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henri calet

  • JOSEPH BIALOT

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    Les rues de Paris (je devrais dire, comme Jacques Réda, les ruines de Paris) ont leurs observateurs plus ou moins touchants. Il y en a d’éminents, à commencer par Léon-Paul Fargue qui met de la poésie sur tout ce qu’il touche. D’autres, et en quelque sorte à la suite, ont fait parler le trottoir avec la voix de l’enfance. Ceux-là me sont très chers (Henri Calet, André Hardellet, Yves Martin…) et je cherche dans la littérature d’aujourd’hui, si difficile à débusquer, le murmure obstiné contre l’impérialisme de la maturité.

    On sait qu’il n’y a pas d’âge pour donner la parole au petit primitif. Je constate cependant que c’est bien souvent sur le tard, à la lisière du crépuscule, que l’enfant s’exprime le mieux. Comme s’il fallait passer par le labyrinthe du temps, le déroulement des décennies, pour atteindre le but qui est de retrouver les impressions premières, cette vertigineuse sensation de la vie sans fin.

    La littérature que l’on vend (promotion en batterie fanfare du toujours même chapelet de noms) met l’accent, faussement tonique, sur la jeunesse à belle gueule latex taillée dans la glace des magazines. Il faut être beau et jeune (le mythe du Rimbaud warrior) pour mériter publication. Comme tout le reste, la littérature a vu s’imposer les mains du marketing, la règle du consommé-jetable. Elle est devenue un secteur où la concurrence joue (si l’on peut dire) à plein régime. Je l’ai connue au temps de la zone et de ses malandrins.

    medium_Numeriser0013.3.jpgJoseph Bialot (comme Maurice Fourré, vous connaissez ?) a débuté en littérature après cinquante ans. Dès lors, il avait tout à dire et je crois qu’il a eu raison de se retenir pendant plus d’un demi siècle. Sa bibliographie compte une vingtaine de livres. À vrai dire, je ne l’aurais sans doute jamais lu sans le conseil mirobolifique de Christophe Daniel, mon libraire. Il vit et travaille à Morlaix (Finistère) et nous avons beaucoup à échanger sur Paris, vingtième arrondissement. Comme moi, il y a ses racines.

    Je ne l’aurais jamais lu Joseph Bialot parce qu’il évolue dans une zone où je ne traîne jamais, celle du roman noir, du thriller, de la littérature dite policière. Ces estampilles ne m’ont jamais intéressé et c’est à tort, probablement. Je devine qu’il se trouve dans ces tiroirs étiquetés de très grands écrivains. Et je pense, en particulier, à Marc Villard que je lis avec intensité, surtout depuis qu’il s’est dépris d’un genre, dont il est, paraît-il, le plus beau porte-plume.

    medium_Numeriser0014.3.jpgLe livre s’intitule Belleville Blues et ceux qui suivent ici mes dérives parisiennes ont compris que ce titre va à mes préférences. Joseph Bialot se souvient de son arrivée, presque triomphale, boulevard de Belleville, après un voyage de deux nuits et un jour dans l’express Varsovie-Paris. Voici donc un récit d’immigré. Qui évoque un quartier disparu, des falaises d’immeubles aujourd’hui effondrées. Nous sommes en 1930. Il rappelle, par exemple, qu’au sommet de la rue Oberkampf, là où s’arrête le 96, il attendait le bus au front duquel paradait la lettre Q. Joseph Bialot se remémore la plaisanterie qui courait alors. Le jeu « consistait à demander à un passant choisi au hasard : « Pardon, m’sieur, savez-vous où se trouve l’arrêt du « Q » ? » C’est ainsi que l’on riait au temps que la musique retentissait au Boléro, à la Java, et que sortir au cinéma (le Templia, le Cocorico, le Floréal, le Phénix, l’Impérator) durait toute une après-midi.

    Joseph Bialot ressuscite La Vielleuse, la maison des Saints-Simoniens, la Halle aux Chapeaux, bois et charbons, bistros innombrables (La Chope, La Lumière de Belleville, Le Métro), rues envolées : l’allée des Faucheurs (au nom prédestiné), la rue Vincent, le passage Kuzner. Et c’est une ville qui se réveille, le peuple et le cœur d’une ville. Milliers de visages effacés que la littérature (tel est son art) anime, sans concurrence possible. Seuls les mots, quand ils sont magiquement mariés, peuvent tromper la mort. Qu’il vive longtemps Joseph Bialot !

    >Belleville Blues, Joseph Bialot. Autrement, 2005. 99 pages, 10 €.

    >www.autrement.com

    >BIBLIOGRAPHIE AUX ÉDITIONS GALLIMARD

    BABEL-VILLE [1979] , 192 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Série Noire (No 1745), Gallimard -rom. ISBN 2070487458.
    Le même ouvrage , 224 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Folio policier (No 270) (2002), Gallimard -rom. ISBN 2070425282.

    LES BAGAGES D'ICARE [1991] , 224 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Série Noire (No 2259), Gallimard -rom. ISBN 2070492591.

    LE MANTEAU DE SAINT MARTIN [1985] , 192 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Série Noire (No 1994), Gallimard -rom. ISBN 2070489949.


    LA NUIT DU SOUVENIR [1990] , 224 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Série Noire (No 2215), Gallimard -rom. ISBN 207049215X.


    ROUTE STORY [1998] , 256 pages, 117 x 180 mm. Collection Série Noire (No 2503), Gallimard -rom. ISBN 2070496996.

    LE ROYAL-BOUGNAT [1990] , 192 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Série Noire (No 2239), Gallimard -rom. ISBN 2070492397.

    RUE DU CHAT CREVÉ [1983] , 192 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Série Noire (No 1903), Gallimard -rom. ISBN 2070489035.


    LE SALON DU PRÊT-À-SAIGNER [1978] , 256 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Super Noire (No 110), Gallimard -rom. ISBN 2070461106.
    Le même ouvrage , 256 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Carré Noir (No 548) (1985), Gallimard -rom. ISBN 2070435482.
    Le même ouvrage , 224 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Folio (No 2204) (1990), Gallimard -rom. ISBN 207038294X.
    Le même ouvrage , 224 pages, 117 x 180 mm. Collection Série Noire (No 1749) (1996), Gallimard -rom. ISBN 2070496139.
    Le même ouvrage , 224 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Folio policier (No 114) (2000), Gallimard -rom. ISBN 2070410307.

    UN VIOLON POUR MOZART [1989] , 192 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Série Noire (No 2184), Gallimard -rom. ISBN 2070491846.

    VOUS PRENDREZ BIEN UNE BIÈRE ? [1997] , 224 pages, 117 x 180 mm. Collection Série Noire (No 2443), Gallimard -rom. ISBN 2070496600.

  • HENRI RACZYMOW

    « Parce que chez eux, rue Bisson, faut dire, c’était pas brillant. C’était même franchement moche. Elle existe plus, aujourd’hui, la rue Bisson de ce temps-là, non plus que la rue Vilin ni la rue Dénoyez, à peine la rue Ramponeau, la rue Lesage, la rue Julien-Lacroix ni de Tourtille ni de Pali Kao ni du Sénégal. Vachement exotique par là, tu voyageais les doigts dans le nez et pour pas un rond. Ou même si elles existent encore ces saletés de rues, c’est plus les mêmes, plus du tout les mêmes.» Henri Raczymow

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    En traçant les contours de ma géographie sentimentale, je m’étais arrêté sur la rue du Pressoir, espérant compléter le puzzle avec les pièces que me tendraient mes visiteurs. Tout mon savoir sur cette rue (dont le nom subsiste, onomastique fantôme désignant un fragment de Paris converti en ghetto après le passage des bulldozers) reposant entièrement sur mes souvenirs, ceux de ma mère, j’en appelai (Robinson du temps enfui) aux témoins des années 1950-1960. Je citai, dans ce billet à la ressemblance d’un avion de papier, quelques écrivains ayant vécu dans ces parages (Georges Perec, Clément Lepidis, Louis Chevalier) et vous me fîtes cadeau de Raymond Queneau, de Jacques Réda, de Jacques Yonnet. Ceux-là témoignaient du changement voire de la destruction sans pour autant évoquer ma rue du Pressoir. Je continue à chercher sans désespérer de trouver d’autres voix, d’autres signes. J’ai relu Joseph Bialot (Belleville Blues, Autrement, 2005) puis Henri Raczymow.

    S’ils ont marché, c’est évident, sur mon trottoir, ils ne disent rien du café André, de l’épicerie de Madame Gilles. Leurs livres prononcent  le nom de la rue des Couronnes mais ne s’arrêtent pas sur le Café Tabac, avec belle terrasse, qu’il suffisait de tourner pour pénétrer mon domaine. medium_Numeriser0010.2.jpgHenri Raczymow est né en 1948. Ses parents habitaient au « 71, rue de la Mare deuxième étage au fond du couloir à droite ». Ce tendre évocateur de Belleville (Avant le déluge, Phileas Fogg, 2005), il me plaît de songer qu’il a enjambé mes exploits, lorsque sur le boulingrin de bitume, je poussais les billes d’argile, seul, toujours seul. Et à croupetons. Il avait douze ans Henri Raczymow. Je le vois bien exactement, ses culottes courtes à revers, le cheveu bref et calamistré. Je le vois bien exactement tenant son frère Alain, d’une main d’aîné. Je suis accroupi à l’endroit où le macadam est beaucoup fissuré. Mes billes ne risquent pas de se perdre dans le caniveau où coule une eau rapide. Ses souvenirs me ressemblent avec de grandes secousses en plus, horreurs d’exil et de déportation. Mais le quartier qu’il décrit (Belleville années 1950 est donné en sous-titre) me conforte en chaleur. Chaleur génésique du pêle-mêle. La vie pluriethnique et le babel des langues. Ce livre imagé où l’on peut se glisser rue Vilin, rue Bisson, rue Fessart, dans une cour de la rue Julien-Lacroix, a la puissance du grand œuvre. Henri Raczymow est en quelque sorte le Calet du vingtième arrondissement de Paris. Mais il possède un pneuma qui ne ressemble à rien. Sauf, à certains endroits, au souffle d’un promeneur à reculons. Je pense souvent à André Hardellet en le lisant. Celui de La Promenade imaginaire et de Donnez-moi le temps. Ceci, dans Reliques (Gallimard, 2005) : « Alors, elle est où, la vie, en vérité ? Vous l’avez vue, vous ? Vous l’avez vue passer par ici et repasser par là ? De quel manteau était-elle vêtue ? Ah bon, elle était toute nue ? Et alors, elle est dans le temps ou pas dans le temps ? »

    Et tout le reste qu’il faudrait mettre en exergue, et pas seulement à propos de Belleville, mais aussi de ce combat permanent que l’on mène, bien obligé, contre les bulldozers (toutes formes) qui écrabouillent le souvenir, puis le cœur et finalement nos pauvres petits squelettes. Guy Darol

  • HENRI CALET


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    Henri Calet (1904 – 1956) pratiquait l’évocation à contresens. Son œuvre regarde la vie qui s’enfuit. « La vie, un petit mot d’une syllabe, presque un soupir », note-t-il dans Le Tout sur le tout, le livre par lequel je l’ai découvert. C’était à Montpellier, l’été 1980. Une commotion. Dès lors, je devais tout lire. Sans doute est-il avec André Hardellet, Joseph Delteil, Luc Dietrich et François Augiéras, l’auteur que j’ai le plus relu. Selon les circonstances de mon existence brinquebalée (souvent bancale), j’ai soigné mes déceptions et mes tristesses au contact de ses mots lucides. Par exemple, Monsieur Paul me fut bien utile, lorsque ma fille âgée d’un an me fut soustraite. Sa mère s’en étant allée avec jouets et bagages, je fus seul,  longtemps, attaché à mes livres comme le naufragé à sa planche. Le récit de rupture que raconte Calet m’aida à supporter l’arrachement. Monsieur Paul cautérisa et m’encouragea à lutter. Je ne voulais pas connaître le sort de ce père que l’époque (très probablement) oblige à baisser les bras. C’est bien paradoxal mais la déréliction de Calet agit sur moi comme un tube de vitamines. Elle me fortifie. Sans quoi, ses expéditions à rebours, voyages presque toujours mélancoliques, laissent peu d’espoir au lecteur qui viendrait y chercher le frais. Et puis, il y a Paris dont il est l’un des porte-voix. Un étendard presque aussi vaste que Léon-Paul Fargue. La plupart de ses récits sont des hymnes à Pantruche. « Je connais cette ville à fond ; je pourrais la démonter pierre à pierre et la rebâtir ailleurs. C’est ce que j’ai fait lorsque j’ai dû m’éloigner d’elle. » Je peux dire que j’applique cette méthode à la lettre. Depuis que j’ai quitté Paris, en 1999, pour mes chemins creux de Bretagne, je m’y promène chaque jour, explorant ce fond de poche que mon père m’a cousu lorsque j’étais enfant. Avec lui, j’ai visité toutes ses rues et embrassé toutes ses façades.

    « Par précaution, j’emportais toujours avec moi Paris dans une bouteille, pour ma soif. » Henri Calet devait souvent ouvrir ce flacon lorsqu’il s’embarqua vers la rive Amérique. Il y eut dans sa vie, une mystérieuse béance, un drôle d’écart qui le conduisit à Montevideo et dans cette petite bourgade-frontière du Brésil et de l’Uruguay, à Jaguaraõ. Il évoque ce déplacement, loin de Paris, dans Un grand voyage. L’homme de la rue (grand admirateur du Lion de Belfort) devenant uruguayen et entrepreneur, cela ressemble à une double vie ou une suspecte éclipse.

    medium_Numeriser0006.2.jpgDans Montevideo, Henri Calet et moi, Christophe Fourvel se penche sur ce passé pour le moins mystérieux. Mieux, il arpente des rues, côtoie des personnages. Bref, il enquête dans l’hémisphère sud. Son livre, imagé par des photographies couleur de Lin Delpierre, ne compose pas vraiment un récit d’investigation. C’est tout d’abord un beau texte, finement écrit, dépourvu de toute espèce d’effets ou de grandiloquence. Sec un peu mais humain, à la manière de l’observé. Ce qu’il nous dit est intéressant. Il dévoile une amitié effusive, singulière, durable. Et l’on découvre à la fin de ce grand ouvrage (bien que mince, sans couenne excessive) les lettres adressées de Paris et de Vence à Luis Eduardo Pombo, frère (ou autre chose) d’Amérique. On lit la dernière lettre rédigée à celui qu’il embrasse, les derniers mots affranchis par la Poste, ultime bouteille à la mer lancée deux jours avant le voyage sans billet de retour. « La vie, en définitive, c’est vite fait et c’est bientôt dit ». Guy Darol

     

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    Montevideo, Henri Calet et moi

    Christophe Fourvel

    La Dragonne, 75 pages, 15 €

    3, rue Chanzy

    54 000 Nancy

    Diffusion Les Belles Lettres

    www.bldd.fr

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    Bibliographie

    La Belle Lurette, Gallimard, 1935 ; collection L’Imaginaire, 1979.
    Le Mérinos, Gallimard, 1937 ; Le Dilettante, 1996.
    Fièvre des Polders, Gallimard, 1939 ; Le Passeur, 1997.
    Les murs de Fresnes, éditions des Quatre Vents, 1945 ; Viviane Hamy, 1993.
    Le Bouquet, Gallimard, 1945 ; collection Folio, 1983 ; Collection L’Imaginaire, 2001.
    America, éditions de Minuit, 1947.
    Trente à quarante, éditions de Minuit, 1947 ; Mercure de France, 1964 et 1991.
    Rêver à la Suisse, éditions de Flore, 1948 ; Pierre Horay, 1984.
    Le Tout sur le tout, Gallimard, 1948 ; collection L’Imaginaire, 1980.
    Monsieur Paul, Gallimard, 1950 ; collection L’Imaginaire, 1996.
    L’Italie à la paresseuse, Gallimard, 1950 ; Le Dilettante, 1990 (épuisé).
    Les grandes largeurs, Gallimard, 1951 ; collection L’Imaginaire, 1984.
    Un grand voyage, Gallimard, 1952 ; Le Dilettante, 1994.
    Les Deux bouts, collection L’Air du Temps, Gallimard, 1954.
    Le Croquant indiscret, Grasset, 1956 ; collection Les Cahiers Rouges, 1992.
    Contre l’oubli, Grasset, 1956 ; collection Les Cahiers Rouges, 1992.
    Peau d’ours, Gallimard, 1958 ; collection L’Imaginaire, 1985.
    Acteur et témoin, Mercure de France, 1959.
    Lettres, 1935-1956, correspondance avec Georges Henein, Grandes Largeurs, n° 2-3, 1981.
    Cinq sorties de Paris, Le Tout sur le Tout, 1989.
    Une stèle pour la céramique, Les Autodidactes, 1996.
    De ma lucarne, collection Les inédits de Doucet, Gallimard, 2000.

    Jeunesses, Le Dilettante, 2003.

    Correspondance Henri Calet – Raymond Guérin, Le Dilettante, 2005

    Sur Henri Calet

    Revue Europe (n°883-884, novembre-décembre 2002).

    Le Matricule des Anges (n°65, juillet-août 2005).

    On lira avec profit

    31, allées Damour, Raymond Guérin 1905-1955, Jean-Paul Kauffmann. Berg International/La Table Ronde, 2004.

  • ANDRE BLANCHARD ❘ LES ACOUPHENES

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    cochlée saine

    Dans l’un de ses livres, Henri Calet évoque les bourdonnements dans les oreilles qui surviennent après quarante ans. À la page 82 d’Entre chien et loup (Carnets, avril-septembre 1987), André Blanchard écrit ceci :

    « Cela fait six ans maintenant que j’ai des sifflements aigus et tonitruants dans les oreilles, ininterrompus du lever au coucher. J’en parle de moins en moins, comme s’ils pouvaient de cette discrétion prendre de la graine et ressembler à ces phénomènes qui, privés de publicité, se dégonflent d’eux-mêmes ! À ce jour, c’est encore la seule méthode pour parer ce coup du sort. »

    Selon Ronan Botrel, mon mélomane ORL lui-même acouphénique, attentif depuis zinzinulante lurette à mes tintements, mes bourdonnements, Van Gogh se tira une balle dans l’oreille pour mettre à mort un sifflement.

    Il est heureux que je ne possède pas d’arme à feu.

    Car les acouphènes mis à distance (et la méthode d’André Blanchard est excellente) parviennent à certains moments de notre confuse existence à user de ruses subtiles pour s’imposer plus bruyamment qu’ils ne nous avaient agressé.

    Et l’on se demande si l’on va tenir le coup.

    Sans envisager néanmoins de se tirer dessus.

    Vous, acouphéniques obsédés par ce bruit dont on sait aujourd’hui qu’il est le signal inextinguible du neurome mort équivalent à la douleur du membre fantôme, qu’avez-vous trouvé comme ruse pour atténuer le « coup du sort » ?

    André Blanchard

    Entre chien et loup

    Le Dilettante, janvier 2007

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    cochlée abîmée