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dj spooky

  • LIRE LA MUSIQUE 17

    Entre 2009 et 2012, Lire la musique, ma chronique (transverse) fut publiée dans Le Magazine des Livres aujourd'hui disparu. En voici le feuilleton complet.


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    Alex Steinweiss


    ET ALEX STEINWEISS CRÉA L’ARTWORK

     

    L’été est une saison triste. Sous son ciel d’apparat bleu brille le blackboard des mauvaises nouvelles. Nous avons tous un souvenir nécrologique accroché au transat. Il y en a qui nappent de noir les unes, ceux qui font manchette et s’éternisent moins d’une journée sur les murs de Facebook. Le mien a traversé l’actualité plus vite qu’une balle de jokari et pourtant Alex Steinweiss est quelqu’un d’aussi important qu’Emile Berliner (1851-1929), l’inventeur du disque horizontal et du gramophone, son complément nécessaire.

     

    Graphiste nourri à de bonnes écoles, il eut la chance de connaître la revue et le mouvement De Stijl, le Staatliches Bauhaus de Walter Gropius, le suprématisme de Malevitch et le constructivisme des frères Pevsner et Gabo. Un bagage qui se révéla fort utile lorsque Columbia Records le recruta en tant que directeur artistique, sans imaginer une seule seconde que son nouvel employé allait révolutionner la façon de voir la musique.

     

    Jusqu’à ce que ce génie devienne positivement actif (autrement dit en 1940), l’industrie phonographique ne concevait la vente d’un disque 78 tours qu’emballé de papier sombre avec dos en similicuir. Tous les albums se ressemblaient. À partir d’Alex Steinweiss, la musique se mit à chanter pour les yeux. Issu de la Parsons School of Design (laquelle généra Jasper Johns, Edward Hopper et Norman Rockwell), le natif de Brooklyn fit exploser en couleurs vives ce qui était une denrée pour mélomanes gris. Le résultat fut immédiat. Columbia Records enregistra une hausse de 895% sur ses ventes.


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    Inventeur doué ayant le vent en poupe, Alex Steinweiss révise le conditionnement sans joie du 78 tours et prend allègrement le train du microsillon auquel il ajoute, en 1948, l’emballage cartonné tel que nous l’avons connu jusqu’à ce que pointe au début des années 1980 le CD à la vie fragile et sans doute éphémère. Il est celui qui tressa le logo LP (pour long-playing microgroove record) sur les pochettes 33 tours et il est le premier à signer les couvertures de disques à la manière d’un peintre du quattrocento. Ce grand homme (qui paraphait Piedra Blanca lorsque son nom devint omniprésent) tranchait par la vivacité de son style aisément détectable : écriture des titres à la main, façon scripte sinueuse ; application de couleurs plates ; formes isolées d’aspect magrittien à effet métaphorique.

     

    Son style conceptualiste audacieux, quelquefois embarrassant, s’appuie sur une symbolique nettement délinéée. Pour illustrer un concerto pour piano de Bartók, il signale tous les éléments du piano : marteaux, clés, cordes placés en exergue dans un cadre contemporain. Pour rendre percutant Songs Of Free Men de Paul Robeson, il compose une main enchaînée saisissant un poignard. Alex Steinweiss est le grand homme du choc des esprits. Il use de symboles en alchimiste psychologue des profondeurs.

     

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    Circonvoisin de Saul Bass (maître suprême des génériques de films), Alex Steinweiss est mort le 17 juillet 2011 dans sa retraite de Sarasota en Floride. En 1972, le psychédélisme (néanmoins brillant) ayant eu raison de sa conception de l’artwork déplaça l’inventeur vers de nouvelles géographies, notamment la céramique. En retraite du bizness des pochettes toujours plus vendeuses, ce révolutionnaire vit son nom (si fluo) s’effacer. Oublié, pas vraiment. Les subversifs s’attirent les subversifs. Et c’est ainsi que Paul D. Miller aka DJ Spooky That Subliminal Kid, curieux de toutes les avant-gardes (de Kurt Schwitters à Aphex Twin) rappela dans son formidable Sound Unbound : Sampling Digital Music And Culture (non traduit en français, tout comme les Mémoires du grand homme ci-dessus fêté) qu’Alex Steinweiss était un pionnier absolu de l’art total et de la contre-culture. Guy Darol

     

    ALEX STEINWEISS, THE INVENTOR OF THE MODERN ART COVER, Présentation de Kevin Reagan et Steven Heller, Éditions Taschen, 420 p., 49,99 €

    SOUND UNBOUND : SAMPLING DIGITAL MUSIC AND CULTURE, DJ Spooky That Subliminal Kid, Introduction par Steve Reich, MIT Press, 22,80 €


  • ARTAUD ❘ DJ SPOOKY ❘ IMBROGLIO

     

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    Artaud boutefeu, Artaud brouté. Sous haute surveillance le Mômo. La voix d'Artaud sur Pour en finir avec le jugement de Dieu ayant bien inspiré Paul D. Miller alias DJ Spooky That Subliminal Kid revoici de l'imbroglio. Aux dernières nouvelles Serge Malausséna cherche poux. Et ce sont l'éditeur de Sound Unbound/Audio Companion/Excerpts And Allegories From The Sub Rosa Archives (soit le label Sub Rosa) ainsi que le distributeur de l'album (soit Orkhêstra International) qui risque bonbon pour une affaire de "sonic collage".

    Affaire à suivre sachant la dégelée financière qui menace l'un de nos meilleurs éditeurs phonographiques et le plus littéraire des distributeurs de musique impérative.

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    www.subrosa.net

    www.orkhestra.fr

  • DJ SPOOKY ❘ SOUND UNBOUND

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    Paul D. Miller alias DJ Spooky That Subliminal Kid envisage le DJing comme un projet d'art conceptuel. Le collage sonore est son identité. Rhythm Science (livre réflexif accompagné d'un CD) se compare à un "gangsta dreamtime remix". Un enchaînement de séquences relevant d'une culture crossroads mêlant hip-hop, techno, ambient, futurjazz, spacedub. Les albums qu'il réalise à partir de 1999 s'apparentent à une nouvelle de Jorge Luis Borges intitulée Le jardin des chemins qui bifurquent. DJ Spooky invente un nouveau langage hâtivement catalogué illbient. Un wildstyle plus largement inspiré par les cut-up de William S. Burroughs et le détournement situationniste.

    Il revient aujourd'hui avec Sound Unbound/Audio Companion/Excerpts And Allegories From The Sub Rosa Archives, exploration sonique où interagissent traitements cybernétiques et voix. Celles d'Allen Ginsberg, Jean Cocteau, Gertrude Stein, Marcel Duchamp, James Joyce, Antonin Artaud, René Magritte, William S. Burroughs.

    Quarante-cinq pièces choucardement inouïes. Colossal mix. Document artistique non pareil. Avec cette clé : "Art isn't about objects anymore." Pour DJ Spooky, en effet, l'art du XXIe siècle ne cherchera plus la représentation d'objets mais traitera d'artefacts. A découvrir absolument.

     


    SUB ROSA

    Diffusion ORKHESTRA

     


  • DJ SPOOKY ❘ REBIRTH OF A NATION

     

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    DJ Spooky That Subliminal Kid est un faramineux cador. Je ne conseillerai jamais assez la lecture de son Rhythm Science dans lequel ce générateur de musique des permutations met en relation déconstruction selon Jacques Derrida et platinisme.

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    Pour DJ Spooky, la soniture est un champ d'étude sous-exploré. Le DJ qui écrivit autrefois une thèse sur Feuerbach affirme sans barguigner que les textes de Nietzsche sont soniques. La lecture de ce manifesto doit suivre impérativement l'écoute du CD éponyme, un "gangsta dreamtime remix" où l'on peut entendre les voix d'Antonin Artaud, Gertrude Stein, Kurt Schwitters, Tristan Tzara, William S. Burroughs (That Subliminal Kid étant un emprunt à Nova Express), Guillaume Apollinaire, Gilles Deleuze...

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    Au fil de son manifesto, DJ Spooky cite avec intelligence Dziga Vertov, Oscar Michaux, Sergei Einseinstein, Oskar Fischinger, Man Ray et Griffith ("l'homme qui inventa Hollywood"), parce que dans le Dj-ing, "l'enchaînement des séquences et une narration et le mix, une cinématique". Depuis quelques années le "multimedia storyteller and social critic" travaille The Birth Of A Nation (1915) et cela donne Rebirth Of A Nation, un film qui sera diffusé les 4 et 5 mai prochains dans le cadre du Tribeca Film Festival de New York.

    Fort heureusement, le film, accompagné d'un précieux documentaire, sera bientôt disponible en DVD, dans une édition Starz Media. Nous y reviendrons.

    www.tribecafilmfestival.org
    www.djspooky.com
    www.rebirthofanation.com
    www.rhythmscience.com

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  • DIGITAL AUDIO TEPR

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    Si le rap est un pandemonium, Tanguy Destable alias Tepr figure parmi les dieux de l’Hadès. Après le sombre, très sombre, The Deadly Master Of Rappers From Hell, il livre une suite enflammée. Côte Ouest est une invitation à remuer sur les braises du hip-hop le plus chaud du moment. Moitié d’Abstrackt Keal Agram, un duo actif dans le renouvellement d’un genre ciselé par Dr. Dre, Timbaland et les Neptunes, Tepr fait partie de ces têtes de proue qui ont modifié l’esthétique du hip-hop à la suite de DJ Shadow.
    Difficile d’inclure ce maître du laptop dans une mosaïque. Il défend une culture très mixte où le rock bilieux de Chokebore tolère l’électronica elliptique de Clouddead. Mais il semble que l’intérêt qu’il porta longtemps aux raffinements plaintifs de Boards Of Canada aient buté sur un retour de flammes. Sans tourner le dos au style cérébral et tourmenté de son premier album, Tepr glorifie désormais l’union des corps en mouvement et la dialectique gyrovague des dancefloors. Après avoir sévèrement électrisé le Festival Astropolis, il s’explique sur sa démarche que l’on qualifiera, vous l’avez compris, de sautillante. Tepr n’aime pas (mais alors du tout) se faire agrafer. Son prochain opus, assurément, trouera le filet des pêcheurs de gros.


    Qu’est-ce que Tepr ? Un hip-hop mutant post-sérialiste ou une nouvelle aube pour la house ?


    Ni l’un ni l’autre. C’est mon envie de travailler seul à l’élaboration de ma musique, qu’elle soit électronique ou non. Bon, là, il se trouve que ce que je fais est électronique.


    La nonchalante mélancolie qui traversait votre précédent opus évoquait le minimalisme de Philip Glass, le cinémagisme de Ryuichi Sakamoto ou encore les micropolyphonies de György Ligeti, auriez-vous bradé ces nobles références contre des petites frappes de la musique populaire et quelles en sont les icônes ?


    Ce sont des influences que je revendique toujours mais en ce moment, j’ai besoin de sentiments directs, d’où mon respect pour beaucoup de producteurs actuels qui arrivent en une boucle à te faire rentrer une chanson dans la tête pour les trois mois à venir. Quelqu’un comme Jacques LuCont (Les Rythmes Digitales) est très fort pour ça ainsi que Feadz d’une certaine manière. Mais plein d’artistes m’ont marqué ces dernières années, M Oizo, Jackson, Diplo, Timbaland, Errorsmith … ces mecs cherchent vraiment à faire avancer les choses. Mais les anciens sont toujours d’actualité. Et j’ai toujours envie de courir les bras en l’air quand j’écoute « Kids In America » de Kim Wilde.


    Côte Ouest est plutôt secouant. La musique y joue vite. Les rythmes sont saccadés. Faut-il conclure que vous ne vous adressez plus aux mélomanes studieux avachis dans un sofa pourpre ?


    A travers ma musique, je m’adresse essentiellement aux filles. Après les avoir fait pleurer dans leur chambre avec The Deadly Master, le but de Côte Ouest est de faire surgir des cascades de sentiments digitaux dans leurs cœurs et surtout de les faire danser.


    A l’exemple de Paul D. Miller alias DJ Spooky, docteur ès lettres que vous avez fréquenté, vous êtes diplômé des Beaux-Arts, qu’est-ce que ça injecte dans votre musique ?


    Au départ, un côté un peu « intello-bleep-expérimental-chiant » mais j’en suis revenu et je ne regrette pas du tout cette période. J’ai fait cinq ans de Beaux-Arts, c’était cool, ça me laissait le temps de faire mes concerts et j’avais des bourses. La belle vie.


    À propos de fréquentation, vous avez accompagné Alain Bashung, Rodolphe Burger, The Herbaliser, qu’est-ce qu’un rappeur de l’enfer a à voir avec ce beau linge ?


    Burger, Bashung, The Herbaliser, même si je ne suis pas fan de tout (mis à part Bashung), il faut reconnaître que ces artistes aiment créer des rencontres musicales et c’est tout l’intérêt de la démarche « créatrice » : aller chercher la confrontation pour mieux avancer. Mais The Herbaliser ne sont définitivement pas mes amis.


    Après avoir travaillé avec David Gauchard, metteur en scène d’un Hamlet très electronica, avez-vous des projets multimedia d’envergure ou des envies complètement folles ?


    Je dis stop à l’overdose d’images. On ne peut plus voir un live sans se taper des vidéos avec des pixels ou des images de bâtiments en super 8. Quand je viens voir un mec jouer en live, je suis pas au cinéma. J’ai vu tellement peu de trucs qui m’ont plu que mon jugement est assez dur à ce sujet. Il faut arrêter de nous vendre ce concept comme LE FUTUR. Il n’y a rien de plus fait et refait que de coller une image sur de la musique. C’est heureusement en train de changer avec des mecs comme Gangpol und Mit, Pfadfindedrei & Modselektor …


    ECOUTER :


    « The Deadly Master Of Rappers From Hell » (Idwet/La Baleine)

    « Hamlet » (Idwet/La Baleine)

    « Côte Ouest » (Idwet/La Baleine)

    SEE :

    www.myspace.com/tepr

    http://tepr.free.fr

    www.idwet.com

    www.chez.com/wart

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