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GUY DAROL [rien ne te soit inconnu] - Page 32

  • JEAN-MARC DONNAT EVOQUE THEO LESOUALC'H

     

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    Il y a quelques jours, le 28 novembre, j'ai eu l'occasion de me libérer un peu d'un poids de tristesse au travers de ces quelques mots : Théo est mort... C'était un homme de 78 ans, malgré son âge le terme de vieux ne lui convenait pas, bien droit, bien mince, ses cheveux longs jusqu'au milieu du dos. Il allait de son pas d'ermite et il me fascinait. Il me parlait de gens, de pays, de temps que je n'ai pas connu mais qui font rêver: Bombay, le mime Marceau, Colombo, Tokyo, Yoko Ono, Mishima ... Avec Alain, nous allions le voir, nous parlions des heures, il nous racontait sa vie ses voyages en auto stop, la Turquie, l'Iran, la Suède, l'Italie... Il avait écrit des livres, il nous les montrait. Ses éditeurs étaient Jean-Jacques Pauvert, Christian Bourgeois... Son nom : Théo le Soualc'h, né en 1930 à Paris, mort le 28 Novembre 2008, aux environs de 10 heures du matin au mas brûlé, Font de Rouve 30340 ROUSSON.

    Google connait bien Théo, écrivain underground des années 60. Il n'aimait pas beaucoup Jack Kerouac, son presque exact contemporain, son alter égo du nouveau monde. Il le trouvait larmoyant, en appelant à sa mère toutes les trois pages de ses livres. Voilà l'homme un peu situé. Son univers c'était les voyages, la littérature, le théâtre d'avant garde (ah! les happening de Yoko Ono!). Nous avions le sentiment de connaître quelqu'un pour le moins spécial.

    Théo est mort, je le sais bien, parce qu'Alain et moi, nous l'avons trouvé tout à l'heure au milieu de ses chats. Froid. Étendu par terre, le feu encore tiède dans sa cheminée, le thé pas bu sur sa minuscule table de travail. Il avait finalement l'air beaucoup plus paisible que les masques crispés qu'il fabriquait. Belle mort sans souffrance, sans avoir conscience de l'arrivée de la faucheuse. Le SAMU appelé, nous cherchons des traces de la nièce qu'il avait évoqué. Carnet d'adresse. L'abécédaire de Théo était sinon extraordinaire, au moins "relevé", pour lui c'était A comme Alfredo Arias, L comme Jorge Lavelli, S comme Barbet Schroeder... Je n'ai retenu que ceux-là et je suis sûr d'en avoir manqué et des meilleurs, suite à mon inculture chronique. Entre-temps, les gendarmes sont arrivés, un médecin est en route, le Maire vient voir... Nous pouvons partir, un dernier tour dans le jardin fantastique du mas brûlé... Les murs deviennent sculptures, la serre à la forme d'un œuf. Beau.

    Une dernière anecdote : Milieu des années cinquante Bangkok, Théo rencontre une jeune femme (pré)nommée Marayat. Ils passent du bon temps sous l'oeil complaisant du mari... Glauque oui, mais quelques mois plus tard sort un livre et dix ans plus tard, un film, ce sera Emmanuelle de Just Jaeckin. Leur histoire. Le mari, attaché d'ambassade est connu, sinon reconnu, dans le monde littéraire sous le nom d'Emmanuelle Arsan. Sacré Théo ! J'aurais tant aimé parler encore et encore avec toi, par exemple du Leaving Theatre que tu connaissais si bien (ta bibliothèque me l'a dit). Mais tu as bien fait de mourir ainsi, je ne te voyais pas en maison de retraite et là, je sais de quoi je parle. Jean-Marc Donnat

  • LUNA PARK ❘ ANTONIN ARTAUD

     

     

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    Marc Dachy nous écrit :

    Où en est la revue « Luna-Park » face aux poursuites intentées contre elle par un ayant-droit d’Antonin Artaud ?

     

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    En janvier 2003, le premier numéro de la nouvelle série de la revue « Luna-Park » publie un texte inédit d’Antonin Artaud, « Le corps humain », qui lui a été confié par Paule Thévenin, éditrice des œuvres d’Artaud chez Gallimard.

    Après un échange de correspondances entre M. Marc Dachy et l’ayant-droit, le 17 septembre 2004 est signifiée à Luna-Park ainsi qu’au directeur de publication une assignation à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

    L’ayant-droit demande au tribunal de déclarer « Luna-Park » et M. Marc Dachy coupables de contrefaçon ; leur interdire de reproduire « Le corps humain » sous astreinte de 500 € par infraction constatée ; de confisquer le texte « Le corps humain » ; les condamner à payer 20.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice patrimonial ; les condamner à payer 20.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ; ordonner la publication du jugement ; ordonner l’exécution provisoire ; les condamner à payer une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; les condamner aux dépens (soit au minimum 45.000 €).

    Le 25 avril 2007, la troisième chambre, troisième section du Tribunal de grande instance de Paris juge que « la masse contrefaisante étant limitée, la somme de 1.000 € réparera ce préjudice patrimonial ; que, l’œuvre litigieuse n’ayant pas été divulguée auparavant, l’appelante a violé le droit moral de l’intimé ; que la somme de 3.000 € réparera ce premier préjudice moral ; que, l’œuvre litigieuse étant difficile à déchiffrer, l’appelante a porté atteinte à son intégrité ; que la somme de 3.000 € réparera ce second préjudice moral ; qu’il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire ; que, en sus des dépens, 3.500 € devront être versés à M. Serge Malausséna au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (soit un total de 10.500 euros).

    Devant ce résultat qui met en péril une modeste unité d’édition, M. Marc Dachy, président du conseil d’administration de l’association, confie le dossier à Maître David Lefranc, avocat spécialisé en propriété intellectuelle.

    L’association Luna-Park Transédition interjette appel de cette décision le 10 octobre 2007 par ministère d’avoué. Le 6 février 2008, Maître Lefranc dépose de premières  conclusions au soutien de son appel. Le 2 mai 2008, M. Serge Malausséna y répond. Le 21 octobre 2008, Maître Lefranc prend de nouvelles écritures au soutien de la revue « Luna-Park ». Celles-ci comportent soixante-treize pages augmentées de nombreuses pièces justificatives et un choix parmi les témoignages de sympathie spontanés significatifs adressés à la revue.

    L’affaire pourrait être plaidée courant mars 2009 devant la  Cour d’appel de Paris.

     

  • CLAUDE TARNAUD

     





    Exposition 
    Claude Tarnaud
    « Donc, te voilà nyctalope ! » 
    peintures, sculptures, manuscrits


    Claude Tarnaud (1922 Maison-Lafitte – 1991 Avignon)
    Poète surréaliste de la deuxième génération

    ELEMENTS DE CHRONOLOGIE

    Fondateur, avec Yves Bonnefoy, du groupuscule "La Révolution la Nuit" ; 
    rejoint en 1947 André Breton ; 
    participe à l'Exposition Internationale du Surréalisme et à la rédaction de "NEON" ; 
    rencontre Victor Brauner, Stanislas Rodanski, Alain Jouffroy et Sarane Alexandrian, 
    rompt avec André Breton fin 1948. 
    À partir de 1951, dans le cadre de ses activités comme traducteur pour le Bureau International de Travail et pour ONU, il vit à Genève, Mogadiscio (Somalie), New York et encore Genève. 
    À New York, il organise en 1961, avec Marcel Duchamp, l'Exposition Surréaliste : " Le Domaine Des Enchanteurs ". 
    En 1964 il fait la connaissance et se lie d’amitié avec Julio Cortazar. Fait la rencontre déterminante de Jacques Lacomblez la même année. Un an plus tard, avec Jean Thiercelin, ils forment un groupe "d'inséparables". 
    En 1969 il s’installe à Apt (Vaucluse). Il y exécute de nombreuses œuvres, plâtres "greffés", objets, collages, dessins, cire ou bougie, encre de Chine ou brou de noix.

    FRAGMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

    · 1952, première publication : " The White Clad Gambler Le joueur Blancvêtu ou les Ecrits et les Gestes de H. de Salignac ", illustré par Henriette de Champrel (Gibbsy, son épouse) ;

    · autres publications principales :

    o La Forme réfléchie, Le Soleil Noir, 1954, L’Ecart Absolu, 2000 ;

    o L’Aventure de la Marie-Jeanne ou Le Journal indien publié à compte d’auteur en 1967, réédition L’Ecart Absolu 2000 ;

    o DE, L’Ecart Absolu, 2003

    +++

    « Rien
    l’indifférence à l’état second
    le rêve en orgasme dans les gestes les plus simples
    et le gant jeté aux portes de la ville » 
    C.T. (au crayon sur bout de papier)

    +++

    Galerie nuitdencre 64 - 64 rue jean pierre timbaud - 75011 paris
    du 19 décembre 2008 au 10 février 2009
    ouvert du lundi au vendredi de 11h à 18h
    samedi sur rendez-vous


    vernissage le vendredi 19 décembre de 19h à 22h 

    VOIR LE SITE DE CLAUDE TARNAUD

     

  • LE MAGAZINE DES LIVRES ❘ LIRE LA MUSIQUE

     

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    Après avoir été publiée dans La Presse Littéraire, Lire la musique, ma chronique dédiée à la littérature des gestes musicaux, rejoint les pages du Magazine des Livres.

    Dans le numéro de décembre, composé de plusieurs dossiers et entretiens considérables (parmi lesquels Le Clézio, Françoise Sagan, Frédéric Vitoux, Patrick Girard, Floc'h, les 100 livres d'une vie...), j'ai porté l'attention sur le Paris, Laboratoire des avant-gardes de Michel Giroud, Dave Grohl est l'homme de ma vie de Clarisse Mérigeot et le dernier volume de l'Anthologie sonore de l'avant-garde en Belgique 1917-1918.

     

    Voir le site du Magazine des Livres

    Voir les collaborateurs du Magazine des Livres

    LE MAGAZINE DES LIVRES n°13, décembre 2008-janvier 2009, actuellement dans les kiosques

     

  • L'UNDERGROUND EN FRANCE

     

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    Eric Deshayes a publié Au-delà du rock, la vague planante, électronique et expérimentale allemande des années soixante-dix (Editions Le Mot et le Reste). Il est l'oeil et l'oreille du site internet NéosphèresDominique Grimaud est le fondateur des groupes Camizole et Vidéo-Aventures. Il dirige également Les Zut-O-Pistes, une collection discographique dédiée à l'édition d'archives musicales. Ce sont deux fins connaisseurs des marges. Ils possèdent la lumière franche pour cheminer dans les sous-sols des années 1960-70.

    On y découvre évidemment une mine. Tout le déversement rabelaisien free qui ne doit rien à la pop Angle et US est ici pointilleusement relevé. Et l'on est fort content de lire des pages entières consacrées à Red Noise, Lard Free, Barricade, Dagon, Ame Son, Komintern, Crium Delirium, Etron Fou Leloublan ou encore Métal Urbain. On se sent soulevé d'aise (car nous étions les spectateurs de leurs débuts) à l'évocation de noms tels que Albert Marcoeur ou Catherine Ribeiro. Leur hommage rendu à Colette Magny ne peut qu'ensoleiller l'hiver. Et l'histoire de Jac Berrocal, de Pierre Bastien, de Jacques Thollot nous console des longs silences autour de ces hautes figures.

    Le livre est considérable et pour tout dire indispensable tant les traces sont maigres sur cette période de la vie musicale. Fort heureusement, nous pouvons consulter la collection complète d'Actuel, les livraisons du Parapluie et quelques numéros du Tréponème Bleu Pâle, du Citron Hallucinogène et autres fanzines versicolores des temps rebelles et lysergiques. C'est le privilège des conservateurs d'étoupilles.

    Il ne manque plus (quel beau livre cela ferait !) que L'UNDERGROUND POETIC EN FRANCE, un guide rétrospectif où l'on retrouverait contée l'histoire du Quetton, de Starscrewer, du Manifeste Electrique, des éditions du Soleil Noir, toutes ces pages désintégrées publiées à contre-courant du spectacle intégré.

    Léon Cobra a saisi l'urgence sur son site en psychérama. Un visite s'impose.

    En attendant ce qui serait un déluge, prenez cette leçon de mémoire !

    L'UNDERGROUND MUSICAL EN FRANCE

    Editions Le Mot et le Reste

    325 pages, 23 euros

  • THEO LESOUALC'H EST ❘ THEO LESOUALC'H N'EST PLUS

     

     

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    La continuité beat, l'esprit de mai, on peut voir le lasso et sentir le souffle dans des revues telles que Mai Hors Saison ou Bunker. Collectifs de vies vraies, de rêves exacts jamais altérés par l'élan de la machine et son progrès cumulatif.

    Ailleurs se trouvent Guy Benoit, José Galdo, Daniel Giraud, Frédéric Parcheminier.

    Ailleurs étaient André Laude, Dominique Labarrière.

    Ailleurs est Théo Lesoualc'h qui n'est plus.

    Théo Lesoualc'h est poète au vaste sens du mot. Il vit ainsi et meurt en laissant derrière lui une dépêche de papier résumant son parcours. Après avoir lu la dépêche de l'ABP, merci de laisser vos commentaires.

    Recomposons ensemble la trajectoire des livres. Dessinons, autant que possible, la bibliographie de Théo.

    BIBLIOGRAPHIE (A COMPLETER) DE THEO LESOUALC'H

    La peinture japonaise, Histoire générale de la peinture n° 25, Rencontre, 1967

    Erotique du Japon, Bibliothèque Internationale d'érotologie n° 19, Jean-Jacques Pauvert, 1968

    La vie vite, Denoël/Les Lettres Nouvelles, 1971

    Klin, Feuillets mobiles avec Viswanadhan, 1971

    Phosphènes, Denoël, 1972

    Marayat, Denoël, 1973

    Oui Poisson Lune, Christian Bourgois, 1976

    Les rizières du théâtre japonais, Denoël, 1978

    Erotique du Japon, Henri Veyrier, 1978

    Fleurs et Chants de la volupté (avec Edmond de Goncourt), Famot, 1981

    Premier geste d'avant l'aube, Mai Hors Saison, 1982

    Anata daré ? Retour au Japon dix ans après, Maurice Nadeau, 1982

    L'homme clandestin, L'Instant, 1988

    La porte de papier, EST/Samuel Tastet éditeur, 1988

    Visage dévisage, une gravure originale en tondo, Nitabah, 2001

     

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    Au sujet de La vie vite :

    LE MASQUE ET LA PLUME, Emission du 16 janvier 1972

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    Théo Lesoualc'h

    UN TEMOIGNAGE DE JOSE CHAPALAIN/MERCREDI 10 DECEMBRE

     

    Bonjour
    J'ai appris par un de ses éditeurs, Michel Nitabah, la mort de Théo alors que j'entreprenais des recherches sur ce qu'il était devenu et pour reconstituer son histoire. Théo était un cousin proche que j'ai connu avant qu'il ne quitte la Bretagne.
    Son père, Joseph, était mon parrain marié à une demi-soeur de mon  père et un ami proche de mes parents qui était présent à mon  mariage. Théo était sur la photo de mariage de mes parents et je dois avoir quelques photos de lui dans mes albums que je vais  rassembler.
    J'ai également commencé à reconstituer sa bibliographie et son histoire que j'ajouterai sur mon site perso dédié à  ma généalogie où figure Théo, et à l'histoire de Douarnenez.
    Je ne sais pas s'il s'était marié et s'il avait eu des enfants. Cela me ferait très plaisir d'entrer en contact avec quelqu'un qui l'a récemment rencontré.
    Pas réussi à voir la fin de l'article où Théo parle de son père Joseph (mon parrain était maréchal logis chef dans la gendarmerie) qui était sévère. Je suis un peu intrigué. C'est sans  doute pour cela qu'il n'est jamais revenu à Douarnenez. Peut- être son père n'avait pas bien admis sa carrière et destinée d'artiste ? Pas forcément facile à cette époque pour un maréchal logis chef dans la gendarmerie.
    Cordialement,
    José Chapalain
    _________________
    SAMEDI 14 DECEMBRE

    Bonjour

    J'ai eu au téléphone Michèle Benoit qui avec Guy Benoit ont publié dans leur revue Mai Hors Saison n° 15, sans doute le dernier témoignage de Théo qu'ils ont bien connu et apprécié.
    Un petit rectificatif à mon mail précédent : Michèle Benoit m'a indiqué que Théo était resté en contact avec sa famille de Douarnenez et était revenu en Bretagne pour le décès de son père Joseph (le 21/01/1981) et celui de sa soeur Françoise (le 13/06/2004).
    Je reprendrai contact comme convenu avec Michèle Benoit quand j'aurai lu les 13 livres de Théo que je viens d'acheter sur internet ainsi que la revue Mai Hors Saison" n° 15.
    Quand j'aurai réalisé sur mon site une rubrique sur Théo pour rendre hommage à un cousin perdu de vue et retrouvé trop tard pour apprendre sa mort je vous en indiquerais le lien. José Chapalain

    agencebretagnepresse.com

     


    Disparition de Théo Lesoualc'h

    Douarnenez 5/12/08 22:17 par ABP

     

    On vient d'apprendre la mort, il y a une semaine, de Théo Lesoualc'h qui, selon sa volonté, a été incinéré dans le Gard mercredi dernier.

    Né à Paris, dans le XIIIe arrondissement, le 11 mai 1930, il était né de parents bretons (Lezoualc'h), tous deux originaires de Douarnenez et il était revenu chaque été en vacances à Douarnenez au cours de sa jeunesse. Du fait de la guerre, il y avait aussi passé la plus grande partie de l'année 1940.

    Théo Lesoualc'h avait arrêté ses études un niveau du BEPC et avait ensuite poursuivi un apprentissage dans le domaine du staff, puis suivi des cours de sculpture. Il avait fait son service militaire en Algérie, puis était parti, sac à dos, à la découverte de l'Italie qu'il avait parcourue du sud au nord. Il était ensuite revenu à Paris pour suivre des cours de mime, un art qui allait lui permettre de parcourir de nombreux pays du monde en établissant partout des relations avec le monde de la scène et du théâtre de rue.

    En 1955, il allait partir ainsi en voyage, donnant des cours de mime et montant une pièce de sa composition avec des acteurs marocains. Parti ensuite en auto-stop vers l'Asie, il allait pendant cinq ans parcourir la Grèce, la Turquie, l'Iran, l'Inde, Ceylan, la Thaïlande, le Cambodge et Hong-Kong, jouant son mime et enseignant dans diverses écoles de théâtre. Il allait ensuite séjourner pendant cinq ans au Japon, y donnant encore des cours de mime et participant à des expériences de théâtre avec des acteurs japonais. Passionné de photographie, il avait aussi étudié l'histoire du théâtre japonais et ses origines...

    En 1967, il avait publié un livre sur "La peinture japonaise" et, en 1968, un autre intitulé "Érotique du Japon" qui devait être réédité en 1978 et en 1987. En 1969, Théo Lesoualc'h était venu jeter l'ancre dans les Cévennes. Il habitait au Mas Brûlé, à la Font de Rouve, près de Rousson, non loin d'Alès, dans le Gard.

    Théo Lesoualc'h, Breton grand voyageur, était aussi essayiste, poète et romancier et il a laissé une œuvre originale, riche et variée.

  • GUY DAROL REPOND A BIENVENU MERINO

    Au moment où paraît son dernier livre

    FRANK ZAPPA/ONE SIZE FITS ALL COSMOGONIE DU SOFA

    aux Éditions Le Mot et le Reste

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    Guy Darol, enfance à Paris et en Bretagne.

    Dès ses six ans, passionné de lecture, comment en arrive-t-il à l’écriture ?

    Ses livres, dont son récit Héros de papier (Le Castor Astral éditeur), ses premières années vécues rue du Pressoir dans le 20earrondissement de Paris puis, rue des Minimes, à deux pas de la place des Vosges, enfin en banlieue, à Vincennes, sur les traces d'André Hardellet (d’où résultera son magnifique essai André Hardellet, Une halte dans la durée, Le Castor Astral éditeur).

    Le retour en Bretagne, près de Morlaix.

    BM : Bonjour Guy, comment va l’Indien d’Armorique ? Je suis content de savoir que tu te sentes « Indien ». Te reste-t-il, toi qui est très parigo, un peu d’accent de cette langue bretonne qui doit t’être très chère et qui est celle de ta mère qui monta à Paris avant de retourner au pays. Elle conserve toujours cette couleur chantonnée du terroir, je crois. Parles-tu breton?

    GD : L'indien d'Armorique affûte ses flèches. Il voit le ciel bleu, la mer calme. Du soleil d'octobre chaud caresse son front tanné. Mais son cœur entend le verdict des cœurs. Il sait qu'il est urgent d'amplifier le combat. Ami, je ne parle pas le breton, du moins celui que l'université enseigne, surnommé KLT, une combinaison des mille langues qui bruissaient autrefois. Mes parents, natifs du Cambout (Côtes-du-Nord) et de Ménéac (Morbihan) parlaient quelque chose que d'un commun accord, sans barguigner ni se mordre les lèvres, on appelait le patois. Ils patoisaient comme je déballe le jars. Joseph et Agnès patoisaient un parler mélangeant roman, breton et mots orfèvrés par l'instinct poète qui est aussi celui de la survie. Ils découvrirent, avec un étonnement que je partageai avec eux, qu'ils parlaient le gallo. Sans le savoir, ils maniaient un patois qu'à présent l'Université ratifie. Ce gallo (qui de fait est une langue de coursier ; mon grand-père Jean-Baptiste posséda plusieurs juments ; l'une se nommait Voltige) me manque. Et ce que j'en lis, ce que j'en entends est bien éloigné des métaphores filées par Génie, Mathurin, Augustine, Béderi, Victor, Léontine ou Constance. Ceux et celles de mon village, un village aujourd'hui asséché et qui, il y a 35 ans, ruisselait de mille accents, joies, coquecigrues plus ou moins aigues. Car chaque jour était une fête autour de l'abreuvoir, de la bolée, du feu de cheminée. Joseph, mon père et maître regretté, a replié ses gaules, il y a trois ans, emportant avec lui une bonne humeur (inégalée), des chemins secrets dans la broussaille, des images et des formules que j'entretiens (pieusement) comme le bon feu qui un jour s'éteindra. Si le soir fait chanter les rainettes (mais les nitrates, les phosphates, l'agriculture et ses poudres à canon les ont presque toutes dégommées) alors je me souviens de Baptiste, sur le seuil de sa carrée, revissant sa viscope et portant sur l'horizon ce jugement dernier : « Les ernettes chantent é saille i va faire bao demain. » Signe qu'après la nuit, le beau temps régnerait. Quant à ma mère, pauvre petite mère qui vécut son enfance à l'abri des talus, dans le nid des fossés, dehors était sa chambre, à la cloche des champs, ma petite mère n'a plus d'accent. Car étouffé par les mouchoirs du dégoût qu'elle appuya elle-même sur ses lèvres, sur son coeur, partout où transpiraient ses origines de va-nu-pieds. Ce qu'elle fut. Ce qu'elle n'est plus. Mais il lui reste la sauvagerie dont mes flèches sont amidonnées. Ma petite mère entame sa huitième décennie à Josselin.

    BM : Qu’évoque pour toi Hôtel-Dieu ?

    GD : L'Hôtel-Dieu est mon lieu insulaire de naissance, un berceau au milieu de l'eau, mes commencements de marin terrestre. Là je suis né et chaque fois que le piéton (mon père m'exerça à cette fonction en lui ajoutant le côté flâneur) m'en rapproche, mon coeur s'humidifie, mes yeux s'humectent. Je sens une odeur de muguet et le parfum de révolution. Cela eut lieu un premier mai. D'où le nez et l'esprit de rebiffe. Subversif un jour, subversif toujours.

    BM : La Bretagne, Paris, rue du Pressoir, retour au pays breton. Court itinéraire, mais vie bien remplie, n’est-ce pas, Guy ? Quels sont les souvenirs que tu conserves de cette rue du 20e arrondissement, presque légendaire aujourd’hui, où tu vécus cinq ans.  Ne plane-t-il pas, là, au-dessus de cet îlot, le képi du général De Gaulle et la maltraitance d’un gouvernement (De Gaulle, Pompidou, Malraux) à l’égard d’une classe travailleuse et laborieuse, bien que les habitants, installés aujourd’hui dans une rue du Pressoir nouvelle, ne semblent pas du tout s'en plaindre. Veux-tu nous en parler ?

    GD : Ami, ces années-là sont celles du bonheur. Rue du Pressoir, dans un étroit deux pièces privé de ce que nous nommons aujourd'hui le confort, je vécus sans savoir, sans même deviner, que le meilleur avait une fin. Là tout se déroulait à l'infini, sans obstacles, sans heurts. Ça roulait. Et j'étais loin d'imaginer que mes pieds reposaient sur un sol menacé par les machines à pelles et à boules de fonte. Un jour, ma main serrée dans  celle de mon père, je compris. Nos yeux assistaient à l'éboulement de nos fiestas : cendres, fumée retombant sur un tas de gravats. Je venais de constater ce qu'était la fin des rêves et il s'en suivit, logiquement, un malaise tantôt fait d'anxiété, tantôt fait de révolte. Rue du Pressoir est un film qui se déroule chaque jour dans ma tête. Le film d'un immeuble gris, écaillé, au tournant d'une rue au pavé luisant.

    BM : Tu dis : « Je viens du peuple combattu, humilié, mais ne conçois aucune solution dans le sang. » Guy, parfois nous n’avons pas le choix, disons-le clairement, il faut faire ce choix, prendre les armes, malheureusement, si l’ennemi est là, à notre porte, si l’agresseur occupe notre territoire. Non, qu’en penses-tu ? Pendant la dernière grande guerre, hommes et femmes ont pris les armes et s’en sont servis. Il fallait mettre hors de France nos agresseurs ! Tu peux nous parler de tes réflexions à ce propos ?

    GD : J'admets qu'il faille aller au feu sous la menace – et sans doute devons-nous la vie à ceux qui ont donné la leur – mais je ne peux acquiescer au credo qui voudrait que l'émancipation résulterait d'un combat armé. Je ne crois pas en ces meilleurs jours que promettent les révolutions. Cette tentation au contraire m'inspire le dégoût. Elle est la faiblesse des idéalistes. J'appartiens quant à moi à l'espèce des rêveurs. J'ai foi, même si le temps semble long, dans le dialogue des contraires. Je crois en la dialectique qui annule les conflits. Pacifiste obstinément, tout en moi rejette l'idée d'une salvation par le sang. Toute guerre est un drame. Toute destruction est atteinte à mon amour de la vie.

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    BM : Guy, dans l'un de  tes livres bouleversants, Héros de papier, tu dis : « Je fus élevé dans une tanière de luxe, empêché de voir au dehors, obligé de contempler dedans. » La liberté te manquait-elle ? Des privations t’étaient-elles imposées et étaient-elles vécues comme un enfermement qui te mettaient en position de séquestré ou d’animal traqué, interdit.  Tu écris : « Mon esprit passait les murailles ». Te sentais-tu prisonnier ? Et prisonnier de qui ? de quoi ?

    GD. : Unique enfant né de parents venus à Paris pour échapper à la vie dure, je fus entouré de tant de soins que la liberté me manqua. Placé en pension chez les soeurs des écoles chrétiennes à l'âge de quatre ans, je connus la haute solitude des murs que l'on ne peut franchir. Lorsque Joseph et Agnès, mes parents, purent enfin me garder près d'eux, d'abord rue du Pressoir, ensuite rue des Minimes, je n'avais ni le droit de sortir ni celui d'accueillir mes camarades de jeu. Sauf à sentir ma main tenue par des adultes craintifs. On redoutait que la rue me soit un danger. Je fus ainsi enfermé dans de petits appartements qu'aéraient la lecture, la musique et la conversation de mes parents ou des membres de la famille. Il me fallut souvent ruser et même fuguer pour aller vers le dehors et découvrir que le danger ne s'y trouvait pas. La plupart de mes livres racontent cet influx de vie et les circonstances qui me permirent d'échapper à l'emprise de parents qui n'étaient pas calculateurs de tyrannie. Je ressens souvent cette mise à l'écart forcée comme un manque, une carence, puisque mes dix-neuf premières années, à quelques exceptions près, se résument à l'environnement familier. Je constate chez moi une variété d'émotions qui ne doit rien à la diversité des événements. L'école était pour moi le lieu où l'on respire. J'eus des maîtres talentueux et des compagnons de classe vertueux. Ils m'ouvraient la porte du monde.

    BM : Si tu avais pu quitter ce terroir breton et partir loin, dans des  contrées où tu aurais ignoré la langue, la géographie, le paysage, peut-être alors l’aventure t’aurait donné la clé, pour échapper aux griffes qui te retenaient, non ?  Probablement que la compagnie des livres t’a aidé à créer ton propre univers mais peut-être te sentirais-tu plus libre. Tu écris : « On m’a donné le livre pour m’occuper l’esprit. Combattre l’ennui, tuer le temps (...) échapper à la solitude désœuvrée que je peuple d’apparitions ».

    GD. : Des échappées s'ouvraient à moi lorsqu'aux vacances nous revenions en Bretagne. Car alors l'étreinte se relâchait et je pouvais m'imprégner d'images, de sensations. Ma solitude s'en peuplait à délices. Adolescent, mais au prétexte de meilleures performances scolaires, je fus autorisé à franchir les frontières. J'étais envoyé en Angleterre puis en Allemagne. Là, je connus d'autres émois et cette liberté dense qui forge une personnalité. Le goût de la lecture, plus tard l'amour de la littérature, ont toujours volé à mon secours lorsque le manque se faisait trop cruel. Un tel équipement vous permet, sinon de franchir les obstacles, du moins de tenir tête à la détresse. J'eus cette chance : que de bons livres viennent à ma rencontre, qu'ils épaulent ma solitude, qu'ils prennent en main l'enfant désemparé. Mes grands amis se trouvent sur les rayons des bibliothèques. Ils se nomment Charles Dickens, Jean-Jacques Rousseau, Léon-Paul Fargue, Jorge-Luis Borges. Une foule qu'il serait fastidieux d'énumérer. Un écrivain se tient toujours à mes côtés selon le lieu où vont mes pas. Il est certain que je serais autre, ou différemment complété, si j'avais envisagé de partir. Mais je n'y ai jamais songé. Le livre est plus vaste que le monde. Le livre est ma demeure, une demeure au milieu des arbres.

    BM : Guy, quel genre d’enfant, étais-tu ? Si je comprends bien, tu n’étais pas hors-la-loi, ni intrépide, tête brûlée, casse cou, mais, tu l'écris : « Voleur à l’escapade, peut-être, et très habile ». « Jamais une effraction, pas une branche brisée. J’allais à pas de loup, par sentes et buissons ». A te lire, tu étais un gosse bon, gentil, cependant, prudemment, ne faisais-tu pas les coups en douce ? Devenu adulte, et aidé de l’écriture, prends-tu une revanche avec les mots ? Devant la page blanche, tu t’exécutes, tu exécutes librement, avec des mots, carnavalesques ou francs, très francs, comme si tu foutais une patate en pleine gueule à un mec qui t’emmerde. En fait, t’étais un môme bien, et c’est par la lecture et l’écriture que tu t’en sors ! Tu peux donner des coups sans faire trop mal. Tout compte fait, le petit Guy Darol était un enfant sage. Tu étais moins enclin à la bricole explosive, comme l’était l'un de tes potes, toi, tu « mijotais lentement, imbibé de phrases onctueuses, doucement mariné de vocables...» Tu es passé par des envies de nuire, de révolutions, mais jamais d’armes à la main, sauf en plastique. Tu dis bien cela ? Un poète calme mais cependant en ébullition ?

    GD : Joyeux, cher Bienvenu. L'enfant était joyeux, une joie sans rides. En dépit du mauvais temps que le capitalisme en crise (ce qui est le propre du capitalisme) offre à notre décor. Calme par la force des choses, agité au fond, voire agitateur. Ce qui me valut, en 1968, pour avoir professé l'oisiveté, une certaine turbulence (jamais la mise à sac de mon quartier), de connaître l'âpreté d'un conseil de discipline qui décida de mon renvoi du lycée Charlemagne. J'évoquai tout à l'heure mes fugues. Elles étaient nocturnes. Et mon père découvrit alors que son fils savait passer à travers les murs. Une technique souvent employée pour aller humer l'air des rues parisiennes. Je fus une fois pincé, rue Soufflot, et je sus ce qu'était la maison Poulaga et ses volières grillagées. Joseph vint m'en sortir et je crus qu'il me ferait connaître le cuir de ses mains paysannes. Après avoir mené la charrue et les chevaux de la ferme, il fut forgeron puis marin dans la Marchande. L'homme était robuste et leste de ses bras musclés. Je connais le sens exact du mot torlogne. Cette fois, éberlué par l'audace qu'il ne soupçonnait pas, il fut incroyablement paisible. Ce qui m'invita à renouer avec l'aventure. Anguille, agile, il est peu facile de me maintenir longtemps en état d'apnée. Je m'échappe à la manière de ces Hercules de foire qui faisaient autrefois démonstration de leur don, place de la Bastille. J'admirais le spectacle de leurs évasions. Plusieurs fois enchaînés, harnachés de cadenas inviolables, ils parvenaient toujours à retrouver la liberté. Ainsi je vécus, innocent enfant mis aux fers, habile à esquiver toute tentative de me tenir en laisse, soumis et silencieux. Ami, nos chemins se sont croisés car nous possédons l'art de la fugue. Qui pourrait nous soustraire au désir de grand air ?

    BM : Guy, tu as connu, par le plus grand des hasards, dis-tu, les poètes du feu, ceux que la société méprise et que l’école de l’ignorance ne peut évidemment connaître. Quel est ce hasard ? Et que t'ont apporté ces poètes ? En fait, te sentais-tu proche d'eux, de leur rébellion ? Je pense cela à force de t'entendr e dire, enfant : « Si tu ne veux pas apprendre tu garderas les vaches » ou alors certains mômes et  professeurs, au lycée : «  D’où tu viens il te faudra faire tes preuves. » Tu as dû te battre contre cet acharnement, n’est-ce pas ?

    GD : La poésie est le seul guide mais j'ajouterais la philosophie, celle d'un certain Diogène ou du grand Nietzsche. Il me faut ici honorer les noms de Serge Koster et de Roland Brunet, deux Maîtres du service public, qui m'enseignèrent l'exercice de la pensée au temps que j'étais l'élève du lycée Voltaire. D'autres suivirent mais ces deux sémaphores chançardement placés sur mon chemin adolescent, ont été déterminants. Ils me firent découvrir Antonin Artaud, Georges Bataille, Karl Marx, Proudhon et Max Stirner. Inimaginable de nos jours ! Ces lueurs de la pensée en liberté éclairèrent ma jeunesse. Elles me furent données au début des années 1970. Si l'on observe la déliquescence programmée de l'enseignement des Lettres et de la Philosophie, il est utile de souligner que les potaches actuels, et ceux qui les suivront, sont dépourvus de tout espoir quant à la possibilité de penser par soi-même. Pour être complet, il me faut rendre hommage à mon père sévère, mon Joseph (décédé en 2004 et je ne m'en remets pas), attentif à mes professeurs, les vénérant sans l'ombre d'un cillement, et qui fit de moi, d'une façon discutable sur le fond, un lecteur et un lecteur intense. Il ne possédait pas le certificat d'études (se souvient-on de ce brevet indispensable au début des années 1940 ?) mais il avait deviné que les livres étaient un passeport. Je ne connus Noël, fêtes et anniversaires, qu'habillés de cadeaux qui étaient le Livre. Dès que j'eus 14 ans, je lui soumettais chaque semaine une liste d'ouvrages qu'il honorait sans rechigner. Je dois beaucoup à ces professeurs et à ce père qui m'initièrent à la lecture articulée sur le réel. Très tôt, je lus Antonin Artaud, Benjamin Péret et les auteurs publiés par Jean-Jacques Pauvert et Eric Losfeld. J'eus la chance d'avoir pour ami, au lycée Charlemagne, Romain Sarnel, l'un des meilleurs exégètes actuels de Nietzsche, qui m'incita à lire Baudelaire et Rimbaud. Le hasard a toujours posé sur mon épaule une main amie. Je ne l'avais pas cherché. Il se présenta, comme un luxe, à mes soifs qui restent encore à étancher.

    BM : A propos d’un de nos grands poètes, tu écris : « Je pense à Antonin Artaud, pour qui la réalité, souillée de mensonges, n’était qu’une abomination. Il déployait le Merveilleux contre les forces d’envoûtements et lançait des dés de magie. Etendre l’être à une dimension cosmique, s’élargir, exige une énergie constante. C’est une bataille continue. Faut-il se satisfaire des limites tracées du corps dans lequel on jette un voile en damier ? Car aujourd’hui l’homme s’insurge, ce n’est pas qu’il réclame plus d’être, mais l’amélioration de son confort dans une réalité d’images. Et non pour celles qu’il se fabrique, analogies, correspondances, enjambées dans l’imaginaire, mais le catalogue des clichés où il est invité sans cesse à se fournir, à se doper, pour s’élever au-dessus de la boue ». Artaud a souffert, lui qui a traversé les flammes et le feu, mais Guy, actuellement, nous sommes dans une situation critique, tout bouge, ça tangue, l’économie mondiale chute, les « petits », je parle des classes défavorisées souffrent. On veut fermer la gueule aux poètes, aux  écrivains. On vire des gens bien qui se trouvaient, il y a peu, à certains poste clés de la culture. Es-tu inquiet, toi, journaliste et écrivain ?  Je viens de lire, en première page d’un hebdomadaire, Siné Hebdo, ce titre signé Jules Lafargue. Je cite : « Qu’on les pende par les couilles en or ! » Il va plus loin : « Fusiller les riches de but en blanc serait de la folie : Il faut d’abord les mettre en prison et les affamer jusqu’à ce qu’ils aient fait revenir de l’étranger l’argent qu’ils ont caché(…) C’est seulement quand ils n’auront plus rien que nous les fusillerons ». Réponse de journaliste en colère ? Un éclat de mots dans la presse, à la gueule d’une certaine société ? Qu'en dis-tu ?

    GD : Fidèle à Antonin Artaud, j'expédie au néant ceux dont les mots ne sont pas un brise-lames. Fidèle à Antonin Artaud (comme je le suis à Stanislas Rodanski, Jean-Pierre Duprey, Jean-Daniel Fabre, André Laude), je biffe d'un grand trait houilleux toute écriture qui ne jaillit pas des abîmes. Je pourrais ainsi citer d'autres figures qui nous seraient des vigies essentielles, mais le temps agit contre les voyants. Le temps accélère une descente vers des gouffres sans fond ni nerfs. Antonin Artaud fut l'écho de mes vertiges nullement esthétiques. Je ne viens pas de la jeunesse dorée ni d'une histoire acquise à la victoire. J'appartiens au peuple des petits et des faibles. Je suis un petit et un faible et n'ai jamais cherché à rejoindre le courant ascendant. L'ascension, selon moi, est de croître à l'intérieur de notre propre histoire, d'assumer les pentes et d'en revendiquer les splendeurs. Je viens des serfs et des artisans de la Commune. Je suis voisin des anarchistes espagnols et me revendique libertaire. Libertaire et pacifiste. Furieusement libertaire et bravement pacifiste. Ceci dans une époque trouble qui porte en elle les germinations d'un retour au fascisme. Notre époque est fasciste et je ne manque jamais une occasion de le souligner. Peut-être est-il déjà trop tard ? L'école laïque, publique et obligatoire vacille sur ses assises républicaines. L'enseignement de la philosophie est réduit à une silhouette. Les maîtres des écoles primaires (j'insiste sur la formule) sont soumis à l'obligation d'indiquer certains auteurs, suivant une liste définie. L'exercice de la pensée, qui ne peut agir sans une connaissance exacte de notre histoire mondiale, est menacé. Le capitalisme s'effondre, entraînant dans sa déconfiture (prévisible de longue date) un système voué à l'échec, car inégalitaire. Toutes ces indications, désormais parfaitement lisibles, augurent d'une catastrophe qui nous reconduit aux temps féodaux. Nous marchons à l'envers et il y aura des morts. Je le dis en toute conscience. Le baromètre ambiant ne démentira pas. Le citoyen lambda que je suis est avisé et il avise au sein des structures qui lui sont fournies. Je passe le message là où il m'est (encore !) permis de le passer. Sur le front des luttes je me tiens, là où le combat est possible. Quant à l'écrivain : indignation totale. Que me viennent les noms de Benjamin Péret, d'André Laude ou de Guy Debord (d'autres me sont présents mais trop obscurs à nos lecteurs car ils appartiennent à mon rang) et la colère me montent aux joues. Qu'est-ce que la littérature aujourd'hui ? Serait-ce un bizness ? Rien ne me fait signe qu'il en soit autrement. Une réverbération des tares de notre temps : individualisme, égo, carrière perso. Rien qui ne colle aux étriers de mon enfance. La littérature était alors un combat, une mise en péril des puissants et des convenances. J'y suis venu avec le souci d'alerter. Ne possède pas la surface pour donner de l'ampleur à ma révolte. Jamais ne la posséderait. Je fais partie des zigues à plume et à clavier sans surface publique. Hormis la parole que tu me donnes, occasion de saisir le taureau par les cornes, nul ne se soucie de ce que j'en pense. Faible intérêt pour les insurgés du verbe. Tel est le temps, notre temps. Une époque sans souvenir. J'osais dire, avant hier, que le meilleur est à venir mais un bémol s'impose. Peu enclin à la prise d'armes, je souhaiterais lire et entendre plus de colères. Et c'est ainsi que je lis Siné Hebdo et Le Nouvel Attila avec une ferveur impossible à dissimuler.

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    A l'occasion de la publication de Frank Zappa/One Size Fits All/Cosmogonie du Sofa (Le Mot et le Reste, septembre 2008), Guy Darol rencontrera ses lecteurs à la Librairie Dialogues de Brest, le vendredi 31 octobre à 18h.

    LIBRAIRIE DIALOGUES

    Forum Roull

    Rue de Siam

    Brest 29

    GUY DAROL A LA LIBRAIRIE DIALOGUES

    www.librairiedialogues.fr

     

     

     

     

  • GUY DAROL REPOND A BIENVENU MERINO ❘ DERNIER CHAPITRE

     

    1975. Guy Darol crée la revue Dérive

    La revue et son collectif

    Pour une écriture de l’arrogance

    L’intelligentsia

    Danton a dit

    5 questions/ 5 réponses

     

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    B. M : Guy, dans les années 1975, à 22 ans, tu crées la revue Dérive, ayant pour contributeurs, entre autres, Christian Gattinoni, Gérard de Cortanze, Christian Prigent, Jean Baudrillard, Abdellatif Laâbi, Jean-Noël Vuarnet, Edmond Jabès, et j’en passe. Beaucoup de lecteurs passionnés, je pense, devaient s’armer de patience pour déchiffrer le langage utilisé dans ta revue, non ?

    G.D : Dérive est une publication qui s'inscrit dans l'espace d'une réflexion sur l'écriture dont les protagonistes se nomment Pierre Guyotat et Jean-Pierre Faye, Denis Roche et Geneviève Clancy. Au sein du collectif qui anime cette revue, une pensée s'agite qui est de transformer le langage pour changer la vie. Certains d'entre nous sont convaincus d'un effet réel des retournements du langage sur l'immobilité ambiante. Nous pensons donc que les formes, et cela dans l'accompagnement du Mouvement du change des formes (avec Jean-Pierre Faye, Jean-Claude Montel, Didier Pemerle, Philippe Boyer ...) sont un enjeu de vie à la suite des tentatives de Danielle Collobert, Stanislas Rodanski, Jean-Pierre Duprey ou Bernard Réquichot. Syntaxe retournée, ponctuation au souffle modifié, lexique réinventé, concepts modelés dans l’acier des torpilles, tout est déviance, dérive, écart dans les marges de la norme. Dérive fait suite à Crispur, publication vendue à la criée au Quartier Latin dans les conditions du happening. Cher Bienvenu, nous parlons d’une époque où la littérature est un contre-pouvoir. Elle est l’alliée des petits et des faibles. La littérature nous est alors une arme et nous nous en servons avec un  savoir-faire boutefeu. Chacun d’entre nous a lu Antonin Artaud et Benjamin Péret. Et nous considérons leur exemple comme un chemin à suivre.

    B.M : Dans le numéro 4 qui a pour thème Violences/ Contradictions/ Interdit (e) à la page 82, dans un de tes textes intitulé POUR UNE ECRITURE DE L’ARROGANCE,  tu écris mp;nbsp;: « À l'endroit des braderies théoriques, le dernier cri de la marchandise universitaire est produite des régressions les plus stimulées par la mécanique du pouvoir. La théorie-fiction appelle la feinte, en imitant les gestes d'une perversion, elle instancie l'économie d'une violence, dans l'intérêt de toute fiction, laquelle n'est qu'une réalisation mentale d'une avancée. » Guy, ton écriture aujourd’hui est bien plus fluide, plus compréhensible, plus explicite, plus claire et romancée, le lecteur n’a pas à se torturer,  même si certains y prenaient du plaisir. Elle n’a plus trop à  voir avec  l’écriture de cette revue des années 75. C’est une sorte de « transmutation », n’est-ce pas ?

    G.D : Je t’accorde que j’ai huilé la mécanique et que mes ambitions théoriques se sont un peu relâchées. Les temps ne sont plus au collectif, à la communauté des idées soufflées par la littérature. La littérature ou ce que l’on nomme ainsi désigne un marché et non cet espace du risque dans lequel l’esprit, la force de l’esprit est un relais pour le lecteur. Le marché de la littérature qui s’apparente désormais au rock industriel, à l’industrie des images et du son ne peut en aucun cas permettre à qui que ce soit de se retrouver dans une modalité de respiration et de combat, dans un influx contre les puissants. La littérature en tant que marché est une scène où défilent successivement et parfois simultanément des personnages supposés vendre et se vendre sans que jamais ne soit prononcée une insulte aux caciques ni craché le moindre glaviot. Or la littérature au sens où nous l’entendions dans les années 1970 (et je n’ai point varié) se situait dessous, underground, se préservant toujours des récupérations possibles et des dangereux malentendus. Etre écrivain n’était pas précisément une carte de visite qui ouvre les portes des palais. Faire une revue était comme allumer un brasier. Nous voyons aujourd’hui l’espace qui nous sépare d’une époque où les noms de René Daumal et d’Antonin Artaud résonnaient comme des tambours annonçant la bataille.

    Mon écriture demeure toujours aussi inquiétante dans ses correspondances avec la mémoire, le temps, l’imaginaire, trois mots que l’on cherche aujourd’hui à pousser du côté de l’obsolescence. Car il est bien évident que se souvenir comme penser le temps à l’image d’une hélice n’est pas très en vogue. Tout étant désormais futurible, sagittal, dirigé comme la fusée vers des lendemains maigres. Surtout que l’on soit désencombré du passé, de notre histoire et si possible de l’Histoire et de sa grande H.

    Sans doute dois-je ajouter que le métier rentre et qu’à force d’écrire – bientôt quarante ans d’écriture –, il me devient plus facile de construire une phrase et de rendre limpide les états de ma pensée. Du moins je m’efforce, sans renier un penchant sapide pour les formes et les vocables retors aux codifications de l’époque.

    B.M: Avec le collectif Dérive vous avez fait un travail sur le langage que certains lecteurs appelaient l’écriture torture-méninges. Au sens large, le langage désigne tout système de communication vocal, graphique ou encore gestuel. Il constitue un thème de prédilection pour le philosophe qui s’interroge par exemple sur son rapport aux choses, ses conditions ou sa structure et l’ordre logique dans lequel il doit se déployer pour émettre des propositions valides. Bien que l’on attribue parfois abusivement un langage aux animaux, il faut, en toute rigueur, réserver cette faculté aux hommes ou tout au moins préciser sa spécificité. Traditionnellement, en effet, le langage est lié à la pensée comme le montre le double sens du mot logos, désignant à la fois la « raison » et le « discours ». Aristote opposait ainsi le terme phonè, c’est-à-dire la « voix » ou le « cri » qui permet de manifester plaisir et souffrance, au langage proprement humain dont l’usage détermine le caractère politique de notre espèce. Par lui, nous posons des valeurs et nous délibérons.

    Le langage comme faculté d’exprimer et de mettre en forme ses pensées se déploie à la fois dans le cadre de la langue et de la parole. La langue est l’ordre des signes propres à un groupe linguistique, (par exemple, la langue française ou anglaise), la parole est l’appropriation individuelle qui permet son évolution. C’est ce qui explique qu’une langue qui n’est plus parlée soit morte. Mais, tandis que la langue ne saurait être une histoire sans parole, la parole ne peut être une parole sans histoire, c'est-à-dire un discours sans système linguistique de références. Guy, toi qui as des origines bretonnes, cela doit te parler. Es-tu d’accord avec cette explication de texte ? Je pense qu’il est  possible d’aller encore plus loin (j’allais dire dans le travail que vous avez fait avec le collectif Dérive) dans la destruction de l’écriture classique, dans un chaos quasi complet de l’écriture, tout en la rendant tout de même lisible et à la fois cohérente et compréhensible ?

    G.D : J’adhère pleinement à ta démonstration. Nous détruisions la langue des élites. Il s’agit aujourd’hui d’user du langage commun afin de dénoncer ce qui n’est pas commun, à savoir l’imposture. Il est temps que la littérature revienne, et sans doute empruntera-t-elle de nouvelles formes, afin de mettre fin à l’illusion du marché, cet opium concurrentiel du religieux. Je pense vraiment qu’une rupture aura lieu, au devant de laquelle des écrivains sans notoriété articuleront les mots de l’harmonie retrouvée. Ainsi s’effondrera, après des décennies de nuées et de tours de passe-passe sans portée mirobolifique, le spectacle dérisoire du mensonge, le flux tendu du commerce des images. Celui qui parle tient la littérature pour un outil de connaissance, une voie énergisante, un courant contraire à l’uniformité qui est la couleur actuelle. Quelque chose entre gris muraille et noir cauchemar.

    B.M : Guy, en fait, tu es très intello ? Ce n’est pas un reproche. Tu ne viens pas des bas-fonds de la culture, des rase-mottes de l’intelligentsia. Tu t’es hissé haut, en crapahutant bien sûr, mais tu domines la vallée des paumés, des pauvres sans culture et aussi de certains riches de la classe bourgeoise, avec une culture au raz des pâquerettes, surtout ceux qui n’ont rien et naissent proches, si je puis dire, du berceau-cercueil qui va les emporter sans aucun espoir de survie, au-delà de la vie, dans la mort, sans avoir pu approcher la culture, je dirais au mieux, la connaissance, et cela malgré leur intelligence, non ?

    G.D : Intello n'est donc plus une insulte. Et assurément je le suis, ayant foi dans les idées et défendant la littérature comme outil de connaissance. Cela ne va pas chez moi sans la tentation du rêve, la pente flâneuse, le goût des analogies et le recours à l'intuition, tout ce qui consent à l'épanchement du songe dans la vie réelle. J'appartiens au peuple des lecteurs qui cherchent l'enchantement et les lignes de fuite dans un monde à barrières. Et je conseille vivement de découvrir l'œuvre d'Edmond Jabès pour qui le Livre est une demeure habitable. Peut-être est il encore temps de se soustraire à trop de réalité dans un élan de vie qui redonnerait au verbe poétique, à la puissance des images, la force nécessaire dont nous privent aujourd'hui les partisans du réalisme inflexible. Une autre lucidité doit à présent jaillir sans commune mesure avec la démesure des enjeux d'argent. Un autre regard doit être porté sur la vérité de nos trajectoires humaines. L'homme est plus grand qu'une cathédrale, disait à peu près Joseph Delteil. Les rationalismes de toutes sortes, et d'abord économiques, sont de nouveau à dépasser. Sans quoi la merveille y perdra et nous n'aurons plus du monde qu'une vision anguleuse, faite de perspectives sans beaux lendemains. Seule la littérature est susceptible de travailler, dans sa propre matière qui est l'imaginaire, à la réévaluation du monde. Le monde est le prolongement de l'être imaginant et nous aurions tort de suivre les rêveurs actuels qui ne représentent qu'une seule réalité, la réalité des flux monétaires et du Monopoly. La culture est en danger mais c'est parce que la culture est dangereuse. Elle peut tourner les faibles contre les forts. Elle est l'énergie qui pourrait démonter tous les diagnostics et principalement la farce économique de toute pièce inventée par les intellectuels de la finance. Dans une époque qui émet la possibilité de limiter les actes de commémoration, il est urgent, plus que jamais, de réhabiliter la mémoire, de stimuler le souvenir afin que l'on constate, jour après jour, que les luttes sociales,  menées par nos pères et grand-pères, mères et grand-mères étaient des gestes pour l'avenir. Nul futur sans mémoire. Chaque jour que fait l'actuelle gouvernance est un pas en arrière qui efface les combats de sueur et de sang. Chaque jour est un recul pour les gens à mémoire, ceux qui retiennent encore le bruit des batailles anciennes, le bruit des clameurs et des barricades, les joutes périlleuses contre l'oppresseur, contre les gouvernements à poigne et à rigueur, hostiles sans vergogne aux arguments de dignité. Revienne une littérature de fenêtres ouvertes sur un ciel meilleur. Revienne la foi dans le livre comme un support à des secousses, à des éveils. À moins que la nuit ne soit déjà tombée, je gage que l'imaginaire et ses prolongements dans la pensée auront raison du cauchemar. Car nous voyons se tordre l'espoir dans les convulsions du renoncement. Assez de mauvais rêves. Assez de mensonges.

    B.M : Danton a dit : « Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple. » Guy, beaucoup de vérité dans ce propos, n’est-ce pas ? Ça fait du bien d'entendre cette courte phrase d'un révolutionnaire. Aussi en parlant d'Agnès et Joseph, tes parents, tu écris : « Joseph m'arrogea de m'élever dans le culte du verbe acrobate et de l'arbre qui porte l'oiseau. Il m'étoffa d'un lexique champêtre, le modulant d'un peu d'argot et de langue gallèse. J'avais mon passeport en poche, fils d'Agnès et de Joseph, petit fils de Théo, mon grand père ». Quel bel hommage à tes parents, à ton grand-père!

    G.D : Toujours la célébration du verbe et du rêve, mots consanguins. Et cette évidence que nous résultons d'une lignée, d'un axe. Je me tiens dans le souvenir, et le souvenir cultivé, des sources. D'où je viens était la survie mais dans une espérance certaine. On riait dans la certitude que les nuages finiraient bien par s'écarter. Nous l'avons cru. Il est possible que la modeste condition de mes parents devienne enviable. Il n'est pas impossible que nos enfants aient à subir le joug des régressions. Ainsi se retrouveraient-ils dans la situation que ma mère a connu, celle de grande pauvreté. J'en appelle au souvenir du temps proche, à l'écoute des misères vaincues par la ténacité. Théo, mon grand-père, avait tiré les leçons en rejoignant, à Paris, le rang de ceux qui refusent les lois de l'oppression. Il tenait tête et ses paroles étaient aiguës. Il savait que son combat valait pour les générations à venir. Héros de papier rend hommage à la puissance des faibles, aux obscurs quêtant la lumière dans cet entrebâillement où les petits se rallient entre eux. Chaque jour qui passe est désormais un enjeu de vie avant que ne triomphe l'abdication, la soumission aux règles obscures du pragmatisme. Rêvons toujours aux possibles des joies, à l'harmonie des songes, pour que le monde soit comme le livre du bonheur. Car c'est assez de nous faire croire qu'il n'y a de fête que dans l'abrutissement, que dans la perte de conscience.

    L'Education et je veux corréler ce mot à ce que l'on nommait autrefois, très justement, l'Instruction publique ; l'Education pourrait bien devenir un dispositif régulé pour intégrer les rouages d'une économie désolidarisée des urgences sociales. Il se pourrait que l'Education ne consiste plus en un moyen pour l'élève d'accéder à la connaissance. La mise en place des EPEP (Etablissements Publics d'Enseignement Primaire), ces hyperécoles administrées par un conseil où les enseignants seront sous-représentés, préfigure la forme d'une école soumise à des impératifs strictement économiques. Les EPEP annoncent la fin de l'Ecole publique et laïque, telle qu'elle garantissait le dogme républicain : liberté, égalité, fraternité. Ces hyperécoles configurées par le souci d'efficacité et de rentabililité anticipent l'Ecole de demain, celle de la compétition et de son apprentissage. L'Education au sens où l'entend Danton est sans doute plus proche d'un dispositif destiné à affranchir l'élève de l'ignorance que l'Ecole que l'on nous prépare où l'élève sera assujetti aux règles du marché. L'Ecole qui se profile sera celle de l'ignorance, un système où il ne sera plus question pour l'élève d'apprendre à apprendre et de se découvrir autonome. Retour à un enseignement formaté et doctrinaire. Le rêve républicain d'un espace où l'enfant est l'égal de tous est un rêve mort. Nous voyons d'ores et déjà se dessiner les atteintes à la liberté grande. C'est bien l'économie qui décidera de la validité des programmes et non l'obsession de l'intelligence. Oui, je le crois vraiment, nous entrons dans une ère où l'ignorance domestiquée est l'alliée des puissants.

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    B.M : Guy, je t’ai donné un peu de travail pour ces deux entretiens. Merci  d’avoir répondu à mes questions avec autant de franchise, de vérité et d’émotion.

     

     

     

     

     

     

  • COSMOGONIE DU SOFA AUX STATES

    L'une des particularités du sofa est sa propulsion dans l'espace sans bornes. Mon livre voyage. En octobre, il s'est envolé vers Los Angeles. Quelques haltes en témoignent. Le voici dans le cimetière de Westwood, là où furent inhumés Janis Joplin, Marylin Monroe, Frank Zappa aussi. Il n'est faite aucune inscription du nom de Zappa sur le marbre. Cosmogonie du Sofa a survolé le cimetière et salué le souvenir de Zappa, du Strip et de Laurel Canyon.

     

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    Photos Martin Vaugoude