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GUY DAROL [rien ne te soit inconnu] - Page 58

  • ZAPPA A LA QUINCAILLERIE

    Pour découvrir la musique de Frank Zappa, il y a plusieurs chemins. L'un deux consiste à se rendre au Zénith de Paris le 5 juin prochain pour y entendre le répertoire interprété par les fils Dweezil et Ahmet; l'autre est d'aller à La Quincaillerie afin d'assister à une soirée d'écoute.

    Je propose de retracer la trajectoire musicale de Frank Zappa en une soirée d'écoute (CD et DVD) où l'on verra le maître du cross over enjamber tous les styles (doo-wop, r'n'b, pop-rock, funk, jazz, musique savante...) comme en un rodéo où le cavalier passe d'une monture à l'autre sans jamais arrêter son choix.

    Cette soirée à audience participation pourrait se conclure en joyeuse chorale (avec volailles).

    Samedi 15 avril 2006

    20h30

    1 place Massignon

    22420 Le Vieux Marché

    tarif 3 Euros

    tél 02 96 38 93 07

    cie.papiertheatre@free.fr

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  • JULIEN LOURAU ❘ FIRE/FORGET

    JULIEN LOURAU
    FIRE
    FORGET

    LABEL BLEU/HARMONIA MUNDI

    medium_jloureau.jpgPrésent sur Express Way des Troublemakers, Julien Lourau explose avec un singulier album biface. Fire est le premier volet d’un diptyque bien intentionné. Le message n’a rien à voir avec les glapissements d’Arthur Brown. Julien Lourau a dit « Fire » pour faire écho au coup de feu sur l’Irak lancé par Bush. Et Julien Lourau ajoute « Forget » pour signifier l’oubli qui entoure les bains de sang. Ce double recueil est vraiment exceptionnel et il est facile de prévoir que  Troublemakers, Erik Truffaz et autres EST ont dû pâlir d’envie devant tant de perles. Mélodies implacables, timbres à couper le souffle, voix célestes, rythmique roulant le feu composent cette mosaïque animée par un mortel quintet. Accompagné d’Eric Löhrer (ex-compagnon de scène de Pierrejean Gaucher) aux guitares ; du très remarqué Vincent Artaud, à la doublebasse ; de Bojan Z, au Fender Rhodes ; du batteur impeccable Daniel Bruno Garcia, le saxophone ténor Julien Lourau donne la preuve qu’il n’est pas au bout de son rouleau. Il se montre par ailleurs très capable de mettre son lyrisme au service de l’image. Forget, c’est aussi un film du réalisateur haïtien Michelange Quay accroché par des thèmes allègres.  Après les chapitres du Groove Band et de The Rise, le souffleur courtisé par Abbey Lincoln et Marc Ducret combine une succession de magnifiques plages qui devrait convaincre les électrosceptiques. Guy Darol

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  • DIGITAL AUDIO TEPR

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    Si le rap est un pandemonium, Tanguy Destable alias Tepr figure parmi les dieux de l’Hadès. Après le sombre, très sombre, The Deadly Master Of Rappers From Hell, il livre une suite enflammée. Côte Ouest est une invitation à remuer sur les braises du hip-hop le plus chaud du moment. Moitié d’Abstrackt Keal Agram, un duo actif dans le renouvellement d’un genre ciselé par Dr. Dre, Timbaland et les Neptunes, Tepr fait partie de ces têtes de proue qui ont modifié l’esthétique du hip-hop à la suite de DJ Shadow.
    Difficile d’inclure ce maître du laptop dans une mosaïque. Il défend une culture très mixte où le rock bilieux de Chokebore tolère l’électronica elliptique de Clouddead. Mais il semble que l’intérêt qu’il porta longtemps aux raffinements plaintifs de Boards Of Canada aient buté sur un retour de flammes. Sans tourner le dos au style cérébral et tourmenté de son premier album, Tepr glorifie désormais l’union des corps en mouvement et la dialectique gyrovague des dancefloors. Après avoir sévèrement électrisé le Festival Astropolis, il s’explique sur sa démarche que l’on qualifiera, vous l’avez compris, de sautillante. Tepr n’aime pas (mais alors du tout) se faire agrafer. Son prochain opus, assurément, trouera le filet des pêcheurs de gros.


    Qu’est-ce que Tepr ? Un hip-hop mutant post-sérialiste ou une nouvelle aube pour la house ?


    Ni l’un ni l’autre. C’est mon envie de travailler seul à l’élaboration de ma musique, qu’elle soit électronique ou non. Bon, là, il se trouve que ce que je fais est électronique.


    La nonchalante mélancolie qui traversait votre précédent opus évoquait le minimalisme de Philip Glass, le cinémagisme de Ryuichi Sakamoto ou encore les micropolyphonies de György Ligeti, auriez-vous bradé ces nobles références contre des petites frappes de la musique populaire et quelles en sont les icônes ?


    Ce sont des influences que je revendique toujours mais en ce moment, j’ai besoin de sentiments directs, d’où mon respect pour beaucoup de producteurs actuels qui arrivent en une boucle à te faire rentrer une chanson dans la tête pour les trois mois à venir. Quelqu’un comme Jacques LuCont (Les Rythmes Digitales) est très fort pour ça ainsi que Feadz d’une certaine manière. Mais plein d’artistes m’ont marqué ces dernières années, M Oizo, Jackson, Diplo, Timbaland, Errorsmith … ces mecs cherchent vraiment à faire avancer les choses. Mais les anciens sont toujours d’actualité. Et j’ai toujours envie de courir les bras en l’air quand j’écoute « Kids In America » de Kim Wilde.


    Côte Ouest est plutôt secouant. La musique y joue vite. Les rythmes sont saccadés. Faut-il conclure que vous ne vous adressez plus aux mélomanes studieux avachis dans un sofa pourpre ?


    A travers ma musique, je m’adresse essentiellement aux filles. Après les avoir fait pleurer dans leur chambre avec The Deadly Master, le but de Côte Ouest est de faire surgir des cascades de sentiments digitaux dans leurs cœurs et surtout de les faire danser.


    A l’exemple de Paul D. Miller alias DJ Spooky, docteur ès lettres que vous avez fréquenté, vous êtes diplômé des Beaux-Arts, qu’est-ce que ça injecte dans votre musique ?


    Au départ, un côté un peu « intello-bleep-expérimental-chiant » mais j’en suis revenu et je ne regrette pas du tout cette période. J’ai fait cinq ans de Beaux-Arts, c’était cool, ça me laissait le temps de faire mes concerts et j’avais des bourses. La belle vie.


    À propos de fréquentation, vous avez accompagné Alain Bashung, Rodolphe Burger, The Herbaliser, qu’est-ce qu’un rappeur de l’enfer a à voir avec ce beau linge ?


    Burger, Bashung, The Herbaliser, même si je ne suis pas fan de tout (mis à part Bashung), il faut reconnaître que ces artistes aiment créer des rencontres musicales et c’est tout l’intérêt de la démarche « créatrice » : aller chercher la confrontation pour mieux avancer. Mais The Herbaliser ne sont définitivement pas mes amis.


    Après avoir travaillé avec David Gauchard, metteur en scène d’un Hamlet très electronica, avez-vous des projets multimedia d’envergure ou des envies complètement folles ?


    Je dis stop à l’overdose d’images. On ne peut plus voir un live sans se taper des vidéos avec des pixels ou des images de bâtiments en super 8. Quand je viens voir un mec jouer en live, je suis pas au cinéma. J’ai vu tellement peu de trucs qui m’ont plu que mon jugement est assez dur à ce sujet. Il faut arrêter de nous vendre ce concept comme LE FUTUR. Il n’y a rien de plus fait et refait que de coller une image sur de la musique. C’est heureusement en train de changer avec des mecs comme Gangpol und Mit, Pfadfindedrei & Modselektor …


    ECOUTER :


    « The Deadly Master Of Rappers From Hell » (Idwet/La Baleine)

    « Hamlet » (Idwet/La Baleine)

    « Côte Ouest » (Idwet/La Baleine)

    SEE :

    www.myspace.com/tepr

    http://tepr.free.fr

    www.idwet.com

    www.chez.com/wart

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  • M 83 ❘ BEFORE THE DAWN HEALS US

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    L’aventure immobile actualisée par Xavier de Maistre dans son Voyage autour de ma chambre (1794) a produit en littérature de célèbres émules tels que Blaise Cendrars ou encore Pierre Mac Orlan. La musique connaît depuis quelque temps d’exceptionnelles odyssées hors les routes. Anthony Gonzales, explorateur de sphères sonores inaperçues, témoigne de possibilités qui peuvent se passer avantageusement des gros moyens de transport. A la pliure du nouveau millénaire, il lance avec Nicolas Fromageau M83, un module electro lo-fi qui confirme aujourd’hui l’exactitude de sa trajectoire. M83 est le nom d’une galaxie spirale dans la constellation de l’Hydre femelle.
    Depuis sa chambre de jeune fox à Antibes, Anthony Gonzales prépare, à l’aide d’un synthé, d’un sampleur et d’un magnétophone 8 pistes numérique, une rare expédition qui fera événement. Un premier album éponyme sort en 2001 chez Gooom, label avant-gardiste qui fait connaître les désormais incontournables Abstrackt Keal Agram, Cyann & Ben et Mils. Ne dit-on pas que le label de Jean-Philippe Talaga est devenu le concurrent qualitatif de Warp, découvreur d’Aphex Twin et de Squarepusher ?
    Quatre ans ont passé, l’aventure d’Anthony Gonzales a franchi les murs de sa carrée Antiboise. M83 est une référence terraquée et un module toujours en mouvement. L’adolescent électrisé par les jaillissements volcaniques de Sonic Youth et les lévitations bruitistes d’Ashra Tempel et d’Edgar Frœse se reconnaît à présent dans les variations délicates et éthérées d’Isan et de Clouddead. Before The Dawn Heals Us marque un pas dans l’assomption d’une certaine musique hypnotique initiée par Klaus Schulze et Manuel Göttsching, vulgarisée par Pink Floyd. Ce dernier album est d’une puissance irrégulière offrant des pièces incroyables comme « Moonchild » ou « Teen Angst » à côté de tracks moelleux dignes des liturgies de Procol Harum (« Farewell/Goodbye ») dans le pire des cas et de Michel Polnareff (« Can’t Stop ») dans le meilleur. Avec ses chœurs de voix étirés et ses nappes de synthés infinies, l’album est plutôt plaisant. Sans doute, une étape. Peut-être une errance dans la nuit des étoiles. Guy Darol

     


    Ø BEFORE THE DAWN HEALS US (Gooom/Labels)

    Ø www.gooom.com

    Guy Darol

  • KAS PRODUCT

    Kas Product
    TRY OUT
    BY PASS

    DSA/CHRONOWAX. REEDITION 1982-1983

    medium_try_out_kas_product_.jpgDans les poèmes méconnus du peintre viennois Egon Schiele, des “oiseaux grelottants gazouillent” et ce sont les paysages d’hiver ventés qui réchauffent son cœur. Le maître de l’expressionnisme surplombe la cold wave, courant post punk qui draîne à la fin des années 1970 l’inquiétude tragique et la mort à vivre. Rien n’est à venir. Le futur est désormais gelé. Ce sont ces banquises de désespoir que chantent en tremblant Ian Curtis (Joy Division) et Robert Smith (The Cure). En France, Richard Pinhas puis Philippe Pascal de Marquis de Sade incarnent la fièvre glaciale. Aucune compromission lyrique. Elégies de la lucidité. Un duo nancéien fait entendre un son neuf, porté par une voix tendue (Mona Soyoc) et les inflexions électroniques de Spatsz, virtuose des boîtes à rythmes, dandy à mèche sans fin des synthétiseurs. Quelques titres jailliront devenus les standards du bonheur impavide : « Never come back », « Pussy X », « Loony-bin ». Autant d’hymnes à la désillusion. L’exceptionnelle dramaturgie de Mona Soyoc nous manque. L’inflexible rugosité de la voix, la fermeté de l’urgent refus qui faisaient frissonner l’aficionado n’ont pas laissé indifférents les nostalgiques électro-cold de Zend Avesta et de Microsillon. Mais c’est tout de même à l’écoute des deux premiers albums de Kas Product que la parfaite substance se goûte le mieux. Les Disques du Soleil et de l’Acier (www.dsa-wave.com) viennent de remettre dans le circuit les références indispensables. Cette double édition remastérisée accompagnée de bonus nous rappelle que Kas Product fut une légende (et la une du New Musical Express en 1982) bien avant la french touch. Guy Darol

     


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  • MICHEL CHAMPENDAL QUESTIONNE GUY DAROL

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    En mars 2005 paraissait dans un numéro hors-série du magazine Ecrire & Editer cet entretien emmené par Michel Champendal, camaro de très longue date. Libraire, revuiste, journaliste, animateur d’ateliers d’écriture et éditeur, Michel Champendal est l’auteur d’un bref ouvrage au titre bien évocateur : A Guy Darol, en souvenir du futur. Ce recueil de mélanges témoigne d’un vif enthousiasme  pour mes livres biocritiques.


    MC : Novembre 2003 – mars 2005 : un laps de temps de près d’un an et demi s’est passé depuis votre entretien avec Ecrire & Editer. Que s’est-il passé de marquant dans votre vie d’écrivain pendant tous ces mois évoqués ? Qu’avez-vous pratiqué ?

    GD : La parution, en 2003, de Frank Zappa ou l’Amérique en déshabillé (éditions Le Castor Astral) marque la fin d’un cycle. Mes relations avec le compositeur sont anciennes. J’ai raconté les commencements dans La Parade de l’Homme-Wazoo (Le Castor Astral, 1996). Je ne savais pas alors que Zappa serait un moteur déterminant dans ma réflexion sur la mixité des pratiques signifiantes. Zappa est en effet la clé qui ouvre toutes les portes. On ne peut véritablement entrer dans son œuvre si l’on isole l’espace musical de l’art, du littéraire, du philosophique et du politique. Ce troisième et dernier volume est celui de la combinaison de tous les savoirs, de toutes les intuitions. Il est aussi l’occasion de rappeler que l’œuvre monumentale du compositeur californien est une charge contre l’ignorance. Il me plaît au fond que cet homme dérange et qu’il suscite à la seule évocation de son nom la sympathie ou le dégoût. La sortie de ce livre coïncidait avec le souvenir de sa disparition dix ans plus tôt. Je fus alors souvent contacté pour tenir le crachoir. Et je ne me suis guère privé de l’occasion pour amplifier le point de vue de Zappa contre la militarisation du monde, le glissement des pratiques musicales vers les replis boursiers de l’industrie phonographique. En ces temps où le religieusement correct condamne à mort*, la voix de Zappa (dont fit écho celle de Salman Rushdie) est une assise. Le mardi 2 décembre 2003 au Carré Magique de Lannion, je lui rendais hommage en remuant l’auditoire au moyen d’une rhétorique qui insistait moins sur la virtuosité du guitariste que sur sa clairvoyance dans un domaine qui est celui du retour du Dieu guerrier.


    Est-ce que votre activité de journaliste dans des gazettes musicales constitue pour vous matière à construire une œuvre (les articles publiés) au même titre que vos romans, vos nouvelles, vos poèmes ou vos essais ?


    Le journalisme qui fut ma première école (celle de l’Agenc e France Presse où j’ai exercé dans les années 1970) est une passion. Ce fut, je crois, mon université avec celle de la rue et des chemins creux. J’y ai rencontré des personnalités qui frémissaient de mieux connaître la réalité : la réalité du terrain, celle que la Sorbonne était bien incapable de m’enseigner. J’ai ainsi rejoint le quotidien Libération avec un entrain rapidement modéré. L’esbroufe, l’appétit de régner étant incompatibles, selon moi, avec la condition de celui qui observe et témoigne. Il fallait alors se battre pour faire passer l’idée que l’important n’est pas dans le stuc mais dessous. J’ai toujours éprouvé de l’estime pour les seconds couteaux, les misfits et ce journal l’a très bien compris qui me fit jouer un rôle de figurant. Je fus longtemps préposé à l’underground ce qui finit par me coûter ma place lorsque Daniel Rondeau, prenant les rênes des pages Livres, décida que l’underground était over.  Après un long séjour au Magazine Littéraire qu’emmenait anarchistement (ceci sous mon calame est un compliment) l’illuminé buveur-fumeur-moqueur Jean-Jacques Brochier, j’ai décidé de dire stop à toute activité au sein de la Presse cannibale. Je renonçai aux colonnes (disons Vendôme) qui donnent la préférence au besoin d’exister plutôt qu’à l’urgence d’être. Déception car je croyais (mais sans doute avec la foi du Facteur Cheval) en l’absolue liberté d’écrire soudée, dans ma tête, à l’exemple d’Albert Camus. Je découvrais qu’il fallait d’abord étre-des-leurs avant de pouvoir, comme on dit, s’exprimer. Etre-des-leurs, c’est-à-dire dans le ton, dans le move. Trendy. Point de singularités. Dur pour un canard podagre. Etais-je grillé ? En partie, mais pas sur tout le corps.  Ceux qui se doutaient (ayant lu les ouvrages de Greil Marcus) que le journalisme peut être une situation où l’actualité croise le fer avec la culture, ceux-là ont observé ma manière, peu orthodoxe cela va sans dire. Et c’est ainsi que j’ai repris du service, menant bataille en faveur de l’alternatif, de l’inconsensuel, du no commercial potential dans des mensuels spécialisés (Recording, Muziq) que mes chroniques déspécialisent. Enfin, je fais de mon mieux… Parce que oui, dear Michel Champendal, le journalisme n’est pas séparé de la littérature. Il la fomente. Il la nourrit. Ceux qui comprennent Patrice Delbourg, Antoine Blondin, Henri Calet, René Fallet (courez dare-dare acheter ses Chroniques littéraires du Canard enchaîné éditées par Les Belles Lettres),  Alexandre Vialatte, apprécieront.


    Vous écrivez et publiez depuis une trentaine d’années : au début de votre activité d’écrivain, vous étiez un jeune homme, vous avez dirigé la revue Dérive, une revue de recherche littéraire. Est-ce la démarche que vous recommanderiez à une jeune ou un jeune écrivain aujourd’hui pour commencer à écrire ?

    Incontestablement. J’imagine cependant que la mise en œuvre de nos jours d’un projet papier (avec les problèmes de diffusion que cela implique) doit être un sévère casse-tête. La revue est un espace de confrontations. Un échangisme de la pensée où l’enthousiasme, l’indignation, la curiosité cherchent à atteindre le plus haut niveau. Il est important de se confronter, de frotter sa pratique aux exigences de l’autre. Comment avancer, sinon ? Seul ? Dans un vis-à-vis avec le miroir ? Soyons sérieux, les dynamiques de la pensée et de l’art ont toujours résulté de la méthode groupusculaire. Des Hydropathes aux Situationnistes, l’épopée subversive des pratiques signifiantes est marquée par la bande, la jam, le posse ou le crew. Que cela donne lieu à des fanzines, des webzines ou des blogs, l’aventure des formes est une affaire de camaraderie. Alors si tu te sens l’envie de déplacer une cloison, un mur, d’ébrécher une convention, de mettre en pièces un tabou, compose l’espace de ton insurrection. La toute dernière (et première) urgence est de mettre fin à l’isolement pour que la littérature puisse de nouveau donner du coude et frapper du poing.

    Les conditions de publication des œuvres pour un écrivain sont-elles plus difficiles ou plus faciles en 2005 que du temps de vos débuts, savoir le commencement des années 1970 ?


    Je suis de l’espèce qui, dans les années 1970, méprisait l’édition marchande. Il ne me venait pas à l’idée (sauf à capituler) d’adresser un texte au triptyque Gallimard-Grasset-Seuil. Je me serais déshonoré. Parce que je n’étais pas dupe du mic-mac, des combinaisons aristocratiques, des jeux de pouvoir comme l’on disait alors. Je ne suis pas sûr qu’en 2005 cette éthique soit compréhensible. De toute façon, la difficulté pour un jeune écrivain aujourd’hui c’est de faire connaître son travail. Jamais l’entre soi tyle="color: #000000;">, les petits arrangements, l’aide sous condition d’aide n’avaient atteint ce sommet mafieux. L’écrivain doit avant tout adopter le ton de l’époque, autrement dit la musique du jackpot. Pouah ! Aujourd’hui égale sincérité feinte, exposition du faux à forte odeur écologique, présentation de la surface au détriment du fond. Mais est-ce ta tasse de thé ?

    On a coutume de dire que les parcours des auteurs et des écrivains ressortissent de la vie d’artiste et que les débordements narcissiques y sont monnaie courante. Partagez-vous cette opinion ? Ou bien, au contraire, pensez-vous que l’on puisse être un bon écrivain sans plonger sa vie dans un romantisme échevelé qui puisse constituer un enfer pour les proches ?


    J’affirme que la littérature est une affaire de vision. On ne peut écrire sans poser sur le monde un regard qui le conteste. On ne peut employer la plupart de son temps sans être convaincu qu’il y a quelque chose à ajouter, une parade, un dernier mot. Il est inutile de s’engager sur cette voie si l’on ne possède la certitude de pouvoir briser une ligne droite. Cela ne signifie pas que l’on pulvérisera les burnes de son entourage, que l’on mettra à plat ses amitiés et ses amours, qu’il faudra tout détruire pourvu que l’on ait raison. La littérature n’est pas un saccage. On peut fonctionner en harmonie dans son univers affectif tout en grippant la machine qui jette sur le flanc la plupart d’entre nous. Se battre, c’est viser la cible.

    Vous venez hélas de perdre votre coéquipier dans la rédaction d’un dictionnaire commun sur  les vie et œuvre de Frank Zappa. Quelle est la différence notable entre écrire seul et écrire à deux ? A quoi engage le fait d’écrire à deux ? Quels sont les avantages et les inconvénients du travail en duo ?


    La mort de Dominique Jeunot au moment où nous envisagions d’améliorer notre Zappa de Z à A relève de l’immonde qui justifie l’insubordination. Dominique Jeunot était un savant foutraque et désordonné. Ce n’était pas tous les jours faciles de travailler en duo. Il fallait, en somme, répéter. Avec ce que le mot répétition implique en fécondité de réussite et d’échec. Nous ne cherchions pas, en concevant ce dictionnaire, à unifier le ton. Chacun s’y trouve et l’on retrouve, me semble-t-il, nos approches particulières de l’œuvre. Ce qui me reste à l’esprit, c’est le pléthorique enthousiasme. Ce livre nous l’avons écrit alors que Dominique habitait Paris et que je vivais en Bretagne. Imaginez : affluence de mails, de courriers terrestres, d’appels téléphoniques. La distance nous rapprochait. Elle a favorisé l’échange. C’est un paradoxe intéressant.

    Vous continuez d’habiter en Bretagne, près de Morlaix, en Finistère. Avant l’apparition du Net dans nos vies, c’est-à-dire au début des années 1990, il semblait patent qu’il n’était bon bec que de Paris pour un écrivain, qu’il valait mieux habiter la capitale française pour pouvoir figurer dans les catalogues d’éditeurs résidant si possible rive gauche. Cet état de fait est désormais périmé. En quoi l’internet a-t-il dopé vos rapports avec les éditeurs de livres set de revues, avec les collègues écrivains, avec les critiques et pensez-vous que l’on peut écrire et éditer efficacement si l’on réside en région ? Les éditeurs situés en région bénéficient-ils à vos yeux désormais d’une réputaion égale à celle de leurs confrères parisiens ?


    D’abord, il importe de dire que j’ai fui Paris au sens où Joseph Deteil a quitté ce monde « pour un monde meilleur ». J’ai tourné le dos à Parouart parce que me manquait l’odeur des chemins creux, celle de mon enfance parfumée d’ajoncs. Je n’en pouvais plus des factices attitudes, du semblant que l’amour de la littérature m’a appris à combattre. Et puis, lors de mes incursions (j’ai pratiqué l’effort) dans le beau monde on m’a tant fait humer que je sentais le fumier qu’il paraissait logique que je revienne à mes veaux, vaches, cochons. Peut-on dire pour autant que la Bretagne exhale cela ? Ce serait faire plaisir à une certaine nomenclature qui se pense d’élite. Ce serait lui faire croire qu’elle est le centre du monde nouveau. Elle n’est en fait que le nombril du business, celui des tractations qui n’intéressent pas vraiment le lecteur d’André Hardellet que je suis. Internet, en effet, autorise des rapprochements inattendus, des tutoiements, des alliances rapides. Il est désormais possible d’élever des barricades sans remplir de formulaire. Il n’est plus nécessaire d’itinérer par le cocktail avant de se proposer d’en découdre avec le mensonge. La vérité est immédiate. Elle parle au travers d’un mail. Le Net est une boîte à outils qui se rapproche de l’arsenal. Jusqu’où pourra-t-on s’y époumoner ? Quant à l’édition régionale, elle n’est mirifique que lorsqu’elle broute du terrain à Paris. Or, elle n’est souvent que régionale, autrement dit identitaire et subséquemment ethnoïde. Et ça, pour franchement parler, ça me broute.

    Comment voyez-vous pour vous puis pour les auteurs l’année 2005 qui se présente ? Les concentrations industrielles et financières de l’édition au sein de grands groupes dont le cœur du métier d’origine n’est pas l’édition constituent-elles des périls pour les auteurs et les petits éditeurs ? Ou bien existe-t-il de la place pour un artisanat talentueux dans l’édition  et la grosse cavalerie industrielle servirait-elle alors de locomotive stimulante ? Aurez-vous encore l’opportunité de publier vos textes comme avant ou bien y a-t-il péril en la demeure ?


    J’ai passé l’âge où l’on se soucie de faire vivre ses écrits. Si cela fut, ce n’est plus guère mon obsession. J’ai la chance qu’un éditeur, Le Castor Astral, se soit porté garant dès le début de mes exercices littéraires. Il m’est fidèle et cela mérite d’être signalé. Il est certain, par ailleurs, que la solidité de ma frêle entreprise repose entièrement sur l’existence de ce Castor sans cesse bâtissant. Je voudrais somme toute que Jean-Yves Reuzeau, Marc Torralba et Bénédicte Perot soient immortels. Il est facile de comprendre, en effet, que leur disparition ne sera pas remplacée. Car je dois vous dire, Michel Champendal, que la vie littéraire (ou ce qui la parodie) telle qu’elle s’ébroue aujourd’hui m’inquiète. Ces deux mots me semblent en effet artificiellement unis. Pire : ils sont vides de sens. Vie (mais quelle vie ?) et littéraire (où ça ?) me paraissent associés pour le pire. Mais ne soyons pas trop tristes. J’ai foi dans les logiques rebelles, la force de vie justement et l’amour de l’art. Je me dis que ça va chier, que le schproum est en marche, que la jeunesse va nous remettre tout ça d’aplomb. Qu’elle balaie l’imposteur, qu’elle fasse fuir les fainéants de l’exigence, qu’elle relève la littérature vers ces cimes où l’air est bon ! Ecrire c’est vivre, non ?


    (*) Pour avoir mis en scène une pièce (Behzti) évoquant un viol dans un temple Gurdwara, la dramaturge d’origine britannique Gurpreet Kaur Bhatti est condamnée à mort par des groupes extrémistes de la communauté sikhe. Mauvais souvenir, pas vrai ?

     

  • ROBERT LE MAGNIFIQUE

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    Ce n’est pas parce qu’il se fait appeler Robert le Magnifique qu’on doit lui prêter des tournées de grand duc. L’homme est beau mais sans grandiloquence. Munificent bassiste : tout est dans la musique. Un son de rogomme et d’elfe d’où émane le souvenir de Morphine et de Mark Sandman, band leader naufragé à Rome.
    Magnifique, comme Saint-Pol-Roux écrivant « la musique est une greffe », le grand Robert nous donne Kinky Attractive Muse, son deuxième album. Le titre est à lui seul un palimpseste. C’est de l’eau de roche. Clair qu'il annonce la couleur pop. D’abord les Kinks et l’on veut y voir le meilleur : The Village Green Preservation Society ou encore Arthur Or The Decline And Fall Of The British Empire, ce chef d’œuvre vraiment inégalé.
    Si le coloris rappelle le moiré hypnotique des peintures pailletées de Malaval (autre Robert), la forme emprunte à la jungle sonorielle. Mélange est le substantif idoine pour qualifier la galette. Bassiste, allié de DJ Vadim et d’Abstrackt Keal Agram, le Magnifique avoue deux faiblesses : Erik Truffaz et Led Zeppelin. C’est en marchant sur ce fil conducteur qu’il convient d’écouter le swing déviant du compositeur imbibé des exercices acrobatiques de Primus et de son voltigeur Les Claypool.

    Kinky Attractive Muse est une galerie de sons et de miroirs où s’irisent des reflets de bubblegum et d’acid rock, de kosmische music et de hip-hop envoûtant. La jaquette émet des signes qui ne trompent pas. Une matriochka augure l’emboîtement citationnel. Ce signifiant nous dit que tout sera dans tout. A la manière d’Alfred Jarry, géniteur de la pataphysique et d’Ubu, la matriochka nous renvoie, du plus grand au plus petit, du plus proche au plus loin, à l’idée d’une traversée des frontières et des genres.
    Ce second album, moins typé que le précédent (Idwet, 2001), a sans doute plus de contenu. Chamarrant élégies évanescentes à la Hawkwind, space rock à la Richard Pinhas et psychéjazz à la Nils Petter Molvaer, il se démarque du vrac ambiant, étonne par ses subtilités mélodiques dignes de colossaux tels que Brian Wilson, Syd Barrett ou encore Burt Bacharach. Ce dernier apparaît spectralement sur « Dech’val » avec l’introduction du très onctueux « This (Girl’s) In Love With You ».
    Avec cet album en double teinte (suave et âpre), Robert le Magnifique promet beaucoup. L’élégance qui caractérise ce bel objet sonore dévoile un maousse talent. Il semble, malgré son blason, que Robert le … ne soit pas tout à fait au courant du jus qu’il envoie. Je le dis : c’est bon, c’est grand, c’est magnifique ! Guy Darol

     


    Kinky Attractive Muse, Idwet/La Baleine
    http://www.idwet.com

  • RESISTANCE ELECTRONIQUE

    Annoncé par Ariel Kyrou,  dans son très savant Techno Rebelle (Denoël, 2002), comme l’ouvrage absolu, Modulations est paru aux éditions Allia dans une traduction de Pauline Bruchet et de Benjamin Fau. Cette somme orchestrée par Peter Shapiro examine avec un soin inégalé les diverses faces de la musique électronique depuis ses origines.

    La force de cet ouvrage tient pour beaucoup à la conviction de Iara Lee et de son label Caïpirinha qui entend « célébrer sans relâche les cultures hybrides ». Cette jeune cinéaste d’origine coréenne réalise Modulations en 2000, recueil collectif accompagné d’un film et de deux albums compilation. L’objectif est « de faire table rase des notions préconçues qui régentent la musique mélodique ».
    Cette traversée de la musique électronique propose une chronologie qui fait remonter ce courant trublion à 1876, autrement dit à l’invention du téléphone par Alexander Graham Bell. Frank Zappa, l’un de ses pionniers tumultuaires, plus souvent évoqué dans le livre d’Ariel Kyrou, suggérait que les opus magnum, généralement ignorés par l’industrie du divertissement, fussent diffusés au moyen du téléphone. Toujours à la pointe du subversif, le compositeur qui ne connaissait pas encore le modem, à l’instant où il développait cette idée, préfigurait la libre circulation de la musique par le Net.
    L’amplification   des  théories  et  applications de  Luigi  Russolo (L’Art des bruits qu’il écrivit en 1913 est pareillement disponible chez Allia) de même que les œuvres de musique concrète de Pierre Schaeffer par les manipulateurs actuels d’informatique et de platines révèlent une position particulière de la musique dans son évolution vers une plus grande liberté. Cette liberté périlleuse pour la société de masse est définitivement favorable à la création enfin affranchie des diktats du marché.
    Dans sa posture post-punk, l’agitation électronique à travers ce que l’on pourrait nommer le hip-hop déviant, dépossède les pouvoirs marchands de leur emprise sur le rock de scène, médiatique et spectaculaire. Modulations livre un entretien avec Genesis P-Orridge (ex-Throbbing Gristle) qui marqua l’avancée séditieuse de la musique industrielle sur le chaudron punk. Pour Genesis P-Orridge, il ne s’agit pas de maîtriser ne serait-ce que deux ou trois accords de guitare pour être crédible, il suffit de se munir d’un magnétophone à cassettes, d’un microphone à condensateur et d’enregistrer l’instant présent. La musique n’est ni virtuosité ni simulacre de virtuosité, elle est ce que l’on veut qu’elle soit.
    L’expansion sans limites de la musique électronique corrobore la pensée libertaire de Theodor W . Adorno qui dénonçait avec Le caractère fétiche dans la musique et la régression de l’écoute (1938) les « produits normalisés, désespérément semblables ». La mobilité des musiques électroniques qui n’ont de cesse d’aller toujours plus loin, congédie « les marchandises musicales standardisées » tout en réévaluant l’écoute. Car il s’agit d’écouter comme on lit afin de saisir les infinies variations proposées par des « travailleurs en chambre peu fortunés » (Rob Young).
    Il semble, en effet, que la tension qui anime le hip-hop alternatif et ses sonorités mutantes échappe aux cloisons instaurées par les faiseurs. Et j’entends par faiseurs ceux qui cherchent, dans la musique des jeunes, des occasions de plus-value, ceux qui feignent l’art en exagérant sa technique.
    Ce que montre aujourd’hui Modulations, c’est la perte d’un commerce. L’art des bruits existe sans le recours aux chevaliers de l’industrie. Le home studio, la musique composée à l’écran font tomber les puissances de l’argent. La multiplicité des instruments et des techniques, l’esbroufe scéno-stroboscobique et ses effets paillettes n’ont plus lieu dès lors que l’œuvre jaillit d’un micro-ordinateur, comme le roman surgit d’un stylo.
    La principale révolution dans ce domaine fut écrite par William Burroughs qui distingua la toute maîtrise de l’aléatoire. Avec le cut up, il autorise le jeu, l’arbitraire. Dans Révolution électronique (Hors Commerce, 1999), deuxième manifeste du son-bruit après le texte fondateur de Luigi Russolo, il montre comment la panique peut s’instaurer à partir de sons enregistrés. Il enseigne la subversion par l’usage détourné des bandes. L’électronique, selon Burroughs, est cette mécanique dangereuse qui peut retourner le monde.

    John Cage fit monter la pression en établissant que le silence était un acte musical. Il effectua un saut quantique en composant Imaginary Landscape N°I (1939). Cette œuvre pour trois platines inaugurait le platinisme. John Cage et ses happening-concerts bouleversait l’ordre établi pour la jubilation de quelques-uns situés à l’underground de l’underground.
    Aujourd’hui, la musique électronique qui a fait fusionner Stockhausen et les gamelans balinais, l’improjazz, le rock psyché, les rythmiques funk, le scratch et le cutting est parvenue à ce rêve libertaire : annuler les cloisons qui séparent les genres, effondrer les murs de Berlin qui divisent l’univers sonique.
    L’avant-dernier chapitre de Modulations est consacré au downtempo. Ce principe né « des techniques de la technologie de la culture dance » s’inscrit dans une logique post-rave. Il restaure l’écoute au sens où Theodor W. Adorno dénonçait « le rejet présomptueusement ignorant de tout ce qui est inhabituel ». Pour Adorno, en effet, il s’agit d’en finir avec la  réification musicale qui rejette en fond, comme une tapisserie, toute entreprise d’organisation des sons. Le musicologue allemand, complice de Walter Benjamin, s’alarmait que la musique compose avec la gesticulation et les margouillis du commerce.
    Aphex Twin, Autechre, Boards Of Canada, DJ Shadow, Oval et Scanner appartiennent à cette vague suggérée par le sociologue Alvin Toffler lorsqu’il affirme que « la société de masse explose » sous le butoir de la démassification de la production. Les nouveaux canaux de distribution (nouvelles scènes, petits labels, téléchargement, webzines…) qui échappent au rouleau compresseur de la culture néolibérale brouillent les pistes d’un système phagocytaire. Voué à la récupération des marges et des vagabondages, le système se régénère en commercialisant les anomalies. Il se reproduit en pactisant avec ses contraires. C’est ainsi que toute dissonance finit par être matée dès lors que la dissonance réclame de l’écoute.
    Deux obstacles résistent à la récupération phagocytaire du système : le sampling et l’invisibilité. Le sampling (ou citation-collage) issue des trouvailles de William Burroughs et Brion Gysin est la plus effrontée des attaques contre le marché. Il détruit la notion de propriété, le concept d’ego scriptor, l’art en tant que signature. Car si l’art est une zone libre au même titre que l’air, l’eau ou la forêt alors, rien ne peut le désigner comme revenu ? L’art n’est qu’un souffle expiré de l’homme et l’homme est ce qui est égal.
    Le sampling est l’expression moderne du plagiat revendiqué par Lautréamont. Car Les Chants de Maldoror furent écrits par un pilleur qui revendiquait le droit au sampling. Il disait : «  Le plagiat est nécessaire. Le progrès l’implique. Il serre de près la phrase d’un auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par l’idée juste. » Isidore Ducasse échantillonnait si subtilement qu’il reprit (ou détourna, si l’on veut) non pas Buffon de première main, mais Buffon d’après l’Encyclopédie d’Histoire Naturelle rédigée par le Dr Chenu entre 1850 et 1861. Jorge Luis Borges exalta le plagiat dans l’une de ses Fictions qui relate l’odyssée du Nîmois Pierre Ménard persuadé de pouvoir écrire les aventures de Don Quichotte. Selon Borges, « le texte de Cervantès et celui de Ménard sont verbalement identiques, mais le second est presque infiniment plus riche. » Extraordinairement, Pierre Ménard parvient à reproduire quelques pages du Quichotte coïncidant mot à mot et ligne à ligne avec celles de Cervantès. Pierre Ménard après Lautréamont instaure la liberté de créer en produisant de l’identique.
    Bill Laswell décrète : « Je ne crois pas au copyright. Je pense que tout devrait être gratuit. » Cet aveu confirme la mort de l’art vendu au mètre et la fin des idoles en piste ainsi que l’avait vu Dada durant les riches heures du Cabaret Voltaire. Le Kopyright Liberation Front des Justified Ancients of Mu Mu ne fit qu’illustrer en actes le message de Lautréamont amplifié par les Situationnistes. Seulement, le détournement d’une breloque d’Abba par ces militants de l’art sans copyright leur coûta un autodafé : l’œuvre fut détruite. On se souvient peut-être du groupe Negativland condamné pour avoir samplé et remixé des tracks de U2. John Oswald de Plunderphonics connut la même mésaventure ayant transformé le Bad de Michael Jackson en Dab iconoclaste. Les idoles ne veulent rien céder de leur propriété car elle égale sans doute le royaume de dieu. Coldcut (Matt Black & Jonathan More) inventent proudhoniennement le copyleft, méthode inspirée de Sébastien Faure et de Burroughs qui dit oui à la « reprise individuelle ».
    L’autre déconvenue au système qui réclame toujours plus d’images, c’est la théorie de l’obscurité telle que l’exposent The Residents à travers la figure de Senada. Apparus au milieu des années 1970, se revendiquant de Zappa, ils font du studio d’enregistrement leur unique instrument. The Residents refusent le spectacle du moi groupusculaire. Ils ne veulent être rien sinon des parodies humiliantes des Beatles, des masques emboucheurs de sons. Et c’est ainsi que pour progresser dans son art Paul McCartney dut disparaître dans The Fireman, groupe obscur mais résolument authentique comme on aime à user ce mot de nos jours.
    La théorie de l’obscurité implique que l’art n’est possible que dans l’effacement des visages. Le meilleur de la musique dépend de l’absolu anonymat. N’est grand que ce qui est personne. « Puzzle libertaire », selon Ariel Kyrou, le sampling s’inscrit dans la continuité de Lautréamont, de Borges, des Residents. Il est l’arme qui met en péril l’industrie phonographique fondée sur le célèbre, le notoire, le rentable.
    Il importe désormais que le brouillage s’impose comme un au-delà des genres, des styles, des signatures, des marques. Que la musique, citations et collages, cutting & scratch, se répande en un réseau de forces échappant au contrôle des puissances d’argent. Qu’elle se réalise sans fin ni bord comme le rhizome deleuzien qui prévoit que « chaque point se connecte avec n’importe quel autre ».
    Le downtempo qui récapitule ce que l’on a nommé l’intelligent techno, selon des interfaces qui ignorent le poisson mort du marché, signale des découpages qui n’ont rien, mais rien à voir avec la recherche du succès. Il ne s’agit pas de plaire mais de défaire. L’important n’est pas de conquérir  ou de séduire mais de démanteler.
    Et d’abord, démanteler les codes de conduite de l’art, couillonner le semblant, crader les sons. Le bruit est ce qui convient pour couvrir l’esthétique glam, le groove consensuel. Particulièrement le bruit des colères, de l’émeute. Le bruit de l’émeute fut évoqué par Luigi Russolo comme le futur du son anémié. Russolo voulait conquérir « la variété infinie des sons-bruits ». Il fabriqua les intonamuris, instruments fondateurs d’un désordre hors piste qui donna naissance au son hardcore.
    On l’a compris, le hip-hop déviant est plus proche des Ursonate de Kurt Schwitters que de Giorgio Eurodisco Moroder. Les dissidents qui louvoient dans ces micro-genres que sont l’ambient et l’electronica, s’appellent Boom Bip, Buck 65, Clouddead. Ils composent cette frange audacieuse de la musique électronique contemporaine qui fait coïncider l’aventure sonore et le contact avec le réel. Mixtes du concret/abstrait, ils font évoluer le hip-hop vers ces régions frontalières où les musiques savantes et le rock ont définitivement cessé de s’opposer.
    Dernier exemple en date : Abstrackt Keal Agram (Tanguy Destable & Lionel Pierres) et un troisième album, Bad Thriller, qui donne raison à la théorie du flux deleuzien contre le style unique, univoque, fixe. En 9 pistes serrées, les Humpty-Dumpty d’AKA accentuent l’alchimie de Cluster Ville, un opus dans lequel  s’effectuent de rares sculptures sonores. Bad Thriller s’entend comme un patchwork de lumières noires. Ambiances vénéneuses, métaphores de l’étrange évoquant le cinéma d’angoisse se combinent à l’alacrité de petites bulles soniques qui invitent à danser dans sa tête. Un remix de « Jason Lytle » par les Antibois de M83 laisse exploser un ostinato de guitares flamboyantes qui rappelle cette loi du débit-crédit auquel AKA ne peut échapper. Le duo qui expérimente l’usage offensif des sons revendique les sortilèges de Nirvana, les explorations hardies de Scott Heren (Prefuse 73), Josh Davis (DJ Shadow), Richard James (Aphex Twin) et l’électro minimaliste de Boards Of Canada. Guy Darol


    Modulations Une histoire de la musique électronique
    Editions Allia, 20 €

    Bad Thriller

    Abstrackt Keal Agram Gooom/Pias

    www.gooom.com

    www.myspace.com/kealagram

    www.caipirinha.com

     

     

  • REVUE DERIVE

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    Il existe sept volumes de la revue Dérive.

    La première livraison voit le jour en février 1975. Le dernier numéro est imprimé en février 1980.

    Collectif d'intervention pour les 4 premiers numéros :

    Guy Darol, Christian Gattinoni et Philippe Lahaye.

    Collectif au n°5/6 :

    Guy Darol, Lionel Ehrhard, Christian Gattinoni, Philippe Lahaye, Bernard Neau

    Collectif au n°7/8 :

    Guy Darol, Lionel Ehrhard, Bernard Neau

    Collectif au n°9/10 :

    Guy Darol, Lionel Ehrhard, Henri Martraix, Bernard Neau

     


     
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    SOMMAIRE 1

    LE CORPS MALADE LE CORPS MUTILE

    février 1975

    Mise en place - Guy Darol

    TRANSIT - Philippe Lahaye

    Histoire(s) faits divers de machines - Christian Gattinoni

    Carcéral reconstitué - Guy Darol

    Intime - ou qui est à l'intérieur - Christian Gattinoni

    Meurtres / - Guy Darol

    Reposoir catafalque - Philippe Lahaye

    Jeu de massacre - Guy Darol

    Lettre - Guy Benoit

    ces semaines se déroulent - Patrice Delbourg

    Contrôle l'habitude plissée - Claude Eymard

    10 000 chevaux - Philippe Tancelin

    A corps et à voix - Philippe Boyer

    L'ombre bat les doigts restés du mur et des yeux - Geneviève Clancy

    Oeil arraché - Jean-Pierre Faye

    Au corps des mots la mise à mort - Philippe Lahaye

    Notes sur Un chant d'amour (Jean Genet), Francis Giauque, la revue Exit, le collectif Al Assifa.

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    SOMMAIRE 2

    MACHINE MACHINATION MACHINERIE

    octobre 1975

    Mise en place - Philippe Lahaye

    Issue dérobée - Guy Darol

    La machinerie des corps 1 - Philippe Lahaye

    La machinerie des corps 2 - Guy Darol

    La machinerie des corps 3 - Christian Gattinoni

    Machination sourde - Guy Darol

    Constat - Philippe Lahaye

    Le texte officiel du script prévoit - Christian Gattinoni

    Histoire de clans - Guy Darol

    Machine mort - Jean-Marie Le Sidaner

    Machinalement - Philippe Boyer

    MATRICES EN lecture.s - Gérard de Cortanze

    Trajectile usiné - Jean-Marie Charpentier

    FIGURES (rhétorique) du pouvoir - Guy Darol

    Quand les ouvriers brisent les machines - Romain Nardral

     


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    SOMMAIRE 3
    CRISES
    février 1976

    Mise en place - Christian Gattinoni
    La langue se crise - Guy Darol
    Trame des rives où sévit la langue d'ordre - Philippe Lahaye
    Le corps par crises - Guy Darol
    Les blancs de crise - Christian Gattinoni
    Crise rupture chute - Didier Arnaudet
    Inutile de s'accrocher - Philippe Tancelin
    (Dit) hors circuit - Jean-Marie Charpentier
    Reste, restant, restant d'touche - Jean-Pierre Verheggen
    Séance pluriel - Jean-Marie Le Sidaner
    D'un dernier état dégorgé - José Galdo
    Sandwiche-jambon-cornichon-bière - Jean-Claude Montel
    Corps Commune - Christian Gattinoni
    Charcute-moi ces sabots de sphynx - Ghislain Ripault
    Crise des institutions - Romain Nardral
    Crise de l'ego, psychiatrisation de la crise - Bernard Raquin
    Anti-rôle - Dominique Robert
    La réactivation libidinale du capitalisme - Guy Darol
    Lectures du Signe.s - Gérard de Cortanze
    "Je ne veux pas qu'ils soient en moi" & Family Life - Christian Gattinoni
    "Pasolini comme Matteoti ? Les fascistes l'ont assassiné" - Guy Darol

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    SOMMAIRE 4
    VIOLENCE CONTRADICTION INTERDIT (e)
    juin 1976

    Mise en place - Guy Darol
    Dialogue des figures totémiques - Philippe Lahaye
    De lents massacres silencieux - Christian Gattinoni
    Invectives contreversions violures miscellanées - Guy Darol
    Corps de délit - Jean-Marie Le Sidaner
    Phases, circuit d'un nom - Henri Martraix
    Sacrifice et scarifications - Lionel Ehrhard
    Samedi 27 septembre 1975 - Ghislain Ripault
    Tous ces blancs à remplir - Ingrid Maude
    Violence 4ème étage appartement tout confort - Didier Arnaudet
    Le règne de barbarie - Abdellatif Laâbi
    Ciel de putsch - Bernard Raquin
    Indifférent dépravé dans son allure de bourgeoise captive - Iaroslav Serpan
    Crases freuses - Christian Prigent
    Le tas - Daniel Busto
    Le contradictionnel en écriture - Romain Nardral
    Lautréamont interdit - Philippe Lahaye
    Pour une écriture de l'arrogance - Guy Darol
    Univers Cité des fictions - Charles Duran & André Ladurit
    Notes sur "Corps et politique" (Jean-Marie Bröhm), Revues Barbare, Errata et Aroba, collectif El Assifa


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    SOMMAIRE 5/6
    LA QUESTION DU POUVOIR
    mai 1977

    Mise en place
    Entretien avec Philippe Boyer
    Les badauds du Pouvoir, définitions quotidiennes - Christian Gattinoni
    Les tripes hors du bocal, éléments de lecture - Philippe Lahaye
    Stations - Jean-Marie Le Sidaner
    Le tas - Daniel Busto
    Brève - Henri Martraix
    Ceci comme prise de position - Alain Hellissen
    Figures (rhétoriques) du pouvoir - Guy Darol
    D'où ça ne parle plus, génocides langagiers - Guy Darol, Christian Gattinoni & Philippe Lahaye
    Entretien avec Jean Baudrillard
    La Sainte Famille des "P" - b,e, l.n
    Pour la Matrie - Alain Borer
    A l'endroit du Pouvoir, son envers, la question militante - Guy Darol
    Boule à Phrases - Michel Vachey
    Pornocratismes - Guy Darol
    Désirant Staline - Dominique Robert
    Délit(s) - Jean-Pierre Bobillot
    Octobre noir - Alain Borer
    Notes sur Abdellatif Laâbi, l'affaire Tristan Cabral


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    SOMMAIRE 7/8
    MISERE DE LA REALITE REALITE DE LA MISERE
    juin 1978

    Mise en place
    Notule sur un intitulé - Philippe Boyer
    Projet manuel d'abêtisation - Daniel Busto
    La figure - Nicole Brossard
    Entretien avec Jean-Noël Vuarnet
    L'apparence nom - Henri Martraix
    R* - André Roy
    Antilope - Michel Vachey
    Insu limbes - Jean-Marie Le Sidaner
    La dissimulation, l'enserrage - Guy Darol
    Issues ridées - Dominique Bedou
    Elégie glacée - Dominique Labarrière
    Quelques observations - Gérard Durozoi
    H2L, c'est la modernité (peut-être) - Babuch Abudha
    Glas d'ère - José Galdo
    La spirale des bonnes - Victoria Thérame
    Correspondance I - Jean-Claude Montel
    ">Quelque part les captifs - Geneviève Clancy
    Les démocraties occidentales sont trop pudiques - Christian Gattinoni
    Notes sur Emmett Grogan, CRAP et Sgraffite, Jean-Pierre Verheggen, 32ème Salon de la Photographie, Alain Borer


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    SOMMAIRE 9/10
    L'ANIMAL D'ECRITURE
    février 1980

    Mise en place
    Entretien avec Edmond Jabès
    Le danger d'être libre - Lionel Ehrhard
    Ce sont boulettes qui tapissent la pensée, rien que boulettes - Guy Darol
    Esquilles - Bernard Neau
    Ecriture comme rien, écriture comme tout - Claude-Louis Combet
    Récits de l'écrit lent - Henri Martraix
    A chacun le champ de son possible - Claude-Michel Cluny
    Porc épique - Hubert Haddad
    D'un bord à l'autre - Gérard Durozoi
    Alchimie avortée - Jacques Douté
    L'arrière-pays - Yves Buin
    Ecrire goëlandais - Kenneth White
    En matière de langue, la terre fait loi - Guy Denis
    Entretien avec Denis Roche
    Ne meurt pas d'écriture qui veut - Bernard Raquin
    Post-scriptum animal triste - Christian Gattinoni
    Des sirènes fatales peuplent les eaux de ma nuit - Dominique Robert
    69 is more than 68 - Le rat de bibliothèque
    Les anciens combattants - Jacques Douté
    Ceux qui demandent à voix basse - Elie Delamare-Deboutteville
    La main interrompue - Guy Benoit
    Ecrits - Danièle Sarréra
    Lettre - Roland Barthes
    Lettre - Bernard Noël
    Petite histoire du rendez-vous manqué avec Pierre Guyotat
    Parce qu'il y a d'autres urgences - Philippe Boyer
    L'écrit-vain - Romain Nardral
    Dé-lire éditorial - François Aubral
  • LE COURONNEMENT DE RICHARD PINHAS

     

     

    medium_numeriser0021.2.jpgPlus étourdissant que le transit de Vénus, moins attrape-connaud que nos éclipses de Lune, L'Abécédaire de Gilles Deleuze avec Claire Parnet (3 DVD, éditions Montparnasse) est ce qu'il faut se mettre absolument sous les yeux si l'on veut savoir ce qu'est une expansion brutale de la conscience.

    Penseur nomade impératif, maillot à pois rouge du développement rhizomatique, Deleuze confirme par ses luminescents concepts que le devenir révolutionnaire est à chercher dans l'alliance des minorités, dans la conjonction des pratiques souterraines hostiles aux frontières.

    En préambule à ce documentaire, un petit film enfumé découvre le pop philosophe en pleine action d'enseignement. La caméra que l'on croirait épaulée par Jean Eustache s'arrête furtivement sur Richard Pinhas. Guitariste au son neuf, celui-ci fait circuler dans l'underground des années 1970 le nom de Deleuze avec le groupe Heldon et l'album Electronique Guérilla, galette badaboumesque. D'une voix inoubliable, le philosophe du désir lit un texte de Nietzsche. Succès immédiat pour ceux qui misent sur le futur des son. L'équivoque Maurice G. Dantec avec lequel Richard Pinhas s'unit autour du projet Schizotrope affirme avoir découvert le styliste du Gai Savoir en écoutant Heldon.

    Avec Tranzition (Cuneiform/Orkhestrâ, 2004), Richard Pinhas marque d'un pas métatronique son éloignement de la production à vocation marchande. Cet homme à tout défaire qui rédigea récemment Les larmes de Nietzsche (Flammarion, 2001) nous convainc que la musique peut dignement s'accorder avec les exercices de la pensée. Il me plaît en effet qu'Adorno explore chez Stravinsky la veine catatonique ou que Luciano Berio assemble dans Sinfonia des tessons de Claude Lévy-Strauss et de Samuel Beckett. Que Peter Blegvad et son groupe Slapp Happy soit qualifié de borgesien me convient autant que le duo Tom Waits/William Burroughs ou le team Kurt Weill/Bertolt Brecht.

    Ce n'est pas pour nib si Michel Foucault a émis l'hypothèse qu'un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien". Quelques meutes actuelles cravachent l'espoir d'un monde où les fuyards l'emportent sur les banquiers de la norme fixe. Expérience des limites. Mélange des genres. Les dubesques Electric Muezzin livrent sur PMR (Produit de la Mondialisation Rhyzomatique) une illustration sonique de phrases secouantes signées Deleuze : "Soyez rapide, même sur place", "Expérimentez, n'interprétez jamais".


    medium_numeriser0022.jpgC'est dans cet esprit que sont apparus Mille Plateaux, Sub Rosa, labels voués à la déterritorialisation. Peu après la disparition du pop philosophe, en 1995, Sub Rosa édite Folds And Rhizomes For Gilles Deleuze, ode qui regroupe Mouse Of Mars, Scanner et Oval. Markus Popp (Oval) osera soumettre ses jets sonorielss à Deleuze, rêvant d'un booklet composé de main de maître. Markus Popp devra se contenter d'un courrier enthousiaste. Disons qu'Oval est un projet approuvé par les MC des lignes de fuite.

    Avec le laptopman DJ Spooky et Robin Rimbaud, héros des musiques postrock, Richard Pinhas expérimente la science des chimères (ou schizoanalyse), pratique qui s'écarte de "l'expression artistique unilatérale", fléau dénoncé en son temps par Guy Debord, cette autre figure du chaos. Dans une époque où l'ectoplasme Dieu nous est remué comme un recours alors qu'on le croyait grillé par Nietzsche, les célébrations deleuziennes de Pinhas (voir également son www.webdeleuze.com) sonnent comme une fête à laquelle on doit faire écho.

    Fin lecteur, notre pionnier de l'intelligent techno, rend hommage à Hubert Selby Jr dans un livre collectif édité chez IMHO (www.imho.fr). Psaumes rassemble les écrits des admirateurs de l'auteur de Last Exit To Brooklyn. Auprès de Lydia Lunch et de Norman Spinrad, Richard Pinhas propose une lecture disons exégétique sur le problème du Mal dans l'oeuvre du romancier parfois comparé à Louis-Ferdinand Céline. Richard Pinhas qui montre l'étendue de ses talents réflexifs convoque la Cabale lourianique, Brett E. Ellis ("cet autre monument de la littérature"), Philip K. Dick ("prophète des temps modernes"), Benjamin Fondane et le Nietzsche de Par delà bien et mal. L'ouvrage pointu est accompagné d'un DVD Plus (DVD vidéo + CD audio) contenant une vidéo d'une lecture de 50 minutes d'Hubert Selby Jr et une composition enregistrée par Richard Pinhas sous le titre Psaumes.

    www.webdeleuze.com

    www.imho.fr

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