Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Paris - Page 7

  • JEAN DEMELIER

    medium_g_demelier.jpgAu temps de la revue Dérive, souvent je rencontrais Alain Borer au pied de la Butte et au débotté. Il demeurait rue d'Orsel et colligeait énormément autour de Rimbaud. Je le vis notamment au lendemain de son invasion par les caméras de télévision. Il venait d'enregistrer une émission qui retraçait son enquête en Abyssinie. Je me souviens de son euphorie barbapapesque lorsqu'il me décrivit le blocage de la rue d'Orsel par les camions des machinos siglés Antenne 2. Ses yeux riboulaient devant tout ce faste destiné à l'exploration de Rimbaud à partir de l'exégète qu'il était, surtout connu pour sa collusion avec la revue TXT et les éditions Daily Bul. Il faisait beau et chaud (contrepéterie facile) et nous flanâmes dans les rues circonvoisines en direction d'un estanco. Sur le chemin, nous croisâmes Jean Demélier dont je venais de lire, coup sur coup, Le Rêve de Job et Gens de la rue. Eh bien, rien à dire, pétrifié, benêt, je ne pus pas même lui chuchoter ma dilection. Il était pourtant rocanrol Jean Demélier, pas je-me-la-pète pour un maravédis. De plain pied, le garçon. J'ai continué à lire ses romans et perdis le fil. Son oeuvre romanesque semble s'étirer sur une courte période, 1971-1984.

    C'est un écrivain talentueux, de ceux qui méritent la passion continue mais dont on ne parle plus. Attendons.

    C'est également un peintre, très actif. Et je suis bien aise de faire savoir que cette dimension de sa personne est aujourd'hui visible jusqu'au 28 février et à la Halle Saint-Pierre. Un lieu décidément inévitable.

    Par chance, ceux qui apprécient l'artiste, l'écrivain, l'homme, pourront serrer la paluche à tout cela. Jean Demélier sera présent tout en un le 8 février à 18h30 au coeur des cimaises. Je ne pourrais y être, triplement hélas, mais je suis bien certain que l'un(e) de vous lui glissera à l'oreille ce que je n'ai pu lui dire à la fin des années 70.

    A savoir : mon admiration.

    __________

    ROMANS
    Le Rêve de Job - Gallimard 1971
    Le Sourire de Jonas - Gallimard 1975
    La Constellation des Chiens - Gallimard 1976
    Le Miroir de Janus - Gallimard 1977
    Le Jugement de Poitier - Ramsay 1978
    Les nouvelles lettres de mon Moulin - Gallimard 1982
    Le métro du bout du monde - Balland 1984
    Gens de la rue - Gallimard 1971

    LIVRES D' ART ET DE DESSINS
    Sketchbook - Oasis books Londres 1974
    Croquis - Jacques Bremond Villeneuve.L.A 1980
    Le Tourneur de Têtes - Poitiers 1981
    Dénature - Sérigraphies René Vidal 1974
    L'Astronome biologique - Sérigraphies de Daniel Mohen 1975
    Nutation - Sérigraphies de Robert Einbeck 1980
    Chair Muette et Dernière Fenêtre - Sculpture de Michel Gérard 1982
    Première Éclaboussure - Sculpture de Michel Gérard 1982
    La naissance de l'Ange - Lithographies d'Abraham Hadad 1985
    Toupie de Chair - Alex Bonnier 1985
    Solution de Continuité - Gravures Jan Arons 1988
    Il neige dans ma nuit - Galerie édition Diane Manière 1988
    Passage d'Amour - Lithographies de Jacqueline Blewanus 1989
    Fleuve - Lithographies de Daniel Mohen 1990
    Betalpha - Illustrations Jack Vanarsky 1990
    Livre Leur - Jacqueline Blewanus 1996
    Chose - Jacqueline Blewanus 1999

    PIECES RADIOPHONIQUES (France Culture)
    Echo-Pulsion
    Hemoomixia
    Narcisse
    Autoportrait dans une oreille
    Toilettes
    Ainsi vous voulez écouter une pièce radiophonique ?

    ESSAIS (édition René Baudouin Mona Lisait)
    Brefs Prolégoménes à un Système Politique Prochain 1997
    L' Ange et Moi 1998
    Le nouveau Code Noir 1998
    Théâtre : Sur la Plage ( Avignon ) 1997

    COLLECTIONS NATIONALES
    Huit tableaux dans les Collections Nationales (CNAC, MNAM, Centre Georges Pompidou, FNAC)
    Nombreuses collections privées.

    __________

    HALLE SAINT-PIERRE - Galerie (entrée libre)
    2, rue Ronsard - 75018 Paris
    Tél. : 01 42 58 72 89 - Fax : 01 42 64 39 78
    Métro : Anvers/Abbesses
    www.hallesaintpierre.org

    __________

    medium_demelier_01.jpeg
    Jean Demélier
    medium_demelier_03.jpeg
    Jean Demélier




  • LE 96 ❘ GARE MONTPARNASSE ➔ PORTE DES LILAS

     

    medium_Numeriser0015.3.jpg

    C’est depuis ce bus à plate-forme que je voyais Paris. Un Paris en noir et blanc. À l’arrière du 96, je humais le parfum de tous les échappements, des odeurs de charbon et d’huile de moteur. Nous avions embarqué au croisement hésitant qui distingue la rue de Ménilmontant et la rue Oberkampf. Probablement avec quelques sacs. Peut-être la grosse valise marron toujours sanglée. Et nous regardions défiler les rues, les enseignes. Je ne savais pas que l’heure avait sonné de fuir. Nous quittions la rue du Pressoir que les boules de fonte ne tarderaient pas à attaquer.

    medium_rue_de_Turenne_Vue_aerienne.jpgJe découvrais des façades inconnues et des trottoirs étrangement vides. Il fallut descendre. L’arrêt indiquait Place des Vosges.

    J’ai regardé à gauche, à droite et nous l’avons suivi, son allure plus vive qu’à l’habitude. Rue du Foin, il nous signala un bâtiment crème, imposant, couché entre les rues des Minimes et Roger-Verlomme.

    - C’est là qu’on habite maintenant.

    Sur le trottoir d’en face, pour mieux contempler sa splendeur, nous nous étions serrés. Et mon cœur avait pris un tempo rapide. C’était là. Si propre. Trop beau.

    - Régina viendra vivre avec nous ?

    - Non, Petounet. Mais Maurice n’est pas loin. Son atelier est rue des Tournelles, tout à côté. On ira le saluer un de ces quatre.

    Régina, Maurice, lueurs de la petite enfance. Leurs bras étaient toujours ouverts. Régina me fit découvrir la télévision. C’était le seul meuble qu’elle possédait avec son lit, très vaste. Très doux. On assistait aux aventures d’Ivanhoe couchés dessus. Maurice, son petit ami flou, m’offrait ses nouvelles créations : des casquettes pour petites têtes.

    La porte du 7 pouvait atteindre trois mètres de haut. Un drapeau tricolore flottait à son sommet. Lorsqu’on entra, le battant grinça majestueusement. On s’essuya les pieds sur un immense tapis. Deux marches blanches accédaient à un hall de marbre. Papa tourna une clé dans une porte vitrée. On pénétra une pièce vide qui sentait le bois neuf et la peinture fraîche. L’appartement donnait sur la rue, au rez-de-chaussée. C’est là, entre l’étroit et l’infini, que ma jeunesse se débobinerait en un bref clin d’œil.

    Je me retourne vite pour en apercevoir quelques images. Il n’en restera plus bientôt qu’un petit tas de poussières poussé par un balai.

    Longtemps nous n’avions que le 96 pour aller d’un point à l’autre de Paris. Comme en cabriolet, cheveux au vent, les années où l’on pouvait se tenir à l’arrière, debout, même affreusement serrés. L’air de la ville, le long de la décennie soixante, dégageait un parfum d’amitié.

    Le 96 menait à Montparnasse où l’on pouvait embarquer vers les rivages de l’Atlantique. Ou bien il agrippait Ménilmontant, offrant à perte de vue le paysage le plus aimable qui soit.

    Le 96, je l’attrapais pour aller rejoindre papa qui travaillait place de l’Hôtel de Ville, plus exactement, avenue Victoria. Nous allions ensuite explorer les sous-sols du BHV.

    Le 96, c’était le bus dominical qui ralliait la Porte des Lilas. Car mon père finit par acheter une Dauphine et il loua un box (aux Lilas !) comme un étui de velours où camoufler son jouet. La voiture tournait chaque fin de semaine après avoir été lavée, aspirée, mignotée. Quelquefois, elle servait à nous conduire au pays de la Brie, dans un verger à la ressemblance de nos courtis bretons. En août, à partir du 15 et jusqu’au 15 septembre, la Dauphine noire mettait sept heures pour atteindre La Ville Jéhan, Ménéac, Morbihan.

    Le dimanche, le 96 était un paquebot. Il allait plus lentement qu’en semaine. À bord, nous devenions touristes. Et moi je chantais. C’en était même pénible. Je chantais. Je chantais toujours et souvent juché sur les banquettes de moleskine. Mais quoi ? Les succès d’Eddie Constantine ou de Petula Clark.

    Dans mon souvenir, le 96 dessert des embarcadères, des cinémas, des passerelles pour voyager dans le temps sans contraintes.

    Mais que vous évoque-t-il ?

    Je suis certain que vous en avez franchi la marche.

    Et qu’une de ses stations vous parle.

    D’un instant, d’un parcours, d’un visage qu’il me plairait de connaître. Car nous nous sommes croisés.

    Et vous le savez bien. Guy Darol

    medium_96.gif
  • LE PARIS DE JEAN-PAUL SARTRE ET DE SIMONE DE BEAUVOIR

     

    medium_Numeriser0016.2.jpg

    Revenant du marché de Plougasnou, Mariane (mon amour) me tend deux livres. Deux surprises. Un ouvrage sur Julien Gracq, un autre concernant le Paris de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Deux livres parus, il y a splendide lurette,  aux Editions du Chêne.


    J’évoque le second, rédigé par Jean-Luc Moreau (avec lequel je partageais autrefois les sommaires de la revue Roman ; aussi les micros de Bibliomanie, son émission sur Radio Libertaire) et illustré de photographies signées Bruno Barbey. Egalement, André Kertész, Henri Cartier-Bresson, Guy Le Querrec, etc. Il s’agit, comme le prévoit son titre, d’un livre sur les trajectoires parisiennes du célèbre duo. Haltes dans les cafés, restaurants, cabarets, parcs et jardins. Lieux d’écriture medium_Numeriser0017.2.jpget cogitatum visé par l’intentionnalité de la conscience. Jean-Luc Moreau a su rendre l’écho des pas et des pensées du couple nécessaire. Cette géobiographie menée par le théoricien de la Nouvelle Fiction est une réussite. Son auteur ne se contente pas de retracer les (fameux) chemins (de la liberté), il compose un récit qui donne toute consistance a la déclaration de Sartre : « Tout est dehors ». Et c’est le charme de cet édifice que l’on relit aussitôt après l’avoir lu. Guy Darol

    Le Paris de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir

    Jean-Luc Moreau

    Éditions du Chêne

    www.editionsduchene.fr

  • PARIS ❘ RUE DES MINIMES/TROISIEME ARRONDISSEMENT

     

    medium_Numeriser0015.2.jpg

    Cette image de la Place des Vosges, semblable à un décor de Chirico, est un point de fuite où je me perds souvent, assis à mon bureau, embarcadère des songes. Elle coïncide exactement avec le paysage que j’ai connu, au milieu des années 1960, lorsque avec mon ami Romain (le goupil des dérives nocturnes), nous partions en expédition dans les rues de Paris, à la recherche d’ambiances persuasives (parfums et bruissements), comme un voyage au-delà du visible.

    J’habitais rue des Minimes, une voie généralement ombreuse, percée, en 1607, entre les rues de Turenne et des Tournelles. Mes parents occupaient un petit appartement au rez-de-chaussée des Archives Nationales de l’Assistance Publique, ancienne maison du XVIIIème siècle, restaurée (!) en 1952. À l’âge de 14 ans, j’eus une chambre au premier étage qui devint un passage idéal, le corridor des explorations interdites. J’attendais que Joseph et Agnès tombent en léthargie avant de franchir une fenêtre avec des gestes de velours. Vers minuit, je touchais l’asphalte et la rue était l’indicateur aléatoire qui mène à la sensation.

    Romain était autorisé à fuir le domicile, un belvédère pharaonique sous les toits de la rue de Charonne. Autour des trois heures, il allait rejoindre son matelas tandis que je poursuivais en solo sous les arcades désertes.

    J’aimais pousser les portes cochères et que mes pieds tâtent le pavé disjoint. Je choisissais un escalier recouvert de tapis et le plus duveteux si possible. Je m’étendais sur un palier et je guettais, un œil ouvert puisque l’autre sommeillait, les lueurs primitives, le pépiement des oiseaux de l’aube.

    La Place des Vosges commençait à retentir un peu. Semelles ferrées. Talons aiguilles. Camion à benne des éboueurs. Les signaux m’avisaient de retrouver l’air bleu puis le trottoir de la rue de Béarn (son garage vitré où Francis Blanche remisait une Cadillac noire, la marchande de roudoudous et de pistolets à billes rouges, la papeterie Gobert) et je tournais l’angle. Je n’avais plus qu’à écarter les persiennes métalliques restées discrètement entrouvertes.

    À la différence de la rue du Pressoir (Paris, vingtième arrondissement) où j’ai vécu jusqu’à la fin des années 1950, la voie ombreuse que longe une caserne de briques, bâtie sur l’ancien Couvent des Minimes (1611) qui vit s’instruire Descartes, n’a pas bougé d’un moellon. Et l’image que je vous en propose, contemporaine des années 2000, est la copie de mes visions du temps que je passais le corridor. Guy Darol

    1892202996.JPG
    7, rue des Minimes
    1302892612.JPG
    333360393.JPG
     

    Je relate ces fugues dans deux ouvrages au sucre de Valstar et de fragrances urbaines : Héros de papier et Frank Zappa, La Parade de l’Homme-Wazoo (Le Castor Astral éditeur).
    Selon Éric Hazan (L’Invention de Paris, Il n’y a pas de pas perdus, Seuil, 2002), le Couvent franciscain des Minimes ou des Bons hommes, avec sa bibliothèque de 20 000 volumes, était le rendez-vous de l’intelligence et de la « Confrérie des bouteilles ». Là venaient cueillir (ou se recueillir) Blaise Pascal, le géomètre des escaliers Gérard Desargues, Théophile de Viau, Saint-Amant et Guez de Balzac.