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  • LES MEMOIRES DE FREDERICK TRISTAN

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    Frédérick Tristan

     

    Les entretiens avec Jean-Luc Moreau (Le Retournement du gant, éditions Fayard, 2000) étaient une entrée dans l'oeuvre de Frédérick Tristan munie de loupes. L'auteur du Dieu des mouches (Grasset, 1959 ; Fayard, 2001) détaillait le chemin d'une écriture qui compose un singulier dédale où interagissent les voyages, les jeux de la mémoire et le goût de l'invention. Frédérick Tristan fait rayonner l'imaginaire au degré le plus incandescent. Il considère l'Ailleurs comme son pays. C'est l'un des maîtres de La Nouvelle Fiction, ce mouvement littéraire théorisé par Jean-Luc Moreau dans l'ouvrage éponyme paru en 1992 aux éditions Criterion. 

    Sans doute le lit-on mieux en s'immergeant dans l'Orient onirique après un voyage sur les ailes d'Hermès. Frédérick Tristan est un écrivain d'une rare culture qui travaille depuis cinquante ans à maintenir le roman du côté de la Littérature. Il est donc l'un des plus grands sans que tout le monde le sache encore. Il reçut le Prix Goncourt, en 1983, avec Les Egarés. Ce ne fut pas le plus lu des Goncourt. C'était assurément l'un des plus remarquables.

    Frédérick Tristan est un inventeur sans pareil. Il créa le personnage de Danielle Sarréra, la vie de Danielle Sarréra, la poésie de Danielle Sarréra. Nous y crûmes. Au temps que je collaborais à la revue Crispur, des pages de Danielle Sarréra y furent publiées. Des Cahiers avaient été retrouvés après le suicide sous un train de celle qui avait, selon nous, des accointances avec Jean-Pierre Duprey et Unica Zürn. Gaston Criel était le go-between. Il avait connu la jeune fille. C'est lui qui désormais participait à la connaissance de son oeuvre.

    Gaston Criel est l'une des nombreuses figures que l'on croise tout au long de Réfugié de nulle part, les Mémoires de Frédérick Tristan. Un chapitre lui est consacré qui célèbre celui qui fut le secrétaire d'André Gide et qui habitait rue Bonaparte, dans l'immeuble appartenant à la mère de Jean-Paul Sartre. Pour Frédérick Tristan, Gaston Criel "représentait l'artiste, le poète vivant que je n'avais jusqu'alors jamais rencontré". Il allait de Jean Paulhan, à Paul Eluard, de Boris Vian à Juliette Gréco, de Duke Ellington à Charlie Parker, de Henry Miller à Jean Cocteau avec une aisance germanopratine sans aucun rapport avec l'esbroufe. Gaston Criel était de plein pied. Je l'ai souvent rencontré sans qu'il fasse ressentir qu'il était celui qu'André Breton avait encouragé à écrire. Il publia La Grande Foutaise et frôla la gloire.

    Dans un café du boulevard Montparnasse, Frédérick Tristan me parla toute une matinée de François Augiéras qu'il avait connu à la fin des années 1950. Réfugié de nulle part livre plusieurs pages conséquentes sur l'auteur de Domme ou l'essai d'occupation, récit qui rappelle s'il en était besoin qu'écrire n'est pas une activité détachée de la vie. "Son charme singulier me séduisait tout autant que son écriture. Le mythe du personnage fait oublier aujourd'hui sa façon à la fois naïve et rusée de s'exprimer. Il n'était pas seulement le "barbare" dont, peu à peu, il souhaita donner l'image". 

    Les Mémoires de Frédérick Tristan, auteur d'une cinquantaine d'ouvrages racontent l'histoire d'un homme né en 1931 à Sedan, devenu amnésique à la suite de la guerre et qui fut  délégué en Extrême-Orient pour des protocoles financiers, conseiller auprès de la présidence des assurances ITEA, professeur d'iconologie paléochrétienne et écrivain, croirait-on, à plein temps. C'est l'histoire d'un écrivain pour qui le mot Littérature équivaut à un outil de connaissance. Quelqu'un de bis, un multiple aux vies multiples, et qui nous renseigne dans un livre (au-delà du genre dans lequel il est contraint) sur ses connexions avec Henry Corbin, Mircea Eliade, Marie-Madeleine Davy, Emmanuel Lévinas. Un livre de connaissance, de contact avec une réalité plus vaste, de confidences aussi, de portraits incisifs, parfois caustiques. Où l'on retrouve sur le chemin Gaston Bachelard, Ezra Pound, Jean Carteret, Samuel Beckett, Dominique de Roux, Roland Barthes ... et bien des gens sans importance apparente. Un grand livre.

     

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    FREDERICK TRISTAN

    REFUGIE DE NULLE PART

    EDITIONS FAYARD

    470 pages, 23 €

     

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    VOIR ENCRES & ECRITURES DE FREDERICK TRISTAN

    EXPOSITION DU 5 AU 30 OCTOBRE 2010

    MEDIATHEQUE JACQUES-BAUMEL

    15-21 boulevard Foch

    92500 Rueil-Malmaison

    01 47 14 54 54

     

  • JEAN-LUC MOREAU ❘ JEAN-PAUL SARTRE/SIMONE DE BEAUVOIR

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    Simone de Beauvoir/Jean-Paul Sartre

    L’un des meilleurs aspects du film de Claude Goretta, Sartre : L’âge des passions (diffusé sur France 2 en décembre 2006, désormais disponible en DVD), c’est l'éclairage sur  les difficultés du couple Sartre/Beauvoir, c’est la pointe du canif dans le mythe de l’amour libre. Mythe et paradigme dès la fin des années 1960. Car pour ceux qui se nourrissaient aux œuvres de ces illustres, pour tous ceux qui croyaient pouvoir vivre en singeant leur éthique, il y eut quelques déceptions. Du tracas, du fracas.

    Il existe désormais toute une littérature qui prétend saisir sur le vif les heurs et malheurs du couple notoire. En particulier, l’étude de l’universitaire anglo-saxonne Hazel Rowley. Dans Tête-à-tête, Beauvoir et Sartre, une singulière histoire d’amour, l’essayiste regarde aux agendas, prend le pouls des amours contingentes. Et le film de Goretta n’est-il pas touchant lorsqu’il nous montre la solitude de Simone de Beauvoir, également ce désir d’étreinte que Jean-Paul Sartre ne peut assouvir. Qu’est-ce que cet amour ? Qu’est-ce que ces solitudes ? A cela, les ouvrages de Jean-Luc Moreau livrent leurs réponses mais à travers des prismes, des lignes obliques. Il ne thésaurise pas l’anecdote, il ne collige pas la rumeur.

    Jean-Luc Moreau est un fin lecteur. Il en a fait la démonstration plusieurs fois : avec Frédérick Tristan, dans l’aventure de La Nouvelle Fiction dont il est le théoricien. Il est toujours utile de suivre ses chroniques sur Radio Libertaire (émission Bibliomanie). C’est un lecteur en liberté, c’est-à-dire qu’il ne craint pas la vérité, toute. Ses enthousiasmes ne sont pas truqués.

    Ainsi des deux livres qu’il a consacré à Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Le premier (Le Paris de Sartre et Beauvoir), nous en avons dit tout le bien que nous en pensons. C’est un magnifique album publié  aux éditions du Chêne et qui dresse plus qu’une carte du tendre mais un destin géographique. Le deuxième (car un troisième volume est en préparation) sort de Paris, « centre de la terre ». Dans Sartre, voyageur sans billet, il est question d’expéditions initiées par Paul Nizan ou par ces Professeurs Voyage que sont Valery Larbaud, Gide, Morand, Drieu La Rochelle, Duhamel. Jean-Luc Moreau suit avec attention les itinéraires de Roquentin, une ondulation musicale (Some Of These Days), surtout Le Cheval de Troie de Paul Nizan, un chef-d’œuvre selon l’auteur de cet essai et assurément une monture idéale pour explorer l’univers de Sartre.

    Il est important pour Jean-Luc Moreau de détailler  toutes les nuances de cette formule : « Dehors, tout est dehors ». En suivant cette flèche, nous glissons mieux dans la pensée de Sartre mais cette pensée, pour être bien claire, demande qu’on en débroussaille l'accès. Ce que fait Jean-Luc Moreau en passant devant nous, à travers les chemins qui mènent Sartre et Beauvoir (seuls ou ensemble) vers l’Espagne, l’Italie, la Grèce ou les Etats-Unis. Il faut un guide qui sache bien lire, voyageur, hardi, plurisémantique et polyglotte. Jean-Luc Moreau est le guide nécessaire.

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    Le Paris de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir

    Jean-Luc Moreau

    Éditions du Chêne, 2001

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    Sartre, voyageur sans billet

    Jean-Luc Moreau

    Fayard, 2005

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    Tête-à-tête, Beauvoir et Sartre, une singulière histoire d’amour

    Hazel Rowley

    Grasset, 2006

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    Sartre : L’âge des passions

    Un film de Claude Goretta

    Acteurs : Denis Podalydès, Anne Alvaro, Aurélien Recoing

    France Télévisions

    DVD, 2006

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    Sartre par lui-même

    Un film d’Alexandre Astruc et Michel Contat

    Éditions Montparnasse

    Coffret 2 DVD, 2007

    VOIR UN EXTRAIT DE SARTRE PAR LUI-MEME

    Bibliomanie, chaque jeudi de 15h à 16h30

    Emission de Jean-Luc Moreau

    Radio Libertaire

    Ecouter Radio Libertaire sur le Net

    VOIR UN ENTRETIEN DIFFUSE SUR RADIO CANADA




     

  • LA SOEUR DE L'ANGE EMPOIGNE LA CRISE

     

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    Depuis 2004 qu'elle existe, La Soeur de l'Ange ("L'homme est le vainqueur des chimères, la nouveauté de demain, la régularité dont gémit le chaos, le sujet de la conciliation. Il juge toutes choses. Il n'est pas imbécile. Il n'est pas ver de terre. C'est le dépositaire du vrai, l'amas de certitude, la gloire, non le rebut de l'univers. S'il s'abaisse, je le vante. S'il se vante, je le vante davantage. Je le concilie. Il parvient à comprendre qu'il est la soeur de l'ange", Isidore Ducasse) a publié sept épais numéros d'abord aux éditions A contrario puis aux éditions du Grand Souffle. A présent, elle vit chez Hermann (Editeurs des sciences et des arts depuis 1876) sous la direction de Michel Host (Prix Goncourt 1986 pour Valet de nuit) et la rédaction en chef de Jean-Luc Moreau (théoricien de La Nouvelle Fiction, auteur de plusieurs ouvrages sur Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Albert Camus). La Soeur de l'Ange est une revue littéraire et philosophique ouverte au questionnement socratique, à la maïeutique généralisée.

    Sa particularité est de lancer des questions comme on allume des feux : A quoi bon l'art ?, A quoi bon la nation ?, A quoi bon résister ?, A quoi bon la Lune ?... Une méthode pleine de sens en un temps où la réflexion bat de l'aile, où rien ne semble brûlant.

    Vient de paraître A quoi bon la crise ? sur une dédicace d'Edmund Husserl et une ouverture de Senancour. La crise dans tous ses états et d'abord à la lettre, étymologiquement, sémantiquement, est ici dépliée. Pour Ado Huygens, la crise est un ouvreur potentiel de l'exister. Sandy Proust interroge la crise de la parole dans le monde du travail. Philippe Brenot envisage que la crise, c'est toujours avant. Monique Castaignède annonce une crise de tête. Nicolas Lebeau décide d'entreprendre en poésie pour répondre à la crise. La crise ne serait-elle pas le travestissement moral de la décadence ? demande François Cornée.

    Où il est également question de Joë Bousquet, d'Albert Béguin (crise du romantisme oblige), de Sarane Alexandrian et d'Arthur Conan Doyle.

    D'ici quelques semaines, Jean-Luc Moreau répondra à mes questions afin que La Soeur de l'Ange ne soit plus un mystère pour personne.

     

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    Jean-Luc Moreau


     

    En attendant, apprenez que les intitulés des prochains numéros sont :

    A quoi bon la Princesse de Clèves ?

    A quoi bon la santé ?

    A quoi bon tant de monde ?

    A quoi bon partager ?

     

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    Michel Host

     

    LA SOEUR DE L'ANGE n°7

    Pensées iniques

    Revue semestrielle

    200 pages, 20 €

    (Abonnement pour deux numéros : 36 €)

    Editions Hermann

    6, rue de la Sorbonne 75005 Paris

  • JEAN-LUC MOREAU ET L'INTOUCHABLE CAMUS

     

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    Cinquante ans après la mort d'Albert Camus, de nombreux livres ont paru, le plus souvent célébratifs, qui composent un monumental cénotaphe. L'un d'eux, cependant, ne chante pas à l'unisson par la quantité de questions qu'il pose, notamment au sujet du lecteur qu'était Camus, hâtif dans ses comptes rendus. Le titre de cet essai, Camus l'intouchable, pourrait être pris comme une défense becs et ongles de l'écrivain. Fausse piste. Ici, on examine entre les lignes et à la loupe. On constate que Camus pratique la lecture et le commentaire sommaires. On ne dit rien de mal. On ne participe pas d'une entreprise de démolition. On construit.

    Jean-Luc Moreau, l'auteur de l'investigation, est rédacteur-en-chef de la revue La Sœur de L'Ange (Editions Hermann), il fut membre du comité de rédaction de la défunte revue Roman (Presses de la Renaissance), surtout il est le théoricien de la Nouvelle Fiction, un remarquable connaisseur de l'œuvre de Frédérick Tristan et un biographe de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Autant dire que son avis est celui d'un spécialiste des domaines philosophiques et littéraires.

    Poursuivant l'entreprise critique de Jean-Luc Steinmetz (Lautréamont, Œuvres Complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade), Jean-Luc Moreau examine « Lautréamont et la banalité », l'article de Camus donné aux Cahiers du Sud, et nous convainc, après la sévère volée d'André Breton, que l'auteur de L'Homme Révolté, fut un lecteur approximatif sinon un commentateur se fiant à la seule sûreté de l'impression furtive. Camus bâcle, use de raccourcis, agit tel un oracle incontestable.

    Jean-Luc Moreau ne s'arrête pas qu'au seul exemple de Lautréamont, il montre que la machine se trompe, se trompe abondamment et en particulier lorsque Camus (orienté libertaire) parle de Bakounine. Lecteur approximatif, le voici confondant le Catéchisme du révolutionnaire de Netchaïev avec Catéchisme révolutionnaire, l'ouvrage de Bakounine. Juste un errement, croirait-on, l'analyse de Jean-Luc Moreau dévoile d'autres divagations.

    Sur le thème de la révolte qui fit le plus c onnaître et estimer Camus, Jean-Luc Moreau est parvenu à retrouver de précieux documents. L'un d'eux est magnifique. Il s'agit de la revue Soleil noir - Positions, animée par François Di Dio et Charles Autrand qui avaient fréquenté Camus à Alger. Dans son premier numéro, Soleil noir - Positions rappelle que la révolte doit s'entendre comme un cri et non un engagement philosophique. Elle convoque quelques représentants des abîmes et du cri dont Jean-Pierre Duprey. Stanislas Rodanski, se trouvant dans les parages du Soleil noir, nous indique que la révolte est bien autre chose qu'un sujet de réflexion.

    En cheminant dans ce bouillant volume, on croise des regards mitigés, parfois sombres (Gérard Legrand, Benjamin Péret, Georges Bataille), et certaines palinodies, comme ce changement d'humeur de Raymond Guérin, enthousiaste d'abord puis totalement retourné. Le livre de Jean-Luc Moreau est un remarquable exercice de lecture et un précieux trésor pour tous ceux qui sont curieux de voir les visages de Camus et de ses contradicteurs. Guy Darol

    CAMUS L'INTOUCHABLE

    JEAN-LUC MOREAU

    Editions Ecriture & Neige

    260 pages, 18,95 €

    CONSULTER LE SITE DES EDITIONS ECRITURE

    Lire un extrait de l'ouvrage

     

    L'exposition ALBERT CAMUS L'INTOUCHABLE, organisée par les éditions NEIGE et ECRITURE, en partenariat avec la FNAC Suisse, sera présentée du 29 avril au 2 mai 2010 au SALON DU LIVRE DE GENEVE en présence de Jean-Luc Moreau, puis dans les Fnac Suisse du 5 au 30 mai 2010

    BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE DE JEAN-LUC MOREAU

    Simone de Beauvoir, le goût d'une vie, Ecriture, 2008.

    Sartre, voyageur sans billet, Fayard, 2005.

    Le Paris de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, Editions du Chêne, 2001.

    La Nouvelle Fiction, Criterion, 1992.

    Le Retournement du gant I, entretiens avec Frédérick Tristan, La Table Ronde, 1990.

    Le Retournement du gant II, Fayard, 2000.

    Dominique de Roux, dossier L'Age d'Homme, 1997.

     

    Signalons la réédition de Le Nid du loriot d'Ariel Volke (La Musardine, collection Lecture amoureuses, novembre 2009), ouvrage préfacé par Jean-Luc Moreau.

    Lire la préface de Jean-Luc Moreau

     

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    Jean-Luc Moreau interrogé par Joseph Vebret

     

     

     

     

     

     

  • JEAN-LUC MOREAU ❘ SIMONE DE BEAUVOIR

     

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    Les célébrations tombent à verse sur le centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir. Remémorations tabloïd et hertzienne vont bon train, soulignant (à juste titre) l'engagement pionnier, militance de toute une vie, cause des femmes. Quotidiens, hebdomadaires, radios, téloches nous le rappellent. Simone de Beauvoir se voulut femme indépendante. (« On ne naît pas femme : on le devient... C'est l'ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu'on qualifie de féminin. » ) Quelques-uns de ses ouvrages sont cités qui renvoient le spectateur hâtif, avide d'images flash et de brèves expédiées, à une oeuvre qu'il ne lira peut-être jamais. Tout va si vite.

    Hommages rapides. Hommages de circonstance. Le nom de Simone de Beauvoir nous reviendra en 2036, un demi-siècle après le trépas. Quelques livres cependant vont plus loin que l'oeillade. Peu cités par des médias qui ne semblent pas au courant. Ceux d'Huguette Bouchardeau, de Danielle Sallenave méritent lecture. Ce sont auteurs qui ont beaucoup à dire. Jean-Luc Moreau n'a pas cherché dans le calendrier des nécrologies fameuses pour cadrer un sujet qui ferait parler de lui. Le théoricien de La Nouvelle Fiction, meilleur exégète de l'oeuvre de Frédérick Tristan et contributeur de qualité aux revues La Presse Littéraire et La Soeur de l'Ange, possède un certain bagage qui l'autorise à écrire sur Simone de Beauvoir. Jean-Luc Moreau a publié Le Paris de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir (Editions du Chêne, 2001) et Sartre, voyageur sans billet (Fayard, 2005), deux sommes incontournables.

    Avec Simone de Beauvoir, Le goût d'une vie, Jean-Luc Moreau pose, d'une certaine façon, la dernière pierre d'un triptyque mis en chantier il y a sept ans. Mais il serait assez stupide de croire que cet écrivain (nouvelliste, essayiste, traducteur) s'est mis au goût du tandem Sartre/de Beauvoir à la lisière du nouveau siècle. Ancien professeur de philosophie, ce membre de l'ex-revue Roman est un lecteur complet, un connaisseur passionné, un passeur et, disons-le, un herméneute au style limpide.

    Clair, son point de vue est clair. Tout est inclus dans le titre qui soutient cette évocation de Simone de Beauvoir : Le goût d'une vie. Son essai (un coup de maître !) consiste à exposer (livres et biographèmes à l'appui) l'ensemble des caractéristiques gustuelles  qui traversent une oeuvre, une vie. Nulle anecdote faquine, Jean-Luc Moreau écrit textes en mains. Ceux de Simone de Beauvoir évidemment, de Sartre bien sûr, de Nelson Algren, il va de soi. Autres encore. Il élabore autour du goût un tracé savant, sorte de spire entretressée, qui dit chez Simone de Beauvoir l'impulsion de vie. Depuis la colère en triomphe jusqu'au triomphe de la détresse.

    Approche d'une vie, réflexion élucidante, Simone de Beauvoir, Le goût d'une vie est à mon sens l'ouvrage qu'il convient de posséder pour comprendre ce que signifie, pour un écrivain née femme en 1908, aimer  la littérature, admirer le geste d'écrire,  chercher le bonheur. D'une écriture alliée à la promenade, souple, chaleureuse, tactile, Jean-Luc Moreau convie chaque lecteur curieux de connaître (de connaître vraiment) le feuilleté de la vie de Simone de Beauvoir (ambiguïté, multiplicité), ses enthousiasmes, ses inquiétudes, ses terreurs. Et, comme après la lecture d'un grand livre, on en ressort un peu moins bête.

    JEAN-LUC MOREAU

    SIMONE DE BEAUVOIR, LE GOUT D'UNE VIE

    ECRITURE

    369 pages, 22 €

    www.editionsarchipel.com

     

  • LA SOEUR DE L'ANGE ❘ RESISTANCE ❘ JEAN-LUC MOREAU

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    En ces temps régressifs où l'Homme est invité à se diluer dans la valeur Travail, La Soeur de l'Ange, revue dirigée par Didier Bazy, se demande : "A quoi bon résister ?" Les réponses à cette question cruciale proviennent de différents sursauts face "à tout ce qui pue la mort". L'éditorial  agite bien justement "l'impératif catégorique de notre époque conditionnée par les contrôles puissants et insensibles de l'instrumentalisation généralisée où l'argent comme réponse à tous les problèmes tient une part de moins en moins négligeable." Selon Didier Bazy, l'état d'urgence coïncide avec la nécessité de "devenir un vivant sauvage." Sauvage, c'est-à-dire en résistance armée de mots, en dépit du risque, de l'incertitude, de l'aléatoire.

    Entretiens, épîtres, études, philippiques et même une fiction de Jean-Luc Moreau plus qu'éclairante composent un élan de front et une véritable mise en garde contre les menaces de néant voire d'apocalypse si l'on en croit Jean-Louis Cloët dont le propos très vigoureux annonce le meilleur du pire. Des figures considérables sont appelées à définir le besoin de résistance sinon la fin de partie : Antonio Negri, Samuel Beckett, Antonin Artaud, Paolo Virno, William Shakespeare, Henry David Thoreau, Friedrich Nietzsche, Georges Henein ...

    Par ailleurs, cette livraison pose la question des pouvoirs de la poésie dans un monde en crise (et l'on songe à l'interpellation d'Hölderlin : "Wozu dichter in durftiger zeit/Pourquoi des poètes dans un temps de manque ?") à travers l'oeuvre de René Depestre.

    La Soeur de l'Ange poursuit ici son exploration du Grand Jeu (Roger-Gilbert Lecomte, René Daumal, Roger Vailland, Pierre Minet, Josef Sima, Artür Harfaux, Maurice Henry, Hendrik Cramer, André Rolland de Renéville, Pierre Audard, André Delons, Monny de Boully, Zdenko Reich, Roger Caillois) avec des contributions de Claude Fournet et d'Alain Jugnon. Signalons que Le Grand Souffle éditeur de cette revue a eu l'excellente idée de publier récemment deux livres inévitables d'André Rolland de Renéville (Rimbaud le Voyant et L'expérience poétique ou le feu secret du langage) et l'essai de Michel Random, Le Grand Jeu, les enfants de Rimbaud le Voyant.

    Pour finir, ce remarquable volume de réflexions intempestives livre un texte du compositeur et guitariste Richard Pinhas (extrait des Larmes de Nietzsche, Deleuze et la musique, Flammarion, 2001) faisant l'apologie du plan de vie et du plan de composition ainsi qu'une lettre d'Armand Robin parue dans Le Libertaire du 29 novembre 1946 au sujet du Comité d'Epuration pour les Lettres. Comme on peut l'espérer de l'auteur de Le temps qu'il fait (l'une des plus belles fictions de tous les temps), il prend à la gorge les "poétereaux bourgeois" :

    " Ils m'ont banni de leur compagnie, que je fuyais ; ils m'ont exclu du monde de la vanité et des intérêts, ce que justement je cherchais ; ils m'ont désigné au mépris et aux railleries de ceux qui se mettent du côté des puissants, ce que justement je désirais. Ils ont eu raison : venant des travailleurs et m'obstinant malgré les réactionnaires "communistes" à vivre parmi les travailleurs, refusant de faire le beau dans les salons, les cafés littéraires, les antichambres où il est de bon ton qu'un écrivain soit lâche, j'ai osé, scandale des scandales, être poète ! "

    Saluons galure bas ce numéro très chaud et Jean-Luc Moreau (merci docteur Zeugme !) pour les lumières qu'il apporte sur Charles Nodier (un pionnier de la Nouvelle Fiction !) dans sa préface à La Fée aux miettes, ouvrage sur lequel je reviendrai prochainement.

    La Soeur de l'Ange n°5

    Dossier A quoi bon résister ?

    Editions Le Grand Souffle

    www.legrandsouffle.com

    http://revuelasoeurdelange.hautetfort.com/


    La Fée aux miettes

    Charles Nodier

    Avant-propos, postface et notes de Jean-Luc Moreau

    Editions Michel de Maule

    41, rue de Richelieu

    75001 Paris

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  • LUC-OLIVIER D'ALGANGE

     

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    Luc-Olivier d'Algange

    La dernière livraison de La Presse Littéraire, publication trimestrielle emmenée par Joseph Vebret, nous intéresse pour plusieurs de ses sujets. Bien sûr, son dossier central célébrant Alain Fournier, car tout homme marchant le nez au vent dans les pas flâneurs d'André Hardellet respire avec dilection les fragrances musagètes du Grand Meaulnes. Mais retenons l'évocation de Wolfgang Hidesheimer par Jean-Luc Moreau. En feuilletant l'oeuvre de cet écrivain qui marqua d'un arrêt net sa contribution à l'histoire de la littérature, Jean-Luc Moreau fait de nouveau le point sur la Nouvelle Fiction et les malentendus qu'elle suscite quelquefois.

    Pour avoir découvert la manière de Luc-Olivier d'Algange dans un numéro spécial de la revue Cée consacré à Stanislas Rodanski, il me préoccupait d'approcher de plus près cet écrivain proche de Jean-Christophe Bailly, d'André Velter, de Bernard Noël et de F. J. Ossang. Tant il m'avait plu de lire les fragments (bien élégiaques) de Médiances du Prince Horoscopal, je cherchai dans ses propos recueillis par Christophe Gérard la permanence de l'éclat.

    Poète, métaphysicien, immarscescible dandy, Luc-Olivier d'Algange pense souverainement. Dans ce dense entretien, il nous dit sa mantique pour que la littérature demeure longtemps une clé.

    Quelques traits :

    "Ce qui importe dans un livre c'est une invitation vers "l'en-dehors"".

    "L'art d'écrire m'évoque la navigation. Nous prenons le large sur une embarcation plus ou moins frêle, avec une vague idée de retour, et sommes ensuite livrés à toutes sortes de chances maritimes ou météorologiques auxquelles nous ne pouvons presque rien."

    "L'écrivain est aruspice, il s'inspire des configurations aériennes."

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    La Presse Littéraire n°9 - mars/avril/mai 2007

    www.vebret.com

     

     

  • LE PARIS DE JEAN-PAUL SARTRE ET DE SIMONE DE BEAUVOIR

     

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    Revenant du marché de Plougasnou, Mariane (mon amour) me tend deux livres. Deux surprises. Un ouvrage sur Julien Gracq, un autre concernant le Paris de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Deux livres parus, il y a splendide lurette,  aux Editions du Chêne.


    J’évoque le second, rédigé par Jean-Luc Moreau (avec lequel je partageais autrefois les sommaires de la revue Roman ; aussi les micros de Bibliomanie, son émission sur Radio Libertaire) et illustré de photographies signées Bruno Barbey. Egalement, André Kertész, Henri Cartier-Bresson, Guy Le Querrec, etc. Il s’agit, comme le prévoit son titre, d’un livre sur les trajectoires parisiennes du célèbre duo. Haltes dans les cafés, restaurants, cabarets, parcs et jardins. Lieux d’écriture medium_Numeriser0017.2.jpget cogitatum visé par l’intentionnalité de la conscience. Jean-Luc Moreau a su rendre l’écho des pas et des pensées du couple nécessaire. Cette géobiographie menée par le théoricien de la Nouvelle Fiction est une réussite. Son auteur ne se contente pas de retracer les (fameux) chemins (de la liberté), il compose un récit qui donne toute consistance a la déclaration de Sartre : « Tout est dehors ». Et c’est le charme de cet édifice que l’on relit aussitôt après l’avoir lu. Guy Darol

    Le Paris de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir

    Jean-Luc Moreau

    Éditions du Chêne

    www.editionsduchene.fr