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LITTERATURE TUMULTUAIRE - Page 3

  • HENRY D. THOREAU ❘ L'ESPRIT COMMERCIAL DES TEMPS MODERNES

     

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    Voici publié le texte inaugural de Henry David Thoreau, sans doute l'un des noms les plus repris aujourd'hui par nos médiatiques. Alors qu'il termine ses études à Harvard, Thoreau rédige une conférence sur le thème :"The commercial spirit of modern times, considered in its influence on the Political, Moral, and Literary character of a Nation." Pour l'occasion, l'auteur de Walden ou la vie dans les bois (1854), inverse l'ordre de l'état-civil. David Henry devient Henry David. Le 30 août 1837, à l'âge de vingt ans, il jette les bases de sa pensée rebelle à l'esprit de commerce qui menace "d'épuiser les entrailles de la terre".

    Philippique contre les agents de destruction de la beauté, cette conférence résume la quintessence d'une réflexion parfaitement assimilée par Kenneth White et magnifiquement vécue par Joseph Delteil dans son geste d'éloignement.

    "Ce curieux monde que nous habitons est plus merveilleux qu'il n'est à notre disposition, plus magnifique qu'il n'est utile, - il doit être admiré et adulé plutôt qu'instrumentalisé."

    En ces temps de saccages au service des puissances d'argent, en ces temps où l'oisiveté et la contemplation sont renvoyés au subhumain, cet écrit nous rappelle à l'évidence. La vision de Henry David Thoreau décrivant un monde pris d'assaut par la transaction monétaire est aujourd'hui réalité. Il disait le risque. Le péril est actuel.

    Henry D. Thoreau

    L'esprit commercial des temps modernes et son influence sur le caractère politique, moral et littéraire d'une nation

    Avant-propos de Didier Bazy

    Postface de Michel Granger

    Edition bilingue

    47 pages, 6,80 euros

    Le Grand Souffle

    24, rue Truffaut 75017 Paris

    www.legrandsouffle.com

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    JOURNAL (1837-1861)
    HENRY D. THOREAU
    Editions Terrail
    25, rue Ginoux 75015 Paris
    Diffusion Vilo

    Il convient désormais de lire Walden dans la nouvelle traduction de Brice Matthieussent, magnifiquement préfacée par Jim Harrison, avec notes et postface de Michel Granger. Publiée aux éditions Le Mot et le Reste, le volume est en librairie depuis septembre 2010.

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    WALDEN

    HENRY D. THOREAU

    Editions Le Mot et le Reste

    368 pages, 23 €


     

  • LOYS MASSON

     

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    Poète, romancier, nouvelliste, essayiste, dramaturge, le Mauricien Loys Masson (1915-1968) combina plusieurs pratiques jusqu'à l'usure. Car il fut également résistant de la première minute, secrétaire de rédaction de la revue seghersienne Poésie 41, rédacteur en chef des Lettres Françaises, militant communiste et à ce titre membre du Conseil national des Ecrivains. C'est d'élans, d'efforts et de fatigues mal rétribuées que ce prolifique écrivain de haut style s'éteint peu après avoir achevé Des bouteilles dans les yeux (Robert Laffont, 1970).

    Dans une passionnante conversation avec Alain Paucard, Hervé Masson, son frère plus jeune de quatre ans, notera l'attente d'une reconnaissance qui ne vient pas puis l'exténuation. Et cependant Loys Masson est l'auteur d'au moins deux romans remarquables, à l'écriture adamantine, Les Tortues (Robert Laffont, 1956) et La Douve (Robert Laffont, 1957).

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    Sous l'impulsion d'Eric Dussert et dans le cadre de L'Alambic, la collection qu'il anime aux éditions de l'Arbre vengeur, Loys Masson est rappelé au souvenir de ceux qui savent son immensité. Quant à ceux qui le découvrent, ils évalueront vite ce que cette écriture du vertige et des anamorphoses, de la magie et des rêves plus fort que la réalité a pu apporter à la littérature, sans que les relais de sa pérennité (autrement dit Gallimard et Robert Laffont) en ait souciance.

    Deux nouvelles, Saint Alias et La Chose, issues du recueil Des bouteilles dans les yeux, donnent bien le ton et la couleur. En ce petit volume préfacé et documenté par Eric Dussert, revit Loys Masson, écrivain du verbe hypnotique et psychedelia, homme de mille sensations et d'infinie spiritualité. Souhaitons que l'initiative se poursuive et que sa bibliographie versicolore et foisonnante s'étale bientôt aux vitrines des libraires indépendants et héroïques. Rêvons toujours.

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    Saint Alias par Loys Masson

    Editions de l'Arbre vengeur, collection L'Alambic

    134 pages, 11 euros

    CONSULTER LES EDITIONS DE L'ARBRE VENGEUR


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    Revue Roman, numéro 21, décembre 1987

    Dossier Jorge Luis Borges/Loys Masson

    Presses de la Renaissance

  • GEORGES DE LA FOUCHARDIERE

     

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    Georges de La Fouchardière (1876-1946) fut journaliste au Canard Enchaîné à partir de 1916. En inventant "Le Bouif", il montrait des dispositions pour l'estocade maroufle.

    Mais c'est le romancier dont il faut se souvenir car c'est là que règne l'amnesia vivace (Frank Zappa) :

    * L'Affaire Peau-de-Balle, 1919

    * Tifs d'Etoupe et Nib de Tifs, 1924

    * Le Bistro de la Chambre, 1925

    * Joseph Pantois, fils de gendarme, 1933

    * Mouise à tous les étages, 1935

    * Foutez-nous la paix !, 1937

    Antinomiste absolu, cet écrivain libertaire maniant l'anticléricalisme et l'humour séditieux serait à redécouvrir (tâche amusante !) en ces temps où le travail redevient une valeur hargneuse.

    Georges de La Fouchardière formulait ceci :

    "Les bêtes joyeuses ne travaillent pas".

    Ce qui me fait aussitôt songer à un autre Georges:

    "Travailler ! Travailler ! Comme si j'avais le temps", Georges Perros, Papiers collés 2.

  • JEAN-LUC MOREAU ❘ JEAN-PAUL SARTRE/SIMONE DE BEAUVOIR

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    Simone de Beauvoir/Jean-Paul Sartre

    L’un des meilleurs aspects du film de Claude Goretta, Sartre : L’âge des passions (diffusé sur France 2 en décembre 2006, désormais disponible en DVD), c’est l'éclairage sur  les difficultés du couple Sartre/Beauvoir, c’est la pointe du canif dans le mythe de l’amour libre. Mythe et paradigme dès la fin des années 1960. Car pour ceux qui se nourrissaient aux œuvres de ces illustres, pour tous ceux qui croyaient pouvoir vivre en singeant leur éthique, il y eut quelques déceptions. Du tracas, du fracas.

    Il existe désormais toute une littérature qui prétend saisir sur le vif les heurs et malheurs du couple notoire. En particulier, l’étude de l’universitaire anglo-saxonne Hazel Rowley. Dans Tête-à-tête, Beauvoir et Sartre, une singulière histoire d’amour, l’essayiste regarde aux agendas, prend le pouls des amours contingentes. Et le film de Goretta n’est-il pas touchant lorsqu’il nous montre la solitude de Simone de Beauvoir, également ce désir d’étreinte que Jean-Paul Sartre ne peut assouvir. Qu’est-ce que cet amour ? Qu’est-ce que ces solitudes ? A cela, les ouvrages de Jean-Luc Moreau livrent leurs réponses mais à travers des prismes, des lignes obliques. Il ne thésaurise pas l’anecdote, il ne collige pas la rumeur.

    Jean-Luc Moreau est un fin lecteur. Il en a fait la démonstration plusieurs fois : avec Frédérick Tristan, dans l’aventure de La Nouvelle Fiction dont il est le théoricien. Il est toujours utile de suivre ses chroniques sur Radio Libertaire (émission Bibliomanie). C’est un lecteur en liberté, c’est-à-dire qu’il ne craint pas la vérité, toute. Ses enthousiasmes ne sont pas truqués.

    Ainsi des deux livres qu’il a consacré à Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Le premier (Le Paris de Sartre et Beauvoir), nous en avons dit tout le bien que nous en pensons. C’est un magnifique album publié  aux éditions du Chêne et qui dresse plus qu’une carte du tendre mais un destin géographique. Le deuxième (car un troisième volume est en préparation) sort de Paris, « centre de la terre ». Dans Sartre, voyageur sans billet, il est question d’expéditions initiées par Paul Nizan ou par ces Professeurs Voyage que sont Valery Larbaud, Gide, Morand, Drieu La Rochelle, Duhamel. Jean-Luc Moreau suit avec attention les itinéraires de Roquentin, une ondulation musicale (Some Of These Days), surtout Le Cheval de Troie de Paul Nizan, un chef-d’œuvre selon l’auteur de cet essai et assurément une monture idéale pour explorer l’univers de Sartre.

    Il est important pour Jean-Luc Moreau de détailler  toutes les nuances de cette formule : « Dehors, tout est dehors ». En suivant cette flèche, nous glissons mieux dans la pensée de Sartre mais cette pensée, pour être bien claire, demande qu’on en débroussaille l'accès. Ce que fait Jean-Luc Moreau en passant devant nous, à travers les chemins qui mènent Sartre et Beauvoir (seuls ou ensemble) vers l’Espagne, l’Italie, la Grèce ou les Etats-Unis. Il faut un guide qui sache bien lire, voyageur, hardi, plurisémantique et polyglotte. Jean-Luc Moreau est le guide nécessaire.

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    Le Paris de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir

    Jean-Luc Moreau

    Éditions du Chêne, 2001

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    Sartre, voyageur sans billet

    Jean-Luc Moreau

    Fayard, 2005

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    Tête-à-tête, Beauvoir et Sartre, une singulière histoire d’amour

    Hazel Rowley

    Grasset, 2006

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    Sartre : L’âge des passions

    Un film de Claude Goretta

    Acteurs : Denis Podalydès, Anne Alvaro, Aurélien Recoing

    France Télévisions

    DVD, 2006

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    Sartre par lui-même

    Un film d’Alexandre Astruc et Michel Contat

    Éditions Montparnasse

    Coffret 2 DVD, 2007

    VOIR UN EXTRAIT DE SARTRE PAR LUI-MEME

    Bibliomanie, chaque jeudi de 15h à 16h30

    Emission de Jean-Luc Moreau

    Radio Libertaire

    Ecouter Radio Libertaire sur le Net

    VOIR UN ENTRETIEN DIFFUSE SUR RADIO CANADA




     

  • JEAN-PIERRE MARTINET

     

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    J’ai lu La Somnolence dès que possible, c’est-à-dire à parution. Le roman publié en 1975 par Jean-Jacques Pauvert était à la hauteur de mes attentes, celles que récompensent généralement les romans d’Hubert Haddad, d'Yves Elléouët ou les récits d’Yves Martin. Il y a chez Jean-Pierre Martinet (1944-1993) cette vision du dedans d’où s’extirpent des personnages à double face, sortes de fugitivus errans dont le présent est dans le songe. La mort est un sujet de prédilection chez l’auteur de Jérôme (Le Sagittaire, 1978) et le chemin pour s’y rendre se nomme éventuellement folie. Je dis folie mais peut-être vaudrait-il mieux calligraphier en tremblant chaque lettre du mot hallucination. Avec Jean-Pierre Martinet, quand l’hallucination va, tout va. Et il est peu d’écrivains depuis Gérard de Nerval ou Xavier Forneret qui possèdent à ce point le don d’évanescence, la magie qui fait se multiplier les visages, surtout quand ils sont flous.

    Adolphe Marlaud, le traversier de La grande vie, nouvelle parue en 1979 dans la revue Subjectif, est un homme dont la vie plonge sur un cimetière. Il demeure rue Froidevaux, dans un immeuble voisin du terminus « qu’aimait tant Strindberg ». Il est absorbé par une femme engloutissante, sentimentale. Elle lit Max Du Veuzit, Guy Des Cars, Gilbert Cesbron, Didier Decoin. Dans cette nouvelle où l’on flirte avec les glaires et le glas, il fait froid comme dans la vie à zéro degré. Il n’y a rien à se mettre sous la dent, rien à espérer qui soit mieux que la vie. Pas un gramme de sucre à lécher. Des cendres et le granit des tombes. Bien sûr il est question d’Henri Calet comme dans Nuits bleues, calmes bières, une brève histoire d’ivresse préférable à la stabilité de la marche. Ici, le narrateur n’a qu’un seul pays et c’est le zinc, sa « carte du tendre ». Il est seul et mutique et lit d’un trait Emmanuel Bove en buvant vite, en buvant beaucoup.

    Il est question d’Yves Martin qui fut un compagnon de virées plus ou moins nyctalopes mais aussi de Louise Brooks. D’ailleurs on y parle de Bartleby, d’Henry James et de Legs Diamond, chère aux mirettes de Martinet.

    « La bière l’aidait à supporter l’horreur de sa condition. Putain de mort. Aussi sale que la vie, finalement. » Dans l’un et l’autre de ces livres, Éric Dussert et Alfred Eibel nous aident à suivre le parcours. Un parcours rapide en trois romans et un essai avec ci et là quelques cailloux lâchés dans la ville, des perles devrais-je dire, rubis d’éternité plutôt car Jean-Pierre Martinet est un écrivain dont on se souviendra pourvu que l’on me croie.

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    DE JEAN-PIERRE MARTINET

    La Somnolence, Jean-Jacques Pauvert, 1975

    Un Apostolat d’A. T’Sertevens, misère de l’utopie, Alfred Eibel, 1975

    Jérôme, Le Sagitaire, 1978

    Ceux qui n’en mènent pas large, Le Dilettante, 1986

    L’Ombre des forêts, La Table Ronde, 1986

    La grande vie, L’Arbre Vengeur, 2006

    Nuits bleues, calmes bières suivi de L’orage, Finitude, 2006

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    EDITIONS FINITUDE

    EDITIONS L'ARBRE VENGEUR

    EDITIONS LE DILETTANTE

     

  • YVES MARTIN

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    Photographie Eric Dussert

    Lorsque je rencontrais Yves Martin, c’était souvent par hasard. La coïncidence opérait  généralement au sortir d’une salle de cinéma. Je me souviens d’une rencontre à la croisée d’un film que nous venions de voir, nos yeux en étaient tout encore injectés, et d’une manifestation estudiantine avec ses concetti et ses haros. Nous étions plongés dans l’hiver mais des fumées, des lueurs nous parlaient d’un 14 juillet. Une autre fois, ce fut rue Caulaincourt et nous prolongeâmes le hasard dans un estanco bien tranquille. Il était imposant Yves Martin dans sa gabardine cirrus. Ses rouflaquettes du siècle balzacien, sa voix pailletée d’ironie, sa retenue, même sous un flot de bière, me plaisaient comme un séjour en littérature. La Leffe m’aidait (elle m’aide toujours) à débloquer les empilements, à déverrouiller mes serrures. Je fis ce jour-là d’une bière deux coups. D’abord, je lui proposai de rejoindre la revue Roman – qui se souvient de la revue Roman à part peut-être François Coupry, Jean-Luc Moreau, Georges-Olivier Châteaureynaud, Chantal Chawaf ? Erik Orsenna, pas sûr, pas sûr du tout. Quant à Jean-Pierre Enard, Rafael Pividal, ils sont calenches et ma peine n’a toujours pas trouvé de remède. Oui, je proposai à Yves Martin de glisser dans le comité de rédaction comme une petite souris. Comme une petite souris, il s’insinua dans les bureaux des Presses de la Renaissance, rue du Four, Paris sixième arrondissement. Je me souviens de la table, plus ou moins ovale, garnie de cendriers. Et de la brume. Et du soleil. Une grande clarté saupoudrée envahissait la salle de nos réunions fréquentes. Yves Martin n’avait pas quitté sa gabardine cirrus. Il n’avait pas quitté son détachement d’enfant, ses habitudes de solitaire qui parle aux chats plutôt qu’aux chiens et probablement plus aux chiens qu’aux bipèdes. Il s’était tu. Il n’avait rien émis qu’une suite de sourires brefs, aimables, oniromanciens. Je dis oniromancien car on pouvait lire au-dessus de sa bonne humeur qu’il n’était pas fait pour les comités. Ou les raouts à plus de deux. Une dernière Leffe m’avait jeté dans un autre délire. Pas si délire que ça. Avec Bernard Loyal, nous préparions une série de films brefs. Portraits de poètes disant eux-mêmes leurs œuvres. Je désignais les victimes, esquissais le topo, la topographie, choisissais les pages idéales et l’affaire était mise en boîte. Il y eut Dominique Fourcade, Jean-Michel Maulpoix, Jean L’Anselme, Lorand Gaspar, Franck Venaille, Pierre Dhainaut. Tous furent filmés et Yves Martin se prêta au jeu, métro Saint-Paul. Cette série datant de 1987 et intitulée L’œil du poème est disponible à la Maison de la poésie et à Beaubourg. Il y a quand même une Leffe que je regrette de ne pas avoir bue, celle qui m’aurait permis d’interroger Yves Martin au sujet de Jean-Pierre Martinet. Vous connaissez Jean-Pierre Martinet ? Il en sera question ici, un de ces quatre prochains. Et je vous parlerai de nouveau d’Yves Martin. Mais d’ici là, s’il vous plaît, lisez ou relisez ceci :

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  • LOUIS NUCERA EST L'AMI

     

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    Louis Nucera est l’ami. Celui qui accompagne l’homme de la rue mais aussi le trimardeur des chemins d’errance. Il peut échanger,  sans changer d’apparence, avec Alphonse Boudard et avec Cioran. Il ne fait pas de distinction entre le passant ordinaire et une figure de l’espèce notoire. Il est pareil à ceux qui nient l’arrogance du grade, l’insondable néant des podiums. Louis Nucera n’est plus. Un automobiliste hâtif a pris pour cible le flâneur bicycliste. C’était le mercredi 9août 2000.

    medium_Numeriser0039.jpgJ’eus le bonheur de le rencontrer sur le sentier qui va à André Hardellet. Son témoignage m’était précieux. Il avait connu l’auteur de Lady Long Solo et je préparais, pour la revue Jungle, un numéro d’hommage. J’étais ému de converser avec l’éditeur de Julien Blanc et d’Albert Paraz, le journaliste qui signait des articles effusifs dans le Magazine Littéraire et Le Monde. Je n’avais pas lu le romancier, une négligence réparée depuis notre première rencontre datant de 1986. Je possède désormais l’œuvre complète d’un écrivain qui occupe dans mon cœur la place où se côtoient Henri Calet, Antoine Blondin, Jean-Pierre Énard, Clément Lépidis, fragiles et fraternels.

    Si j’évoque aujourd’hui Louis Nucera, c’est qu’une histoire d’amitié m’en donne l’occasion. Lorsqu’il me reçut rue Caulaincourt, dans son belvédère qui contemple Paris, l’auteur de Mes ports d’attache énuméra les noms qui comptaient pour lui. Il citait Jef (Joseph Kessel), Henry Miller, Jean Cocteau, Michel Ohl mais ses yeux s’éclairaient différemment quand il prononçait celui d’André Asséo.

    André Asséo fut le producteur de l’émission Cinéfilms diffusée sur France Inter. Il créa le festival du cinéma italien à Nice et publia des ouvrages sur Jean-Louis Trintignant, Claude Chabrol et Joseph Kessel. Avec Louis Nucera, il écrivit la matière du film Jeanne, Marie et les autres. Tous deux se fréquentaient depuis que l’auteur de Chemin de la Lanterne (prix Interallié, 1981) pigeait bénévolement au Patriote, le quotidien communiste de Nice. C’était en 1956.

    Avec Louis Nucera, l’homme-passion, André Asséo compose un hymne à l’amitié. La couverture indique le mot biographie. Mais il s’agit plutôt d’une évocation sentimentale. L’approche ne rassemble pas tous les détails d’une vie qu’un volume de 167 pages ne saurait réunir. Tout Nucera s’y trouve mais assemblé comme les éclats d’un prisme cordial, quintessencié en quelque sorte et finalement illuminé par les lueurs de l’empathie. Le parcours est retracé avec les balises au bord de la route : Joseph Kessel, Raymond Moretti, Arthur Koestler, Vladimir Nabokov , Alphonse Boudard et Suzanne, la femme-fée. La passion du vélo (René Vietto, Fausto Coppi) est généreusement abordée. André Asséo montre surtout les constantes interactions entre la vie et l’œuvre.

    En 2001 paraissait aux éditions Le Castor Astral, Louis Nucera, achevé d’imprimer, un ouvrage mêmement enthousiaste. Bernard Morlino, biographe d’Emmanuel Berl et de Philippe Soupault, célébrait le « pessimiste hilare ». Le livre venait après le brusque choc et il en résultait un ton de fièvre (colère et amour mêlés). Ce sont deux volumes à découvrir car ils nous renseignent sur la principale vocation de Louis Nucera. Celle de l’attachement.

    Je suis heureux que ces livres existent perpétuant à leurs manières la vie d’un écrivain bien rare. Il était accessible. Il répondait présent. Guy Darol

    Ø LOUIS NUCERA, L’HOMME-PASSION

    Ø André Asséo

    Ø Éditions du Rocher, septembre 2006

    Ø 167 pages, 18 €

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    > LOUIS NUCERA, ACHEVÉ D’IMPRIMER

    > Bernard Morlino

    > Le Castor Astral éditeur, mars 2001

    > 247 pages, 14, 48 €

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  • GERARD OBERLE

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    Il ne suffit pas d'être hydrophobe et capricieusement bachique pour tirer le meilleur de cette ribouldingue soulographe. Gérard Oberlé n'est pas qu'un pointu amateur d'alcools, il est simultanément grand vivant, bibliomane averti et il a le sens des amitiés qui indiquent les chemins de la fête.

    medium_06.jpgLatiniste jusqu'au bout des ongles, Oberlé pousse à l'eudémonisme par les mots. Sans doute est-il préférable de fréquenter Ovide et Remy de Gourmont (particulièrement son Latin mystique) pour le suivre sans trop tanguer mais c'est là ce qui vaut le détour. L'auteur du Retour à Zornhof (Grasset, 2001) cite, comme on fait sauter les bouchons, Alfred Jarry, Petrus Borel, Marcel Thiry, Hervey de Saint-Denys, Alphonse Rabbe, Norge, Richard Brautigan. Surtout, il a des amitiés étourdissantesqu'il fait partager dans le contexte : Jim Harrison, James Crumley, Jean-Claude Pirotte, Sylvain Goudemare, Daniel Sickles.

    Cet écrivain bien gouleyant (les lecteurs de Joseph Delteil me comprendront) tourne résolument le dos aux scribes en vêture de deuil. Toute cette littérature éreintante nombreuse, tristement cuisinée qui ne connaît que les délices des vies sans joies. Gérard Oberlé distille son parcours avec ébriété et, par surcroît, il nous instruit. Il nous dit qu'il est bon de goûter aux vins sveltes, aux rhums roboratifs et aux livres qui font danser. Bref, voici un écrivain utile, précieux en ces temps où l'illusion a pris le relais du vrai.

    Trempez-vous dedans fissa, vous en ressortirez tout chaud.

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    Itinéraire spiritueux par Gérard Oberlé
    Editions Grasset, 2006
    272 pages, 17 euros
  • MAURICE BLANCHARD

     

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    À propos de Maurice Blanchard (1890-1960), il est convenu de dire que le poète des Barricades mystérieuses fut lu de son vivant par moins de cent lecteurs. Lesquels, tout de même, se nommaient Paul Eluard, André Breton, Benjamin Péret, René Char, Joë Bousquet, Julien Gracq, Gaston Bachelard, Edmond Jabès, André Pieyre de Mandiargues, Hubert Juin, Henri Parisot, Marcel Béalu… Mais combien d’écrivains pourraient se vanter d’avoir touché autant de plumes fameuses ?

    Maurice Blanchard avait été apprenti serrurier, maréchal-ferrant avant de devenir ingénieur-mécanicien spécialiste en résistance des matériaux puis de dévaler la pente d’une poésie qui brûle les doigts. Car il y eut les hydravions Blanchard comme il existe une écriture de résistance, à contresens des combats de rue, toute blottie dans le poing des mots.

    La rage est synonyme de ce nom méconnu que l’on peut ranger, sans attiger, entre Rimbaud et Lautréamont.

    « Vivre : c’est la guerre ! »

    Le ton est donné.
    Maurice Blanchard composa de 1929 à 1955 une poésie de constat amer. D’un lyrisme où souffle le sable, les ajoncs et quelques hallebardes. Avec un titre comme C’est la fête et vous n’en savez rien (GLM, 1939) on s’attend à des éclats d’ébriété, ce sont brisants qui écorchent les yeux, vagues bien effilées de mots coupants à tous les coups.

    Et quel style ! Celui du porphyre qui vibre.

    medium_Numeriser0001.6.jpgPour en toucher la pulpe, lisez Les Barricades m ystérieuses (Poésie/Gallimard, 1994) et La Hauteur des murs que les éditions Le Dilettante viennent de mettre en vente avec une excellente préface de Vincent Guillier.

    La Hauteur des murs avait paru en 1947 chez Guy Lévis Mano (GLM) et, en 1979, les éditions Plasma placèrent le recueil à la suite de C’est la fête et vous n’en savez rien.

    On peut affirmer qu’il s’agit là du meilleur de Maurice Blanchard. Textes puissamment contenus, ramassés, concis comme des traits qui vont exactement au but.

    En fin de volume, Vincent Guillier propose deux inédits.

    MAURICE BLANCHARD

    LA HAUTEUR DES MURS

    LE DILETTANTE

    123 pages, 15 €

    Visiter

    LE DILETTANTE

    BIO-BIBLIO DE MAURICE BLANCHARD

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    RECHERCHER

    Hommage à Maurice Blanchard

    Revue Le Grand Hors-Jeu, mai 1992

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    Maurice Blanchard par Pierre Peuchmaurd

    Seghers, Collection Poètes d’aujourd’hui, mai 1988

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  • GASTON CRIEL

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    En lisant l’excellente biographie de Serge Sanchez sur François Augiéras (François Augiéras, Le dernier primitif, Éditions Grasset, 2006), j’ai de nouveau rencontré le nom de Gaston Criel. Et cela a soufflé sur moi, comme ce vent d’enfance parfumé de goémon alors que la mer se déroule au-delà des sens.

    Gaston Criel, secrétaire d’André Gide et locataire de Jean-Paul Sartre (moyennant un paquet de Gauloises), assistant de Jean Cocteau sur le tournage de la Belle et la Bête, fut celui qui négocia auprès de Jérôme Lindon la publication du Vieillard et l’Enfant aux Éditions de Minuit.

    Ce poète et romancier du Paris rebelle et artiste (tautologie, n’est-ce pas ?)  connaissait le meilleur des mondes, celui qui s’insurge en fête sans jamais se lasser de remettre l’utopie sur le tapis. Autre temps, dirait-on.

    Il faillit obtenir le Prix Goncourt pour La Grande Foutaise (un titre qui en dit long sur la cosmogonie de Gaston)  et reçut, ce qui est beaucoup mieux, les louanges bien sincères d’Henry Miller, spécialiste en littérature égale de la vie.

    Gaston Criel est l’auteur d’une œuvre importante (qu’il conviendra un jour de rendre à son public) et d’un livre époustouflant : Swing. Samuel Tastet qui fut son ami s’est toujours démené pour faire tinter le nom de Criel (cri et ciel) aux oreilles de ceux qui aiment vraiment la littérature. Pour la troisième fois, il publie Swing (avec préface de Jean Cocteau et témoignage de Charles Delaunay) par amitié et conviction.

    Ce livre est en effet une quintessence de haute écriture et, son nom l’indique, l’une des meilleures introductions au jazz.

    J’eus le bonheur de connaître et de fréquenter Gaston Criel qui partageait des plages d’oisiveté avec Duke Ellington, Charlie Parker, Earl Hines et Mezz Mezzrow sans que l’auteur de Sexaga et de L’Os quotidien ne me fasse sentir comme un décalage d’envergure. Il était demeuré un enfant sans ego, puissamment vivant, joyeusement négligent devant la question du succès qui vient, ne vient pas, tant mieux, tant pis. Admirable Gaston. Celui qui avait été, je l’ai dit, l’ami de Sartre et de Cocteau, me demandait mon avis sur les textes qu’il venait d’écrire. Histoire de bœufs tirés par la charrue.

    Alors que je collaborais à Libération et que Samuel Tastet faisait paraître, une première fois, son hymne au jazz salué par Francis Picabia, Boris Vian, Frank Ténot…, j’écrivis un éloge de Swing rehaussé de son portrait en aigle bienveillant. Nous étions en juin 1982 et Gaston m’invita sur une terrasse de l’Avenue Foch pour me remercier de mon travail.

    Nous bûmes et déconnâmes en évoquant Pink Floyd, Frank Zappa et les Stones dont il était un auditeur intense. Voici un événement dont je me rappelle sans une tache d’ombre.

    Car c’est ainsi que la littérature m’a toujours parlé.

    Ceux qui écrivent en excellence sont excellents.

    Autrement dit, joyeux et bons.

    Tel était Gaston.

    Tel est Swing. Livre et dancefloor tout à la fois. Guy Darol

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    EST - Samuel Tastet Editeur
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    PETITE BIBLIOGRAPHIE DE GASTON CRIEL


    Poésie

    Etincelles, Denoël
    Perspectives, Debresse
    Gris, La Hune
    Blues, La Tour de Feu
    Poèmes manifestes - Frontispice de Braque, Au Plomb qui fond
    Amours, La Hune
    K.G., Seghers
    Règlements d'infanterie, Périples
    Hygiène, La Presse à bras
    Popoème, Millas-Martin
    Le poète et ses poèmes - Frontispice d'Oscar Dominguez, Jacques Brémond
    Où va le nuage, et autres, Plis
    A tout va, Polder
    Quatre Poèmes, Dada
    La fausse quête, Jacques Brémond

    Romans
    La Grande foutaise, Fasquelle puis Plasma
    Sexaga, Plasma
    Phantasma, Plasma
    Circus, Vrac puis EST
    L'Os quotidien, EST
    Jojo Odyssée, inédit

    Essais
    Swing, préface de Jean Cocteau, Editions Universitaires de France puis Vrac, puis EST
    Lapidation de la ville, Fagne


    SUR GASTON CRIEL


    Le Grand Hors-Jeu ! n°65, septembre 1991
    DOSSIER GASTON CRIEL comprenant des témoignages de Pierre Descamps, Frédérick Tristan, Samuel Tastet, Jean Rousselot, José Millas-Martin, Bernard Abdiche et deux inédits : La mort du psychanalyste suivi de L'Age mûr.


    Nord' n°24
    DOSSIER GASTON CRIEL. Etudes réunies par Janine Hache. Contributions de Jean-Marie Sourgens, Pierre Descamps, Gérard Delomez, Guy Ferdinande, Paul Renard, Georges Dottin, Xavier Prévost, Jean-Marie Paris et un inédit : J'ai peur de l'ombre.


    Gaston Criel, du Surréalisme à l'Underground par Jean-François Roger.
    Editions L'Harmattan, 1998