’est leur indépendance d’esprit à toujours se garder d’appartenir à un mouvement et de pointer à un parti ou à un syndicat et leur anticonformisme militant qu’ils vivaient au quotidien. Ils existaient ce qu’ils étaient vrai ment, tels qu’en eux-mêmes en se gardant au maximum de s’appesantir à des compromis. Cette liberté d’existence, au gré de leurs invitations aux voyages créatifs et leurs rencontres, cette générosité partagée, cet état d’esprit permanent habite leurs œuvres dans la richesse de leurs variétés. Et je pense que ce n’est pas un hasard si à un moment de leur existence ils partagèrent la grande terrasse de leurs appartements et que la fête commence et sus aux curetons et aux milos !

    GD : Tu cites Ramon Pipin comme une référence d’écriture et tu sembles prêt à dresser une stèle à Daniel Zimmermann. Mais qu’ont-ils en commun ?

    medium_DSC00687_20copie.jpegFDB : C’est vrai à la haute sphère des paradoxes, je ne suis pas à un échange prout prout de mammouth près. Je touche à la mouche emblème de Ramon lors de son épopée musicale chez les Odeurs, un groupe jamais égalé par sa richesse musicale et ses textes qui faisaient mouche à la manière d’un Boris Vian qui tirait la tronche au néant et, Le dixième cercle. L’anus du monde  de Daniel Zimmermann, ce roman qui lui déchira les tripes et qu’il dédia aux trente sept membres de sa famille qui furent réduit à que dalle à de la cendre !

    Daniel je l’ai connu durant ses deux dernières années où il enseignait à la fac de Vincennes à Saint-Denis en 1989 et 1990. Ses unités de valeur, son gueuloir où chaque étudiant en fin de semestre devait lire une partie de ses écrits ou autres recherches devant ses pairs et était dévolu à la critique bienveillante. Il nous narrait durant la première partie de son cours ses déboires avec la gent de l’édition et puis nous laissait écrire ensuite à notre guise.

    Ce qui me passionnait chez lui c’était son ambition de conter Les banlieusards ou les chronique légendaires de gens sans importance, un hymne en quelque sorte à la narration des cités-dortoirs et des villes nouvelles à la sauce popu qui jette son dévolu sur ces gens-là qui peuplent notre voisinage et nous défrisent une autre part de notre histoire.

    J’aimais sa gouaille, son stakhanovisme et sa rigidité dans sa vie monacale d’écrivain au service de sa plume et de ses lecteurs, avec sa façon à lui de nous narrer entre les lignes : « Vous savez que vous me faites chier, j’étais à ma table de travail et il a fallu que je me rende à la fac ce mercredi matin ».

    Ramon, c’est une autre histoire qui fleure bon les Au Bonheur des Dames, cette façon qu’avait et qu’a toujours dixit leur dernier opus Métal Moumoute et leur dernier concert à Paname en octobre de cette année, ces musicos créateurs en passe de swinguer en avant la zizique, le rock on the padoque qui tire une bouille d’embrouille au sérieux qui tue dans la mue. Ces types extraordinaires, pour solde de tout compte, à peine soixante printemps et des poussières en moins et toujours les nerfs à gueuler toujours plus fort et sus au confort musical de nos années stomacales moches, cache-sexe à nœud-nœud qui soufflent dans les pneus. C’est le poumon ! J’adore toujours autant « Le roque’n Roll » décadent. Je dois à Ramon et à ses compères mes meilleurs souvenirs / souvenirs quand je me faisais jeter illico presto de toutes les boums lors de l’arborescence de mon adolescence, quand j’avais l’outrecuidance, je dirais même plus l’indécence de proposer à danser sur un « Parkinson » des familles. Je suis infiniment reconnaissant à Ramon de m’avoir fourni un ressort inusable à toujours vouloir affirmer ma singularité étriquée et ne jamais avoir marché avec les moutons au pas cas dansé.

    Ramon c’est toujours le tempo inusable de l’humour on the rocks et Daniel c’est l’apprentissage du dur labeur d’auteur et la remise en question de son travail et la remise à plat sur son établi des sons fournis par les mots qui doivent se guincher des histoires avec un accord parfait, sinon à la poubelle les feuillets et tout est toujours à recommencer.

    En fête, j’aime les oppositions et les contraires qui s’accordent sur une mesure d’enfer à ne jamais trinquer avec le conformisme de mise en orbite ambiant.

    GD : Ensemble nous avons souvent évoqué Frank Zappa, Robert Wyatt et ton roman fonctionne comme une bande son. Est-ce à dire que la littérature du 21e siècle est indissociable de la pop culture ?

    medium_DSC00683.jpegFDB : La pop culture, je retiendrai le Pop club de José à la cour du roi Arthur ou « T’es rock coco » de Léo Ferré. Les petits jeunes qui gratouillent leurs grattes et pleurnichent leur chtouille et leurs couilles en grelots me donnent la gerbe. C’est souvent très pauvre comme musique, pas de ligne mélodique, aucun thème, encore moins de tempo et des voix de radio cancan. Comme critique partiale on ne fait pas mieux, de poils aux yeux. C’est le vieux de la vieille qui se réveille à l’heure du rock en cloque. Tu l’auras compris, en fête, franchement, je ne suis pas à même d’affirmer si la littérature du 21e siècle est ou sera indissociable de la pop culture. Le rock que je supporte de toutes mes forces, « Tape dans tes mains / C’est pas difficile / Tape dans tes mains / Ca fait du bien / Tape dans tes mains / Même si t’es un peu débile / Tu peux toujours taper dans tes mains (bis) (« Tape dans tes mains » / Ramon Pipin in l’opus Métal Moumoute), c’est les Au Bonheur des Dames, les compositions les textes et les chorus de ce cher Ramon ainsi que les premiers rocks pour déconner du trio infernal : Boris Vian / Henri Salvador et Michel Legrand. Tu remarqueras qu’au moins deux des concepteurs marinaient dans le jazz. Etonnant non ? J’ai relu dernièrement une interview de Daevid Allen le Gong man, qui disait que ses racines musicales c’était le jazz, même si ce génie a touché à toute sorte de ziziques. Il suffit d’écouter sa version chantée de « So what » de Miles Davis pour en être convaincu. Pour moi la pop et le rock n’ont jamais existé. Ce sont des musiques hybrides qui se sont nourries des autres musiques au préalable venues à leurs esgourdes. Idem pour le jazz. La musique dite classique qui peut se prévaloir d’être aussi très moderne avec des compositeurs comme l’ami Satie et ainsi de suite. La grande roue de ce cher Frank Zappa tourne. L’innovation qui m’est chère dans l’écriture littéraire les rythmes musicaux, c’est un savant métissage de différents courants éclectiques, ce sont des bombes à retardement qui ne demandent qu’à être amorcées.

    En revanche, je compatis avec ton expression de la bande son de mon roman et je rajouterai de tous mes écrits littéraires. Quand j’écris, j’écoute beaucoup de zizique, c’est un besoin, c’est comme une drogue douce. C’était une période (rires) où j’étais en manque d’Odeurs. Je ressortais mes vieux vinyles qui cracrataient à force d’avoir usé leurs sillons aux diamanteries des grand argentiers et puis, j’ai écouté en boucle le 1980 No Sex ! J’ai flashé sur la voix de Stella Vander dans son duo avec Liza Deluxe où elles interprètent (chez Odeurs, les musiciens des voix et des instruments étaient aussi acteurs de leur partition, pour te dire la qualité) deux bourgeoises jumelées dans « Quitte ou double ». La magnifique Stella « phantasme en cinérama » hors du lit de son « mari-robot » bourgeois coincé aux entournures et abonné à la baise à la papa. Liza dialogue avec son double Stella qui jette l’éponge et veut demeurer dans son confort intérieur alors que l’autre au contraire veut se faire sauter la soupape à tous les sens du terme. Ces deux nanas chantaient avec leurs tripes soutenues par une musique bien balancée, ça m’avait rudement secoué. Stella ne m’était pas inconnue avec son gorille de mari, le bateleur tape dur des grosses caisses et qui cymbalisait une nouvelle langue qui ressemblait à de l’allemand et dansait sur un volcan avec ses musicos. Quand j’étais ado, ce groupe me fichait la pétoche. J’étais embué dans mon Krautrock (tiens encore du rock, on y revient, il est partout ce con !) et je n’en démentais pas. Vingt ans après Alexandre Dumas de père en fils sur les bras et des poussières d’étoile, je me prends à écouter les albums récents du Magma et je retrouve la voix de Stella et ses envolées lyriques. Je me suis dit : c’est dans la boîte coco, elle sera présente dans mon bouquin. Idem dans le roman qui a succédé à Carl : Sarah Soledad, le crabe des apparats). J’avais assisté à un concert de Kent qui était revenu à ses premières amours : le rock quoiqu’un peu assagi. (Putain de rock, encore lui !). Je peux te dire et ce n’est pas un scoop, le dernier concert des Au Bonheur des Dames sera présent dans l’ouvrage que j’écris en ce moment. Tu m’es stone !

    Seulement écrire, décrire un concert, tu peux raconter l’ambiance, la prestation des musicos, mais à part ça, rien que de plus banal qu’un concert ! (A part les Odeurs, où il y avait des costumes, une mise en scène, l’éventail, et pas pour du vent, de leurs palettes musicales !!!!!!!!). Alors, il faut chercher dans l’intrigue l’élément déclencheur entre les personnages et, ce qui présuppose leur présence à ce concert. C’est pas fastoche fastoche surtout pour un mec allergique aux notes et aux partoches.

    C’est finalement du boulot d’écrire des histoires !

    Petits clins d’œils à Frank Zappa en l’honneur d’un fin connaisseur, sais-tu une fois comme on dit en Belgique, que dans mon roman « L’homme qui a vu l’homme », le héros résout  l’équation de son existence en 47 secondes : « When irish eyes are smiling ».

    Dans « Danse avec Léa » à la première page, l’écoute de « Titties and Beer » déclenche chez Léa l’expression de sa joie de vivre.

    Comme quoi, quand mon cerveau lent ne carbure pas au ralenti, Zappa peut me donner l’envie de conclure un bouquin ou au contraire lui donner la pulsation du départ.

    GD : Qu’est-ce qui tourne sur tes platines ces jours-ci ?

    medium_Zappa_2_vu_par_Gil_Gueu.jpgFDB : Oh ! C’est très varié. Attention j’ai pas dit variété. Le dernier album de Kent, Bienvenue au club, me botte. J’aime écouter les gens qui me surprennent. Kent comme Charlélie se remettent en question à chaque album et aiment prendre des risques. J’apprécie leur démarche de ne jamais tourner les turbines de la routine. C’est un peu comme Daevid Allen qui plaquait tous les groupes qui commençaient à avoir du succès (Soft Machine, le Gong). Ce ne sont pas des musiciens fonction de nerf. Frank Zappa, j’en ai déjà parlé, avec une préférence pour ses albums live où l’on ressent une grande liberté chez ses musiciens dans la complicité et les éclats de rires partagés, après qu’il leur ait pressé le zeste de citron. Il y a bien entendu l’incontournable Métal Moumoute, dernier opus des Au Bonheur des Dames. Tous les morceaux me décoiffent la raie au milieu des fesses. Il n’y pas un seul cheveu à couper en quatre et pourtant je suis difficile. Suite à la lecture de ton site, j’ai découvert dernièrement Le monde électronique de François de Roubaix et j’ai bien aimé.

    Ah ! Oui, j’aime aussi toute l’œuvre tendre et tentaculaire des « Elles », j’adore Pascaline Herveet, cette femme orchestre et son univers chtarbé et cracra. Je ne me lasse pas du concert du 8 septembre 1974 de Robert Wyatt. C’est un chef d’œuvre et il est entouré de potos que j’apprécie tels que les Fred Frith et Hugh Hopper. Des morceaux de son album Rock Bottom sur scène prennent une toute autre teneur, c’est à tomber par terre, à la bonne heure ! Il y aussi le disque vinyle de Jean-Louis Mahjun et son happy french band en 1977 qui fumait bon le clacos extra fin 45 % de matière grasse. Outre l’originalité de la composition du groupe, Jean-Louis au violon, une basse une guitare un saxo et une batterie, les titres et leur contenu coulaient de source la gouaille contre la franchouillardise de bon aloi et quoi qu’on en dise, « Le sec beurre cornichon » et leur « Glandos » (8 minutes et quarante cinq secondes), un savant delirium rock jazz trou normand la la itou me chavirent toujours comme au premier jour. Il y a aussi monsieur Bernard Lubat et j’en oublie. Pour être bref, j’adore les personnes qui ne se cantonnent dans aucun art musical précis et que l’on ne peut pas qualifier appartenant à telle ou telle mouvance musicale, à part celle des innovateurs, des chercheurs perpétuels.

    Je voudrais aussi citer ces musiciens qui dressent des passerelles entre l’angle / lich pop rock et donne du sens au frenchi chanté et traduit avec une touche d’humour majeur. Je pense au concept de l’album particulièrement réussi Ready Steady, Go ! de Ramon Pipin et Yves Hirschfeld qui date à peine de 1992 et qui n’a pas perdu une seule rayure à son amure. Tout le monde y reconnaîtra des morceaux qui ont martelé nos esgourdes outre Atlantique et outre Manche et pas seulement le dimanche. Pas plus tard qu’hier, j’ai empreinté à ma médiathèque préférée, un album du groupe Demon Fuzz intitulé Afreaka ! C’est le titre qui m’a compulsé. Il y avait freak, sans le out et j’entendais Afrika ! Autrement dit un monstre venu d’Afrique. J’ai tout de suite était séduit par le métissage de cette musique psychédélique afro soul jazz rock blues ! Il y a avait aussi le souffle de Fela et l’orgue Hammond sur des rythmiques guitarisées et le comble de la joie pour un amoureux des voix, un chanteur chaleureux. Cette musique chaude et sensuelle ne pouvait pas dater de l’ère du crustacé amphibie chiraco trotsko. 1970, année de toutes les inventivités…

    GD : À peine viens-tu de publier ton premier roman que ton éditeur annonce déjà la sortie d’un recueil de nouvelles. Ne me dis pas qu’elles feront l’éloge du naturisme

    medium_M4110048_new.2.jpegFDB : C’est peut-être aller vite à la besogne ! Je proclame  l’éloge de la lenteur. Certes, le tapuscrit d’un recueil de nouvelles naturistes transpire sur mon établi dix historiettes en chantier miné. Même si j’y ai accolé le mot fin, tout est toujours à recommencer. « Toujours se remettre à l’ouvrage », j’ai bien suivi ton conseil mon cher Daniel Zimmermann et il y a encore du boulot sur la planche. Patience donc. J’ai aussi d’autres tapuscrits de romans cette fois. Et encore une fois, pas de panique, élagage des branches pourries, ne pas lâcher la lectrice, le lecteur d’un paragraphe, les tenir en haleine, sentir la buée de leur respiration qui transpire dans mon dos. AU BOULOT !

    C’est une relation de respect que j’entretiens avec mon éditeur et mes liseuses et liseurs. Rien n’est acquis, tout est toujours à recommencer. Etre auteur, ce n’est pas une situation de tout confort. Tu vis sur un fil éjectable, un peu comme le motard funambule qui doit jongler avec les glissandos de la route pour ne pas se fiche par terre le moral ras molo. Il faut s’accrocher, avanti et AU BOULOT !

    Certes, il est encore question de situations naturistes dans mes nouvelles et mes romans, mais je ne veux surtout pas m’enfermer dans un genre et qu’on me colle une quelconque étiquette. Comme dans mes goûts musicaux et littéraires, j’aime l’éclectisme et le mélange des genres, de préférence le mauvais genre (rires). La littérature aseptisée au nombril de l’auteur ne m’intéresse pas.

    GD : Scripteur intense, es-tu un lecteur compulsif ? Quels sont les livres qui ne dorment jamais sur ta table de chevet ?

    FDB : Le problème lorsque j’écris, c’est que ça ne me laisse pas beaucoup de temps pour lire. Aussi, je lis souvent par nécessité. Tel ou tel dossier, tel ou tel ouvrage pour me documenter sur le sujet du bouquin que je suis en train d’écrire (gare du livre, bienvenue, tout le monde descend). Il y a toujours Jacques Prévert qui traîne dans le coin mais aussi Boris Vian multi instrumentiste des maux des mots. J’essaie de trouver dans ce qui se publie actuellement quelques livres qui sortent de l’ordinaire des computers débonnaires à produire des produits manufacturés, dans le droit fil du moule à fric.

    medium_lafolle.jpgDan Franck en Bohèmes et le Nu couché et son compère Jean Vautrin ne sont jamais loin. Les textes poèmes et chansons de Léo Ferré également. Je pense que les écrits d’ Octave Mirbeau le magnifique n’ont pas pris une ride. Puisque les affaires sont les affaires. La grève des électeurs  qui date de 1888 (éditions du snif feu Ludd / 1995 / 27 pages), nous transporte dans un monde connaissant une sévère crise sociale (misère, précarité, chômage, scandales des ministres politiciens et députés) et le troupeau sera bien gardé. J’ai le bouquin sur moi. Je cite Octave page 13 : « Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit ».

    Toujours dans le registre animalier chez le même excellent éditeur, Oskar Panizza : Journal d’un chien. Comme quoi nous avons toujours à apprendre des animaux qui nous entourent et je pense que pour une fois la Singette ne me démentira pas. La Singette pour celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, c’est l’infecte bestiole de marionnette singe incontrôlable qui rode dans tous mes écrits littéraires, comme le personnage incontournable qui cimente les intrigues aux simagrées de sa bouille simiesque de bête humaine incarnée. Même qu’elle tient son blog et dégomme son auteur qu’elle surnomme le Franckos dit Bartos !

    J’ai découvert dernièrement et je t’en ai parlé : l’écrivaine Fred Romano. Le dernier amour de Coluche relate sa relation chaotique dans Le film pornographique le moins cher du monde. Ses nouvelles  (Contaminations) dressent le portrait d’une époque formidable que n’aurait pas renié le regretté Reiser (la vache folle / l’amiante / les rivières de mercure…). Son dernier roman publié, Basque Tanger , c’est l’histoire d’un amour fou et presque impossible ou comment Mirem, une femme atteinte d’un cancer incurable fait reculer les murs de la prison de son amant quelque part entre Tanger, le pays basque espagnol et Formentera.

    Et comme de bien entendu, le dernier éditeur en date de Fred la renvoie à la case départ : va voir là-bas si j’y suis et ne reviens que lorsque tes livres me rapporteront la tune escomptée. Fred Romano ne s’intéresse qu’aux personnes vivant leur vie en insoumis, en marginaux, et ce n’est pas vendeur. Je crois que ma fidèle secrétaire, la Singette, publiera un de ces jours, sur son blog, ses impressions concernant l’œuvre de Fred Romano si je m’abuse.

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    Le blog de la Singette

    CARL ET LES VIES PARALLELES

    FRANCK DIT BART

    EDITIONS MICHEL CHAMPENDAL

    Visiter le Blog des Editions Michel Champendal

    Editions Michel Champendal

    16, rue Lentonnet

    75009 Paris

    Tel : 01 74 30 19 50

    mchampendal@noos.fr





     

  • BIENVENU MERINO ❘ DIARRHEE AU MEXIQUE

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    Bienvenu Merino en Amazonie

     

     

    Je me souviens à travers le cristal de Bienvenu Merino. Mais le temps sinusoïdal et la mémoire anagogique jouent avec les images. L’Atelier du Gué venait de faire paraître Diarrhée au Mexique. Ouvrage de couverture verte ou brune et je fus présenté à Bienvenido. Les médiateurs étaient Martine et Daniel Delort qui accueillaient le voyageur dans leur thébaïde audoise. Je me souviens à travers un méandre de Bienvenu Merino. Il logeait au dernier étage d’un immeuble situé rue du Montparnasse, à quelques foulées oniromanciennes du Rose Hôtel  de Maurice Fourré. Il m’installa sur une terrasse qui était un toit et nous eûmes une conversation, au milieu des cactus et de la tequila, sans aucun rapport avec les ancêtres de la littérature coprophile. Nous parlions des contemporains de la rue, du hallier, de la sente et des voies maritimes. Nous étions joyeux et peut-être un peu ivre. C’est pour cette raison sans doute que je ne me souviens plus de Bienvenu Merino. C’était en 1976. Le souvenir est vague et même à remous.

    Diarrhée au Mexique reparaît aujourd'hui avec une préface d’Éric Dussert, l’orpailleur des Lettres. Et l’on redécouvre ce grand texte (d’une trentaine de pages) qui fait honneur à la littérature habitée (et non en habits). Car Bienvenu Merino est un voyageur vrai (au sens du beatnik à la Kerouac, à la Théo Lesoualc’h, tout breton est odysséen) qui écuma le monde et particulièrement l’Amérique amazonienne à la recherche du prisme qui décuple. Ce livre est un fragment de son Journal de marche (800 pages) et un chef d’œuvre qu’Éric Dussert a raison d’adosser aux noms d’Artaud et de Sade, de Jarry et de Rabelais. Ce livre est une épreuve pour celui qui l’a écrit. Pour celui qui le lit. Mais une épreuve si héroïque (et érotique, observez le voisinage phonique des deux mots) que l’on doit absolument la recenser au palmarès des grands actes. De quoi s’agit-il ? Effusion scatologique, lyrisme abyssal. Mais encore : récit d’un séjour mexicain ébloui par la céleste praline (Rimbaud, « Sonnet du trou du cul », Album zutique) et toutes les possibilités offertes par l’entrexpression de l’étron et du trou. Tous les orifices sont débouchés. Et c’est le triomphe du déchet. Altière matière. Pâte charnelle et alchimie jodorowskienne. Autant que l’on sache, l’or est lumière céleste et depuis Silesius esprit de terre. Bienvenu Merido effectue la transmutation suprême, celle qui consiste à transformer le voyage en or après une station dans la merde. Son livre (qui lors de sa première parution fut repoussé par certains libraires, y compris La Hune) est un sommet de l’art d’écrire – et de vivre. Ne séparons jamais. Et l’on se dit que dans son Journal de 800 pages, le rare diariste diarrhéique doit retenir de bien belles choses,  grandes pages à humer et à lire. Guy Darol

    BIENVENU MERINO

    Diarrhée au Mexique

    Précédé de Scandale du beatnik par Éric Dussert

    Atelier du Gué

    60 pages, 7€

    Visiter

    Atelier du Gué

    Lekti-écriture

    Pour en savoir plus sur l’existence de l’étrange voyageur

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